La méthode du Pincement : principes, applications et limitations
Appliquée dans des domaines variés comme la chimie, la pétrochimie ou l’agroalimentaire, la méthode du Pincement constitue la base de toute intégration thermique. Elle vise une réduction des consommations d’énergies (électricité, fuel, gaz), d’eau et d’hydrogène. Des logiciels ont été développés pour systématiser la méthode : PinchLight, SuperTarget, Hint, … Toutefois, en raison de sa complexité, la conception du réseau d’échangeurs de chaleur par l’utilisation de méthodes informatiques constitue aujourd’hui encore un réel défi.
Cette partie est divisée en 3 sections :
– La présentation de la Méthode du Pincement : Linnhoff a consacré de nombreuses années à la définition de cette méthode et les articles qui y font référence sont nombreux. Les objectifs historiques et la méthodologie sont décrits.
– La construction du réseau d’échangeurs : la construction manuelle du réseau d’échangeurs ainsi que des outils pour la faciliter sont présentés. La construction automatisée du réseau par des méthodes informatiques fera l’objet du second chapitre de cette thèse.
– La définition du « targeting ». Afin d’optimiser le réseau initialement conçu, des objectifs intermédiaires appelés « target » sont définis. De nombreux travaux de recherche ont été menés pour développer ces méthodes d’optimisation.
Présentation de la méthode
La méthode du pincement originelle, pinch method, a été développée par Linnhoff et Hindmarsh (Linnhoff and Hindmarsh, 1983). Basée sur la description et l’analyse de l’ensemble des flux de chaleur présents dans un procédé industriel, elle a ensuite été étendue sous le nom d’analyse de pincement, pinch analysis, pour englober dans l’étude l’ensemble des procédés et des utilités.
La méthode du pincement, essentiellement graphique, est didactique et interactive. Le fait de visualiser rapidement les flux d’un site industriel et les opportunités de récupération de chaleur est un des points forts de la méthode. Une fois les flux de chaleur identifiés, la méthode du pincement permet de définir immédiatement l’Énergie Minimale Requise (EMR). C’est la quantité d’énergie chaude et froide que doivent fournir les utilités si le potentiel de récupération d’énergie a été atteint.
Les étapes de la méthode sont les suivantes (Ressources Naturelles Canada, 2003; Smith, 2000):
– Définition des flux chauds et des flux froids. On appelle source (ou flux chaud) un fluide qui doit être refroidi et puits (ou flux froid) un fluide qui doit être chauffé dans le cadre du procédé. Ces besoins sont décrits par le débit et la chaleur spécifique du fluide ainsi que ses températures à l’entrée et à la sortie de l’opération unitaire à l’aide de la formule : ∆? = ?̇ ??∆? = ??∆? . Le CP doit être constant mais les changements d’état sont pris en compte par une pente nulle. Ces données sont obtenues par instrumentation et par simulation numérique du procédé (Linnhoff et al., 1999). Attention, cette étape préalable à la méthode est chronophage.
– Construction des courbes composites. Les courbes composites chaude et froide sont obtenues en assemblant les flux respectivement chauds et froids. les CP et les puissances correspondantes sont additionnées sur chaque intervalle de température. Les bornes des intervalles correspondent à l’apparition ou à la disparition d’un flux. Les courbes composites représentent le profil des sources de chaleur disponibles et des besoins thermiques du procédé et sont utilisées pour établir les valeurs cibles de consommation minimale en énergie.
Targeting et Objectifs
Dans le cadre plus spécifique de l’intégration thermique, le « Targeting » introduit par Linnhoff (Kemp, 2007) vise à choisir une valeur optimale de Δ???? a priori de la construction du réseau d’échangeurs, en se basant uniquement sur les courbes composites. C’est une étape de préconception de l’intégration thermique. Ce choix est effectué en estimant la surface totale d’échange à installer ou le coût global de l’installation de récupération à l’aide de modèles simples (linéaires) à partir des seules courbes composites. Ainsi, des hypothèses sont réalisées : les échanges se font à contre-courant, verticalement par rapport aux courbes composites, le coefficient d’échange est le même pour tous les échangeurs, … Les courbes composites sont alors découpées verticalement dès lors que la pente d’une des deux est modifiée (modification du débit calorifique). Pour chaque tronçon, on estime la surface d’échange nécessaire par la formule suivante : ? = ??Δ??M .
Mathématiquement, le « targeting » correspond à l’optimisation d’une fonction objectif. Selon Linnhoff, le target est la solution qui minimise cette fonction objectif. Avant le coût total, d’autres fonctions objectifs intermédiaires peuvent servir pour améliorer le réseau d’échangeurs précédemment conçu. Les principaux « targeting » utiles pour l’industrie et traités dans la littérature concernent le coût des utilités, le nombre d’échanges et la surface totale des échangeurs.
Targeting du cout des utilités
Les besoins thermiques calorifiques et frigorifiques des procédés industriels sont assurés respectivement par des utilités chauds (chaudière, réseau de vapeur, pompes à chaleur …) et froids (tour aéro-réfrigérante, eau glacée, groupes frigorifiques …).
Le coût total de fonctionnement des utilités est fonction des technologies choisies et des niveaux de températures de l’énergie thermique délivrée. Généralement, plus la température du procédé est élevée, plus le coût d’exploitation augmente. Une solution possible est de choisir plusieurs niveaux de température et donc plusieurs utilités. Sur le schéma ci-dessous, On voit que les besoins de chaleur peuvent être comblés par 3 utilités complémentaires fonctionnant à des niveaux de pression différents. En effet, le cout opérationnel de production de vapeur basse pression (10 Bar) est inférieur à celui de la vapeur haute pression (80 Bar).
À l’inverse, pour refroidir un fluide de 60°C à -10°C, la solution simple serait d’installer un groupe frigorifique fonctionnant à -20°C et comblant l’intégralité des besoins. Une amélioration du procédé consisterait à utiliser l’air ambiant comme source froide « gratuite » jusqu’à 20°C puis un groupe frigorifique pour atteindre le -10°C. Dans cette logique de minimisation des coûts d’exploitation, la tendance est de multiplier les utilités afin de coller toujours au plus près de la grande courbe composite. Ceci n’est plus vrai si l’on prend en compte les coûts d’investissement des installations. En effet, le prix d’une chaudière de 100 kW n’est pas le double de celui d’une chaudière de 50kW, et la température de fourniture de la chaleur impacte aussi le prix. Une analyse plus détaillée avec le calcul des temps de retour sur investissement est nécessaire. De nombreux chercheurs ont étudié la problématique du coût des utilités.
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Table des matières
Introduction Générale
Chapitre I : Étude bibliographique sur les méthodes d’analyse énergétique et d’optimisation mathématique
1. La méthode du Pincement : principes, applications et limitations
1.1. Présentation de la méthode
1.2. Construction du réseau d’échangeurs de chaleur
1.3. Targeting et Objectifs
2. Autres méthodes d’analyse
2.1. Analyse exergétique
2.2. La méthode du pincement étendue à l’analyse exergétique
2.3. La méthode de Frazier
2.4. Analyse de cycle de vie
3. Optimisation mathématique
3.1. Formulation d’un problème d’optimisation
3.2. Programmation linéaire et non linéaire
3.3. Méthodes heuristiques et métaheuristiques
Conclusion
Chapitre II : Conception d’un réseau d’échangeurs de chaleur sous contraintes multiples
1. Choix d’un algorithme existant
1.1. L’approche simultanée
1.2. L’approche séquentielle
1.3. L’approche par linéarisation
1.4. Les approches méta-heuristiques
1.5. Les méthodes de reconception/rénovation
1.6. Choix de l’algorithme de Barbaro et Bagajewicz
2. Mise en œuvre numérique
2.1. Choix des cas de référence
2.2. Environnement de développement
2.3. Discrétisation en trois étapes
2.4. Précalcul des éléments non linéaires
2.5. Flux procédés à températures de sortie variables
3. Différenciation des technologies d’échangeurs de chaleur
3.1. Présentation et interface
3.2. Implémentation dans le modèle de HEN
3.3. Validation sur un cas de référence
4. Utilisation de l’algorithme sur un cas industriel de raffinerie pétrochimique
4.1. Présentation du cas
4.2. Premiers résultats
4.3. Simplification des flux
4.4. Amélioration des utilités
Conclusion
Chapitre III : Module de pré-sélection d’utilités thermodynamiques
1. Développement du module de préselection : Inspiration et Principes physiques
1.1. Les différents types d’utilité
1.2. Restriction de l’espace de recherche
1.3. Zonage thermique des autres utilités
2. Formulation mathématique et cas d’exemple
Chapitre IV : Application de la méthodologie à une usine de fabrication de papier
1. Méthodologie d’étude de problèmes d’intégration énergétique
1.1. Enchainement Présélection des Utilités / Conception du HEN
1.2. Analyse de l’état actuel du procédé
1.3. Etudes avec/sans retrofit des échangeurs/utilités existants
2. Étude préliminaire du procédé de fabrication de papier
2.1. Présentation générale
2.2. Consommations actuelles
2.3. Consommation théorique minimale : vision thermodynamique
2.4. Consommation théorique minimale : vision technologique
2.5. Evaluation des solutions de récupération déjà en place
3. Etudes de reconception du procédé papetier
3.1. Reconception générale de la valorisation des condensats
3.2. Intégration de nouvelles utilités thermodynamiques
3.3. Optimisation des pompes à chaleur
Conclusion
Conclusion Générale
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