Étude comparative des câbles sous-laminaires
Tiges et plaques
Dans un système d’instrumentation de la colonne vertébrale, il est possible de diviser les parties de cet assemblage en éléments de liaison ou d’ancrage. Les tiges et les plaques font office de liants. Ces éléments de divers diamètres, épaisseurs et longueurs permettent de limiter les chargements sur une section lésée de la colonne et redistribuent ces forces sur les vertèbres adjacentes.
Vis, crochets et câbles
Utilisé comme ancrage, ce type d’élément peut être combiné avec d’autres et sert à maintenir en place les tiges ou les plaques. Les vis sont implantées dans les pédicules de la vertèbre jusqu’au corps vertébral lors d’instrumentations postérieures et directement dans le corps vertébral pour une instrumentation antérieure. Les crochets et les câbles s’ancrent sur les structures anatomiques postérieures externes de la vertèbre (lame, apophyses transverses, parties externes des pédicules) et peuvent substituer ou compléter les vis pédiculaires dans certains cas, selon le choix du chirurgien, notamment aux étages thoraciques présentant un diamètre de pédicule réduit. La technique de fixation par fils sous-laminaires pour l’instrumentation postérieure de la colonne vertébrale a été développée par Eduardo Luque en 1976 (Luque, 1982). Originalement, ce type de fixation consistait à enfiler une broche d’acier inoxydable sous la lame vertébrale et à l’utiliser pour appliquer une force de translation pour connecter progressivement les vertèbres d’une tige préformée avec une géométrie déterminée. En pratique, les câbles sous-laminaires sont des tresses de fils en alliage de titane qui peuvent être combinés le long de l’instrumentation aux autres systèmes de fixation comme les crochets et les vis pour réaliser une correction ou une stabilisation du rachis. Des études démontrent que ce type d’instrumentation hybride permet d’obtenir une bonne fixation postopératoire (Cheng et al., 2005). De plus, les câbles permettent une bonne immobilisation en présence d’os ostéoporotique et peuvent réduire les risques de complications aux segments adjacents puisqu’ils sont plus flexibles (Benzel, 2005; Hitchon et al., 2003). 21
Les câbles superélastiques
Des câbles superélastiques (SÉ) en alliage à mémoire de forme ont été développés au LAMSI de l’ÉTS. (Brailovski V, 2006) Ces câbles, qui sont faits d’un alliage à mémoire de forme NiTi approuvé par la Food and Drugs Administration (FDA) pour les applications médicales (Medtronic, 2006), ont d’abord été développés pour assurer la fermeture du sternum suite à une chirurgie à coeur ouvert (Baril et al., 2009) et ont ensuite été adaptés pour le maintien d’une prothèse de fixation du grand trochanter. (Petit, 2008) Ces câbles tressés, de forme tubulaire, présentent deux caractéristiques particulièrement appropriées pour des applications de fixation os-os ou os-implant.
Premièrement, leurs propriétés SÉ permettent de maintenir une force d’installation quasi constante (Figure 1-13, point a) malgré de légères variations des conditions de chargement pouvant se produire lors de l’installation, suite à l’application de forces externes (marche, respiration, etc.), ou suite au remodelage osseux. Advenant une augmentation importante des charges physiologiques (mouvement brusque, par exemple), ces câbles permettent de maintenir la fixation grâce à une deuxième pente élastique (Figure 1-13, point b). Enfin, advenant un relâchement des conditions de chargement, ces derniers permettent de maintenir une force de fixation non nulle, légèrement inférieure à celle de l’installation initiale (Figure 1-13, point c).
Deuxièmement, la forme tubulaire des câbles leur permet d’adopter une forme méplate, comme le présente la Figure 1-14, autour de l’os suite à leur installation, ce qui permet de répartir les efforts de fixation et de réduire les risques de couper l’os.
Des essais dynamiques sur les câbles, développés pour la fermeture du sternum, ont démontré que ces derniers permettent de maintenir une force 20% plus élevée que les fils d’acier inoxydable suite à une quinte de toux répétée. (Baril et al., 2009) L’hypothèse de base de cette recherche est donc que l’utilisation de câbles SÉ dans une fixation sous-laminaire permettra d’améliorer la chirurgie correctrice des déformations de la colonne vertébrale. Plus particulièrement, les câbles SÉ devraient permettre d’obtenir une stabilisation immédiate et durable comparable aux systèmes existants, de diminuer les risques de fracture osseuse durant la chirurgie et de réduire la perte de stabilité durant la période postopératoire, ce qui favorisera la fusion osseuse tout en réduisant les risques de complications.
REVUE DE LITTÉRATURE
Avec l’amélioration des connaissances en chirurgie de la colonne vertébrale, une quantité impressionnante d’implants vertébraux est apparue. Ainsi, certains auteurs et organismes normatifs ont tenté d’établir les grandes lignes pour l’évaluation de la biomécanique de la colonne et de l’instrumentation vertébrales. À partir de ces recommandations, différents modèles de banc d’essai ont été développés.
Évaluation des performances de l’instrumentation vertébrale
Avant d’être installé in vivo, un implant vertébral doit se soumettre à des essais de caractérisation mécanique qui sont développés par différents organismes de normalisation.
De plus, plusieurs auteurs se sont penchés sur l’expérimentation biomécanique in vitro de la colonne vertébrale. Certains d’entre eux ont tenté de faire certaines recommandations, baséessur leurs expériences antérieures et différents principes de la mécanique du rachis. Voici un bref aperçu des normes et des travaux ayant le plus influencé la conception du banc d’essai utilisé dans ce projet.
Norme ASTM F1717-09
Cette norme permet une évaluation objective de l’instrumentation et facilite la procédure d’approbation pour les décideurs du milieu de la santé. Au niveau des essais mécaniques sur les implants vertébraux, la FDA et Santé Canada utilisent, entre autres, cette norme de l’American Society for Testing and Material (ASTM). Ce standard couvre le matériel et les méthodes pour les essais dits statiques et de fatigue d’un assemblage d’instrumentation vertébrale dans le cas d’une vertébrectomie; un retrait de vertèbre. Cette norme permet d’évaluer les performances de l’implant dans les conditions les plus défavorables possibles, avec des chargements simplifiés, mais ne reproduit pas les charges physiologiques complexes de la colonne vertébrale. La Figure 2-1 présente le modèle de montage pour les essais. Le montage présente un assemblage simple de tiges et de vis introduites dans deux blocs de polyéthylène à très haute densité moléculaire (UHMWPE). Il est à noter que la norme laisse place à certaines alternatives telles que l’utilisation d’un embout sphérique aux extrémités ou encore d’un joint de cardan sur la portion supérieure. La norme établit les paramètres pour des essais statiques de compression, tension et torsion et d’essais dynamiques en compression.
Protocole hybride
Panjabi, 2007 s’est intéressé au problème de l’effet à long terme de l’instrumentation sur les segments adjacents à ces implants. Plusieurs études cliniques ont documenté les effets de la fusion rachidienne, qui entraîne de la concentration de contraintes et la perte de mouvement au niveau du segment fusionné. Pour pallier à ce problème, des dispositifs de non-fusion qui préservent le mouvement ont été conçus et ceux-ci élimineraient ou ralentiraient les possibles effets indésirables. Par conséquent, l’auteur soulève l’importance d’évaluer de manière appropriée ce type d’instrumentation et a développé un protocole dit hybride. Le principe sur lequel repose ce protocole est que le patient ayant subi une fusion tentera d’accomplir des mouvements de même amplitude que ceux qu’il effectuait préopératoire. Ainsi, le protocole débute par l’application d’un moment spécifique sur un segment intact et le ROM intact (ROMi) de celui-ci est noté. Par la suite, le segment est instrumenté et un déplacement identique à ROMi du spécimen intact lui est imposé. Le moment nécessaire pour obtenir ce même mouvement est mesuré et servira de point de comparaison entre les différentes instrumentations.
Banc d’essai
De ces grandes lignes, différents concepts de banc d’essai ont été proposés dans la littérature. Certains systèmes sont faits à partir de poulies et de câbles, d’autres utilisent des moteurs montés sur des roulements linéaires ou encore une combinaison de ces éléments. Des modèles plus récents utilisent des systèmes de bras parallèles ou des plateformes Stewart.
Poulies et câbles
Les montages permettant l’application d’un moment pur à l’aide de câbles et de poulies sont parmi ceux permettant d’effectuer de l’expérimentation in vitro pour peu d’investissements.
Le principe est simple; un anneau ou un disque est attaché à une extrémité d’un segment vertébral et des câbles fixés à deux points opposés sur ce cercle sont mis en tension dans des directions contraires. Ces deux forces entraînent un moment de flexion sur le spécimen. Les charges peuvent être appliquées à l’aide de poids libres (Lysack et al., 2000), voir la Figure 2-3, ou encore à l’aide de machines servohydrauliques uniaxiales, qui sont communes dans les laboratoires de biomécanique (Crawford et al., 1995). Les mouvements des vertèbres sont enregistrés par des systèmes de caméra 3D.
Le principal désavantage de ce type de montage est la nécessité d’assurer le parallélisme des câbles durant toute la durée de l’essai. Ce parallélisme assure le moment pur et évite les forces indésirables sur le spécimen. Toutefois, pour maintenir cette position spécifique des câbles, une intervention manuelle durant les essais est nécessaire. Pour limiter cette potentielle source d’erreur, Eguizabal et al., 2010, voir Figure 2-4, ont développé un montage avec un anneau « flottant » qui suit le mouvement des câbles.
Assemblages de moteurs et de roulements linéaires
Ce type de banc d’essai est généralement plus complexe que les modèles précédents. La difficulté de conception réside dans le fait que le montage est construit à partir de zéro. Un cadre rigide servant au support des différents éléments doit être construit. Les chargements en rotation autour des axes principaux sont créés par l’action des moteurs pas-à-pas installés de manière orthogonale et des roulements linéaires permettent des translations. Différents capteurs sont nécessaires pour connaître les forces appliquées et les amplitudes de mouvement. Différents auteurs ont construit des bancs d’essai de ce type. Ainsi, Wilke et al., 1994 ont construit un montage qui utilise trois moteurs pas-à-pas installés sur des réducteurs de vitesse selon un modèle de joint de cardan. Celui-ci peut aussi bouger le long de l’axe des z. (Figure 2-5) L’ensemble est installé sur un pont roulant à hauteur variable, ce qui permet de libérer les translations le long de l’axe des x et y. Ce banc d’essai permet l’ajout de simulation de forces musculaires contrôlées par un système pneumatique. L’application d’une pré-charge peut aussi être faite à l’aide de ce système, ainsi que la réduction du poids du joint de cardan.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 MISE EN CONTEXTE
1.1 Anatomie descriptive de la colonne vertébrale
1.1.1 La portion osseuse
1.1.2 Les tissus mous
1.2 Principes biomécaniques de la colonne vertébrale
1.3 Modèle animal
1.4 Pathologies du rachis
1.4.1 Déformation de la colonne vertébrale
1.4.2 Fractures
1.4.3 Qualité osseuse
1.5 Instrumentation de la colonne vertébrale
1.5.1 Tiges et plaques
1.5.2 Vis, crochets et câbles
1.6 Les câbles superélastiques
CHAPITRE 2 REVUE DE LITTÉRATURE
2.1 Évaluation des performances de l’instrumentation vertébrale
2.1.1 Norme ASTM F1717-09
2.1.2 Standardisation des essais in vitro
2.1.3 Le principe du « follower-load »
2.1.4 Protocole hybride
2.2 Banc d’essai
2.2.1 Poulies et câbles
2.2.2 Assemblages de moteurs et de roulements linéaires
2.2.3 Bras robotique et plateforme Steward
2.3 Présentation du banc d’essai préalablement développé
2.4 Évaluation de la pression intradiscale
2.5 Évaluation des câbles sous-laminaires
2.6 Résumé
CHAPITRE 3 PROBLÉMATIQUE ET BUT DE L’ÉTUDE
3.1 Problématique
3.2 Objectifs de l’étude
3.3 Critères d’évaluation
CHAPITRE 4 MÉTHODOLOGIE
4.1 Préparation des spécimens
4.1.1 Spécimens intacts
4.1.2 Instrumentation des spécimens
4.2 Collecte de données
4.2.1 Essais en contrôle de moment
4.2.2 Essai en contrôle de déplacement
4.2.3 Mesure de la IDP
4.3 Validation du banc d’essai
4.4 Étude comparative des câbles sous-laminaires
4.5 Traitement des résultats
CHAPITRE 5 RÉSULTATS
5.1 Validation du banc d’essai
5.1.1 Les courbes moment-déplacement angulaire
5.1.2 Mesures répétées
5.1.3 Étude inter-spécimens
5.1.4 Étude des niveaux vertébraux
5.2 Étude comparative des câbles sous-laminaires
5.2.1 La raideur des segments
5.2.2 Les amplitudes de mouvement intervertébraux
5.2.3 La pression intradiscale
CHAPITRE 6 DISCUSSION
6.1 Validation du montage
6.2 Étude comparative des câbles sous-laminaires
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
ANNEXE I TERMINOLOGIE ANATOMIQU
ANNEXE II MESURES RÉPÉTÉES
LISTE DE RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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