Biologie des anguilles
Les espèces d’anguilles
Les nombres d’espèces d’anguilles mentionnés dans la littérature sont variables . Toutefois, les différentes espèces existantes sont reparties dans des eaux tropicales et des eaux tempérées, hormis celles associées au Pacifique de l’Est et à l’Atlantique du Sud. La majorité des espèces sont équatoriales et subéquatoriales (LUCAS et al., 2001).
Les principales caractéristiques des anguilles résident dans une aire de distribution très vaste, déterminant un stock d’anguilles unique et commun à de nombreux pays, et dans un cycle très long partagé entre deux phases océaniques très mal connues, et une phase continentale où de nombreuses inconnues existent encore (ELIE et RIGAUD, 1987).
Cycle biologique
Les anguilles sont des animaux mystérieux et fascinant. En dépit d’un siècle de recherche, les aspects clés de leur histoire de vie océanique et continentale sont encore entourés de mystère (ANONYME, 2009 ; GASTONGUAY et DURIF, 2016). Toutefois, ces années de recherche ont fourni de nombreux résultats concernant le cycle de vie des anguilles .
De la vie larvaire jusqu’au frai
L’anguille est une espèce migratrice, amphihaline et thalassotoque (ELIE et ROCHARD, 1994). Elle se reproduit en mer profonde (HUERTAS et CERDA, 2006) et passe une grande partie de son cycle de vie (la croissance) dans les eaux littorales ou dulçaquicoles (BRUSLE, 1994 ; LAMBERT et al., 2003 ; LECOMITE-FINIGER et al., 2004). C’est la raison pour laquelle les anguilles sont qualifiées d’espèces catadromes (LOWE-MCCONNELL, 1988). Elles sont également considérées comme étant des poissons « sémelpares ». C’est-à-dire que ces poissons succombent après la reproduction. Elles ne se reproduisent qu’une fois dans leur vie et ne reviennent plus vers les zones continentales après le frai (GOOLEY, 1998 ; NILO et FORTIN, 2001 ; REVEILLAC et al., 2009). Les œufs planctoniques de l’anguille se développent en larves pré-leptocéphales qui elles mêmes se développent en larves pélagiques, connues sous le nom de « leptocéphales » (COSTA et al., 2002 ; GAILLARD, 2016). Le leptocéphale a un corps cristallin ou transparent, comprimé latéralement, de forme foliacée, sous forme de feuille de saule (MUCHIUT et al., 2002 ; ADAM et al., 2008) ou de feuille de laurier (NILO et FORTIN, 2001), et possède des grands yeux noirs (Annexe 1) (MUCHIUT et al., 2002). Les larves leptocéphales des anguilles tempérées, avec une croissance plus lente et une plus grande taille maximale, ont l’air d’être spécialisées pour des longues migrations et pour une dispersion sur une large étendue de distances vers des latitudes plus hautes. Par contre, les anguilles tropicales avec une croissance plus rapide, une métamorphose précoce, à une taille plus petite, tendent à avoir des plus courtes distances de migrations (KUROKI et al., 2017). Quand les leptocéphales approchent des zones littorales, elles se métamorphosent en « civelles » (ou pibales) (LECOMITE-FINIGER et al., 2004) édentées et transparentes (COSTA et al., 2002) ayant un corps de 50 mm de longueur environ (Annexe 1) (LUCAS et al., 2001). Cette métamorphose est accompagnée d’une période de jeûne prolongée (DE CASAMAJOR et al., 2003 ; LECOMITE-FINIGER et al., 2004) et d’importantes modifications physiologiques, morphologiques et comportementales des larves (BARDONNET et al., 2003). À l’exception de la pigmentation, les civelles ont l’apparence caractéristique des anguilles adultes (NILO et FORTIN, 2001). Les civelles transparentes se déplacent ensuite vers les embouchures (migration anadrome), à l’aide des courants et des marées (COSTA et al., 2002 ; PROUZET et al., 2009), afin de pouvoir diminuer les coûts énergétiques associés à la nage à contre-courant (NILO et FORTIN, 2001 ; FORWARD et TANKERSLEY, 2001 cité par BOIVIN , 2013 ; DE CASAMAJOR et al., 2003 ; CLAVEAU et al., 2015 ; BOLLIET et al., 2017). Les mouvements des civelles dans l’estuaire, en vue de rejoindre les rivières pour une longue période de croissance, sont influencés par des facteurs environnementaux (TOSI et al., 1988 ; TRINTIGNAC et al., 2013 ; BOLLIET et al., 2017). Sur ce, la marée, l’écoulement de l’eau et la pluviosité, la lumière, le cycle lunaire et la clarté de l’eau, affectent la distribution verticale des civelles et leur chance d’être transportées par la marée (LUCAS et al., 2001 ; PROUZET et al., 2009). La phase « civelle » des anguilles dure approximativement 12 à 18 mois, après lesquels elles développent une pigmentation et des dents fonctionnelles (LUCAS et al., 2001). Elles perdent de plus en plus leur transparence, et deviennent tout à fait opaques, en prenant une coloration jaune noirâtre (VERGNIAULT, 1989). Par la suite, elles sont connues sous le nom de « civelles pigmentées » ou « anguillettes » lorsque la pigmentation mélanique est complétée (NILO et FORTIN, 2001). Les anguillettesse déplacent des estuaires vers les lacs et l’eau douce arrivant aux rivières et aux ruisseaux (LUCAS et al., 2001). La différenciation sexuelle ne se fera que quelques années plus tard ; son ventre se colore d’une pigmentation jaunâtre et elle portera désormais le nom de « anguille jaune » pour le reste de sa croissance en eaux intérieures (CARON et al., 2007).
Après des séjours durant plusieurs années (3 à 18 ans) dans les eaux continentales (McEWAN et HECHT, 1984 ; LEGENDRE et JALABERT, 1988 ; TESH et al., 2003 ; LIN et al., 2012 ; MATEO et al., 2017) et quand les anguilles atteignent la maturité, après une deuxième métamorphose appelée « Argenture » (DAVERAT et al., 2004), à un certain âge et à une certaine taille (LUCAS et al., 2001), elles se déplacent vers l’aval avant de commencer leur seconde migration pour le frai (COSTA et al., 2002). Chez les anguilles, l’argenture initie et permet la migration océanique, et amorce la puberté. Le déroulement de cette dernière est ensuite bloqué jusqu’à ce que les conditions de la migration elle-même déclenchent la maturation (FONTAINE et LE BAIL, 2004). À ce stade, les anguilles argentées sont encore des juvéniles souvent appelées des « pré-matures ou sub-adultes » (MUCHIUT et al., 2002). Le comportement migratoire des anguilles argentées est corrélé aux différents facteurs environnementaux, en particulier, la photopériode, la température de l’eau, la phase lunaire et le passage de la dépression atmosphérique (TOSI et al., 1988 ; OKAMURA et al., 2002 ; TRINTIGNAC et al., 2013). Pour rejoindre la mer pendant cette dernière migration transocéanique de leur cycle de vie, les anguilles se laissent porter par le courant fluvial jusqu’à l’estuaire. Ensuite, elles se regroupent et fuient les eaux continentales (MUCHIUT et al., 2002). La période « sénescente » de l’anguille n’a fait l’objet d’aucune observation mais elle est présumée d’être de courte durée (NILO et FORTIN, 2001).
Les écotypes d’anguilles
De nombreux travaux de recherche sur les anguilles ont révélé qu’elles sont catadromes et ont une phase de croissance en eau douce ; mais ceci n’est pas un chemin migratoire obligatoire. Elles sont alors qualifiées d’espèces catadromes facultatives. Après la période de recrutement, certaines restent dans le milieu salin ou saumâtre (estuaires, lagunes, marais, zone côtières) et n’ont pas de phase de croissance en eau douce (rivières, lacs). Dans ce cas, elles sont qualifiées de résidantes océaniques ou anguilles marines ou anguilles estuariennes ou encore des anguilles nomades (TSUKAMOTO et al., 1998 ; McCLEAVE, 2001 ; TSUKAMOTO et al., 2002 ; MUCHIUT et al., 2002 ; TZENG et al., 2003 ; DAVERAT et al., 2004 ; EDELINE et al., 2006 ; LIN et al., 2007 ; BUREAU DU COLOMBIER et al., 2008 ; TOWERS, 2009 ; MOREIRA DA SILVA et al., 2009 ; BOUCHEREAU et al., 2009 ; Association MRM, 2012 ; ARAI et CHINO, 2012 ; SHIRAISHI et CROOK, 2015 ; GAILLARD, 2016). Ainsi, chaque espèce ou population d’anguille possède son propre circuit migratoire (ou cycle biologique) qui relie sa zone de frai à ses habitats de croissance (TSUKAMOTO et al., 2002). Cette aptitude des anguillidés à résider dans des environnements à diverses salinités serait une caractéristique commune des espèces tropicales et tempérées (ARAI et CHINO, 2012 ; LIN et al., 2012). Des facteurs environnementaux (température, salinité), physiques et physiologiques peuvent intervenir dans le choix d’habitats des civelles (EDELINE et al., 2006). La biologie des autres sous-groupes d’anguilles (marines et estuariennes) est relativement peu connue et il existe encore moins d’informations concernant cette vie en eau salée ou saumâtre (NILO et FORTIN, 2001). Certaines différences ont été quand même confirmées par quelques Chercheurs. D’une part, les civelles dites d’écotype « d’eau douce » posséderaient des statuts énergétiques et métaboliques supérieurs, une plus grande activité locomotrice et une préférence pour l’eau douce. Les civelles dites d’écotype « d’eau salée » auraient des statuts énergétiques et métaboliques moindres, une activité locomotrice plus faible et une préférence pour l’eau salée (TOSI et al., 1988 ; EDELINE et al., 2005 ; BUREAU DU COLOMBIER et al., 2007 ; BOIVIN , 2013 ; BOIVIN et al., 2015 ; GAILLARD, 2016). D’autre part, Les anguilles marines et estuariennes ont une croissance plus rapide ou régulière que celles d’eau douce, ayant une croissance perturbée et ralentie (FERNANDEZ DELGADO et al., 1989 ; MOUNAIX et FONTENELLE, 1994 ; MOUNAIX et al., 2001 cité par MUCHIUT et al., 2002 ; TZENG et al., 2003 ; EDELINE et ELIE, 2004 ; EDELINE et al., 2005 ; LIN et al., 2007 ; BOIVIN et al., 2015 ; WAKIYA et al., 2016). Puisque l’argenture, le déclenchement de la migration catadrome et la maturation sexuelle sont liés aux taux de croissance de l’anguille, les anguilles marines et estuariennes auraient alors un cycle biologique plus court (MOUNAIX et FONTENELLE, 1994 cité par MUCHIUT et al., 2002).
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Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE I : ÉTUDE BIBLIOGRAPHIQUE SUR LES ANGUILLES
A. Biologie des anguilles
I. Les espèces d’anguilles
II. Cycle biologique
1) De la vie larvaire jusqu’au frai
2) Les écotypes d’anguilles
3) Zone de frai de Anguilla mossambica
4) Fermeture du cycle de vie des anguilles en captivité
B. La production d’anguilles
I. La production mondiale
II. La production à Madagascar
III. Les espèces existantes à Madagascar
IV. L’espèce Anguilla mossambica
1) Systématique
2) Noms vernaculaires
C. Élevage d’anguilles
I. Les types d’élevage d’anguilles
II. Alimentation
III. Performance de croissance
1) Taux de survie
2) Taux de Croissance Spécifique
3) Indice de conversion alimentaire apparent
IV. Qualité d’eau requise pour l’élevage d’anguilles
1) Température de l’eau d’élevage
2) Concentration en oxygène dissous dans l’eau d’élevage
3) pH
4) Composés azotées : Nitrite, Nitrate, Ammoniac
a) Ammoniac (NH3)
b) Nitrite
PARTIE II : CARACTÉRISTIQUES DE LA CROISSANCE DES CIVELLES (ANGUILLA MOSSAMBICA) ET DE LA QUALITÉ D’EAU DES UNITÉS D’ÉLEVAGE MATÉRIELS ET MÉTHODES
A. MATÉRIELS
I. Milieu d’étude
1) Coordonnées géographiques
2) Activités de la société
3) Plan du bâtiment d’élevage relatif à l’étude
4) Unités d’élevage
a) Composants de chaque unité d’élevage
b) Bassins d’élevage
II. Matériels biologiques
1) Origine des civelles transparentes
2) Matériels de collecte des civelles transparentes
III. Matériels pour la détermination des paramètres étudiés
1) Détermination du poids
2) Mesures des paramètres de la qualité d’eau
a) Température et Concentration en oxygène dissous
b) pH de l’eau
c) Concentration en ammoniac (NH3) dans l’eau d’élevage
IV. Matériels de triage ou de Grading
V. Outils d’analyse de données
B. MÉTHODES
I. Collecte de données
II. Méthode de réception des civelles pêchées à la ferme
III. Stade de production relatif à l’étude
IV. Choix des bassins d’élevage pour l’étude
V. Paramètres étudiés
1) Paramètres zootechniques
a) Les calibres des civelles
b) Poids moyen individuel des civelles
c) Gain moyen quotidien (GMQ)
d) Taux de Croissance Spécifique (TCS)
e) Indice de conversion alimentaire apparent (ICa)
f) Taux de survie (TS)
2) Paramètres relatifs à la qualité d’eau
a) Concentration en oxygène dissous et Température
b) pH de l’eau d’élevage
c) Concentration en ammoniac (NH3) dans l’eau
VI. Analyse des données
RÉSULTATS
A. Productivité des civelles dans les bassins choisis
I. Calibrage des civelles après chaque triage
II. Croissance pondérale
III. D’autres paramètres de croissance
1) Taux de Survie (TS)
2) Taux de Croissance Spécifique (TCS)
3) Gain Moyen Quotidien (GMQ)
4) Indice de Conversion alimentaire apparent (ICa)
B. Caractéristiques de l’eau d’élevage de chaque unité
I. Température de l’eau d’élevage
II. Concentration en oxygène dissous dans l’eau d’élevage
III. pH de l’eau d’élevage
IV. Concentration en ammoniac (NH3) dans l’eau d’élevage
DISCUSSION
A. Productivité des civelles dans les bassins choisis
I. Calibrage des civelles après chaque triage des bassins choisis
II. Croissance pondérale
III. D’autres paramètres de croissance
1) Taux de Survie (TS)
2) Taux de Croissance Spécifique (TCS)
3) Gain Moyen Quotidien (GMQ)
4) Indice de Conversion apparente (Ica)
B. Caractéristiques de l’eau de chaque unité d’élevage
I. Température de l’eau d’élevage
II. Concentration en oxygène dissous dans l’eau d’élevage
III. pH de l’eau d’élevage
IV. Concentration en ammoniac (NH3) dans l’eau d’élevage
CONCLUSION
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXE