Avant lโutilisation des produits phytosanitaires, les systรจmes de culture รฉtaient conรงus pour assurer le meilleur compromis entre le risque phytosanitaire et le potentiel de production de la culture. Cependant, les pertes en rendement des productions agricoles dues aux maladies, aux ravageurs et aux mauvaises herbes pouvaient atteindre des proportions importantes (Oerke et Dehne, 1997).
Aprรจs la seconde guerre mondiale, les pesticides ont permis le dรฉveloppement de lโagriculture et ont contribuรฉ ร lโaugmentation des rendements et ร la rรฉgulation de la production agricole. Lโutilisation des produits phytosanitaires a รฉgalement limitรฉ ou รฉradiquรฉ un certain nombre de maladies parasitaires trรจs meurtriรจres. Cependant, aujourdโhui, les pesticides sont soupรงonnรฉs de prรฉsenter un risque pour la santรฉ de lโhomme et pour son environnement. Ils sont en effet frรฉquemment mis en cause dans la dรฉgradation de la qualitรฉ des eaux douces souterraines et des eaux cรดtiรจres, dans la rรฉduction de la biodiversitรฉ terrestre constatรฉe dans les zones agricoles et dans les milieux ยซย naturelsย ยป contaminรฉs ou bien encore dans des cas de surmortalitรฉ des abeilles et de baisse de production des ruches. Par ailleurs, de nombreuses รฉtudes รฉpidรฉmiologiques suggรจrent une corrรฉlation entre lโutilisation professionnelle des pesticides et lโapparition de certaines pathologies dans les populations concernรฉes. Des effets cancรฉrigรจnes, neurotoxiques ou de type perturbation endocrinienne des pesticides ont รฉtรฉ mis en รฉvidence chez l’animal. La question des risques pour l’homme est donc posรฉe tant au niveau professionnel quโร celui du consommateur.
Le marchรฉ mondial des pesticides est globalement stable depuis quelques annรฉes et reprรฉsente actuellement 40,475 milliards de dollars. LโEurope est le plus gros consommateur (avec 31,7% du marchรฉ) devant lโAsie (23,1%), les Amรฉriques (Sud : 20,8% ; Nord : 20,6%) et lโAfrique (3,8%). Au niveau des cibles des produits, ce sont les herbicides qui sont le plus utilisรฉs mondialement (46,9%) devant les fongicides (25,9%), les insecticides (24,1%) et les divers (rodenticides, molluscicidesโฆ) (UIPP, 2009). Dans les pays sous-dรฉveloppรฉs, mรชme les produits trรจs toxiques, dont lโusage a รฉtรฉ interdit dans les pays riches, sont encore largement utilisรฉs, et avec beaucoup moins de prรฉcautions. Selon un communiquรฉ de presse de la FAO (1er fรฉvrier 2001), environ 30% des pesticides commercialisรฉs dans les pays en voie de dรฉveloppement ne sont pas conformes aux standards de qualitรฉ internationaux, car ils contiennent beaucoup dโimpuretรฉs trรจs toxiques.
Etude bibliographique sur les pesticides
Dรฉfinition
Le terme ยซย pesticidesย ยป est une appellation gรฉnรฉrique couvrant toutes les substances (molรฉcules) ou produits (formulations) qui รฉliminent les organismes nuisibles, qu’ils soient utilisรฉs dans le secteur agricole ou dans d’autres applications. La substance ou le microorganisme qui dรฉtruit ou empรชche les organismes nuisibles de sโinstaller sur les vรฉgรฉtaux, parties de vรฉgรฉtaux ou produits vรฉgรฉtaux est dรฉnommรฉe substance active (anciennement dรฉnommรฉe matiรจre active), ร laquelle sont associรฉs dans la prรฉparation un certain nombre de ยซformulantsยป (mouillants, solvants, anti-mousses, โฆ) qui la rendent utilisable par lโagriculteur (ACTA, 2005).
Classification
Les pesticides disponibles aujourdโhui sur le marchรฉ sont caractรฉrisรฉs par une telle variรฉtรฉ de structure chimique, de groupes fonctionnels et dโactivitรฉ que leur classification est complexe. Dโune maniรจre gรฉnรฉrale, ils peuvent รชtre classรฉs en fonction de la nature de lโespรจce ร combattre mais aussi en fonction de la nature chimique de la principale substance active qui les compose. Lโindex de lโACTA qui rรฉfรฉrence les principaux produits autorisรฉs et commercialisรฉs mentionnait 489 substances actives en 2005 et 2600 prรฉparations commerciales (liste arrรชtรฉe en Juillet 2004). De plus, les variรฉtรฉs et les quantitรฉs utilisรฉes diffรจrent selon les pays oรน ils sont utilisรฉs. Nรฉanmoins, les systรจmes de classification sont universels.
Le premier systรจme de classification repose sur le type de parasites ร contrรดler. Il existe principalement trois grandes familles de produits phytosanitaires selon la nature des cibles visรฉes: les herbicides, les fongicides et les insecticides. ร celles-ci sโajoutent des produits divers tels que les acaricides (contre les acariens), les nรฉmaticides (contre les nรฉmatodes), les rodenticides (contre les rongeurs), les taupicides (contre les taupes), les molluscicides (contre les limaces et les escargots essentiellement), les corvicides et les corvifuges (contre les oiseaux ravageurs de culture et surtout les corbeaux) et enfin les rรฉpulsifs. Le deuxiรจme systรจme de classification tient compte de la nature chimique de la substance active majoritaire qui compose les produits phytosanitaires. Les principaux groupes chimiques comprennent les organochlorรฉs, les organophosphorรฉs, les carbamates, les pyrรฉthrinoรฏdes, les triazines et les urรฉes substituรฉes.
Problรจmes de pollution diffuse et de contamination
Lโutilisation des produits phytosanitaires a permis dโaugmenter considรฉrablement les rendements agricoles en rรฉduisant les pertes dues aux ravageurs des cultures, mais cela nโa pas รฉtรฉ sans contrepartie. Dans les annรฉes 70, des premiers travaux ont montrรฉ que les produits phytosanitaires peuvent aussi รชtre transfรฉrรฉs vers les eaux de surface et les eaux de profondeur (Schiavon and Jacquin, 1973). Ceci enclenche une prise de conscience des pouvoirs publics dans le monde. En 1972, les organochlorรฉs sont interdits dโutilisation aux Etats-Unis et en Europe et une rรฉglementation concernant spรฉcifiquement les produits phytosanitaires est mise en place dans les annรฉes 80.
Devenir des produits phytosanitaires dans lโenvironnementย
Malgrรฉ un souci croissant de protection de lโenvironnement, lors de lโutilisation des produits phytosanitaires, une certaine quantitรฉ de ces substances se retrouve dans lโenvironnement, principalement dans lโair par dรฉrive sous forme de gouttelettes ou sur le sol (Pimentel, 1995). Ils peuvent alors รชtre soumis ร diffรฉrents processus (Fig. 1) (INERIS, 2005):
โคย la photo-dรฉgradation (Marcheterre et al., 1988);
โค la dรฉgradation par le phรฉnomรจne dโhydrolyse aqueuse (Wolfe et al., 1990) ou de biodรฉgradation grรขce aux micro-organismes prรฉsents dans le sol (Colin, 2000);
โค la rรฉtention dans le sol jusquโร la formation de rรฉsidus liรฉs (adsorption) (par exemple lโaccumulation des fongicides ร base de cuivre dans les sols);
โค le transport vers dโautres compartiments environnementaux par des processus physicochimiques (volatilisation) ou via un vecteur, lโeau par lixiviation ou ruissellement ou les particules de sol (dรฉsorption) (Van Der Werf, 1996).
Contamination des eaux
Une des consรฉquences environnementales majeures de lโagriculture intensive actuelle est la dรฉgradation de la qualitรฉ des eaux (Ippolito et al., 2012). Cette dรฉgradation se traduit, pour les eaux de surface comme pour les eaux souterraines, par une pollution liรฉe ร la dissรฉmination des produits phytosanitaires, des engrais minรฉraux azotรฉs et phosphatรฉs ou encore des effluents dโรฉlevage. Les pesticides peuvent facilement pรฉnรฉtrer dans le sol et les sources d’eau.
La contamination par les pesticides est le plus souvent un phรฉnomรจne irrรฉgulier. Il est ร noter que des pics de concentration sont frรฉquemment observรฉs dans les quelques heures qui suivent les รฉpisodes pluvieux (Schulz, 2001; Neumann et al., 2003) et que la contamination des eaux de surface est d’autant plus รฉlevรฉe que la surface des bassins versants est faible (Schulz, 2004). Par ailleurs, dans certaines rรฉgions, une part significative de la contamination des eaux peut parfois provenir du dรฉpรดt de substances transportรฉes par voie aรฉrienne (Blanchoud et al., 2002) ou beaucoup plus frรฉquemment dรฉcouler d’usages autres qu’agricoles, qu’il s’agisse du dรฉsherbage des infrastructures de transport ou industrielles, des parcs et jardins ou bien d’utilisations domestiques (Gerecke et al., 2002; Revitt et al., 2002; Schiff et al., 2002; Blanchoud et al., 2004).
Contamination de lโair
Air extรฉrieur
La prรฉsence de pesticides est observรฉe dans toutes les phases atmosphรฉriques en concentrations variables dans le temps (avec parfois un caractรจre saisonnier, en lien avec les pรฉriodes dโapplication) et dans lโespace (selon la proximitรฉ des sources). Lโair et lโeau pouvaient รชtre contaminรฉs, de maniรจre locale, mais aussi ร distance des lieux de traitement. Cette contamination est chronique. Des composรฉs peu volatils ou interdits ont parfois รฉtรฉ observรฉs. Dans le cas spรฉcifique de traitements en serre, des concentrations รฉlevรฉes ont pu รชtre observรฉes juste aprรจs lโapplication et malgrรฉ une dรฉcroissance, ces concentrations peuvent rester ร un niveau significatif pendant plusieurs jours aprรจs le traitement (Bouvier et al., 2006).
Air intรฉrieur
Les pesticides peuvent contaminer lโair intรฉrieur non seulement suite ร leur application ou leur stockage dans les logements mais รฉgalement du fait du transport des produits utilisรฉs ร lโextรฉrieur (agriculture, jardins, parcs) par lโintermรฉdiaire des chaussures, des vรชtements, des animaux domestiques ou par lโair. Il existe trรจs peu de programmes de recherche dans le domaine de la qualitรฉ de lโair intรฉrieur (Bouvier et al., 2006).
Contamination des sols
La contamination des sols par diffรฉrentes substances, dont les pesticides, a รฉtรฉ reconnue comme l’une des principales menaces qui pรจsent sur les sols (CEC, 2002). Les pesticides dans les sols peuvent provenir des activitรฉs agricoles mais รฉgalement des activitรฉs dโentretien des espaces verts et jardins ou de dรฉsherbage des rรฉseaux routiers et ferrรฉs. La vitesse dโinfiltration des pesticides dans le sol dรฉpend du sol (humiditรฉ, taux de matiรจre organique, pH) et du pesticide (Swarcewicz et Gregorczykย A., 2012). Par ailleurs, il n’existe pas de dispositif รฉquivalent ร ceux relatifs ร lโeau et ร lโair pour la caractรฉrisation de la contamination des sols par les pesticides, que ce soit en France ou dans les autres pays dโEurope. Il est connu que les insecticides organochlorรฉs sont assez persistants dans lโenvironnement et certains, bien quโinterdits dโusage peuvent rester prรฉsents dans le sol pendant plusieurs annรฉes (lindane, alpha-HCH). A lโheure actuelle les insecticides utilisรฉs (organophosphorรฉs, pyrรฉthrinoรฏdes, carbamates et autres) se dรฉgradent rapidement, par contre les herbicides sont assez persistants dans les sols et leurs produits de dรฉgradation sont souvent stables. La pollution chronique par certaines substances minรฉrales persistantes (cuivre dans les fongicides employรฉs en viticulture) (Chaignon et al., 2003) et l’existence รฉventuelle de ยซย rรฉsidus liรฉsย ยป (non extractibles par les mรฉthodes classiques d’analyse) pose la question du risque environnemental ร long terme (Barraclough et al., 2005), notamment dans le cas d’une rรฉallocation des terres agricoles ร d’autres usages. Dโautres sources de contamination des sols proviennent des industries produisant et/ou procรฉdant au stockage des substances phytosanitaires.
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Table des matiรจres
Introduction gรฉnรฉrale
CHAPITRE I : Synthรจse bibliographique
1รจre PARTIE : Etude bibliographique sur les pesticides
1. Dรฉfinition
2. Classification
3. Problรจmes de pollution diffuse et de contamination
4. Devenir des produits phytosanitaires dans lโenvironnement
4.1. Contamination des eaux
4.2. Contamination de lโair
4.3. Contamination des sols
5. Les possibles modes dโexpositions de lโhomme aux pesticides
6. Mesure de lโexposition
7. Exposition professionnelle
8. Exposition non professionnelle
9. Exposition ร des mรฉlanges de pesticides
2รจme PARTIE : Classification des insecticides et choix des insecticides รฉtudiรฉs
1. Les diffรฉrentes familles
2. Les insecticides รฉtudiรฉs
2.1. Le thiamรฉthoxam
2.1.1. Propriรฉtรฉs physicochimiques
2.1.2. Effets toxicologiques
2.1.3. Mรฉtabolisme
2.2. La tรฉfluthrine
2.2.1. Propriรฉtรฉs physicochimiques
2.2.2. Effets toxicologiques
2.2.3. Mรฉtabolisme
3รจme PARTIE : Choix du modรจle biologique : lโescargot terrestre Helix aspersa
CHAPITRE II : Effets du thiamรฉthoxam, de la tรฉfluthrine et de leurs mixtures sur le comportement et les paramรจtres morphophysiologiques de Helix aspersa
1. Objectifs et principe de lโรฉtude
2. Matรฉriel et mรฉthodes
2.1. Matรฉriel biologique
2.2. Choix des insecticides
2.2.1. Le thiamรฉthoxam
2.2.2. La tรฉfluthrine
2.2.3. Les mixtures
2.3. Conduite de lโessai
2.3.1. Protocole dโintoxication des escargots
2.3.2. Dissection de lโescargot pour le prรฉlรจvement des organes
2.3.3. Effets comportementaux
2.3.4. Biomarqueurs physiologiques
2.4. Analyse statistique
3. Rรฉsultats
3.1. Estimation du taux d’alimentation
3.2. Effets sur le comportement
3.3. Effets sur les paramรจtres morphomรฉtriques
3.3.1. La mortalitรฉ
3.3.2. Evolution du poids frais des escargots
3.3.3. Le poids frais moyen des escargots
3.3.4. Le poids frais moyen de lโhรฉpatopancrรฉas
3.3.5. Le poids frais moyen de la coquille
4. Discussion
4.1. Mortalitรฉ
4.2. Rรฉponses comportementales
4.3. Rรฉponses physiologiques
5. Conclusion
CHAPITRE III : Effets du thiamรฉthoxam, de la tรฉfluthrine et de leurs mixtures sur la composition en mรฉtabolites de lโhรฉpatopancrรฉas et les indicateurs du stress oxydant de Helix aspersa
1. Objectifs et principe de lโรฉtude
2. Matรฉriel et mรฉthodes
2.1. Prรฉparation des รฉchantillons
2.2. Extraction et dosage des mรฉtabolites
2.3. Dosages des indicateurs du stress oxydant
2.3.1. Dosage de lโactivitรฉ acรฉtylcholinestรฉrase (AChE)
2.3.2. Dosage de lโactivitรฉ glutathion S-transfรฉrase (GST)
2.3.3. Dosage de lโactivitรฉ catalase (CAT)
2.3.4. Dosage du glutathion (GSH)
2.4. Analyse statistique
3. Rรฉsultats
3.1. Effet du pH
3.2. Effets du thiamรฉthoxam, de la tรฉfluthrine et de leurs mixtures sur la composition biochimique de lโhรฉpatopancrรฉas
3.2.1. Effets sur le taux des protรฉines
3.2.2. Effets sur le taux des glucides
3.2.3. Effets sur le taux des lipides
3.3. Effets du thiamรฉthoxam, de la tรฉfluthrine et de leurs mixtures sur les indicateurs du stress oxydant
3.3.1. Effets sur lโactivitรฉ acรฉtylcholinestรฉrase (AChE)
3.3.2. Effets sur lโactivitรฉ de la glutathion S-transfรฉrase (GST)
3.3.3. Effets sur lโactivitรฉ catalase (CAT)
3.3.4. Effets sur le taux de glutathion (GSH)
4. Discussion
5. Conclusion
CHAPITRE IV : Effets du thiamรฉthoxam, de la tรฉfluthrine et de leurs mixtures sur lโhรฉpatopancrรฉas de Helix aspersa : Etude histopathologique
1. Objectifs et principe de lโรฉtude
2. Matรฉriel et mรฉthodes
2.1. Prรฉparation des รฉchantillons
2.2. Microscopie optique
2.2.1. Fixation
2.2.2. Inclusion
2.2.3. Coupe
2.2.4. Coloration
2.2.5. Montage
2.2.6. Observation
3. Rรฉsultats
3.1. Effets du thiamรฉthoxam
3.2. Effets de la tรฉfluthrine
3.3. Effets des mixtures de thiamรฉthoxam et de tรฉfluthrine
4. Discussion
5. Conclusion
CHAPITRE V : Effets du thiamรฉthoxam, de la tรฉfluthrine et de leurs mixtures vis-ร -vis des escargots juvรฉniles Helix aspersa : Dรฉtermination des effets sur la croissance pondรฉrale par contamination de la nourriture
1. Objectifs et principe de lโรฉtude
2. Matรฉriel et mรฉthodes
2.1. Reproduction, ponte, incubation et รฉclosion
2.2. Animaux
2.3. Schรฉma expรฉrimental
2.4. Estimation de la croissance et de la mortalitรฉ
2.5. Analyses statistiques
3. Rรฉsultats
3.1. La mortalitรฉ
3.2. Evolution de la croissance pondรฉrale et du diamรจtre
4. Discussion
5. Conclusion
Conclusion gรฉnรฉrale