Biosynthèse du coenzyme Q
Chez les eucaryotes, la biosynthèse du coenzyme Q (ou ubiquinone) se fait à partir de métabolites synthétisés dans le cytosol et également utilisés dans d’autres voies de biosynthèse : il s’agit de l’acide para-hydroxybenzoïque (pHB), du farnésylpyrophosphate (FPP) et de l’isopenténylpyrophosphate (IPP). Ce sont des enzymes spécifiques de la biosynthèse de l’ubiquinone qui interviennent pour assembler ces différents métabolites et former l’acide 3- polyprényl-4-hydroxybenzoïque dont elles modifient ensuite le noyau aromatique afin d’obtenir l’ubiquinone (Turunen et al. 2004). Chez la levure, l’acide para-aminobenzoïque (pAB) peut également servir de précurseur au noyau aromatique de l’ubiquinone (Marbois et al. 2010, Pierrel et al. 2010). Par ailleurs, l’ensemble des protéines intervenant dans la voie de biosynthèse de l’ubiquinone sont localisées dans la mitochondrie et la majorité d’entre elles forment un complexe multiprotéique situé à la membrane interne mitochondriale (Gin et Clarke 2005). Par homologie, il est suggéré que la biosynthèse de l’ubiquinone a également lieu dans la mitochondrie chez les mammifères. Cependant, certaines études tendent à montrer que l’ubiquinone peut également être produite de novo dans le système réticulum endoplasmique – appareil de Golgi. Elle serait alors intégrée à d’autres membranes cellulaires mais également aux lipoprotéines de faible densité libérées dans le sang par la suite (Turunen et al. 2004).
Biosynthèse de la chaîne hexaprényle : Coq1
Dans un premier temps, l’hexaprénylpyrophosphate est synthétisé à partir de farnésylpyrophosphate (FPP) et de trois isopenténylpyrophosphates (IPP) par une enzyme appartenant à la famille des trans-prényltransférases et spécifique de la voie de biosynthèse de l’ubiquinone : Coq1. Des études de fractionnement submitochondrial ont montré que Coq1 était associée à la membrane interne de la mitochondrie, du côté de la matrice (Gin et al. 2005). La longueur de la chaîne polyisoprényle de l’ubiquinone est déterminée par Coq1. En effet, une souche mutante KO complémentée par l’octaprénylpyrophosphate synthase, homologue de Coq1 chez E. coli, permet la synthèse d’ubiquinone avec huit unités isoprényles et non six (Okada et al. 1996). L’octaprénylpyrophosphate synthase de E. coli, qui présente 34% d’identité de séquence avec Coq1, a récemment été cristallisée avec l’IPP (structure résolue à 2,45 Å, code PDB 3WJO) et avec un analogue sulfaté du FPP (structure résolue à 2,6 Å, code PDB 3WJN). C’est la première fois qu’une enzyme de la famille des trans-prényltransférases à longue chaîne est cristallisée avec des ligands. La structure obtenue a permis d’identifier deux méthionines situées en bas du tunnel du site actif et responsables de la longueur finale de la chaîne isoprényle (Han et al. 2014).
Preuve de l’implication de Coq6 dans l’hydroxylation en C-5
Un mutant KO de Coq6, comme les mutants KO de Coq3, Coq5 et Coq7, n’est pas capable de synthétiser de l’ubiquinone et accumule l’acide 3-hexaprényl-4-hydroxybenzoïque (HHB), un des premiers intermédiaires de la voie de biosynthèse de l’ubiquinone (Poon et al. 1997). L’accumulation d’un tel intermédiaire s’explique par le fait que l’absence d’une de ces enzymes conduit à une déstabilisation du complexe multiprotéique responsable de la biosynthèse de l’ubiquinone (Gin et Clarke 2005). L’étude d’un mutant KO de Coq6 ne permet donc pas, dans ces conditions, de déterminer la position qu’hydroxyle Coq6 sur le noyau aromatique de l’ubiquinone. La découverte de la stabilisation du complexe de biosynthèse de l’ubiquinone chez la levure par la surexpression de la kinase Coq8 a permis de produire des mutants KO possédant une forme stable du complexe multiprotéique (Padilla et al. 2009, Ozeir et al. 2011, Xie et al. 2012). Il a donc été possible de détecter l’accumulation d’intermédiaires plus tardifs que l’acide 3-hexaprényl-4- hydroxybenzoïque dans ces mutants.
Généralités sur les ferrédoxines NADP+ réductases (FNR)
Les FNR comportent généralement deux domaines : un domaine de liaison au FAD et un domaine de liaison au NAD(P)H. La FNR de plante transfère les électrons depuis la ferrédoxine (protéine à centre Fe-S) réduite par le photosystème I jusqu’au NADP+ qui est réduit en NADPH. Le NADPH est ensuite utilisé dans le processus d’assimilation du CO2 (Medina 2009). La structure de la ferrédoxine NADP+ réductase d’épinard résolue à 1,7 Å est présentée Figure 10 (Bruns et Karplus 1995). Les FNR peuvent également transférer les électrons dans le sens inverse, depuis le NADPH jusqu’aux ferrédoxines ou d’autres protéines nécessitant des électrons : on peut citer l’exemple de la méthionine synthase réductase impliquée dans la synthèse de la méthionine (Wolthers et Scrutton 2007).
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Table des matières
ABREVIATIONS
CHAPITRE I : Introduction bibliographique
I) Le coenzyme Q
I.1) Structure et localisation
I.2) Propriétés rédox
I.3) Fonctions
I.3.a) Transport d’électrons dans la chaîne respiratoire mitochondriale
i) Des complexes I (NADH-coenzyme Q-oxydoréductase) et II (succinate-coenzyme Qoxydoréductase)
ii) … au complexe III (coenzyme Q-cytochrome c-oxydoréductase)
I.3.b) Antioxydant membranaire (Bentinger et al. 2007)
I.3.c) Autres fonctions proposées (Bentinger et al. 2010)
II) Biosynthèse du coenzyme Q
II.1) Biosynthèse des métabolites
II.1.a) Précurseurs du noyau aromatique
II.1.b) Biosynthèse du farnésylpyrophosphate (FPP) et de l’isopentényl-pyphosphate (IPP)
II.2) Voie de la biosynthèse de l’ubiquinone
II.2.a) Biosynthèse de l’acide hexaprénylhydroxybenzoïque (HHB)
i) Biosynthèse de la chaîne hexaprényle : Coq1
ii) Couplage de la chaîne hexaprényle : Coq2
II.2.b) Modification du noyau aromatique et mise en évidence d’un complexe multiprotéique
i) Modification du noyau aromatique
ii) Etudes in vitro réalisées avec des enzymes directement impliquées dans la modification du noyau aromatique
iii) Composition et rôle du complexe
II.3) Mutations et déficience en coenzyme Q chez l’Homme (Doimo et al. 2014)
III) Coq6 de S. cerevisiæ, monooxygénase à flavine catalysant l’hydroxylation en C-5 de l’ubiquinone
III.1) Une monooxygénase à flavine de classe A
III.1.a) Généralités sur les monooxygénases à flavine
III.1.b) Mécanisme enzymatique, exemple de PHBH
III.2) Hydroxylation en C-5 et substrat de Coq6
III.2.a) Preuve de l’implication de Coq6 dans l’hydroxylation en C-5
III.2.b) Identité chimique du substrat de Coq6
III.3) Une source d’électrons atypique : l’adrénodoxine réductase et l’adrénodoxine
III.3.a) Preuves in vivo
III.3.b) Adrénodoxine réductase et adrénodoxine
i) Généralités sur les ferrédoxines NADP+ réductases (FNR)
ii) Généralités sur les protéines à centre Fe-S (Lill 2009)
iii) Fonctions connues de l’adrénodoxine réductase et de l’adrénodoxine
IV) Objectifs de la thèse
CHAPITRE II : Matériel et Méthodes
I) Matériel biologique
I.1) Souches bactériennes
I.2) Vecteurs plasmidiques
I.3) Milieu de culture
II) Biologie moléculaire
II.1) Préparation de bactéries compétentes
II.2) Transformation de bactéries par choc thermique
II.3) Extraction et purification de plasmides
III) Méthodes biochimiques
III.1) Analyse des protéines et électrophorèse
III.1.a) Dosage de protéines
III.1.b) Electrophorèse sur gel polyacrylamide en conditions dénaturantes
III.1.c) Western Blot
III.2) Surexpression et purification des protéines
III.2.a) mBP-Coq6 de S. cerevisiæ, 96,5 kDa
i) Surexpression et récupération des extraits solubles
ii) Colonne d’affinité dextrine Sepharose
iii) Colonne d’exclusion stérique Superdex S200
III.2.b) Δ1-24Coq6 de Saccharoyces cerevisiæ, 51,5 kDa
i) Clivage par le facteur Xa
ii) Colonne échangeuse d’anions Uno Q1
III.2.c) Adrénodoxine réductase humaine (hAdR), 51.7 kDa
i) Surexpression et récupération des extraits solubles
ii) Colonne d’affinité Ni Sepharose
iii) Colonne d’exclusion stérique Superdex S75
III.2.d) ScAdx de S. cerevisiæ, 12,7kDa
i) Surexpression et récupération des extraits solubles
ii) Colonne échangeuse d’anions Uno Q6
iii) Colonne de tamisage moléculaire Superdex S75
III.3) Evaluation des cofacteurs
III.3.a) Dosage du fer
III.3.b) Dosage du soufre
III.3.c) Caractérisation des flavines
i) Détermination de la nature des flavines par HPLC
ii) Détermination du taux de flavine
III.3.d) Titration des cofacteurs des enzymatiques
III.4) Tests d’activité de Coq6 de S. cerevisiæ
III.4.a) Conditions expérimentales
III.4.b) Analyse HPLC sur colonne C18
IV) Analogues de substrats
IV.1) Acide 3-farnésyl-4-hydroxybenzoïque (FHB)
IV.2) Acide 3-farnésyl-4,5-dihydroxybenzoïque (FHB-OH)
IV.3) Farnésylhydroquinone (FHQ)
IV.4) Farnésylphénol (FPol)
IV.5) Farnésylcatéchol (FCat)
V) Méthodes biophysiques
V.1) Spectroscopie d’absorption UV-visible
V.2) Stopped flow en anaérobiose
V.2.a) Conditions expérimentales
V.2.b) Modélisation de la réaction
V.3) Spectroscopie de fluorescence
V.3.a) Origine de la fluorescence
V.3.b) Inhibition de la fluorescense
RESULTATS
CHAPITRE III : Purification, caractérisation biochimique et étude structurale préliminaire de Coq6 de S. cerevisiæ
I) Introduction
II) Purification de la protéine de fusion MBP-Coq6 de S. cerevisiæ
II.1) Surexpression et colonne d’affinité dextrine Sépharose
II.2) Comportement oligomérique de MBP-Coq6
II.3) Tentative de clivage du lien entre la MBP et Coq6 par le facteur Xa
III) Purification de Δ1-24Coq6 de S. cerevisiæ
III.1) Surexpression et purification de MBP-Δ1-24Coq6
III.2) Clivage du lien entre la MBP et Δ1-24Coq6 par le facteur Xa
III.3) Comportement oligomérique de Δ1-24Coq6
IV) Caractérisation de la flavine de Coq6
IV.1) Titration de la flavine par le dithionite
IV.2) Absence de réduction directe par le NADPH et le NADH
V) Cristallographie et modèle bioinformatique
V.1) Cristaux de MBP-Coq6
V.2) Construction et étude d’un modèle bioinformatique par homologie de Coq6 de S. cerevisiæ
VI) Conclusion
CHAPITRE IV : Mise en évidence d’une chaîne de transfert d’électrons à Coq6
I) Introduction
II) Caractérisation biochimique de l’adrénodoxine réductase humaine, hAdR
II.1) Optimisation de la surexpression de l’adrénodoxine réductase humaine, hAdR
II.1.a) Influence de la température de culture
II.1.b) Influence du moment d’induction
II.1.c) Influence de la souche bactérienne choisie
II.1.d) Influence de la présence de chaperonnes
II.2) Purification de l’adrénodoxine réductase humaine
II.2.a) Colonne Ni Sepharose
II.2.b) Colonne d’exclusion stérique
II.3) Caractérisation de la flavine de l’adrénodoxine réductase humaine
II.3.a) Nature et taux de flavine
II.3.b) Titration de la flavine par le dithionite, le NADPH et le NADH
II.4) Cristallogénèse de hAdR
III) Adrénodoxine de S. cerevisiæ, ScAdx
III.1) Surexpression et purification
III.2) Dosage du fer et du soufre
III.3) Titration par le dithionite
IV) Chaîne de transfert d’électrons
IV.1) Réduction de Coq6 par le NADPH via l’adrénodoxine réductase humaine et l’adrénodoxine de S. cerevisiæ
IV.1.a) Réduction par le NADPH et le NADH
IV.1.b) Comparaison de Δ1-24Coq6 et MBP-Coq6
IV.1.c) Influence des concentrations en hAdR et ScAdx sur la réduction de Δ1-24Coq6 par le NADPH
IV.1.d) Influence de la présence d’analogues de substrat
IV.2) Transfert d’électrons entre l’adrénodoxine réductase humaine et l’adrénodoxine de S. cerevisiæ
IV.3) Transfert d’électron entre l’adrénodoxine réduite et Coq6 de S. cerevisiæ
V) Conclusion
CHAPITRE V : Etude enzymatique de Coq6 avec des analogues de substrat synthétisés
I) Introduction
II) Synthèse d’analogues de substrat
II.1) Protection du noyau aromatique
II.2) Couplage de la chaîne isoprényle
II.3) Déprotection et purification en HPLC
III) Tests enzymatiques de Coq6 de S. cerevisiæ
III.1) Mise au point de méthodes de détection des analogues de substrats et de produits de Coq6 par HPLC
III.2) Réduction par le NADPH via l’adrénodoxine réductase humaine et l’adrénodoxine de S. cerevisiæ
III.3) Réduction chimique
III.4) Réduction photochimique par la déazaflavine
IV) Etude en fluorescence de la liaison de Coq6 aux analogues de substrat
IV.1) Spectroscopie de fluorescence
IV.2) Fluorescence en stopped-flow
V) Conclusion
CHAPITRE VI : Caractérisation cinétique de l’adrénodoxine réductase humaine : effet du Mg2+
I) Introduction
II) Etudes cinétiques du transfert d’hydrure du NAD(P) à hAdR
II.1) Etudes à l’état stationnaire
II.2) Etudes à l’état pré-stationnaire (stopped flow)
II.2.a) Réduction par le NADH
II.2.b) Réduction par le NADPH
III) Interaction de l’adrénodoxine réductase avec le NADP+
III.1) Oxydation de hAdR réduite par le NADP+
III.2) Effet inhibiteur du NADP+ sur le transfert d’électrons en steady state
IV) Effet du Mg2+ sur la réduction du FAD de hAdR
IV.1) Effet du Mg2+ lors des études cinétiques en steady state
IV.2) Effet du Mg2+ lors des études cinétiques en stopped flow
IV.2.a) Etude en présence de NADPH
IV.2.b) Etudes en présence de NADH
V) Conclusion
CONCLUSION GENERALE
ANNEXE
I) Figures supplémentaires
II) Article soumis à PLOS Computational Biology
III) Résumé et mots clefs en français
IV) Résumé et mots clefs en anglais
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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