Être un “ bon élève ” : les représentations différenciées

L’école doit permettre aux élèves d’acquérir connaissances, savoirs et compétences

                    Lorsque l’expression du « bon élève » est, nous le verrons dans la deuxième partie de ce travail, potentiellement représentable dans l’esprit des jeunes élèves, elle n’est pas clairement illustrée dans les textes académiques et officiels en vigueur. Dès lors, notre travail consiste à aller puiser puis classer, à partir des textes académiques, toutes les notions sous-jacentes à ce que l’on attend d’un élève français en 2021. Lorsque l’on se penche sur les attendus de fin d’année de classe de CP, l’on distingue clairement des notions de compétences et de connaissances attendues chez les élèves. Ces deux notions se déclinent sous différents items, eux-mêmes représentés dans les différentes matières que l’élève est amené à étudier, en particulier le français (lecture, écriture, langage oral), et les mathématiques. Si l’élève doit acquérir un certain nombre de compétences, c’est donc qu’on attend de lui la capacité à maitriser ces compétences plurielles, et à pouvoir les utiliser à bon escient. Dans un dossier spécial mis à disposition sur le site internet Eduscol et rédigé par Sylvie Van Lint2 , la notion de compétences, éclairée par un examen attentif de définitions institutionnelles de différents pays ou régions francophones, vient « mettre en évidence trois termes ». Ainsi « la compétence s’appuie nécessairement sur les « ressources » de la personne », soit « un ensemble intégré de ressources », développé comme la traduction de « ses acquis, (…) de ses connaissances, d’un ensemble organisé de savoirs, savoir-faire et attitudes ».3 Un deuxième axe vient préciser « qu’il ne suffit pas de posséder un ensemble de ressources, mais qu’il convient de pouvoir les mobiliser à bon escient. » Enfin, la finalité de la mobilisation de ces ressources s’inscrit dans un objectif précis et ambitieux, consistant à : « exercer efficacement une activité considérée généralement comme complexe », « dans des tâches et des situations complexes », (…) « pour produire un résultat », dans le cadre d’un « savoir-agir complexe », « permettant d’accomplir un certain nombre de tâches ». Cependant, autour de la notion de compétence gravitent d’autres notions à bien distinguer selon Sylvie Van Lint. En partant de manuels scolaires ou des programmes, la chercheuse indique que « si (c)es différents énoncés sont tous des ressources à faire acquérir à l’apprenant », certains relèvent d’une compétence, d’autres d’une connaissance ou encore d’une procédure. « Une connaissance, appelée aussi parfois un savoir, est un énoncé à comprendre et mémoriser : une définition, une règle, une formule, voire l’énoncé d’un fait. Une procédure, appelée aussi savoir-faire, est une opération, un enchaînement organisé d’actions, qu’on peut apprendre à automatiser parce qu’elle reste toujours la même dans toutes les situations. Une compétence est l’aptitude à accomplir des tâches ou répondre à des situations toujours un peu nouvelles et complexes ».

L’évaluation et les directives ministérielles comme outils pour améliorer l’acquisition des apprentissages

                « Les attendus de fin de cycle précisés dans les programmes donnent aux équipes enseignantes, aux élèves et à leurs familles les repères nécessaires pour apprécier le degré d’acquisition des connaissances et des compétences ainsi que la progression de chaque élève au cours du cycle »8. En observant de près l’intérêt des évaluations scolaires en France, la notion de progressivité et d’appréciation du degré d’« acquisition des connaissances et des compétences » ressort. Dès lors, les programmes et textes officiels apparaissent explicites : il est attendu chez chaque élève un certain degré d’acquisition de connaissances et de compétences. Par ailleurs, un document pédagogique publié par l’Education Nationale lors de la rentrée 2020 et intitulé « Priorités en période 1 (septembre et octobre 2020) »9, établit la liste des notions prioritaires que l’enseignant doit aborder avec les élèves. Chaque document s’apparente à une feuille de route pédagogique, où, à travers le recours à certains verbes à l’infinitif (« développer des capacités d’attention… », « Accepter le regard critique… », « réactiver », « développer », « apprendre … ») transpire la notion de compétences et savoirs (être, faire, vivre) que chaque élève doit être en mesure de décliner grâce aux apprentissages reçus.

Être élève : un métier, complexe ?

              Dans une conférence traitant de la réussite à l’école, donnée par Philippe Meirieu à St Ismier en 2010, ce chercheur, professeur et spécialiste de la pédagogie, développe l’idée que réussir à l’école n’est pas « faire une tâche, mais en comprendre l’objectif ». Il rappelle, avec une pointe d’ironie, que l’institution scolaire parvient à considérer « qu’en milieu de 5ème un élève a appris –ou pas– ce qu’est la réussite scolaire et a maîtrisé –ou pas– son métier d’élève (se comporter normalement, faire ses devoirs, apprendre ses leçons, se tenir à jour…) c’est-à-dire qu’il sait se comporter –ou pas– comme un élève, et que cela va déterminer son avenir » 13 … Selon P.Perrenoud, les élèves sont devenus « des apprenants ». Or « Identifier l’élève à l’apprenant, c’est empêcher de penser la distance entre le rôle que les adultes lui attribuent et ce qu’il en fait, c’est oublier que le métier d’élève est assigné aux enfants et aux adolescents comme un métier statutaire »14. Si de manière idéale, « le métier d’élève (…) invite à travailler pour apprendre », P.Perrenoud liste une réalité pour l’élève faite de tâches, de savoirs-faire et de réponses implicites que l’élève devrait soumettre face aux injonctions institutionnelles et parentales : « on demande aussi aux enfants et adolescents de travailler pour être occupés, pour rendre des textes, des exercices, des problèmes vérifiables, pour être évalués, pour contribuer au bon fonctionnement didactique, pour rassurer leurs maîtres et leurs parents. On les invite à suivre des routines et des règles qui visent parfois à optimiser les apprentissages et le développement intellectuel, mais parfois, plus prosaïquement, à assurer le silence, l’ordre et la discipline, à faciliter la coexistence pacifique dans un espace clos, à garantir le respect des programmes, le bon usage des moyens, l’autorité du maître ».Au-delà de ce constat, l’auteur nous rappelle qu’une « sociologie du métier d’élève (…) s’intéresse au sens que donnent les élèves au travail quotidien, en fonction de leur héritage culturel aussi bien que des situations dans lesquelles on les place. » La formulation « métier d’élève » qui peut être provocatrice, attire finalement l’attention sur la perte ou l’absence de sens de l’école pour certains élèves selon P.Perrenoud. Or, le travail scolaire n’est pas un travail comme un autre. On pourrait dire qu’il s’agit d’un métier du savoir, voire d’un métier du rapport au savoir. Par ailleurs, dans un article extrait de la revue pédagogique « Dialogue » en Juillet 2018, E.Bautier et C.Passerieux évoquent le caractère fondamental du passage de l’élève en école maternelle pour apprendre à devenir élève. Les auteurs y rappellent le danger d’une croyance qui réside dans les esprits, reposant sur l’idée qu’être élève correspond à des attitudes de bases, en oubliant le fait qu’être élève s’apprend via l’entrée dans les apprentissages : « C’est l’entrée dans les apprentissages, par l’étayage de l’enseignant, qui leur permettront de s’approprier les modes d’être dans les activités scolaires, comme les modes de dire scolaires plutôt que de penser qu’il leur faut pour être élève, lever la main, se taire, être gentil avec le maître ou écouter la maîtresse »16. Il devient intéressant de questionner alors, dans le cadre de ce mémoire, ce qui peut définir la différence entre les élèves en capacité ou non de pouvoir lever ce « malentendu ». Nous supposons que les acquis familiaux permettent de pouvoir le dépasser. En effet, lorsque les chercheurs évoquent très explicitement l’exemple du lancer de ballon, notre réflexion d’apprenti-chercheur nous rappelle que les élèves sont avant tout des enfants, qui baignent dans un environnement familial et social, en résonnance ou non, avec l’attitude réflexive demandée (parfois très implicitement) aux élèves : « lorsqu’ils lancent un ballon à l’école, les élèves doivent certes réussir un geste, mais aussi s’interroger sur l’efficacité de ce geste, les stratégies plus pertinentes pour atteindre sa cible… S’ils n’y sont pas entraînés, ils ne peuvent inventer seuls l’anticipation. Ils vont devoir apprendre à anticiper, à reconstruire l’action, de manière différée, par le langage, à mettre en mots l’action du point de vue de l’attention, de la procédure, de la réalisation ». Il réside donc un écart important entre les croyances autour du « métier » d’élève, et la réalité scientifique qui soumet une définition riche et plus complexe qu’une simple liste de savoirs-faire et savoirs-être. Or nous allons pouvoir constater que cette définition-là, trouvera par ailleurs un écho dans les familles et leurs pratiques éducatives, permettant de livrer leurs enfants à l’école comme étant « scolarisables » ou non, c’est-à-dire dotés d’outils et de réflexion de bases, transférables au métier d’élève. Si la posture du bon élève s’inscrit dans une constellation de savoirs mêlée à des premiers temps réflexifs sur son travail, il existe, rappelle Brigitte Monfroy, une autre « catégorie » d’élève dits en difficulté. Cette notion toute relative « d’élèves en difficulté », qui s’impose à la fin des années 1980 est, selon la sociologue, une « notion peu opérante, sinon trompeuse » 17 qui persiste dans le discours des professeurs, tandis qu’elle revêt une complexité sur laquelle l’auteure s’est intéressée. Ainsi, les difficultés scolaires se construisent dans des « processus interactifs qui sont toujours situationnels et contextuels ». La sociologue soulève par ailleurs un paradoxe fort : les élèves en difficulté sont quasiment toujours perçus comme « des cas » « singuliers, atypiques », or, « il existe une forte récurrence des comportements et attitudes des élèves en difficulté », les principales étant le retrait, ou la résistance. Quatre « cas typiques d’élèves » peuvent ainsi refléter les postures d’élèves en difficulté tels que perçus par les enseignants : l’élève figure de la résistance : avec un diagnostic positif ou négatif des potentialités intellectuelles, et l’élève en retrait : avec le même diagnostic binaire des potentialités intellectuelles (incluant les élèves dits « moins problématiques »). L’analyse et la définition de ces élèves en difficulté par B.Monfroy nous permet de transposer à notre présent sujet d’étude une idée importante : les élèves en difficulté sont ceux qui, d’un point de vue sociologique, posent des problèmes de travail à l’enseignant. A l’inverse, les « bons élèves » sont donc les autres, ceux qui ne poseraient pas de problème à leur enseignant. De plus, l’étude sociologique de B.Monfroy nous permet de rappeler plus largement qu’il existe énormément de pré-requis attendus chez les élèves, et éclairera certaines postures d’élèves dans la classe observée.

L’importance du comprendre

                   Dans la conférence menée par Philippe Meirieu traitant de la réussite à l’école28, le chercheur rappelle que parmi les facteurs qui déterminent « la réussite ou l’échec », il existe un facteur « proprement pédagogique : c’est l’écart entre le réussir et le comprendre. » Il ajoute : « Dans le jargon pédagogique on dit que l’objectif n’est pas la tâche -l’exercice- mais l’objectif : comprendre. » Dès lors, « les élèves en difficulté, ceux qui ne réussissent pas à l’école sont ceux qui croient qu’ils ont fait leur travail quand ils ont fait leur travail, quand ils se sont contentés de le faire, même sans comprendre ». Autrement dit, de façon caricaturale : à l’école, faire, c’est bien. Mais comprendre, c’est encore mieux. Or nous verrons, en analysant les entretiens des élèves observés sur le terrain, la difficile subtilité à saisir entre l’importance du faire et la nécessité de comprendre chez de jeunes élèves. Dans un fichier pédagogique du site ministériel Eduscol, à propos du langage oral en cycle 3, et en s’appuyant sur les travaux de l’universitaire Michel Brossard, un groupe d’expert relate que : « Dans le modèle courant du cours dialogué, on pense que l’enfant peut accéder à la compréhension de la leçon en suivant au coup par coup ce qui est dit au cours des différents échanges. C’est plus complexe que cela »29 . Ainsi, Michel Brossard analyse la subtilité des opérations intellectuelles que l’élève doit mener pour comprendre une leçon. II en distingue trois types, ici résumés par Jean-Pierre Astolfi30 : «- des opérations de cadrage, qui lui permettent de situer sur quelle notion porte le travail en cours. Par exemple, être particulièrement attentif aux propos de l’enseignant qui introduit chaque séance en rappelant ou en faisant rappeler au élèves les dernières connaissances travaillées et vers quoi repose les apprentissages de la séance qui débute ; – des opérations d’anticipation, par lesquelles il doit s’interroger sur le pourquoi de ce travail. Ce sont ces opérations qui développent une attitude décisive: celle de s’attendre à ce que ce qui est fait maintenant soit réutilisé plus tard. Cette attente permet les mises en relation et beaucoup d’élèves qui ne la saisissent pas peuvent suivre platement chacun des temps didactiques successifs, sans en voir les enjeux ni les dynamiques ;- des opérations de sélection, à mesure que se déroule l’enseignement ». Comprendre la leçon en cours, c’est donc être capable d’en dégager les informations centrales et d’en reconstruire progressivement le sens. Cela produit, « des effets d’éclairage rétrospectifs, relativement indépendants de la succession des exercices et des activités didactiques »31. Comprendre est donc un acte complexe, qui s’inscrit dans le temps et ses rebondissements didactiques, que l’élève reçoit tous les jours à l’école. Meirieu ajoute quant à lui une double dimension essentielle au « bon apprentissage » : le plaisir d’apprendre, qui se construit dans le temps : « Un des problèmes majeurs des élèves qui sont en difficulté scolaire, est qu’ils croient qu’il leur suffit de faire, alors qu’il faut qu’ils comprennent, et qu’ils n’ont pas accédé au plaisir qu’il y a à comprendre quelque chose de l’intérieur, qu’ils n’ont pas accédé à cette intelligence du réel qui nous rend encore plus capable de plus comprendre encore. (…) Le désir d’apprendre et de savoir demeure intact quand il est réalisé, et parfois il est encore plus grand. Mais cela suppose de pactiser avec le temps, d’entrer dans une temporalité qui permet d’entrer dans la pensée »32. Nous supposons pour notre part que ce « plaisir d’apprendre » peut être également lié au principe de culture familiale ou intégré à certaines valeurs familiales.

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Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE 1 : CONSTRUCTION DE L’OBJET D’ETUDE ET CADRE THEORIQUE
SECTION 1 : CE QUE DISENT LES TEXTES OFFICIELS
A – L’école doit permettre aux élèves d’acquérir connaissances, savoirs et compétences
B – Des compétences scolaires aux attitudes de citoyen : la posture d’élève transférable à celle du citoyen
C – L’évaluation et les directives ministérielles comme outils pour améliorer l’acquisition des apprentissages
D – Les objectifs de la formation en école élémentaire
SECTION 2 : CE QUE NOUS REVELENT LES RECHERCHES SOCIOLOGIQUES ET DES SCIENCES HUMAINES
A – Être élève : un métier, complexe ?
B – L’élève face aux apprentissages : un jeu dont il lui faudrait cerner les règles et les enjeux ?
C – L’autonomie : une notion qui participe à la construction du « bon élève » et nourrit sa représentation
D – L’importance du comprendre
E – Le poids de la famille dans la scolarité
PARTIE 2 : CONFRONTER LA THEORIE A L’EXPERIENCE
SECTION 1 : MODALITES DE LA RECHERCHE
A – Contexte de recherche (descriptif de l’école/classe)
1 – Le cadre d’étude
2 – Choix des observés
B – Méthodes utilisées – Modalités de mise en œuvre
1 – Observations directes et participantes
2 – Entretiens
C- Limites de l’analyse
1 – Dans la forme pratique
2 – Dans le fond
D – Présentation des résultats
SECTION 2 : ANALYSE AUTOUR DE LA NOTION DE « BON ELEVE »
A – L’autonomie – une représentation commune
1 – Les règles et les normes
2 – Elève, un métier pré-requis pour rentrer à l’école
B – Secondarisation et hiérarchisation
1 – Des enjeux importants à cerner
2 – Comprendre pour faire
C – Le « Bon élève », un idéal type socialement situé
1 – Quand l’école et la maison sont en phases
2 – Lorsque les inégalités sociales influent l’équilibre maison/école
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
1 – Plan de la classe
2 – Production des élèves

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