ETRE UN ADOLESCENT NON ACCOMPAGNÉ
Caractéristiques des MNA Comme il est mentionné dans le « Manuel de prise en charge des enfants séparés en Suisse :
Guide pratique à l’usage des professionnels, coordonné » par la Fondation Suisse du Service Social Interna-tional et cité dorénavant comme SSI, « la recherche d’un équilibre entre le monde d’origine et le monde du pays d’accueil joue ainsi un rôle essentiel dans la construction identitaire et le développe-ment des jeunes migrants. » (SSI, 2016, p.8). Ce manuel s’adresse à toutes les personnes concernées par la prise en charge des MNA ainsi qu’aux différents services compétents en lien avec les mineurs non accompagnés. Il propose un cadre de référence en neuf étapes proposant des conseils et des outils afin que les acteurs du domaine puissent identifier, accompagner, évaluer et orienter au mieux ces enfants et ces jeunes adultes (SSI, 2016, p.11). Selon l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), citée par la Fondation Suisse du Service Social In-ternational, l’adolescence est considérée comme « la période de développement située entre les âges de 10 et 19 ans. » (SSI, 2016, p.8).
Il est à noter que jusqu’à 25 ans, les adolescents subissent d’importantes transformations physiques et psychologiques. En effet, cette période est cruciale, surtout si les jeunes ont subi des trauma-tismes pendant leur enfance. Sans oublier que l’adolescence est le tremplin entre l’enfance et l’âge adulte. C’est la période durant laquelle les jeunes sont en constante recherche de leur identité et de leur place dans la société. C’est donc à ce moment-là que le besoin de repères et de figures de réfé-rence joue un rôle important dans la construction de leur identité. Comme cité au début de mon travail, le nombre d’enfants et d’adolescents arrivant en Suisse, sans être accompagnés par un adulte, a fortement augmenté jusqu’en 2015. En 2016, le nombre a dimi-nué mais reste conséquent comparé aux chiffres de 2014. En effet, selon la Confédération suisse, 21’465 demandes d’asile ont été déposées en 2013, 23’765 en 2014, 39’523 en 2015 et 27’207 en 2016. De ces demandes d’asile, 346 requêtes concernent des MNA en 2013, 795 en 2014, 2’736 en 2015 et 1’997 en 2016 (SEM, Statistiques, 2015 et SEM, Statistiques, 2016).
Actuellement, les Erythréens et les Afghans sont les deux populations d’enfants qui représentent le plus grand nombre des MNA arrivant en Suisse avec des chiffres s’élevant à 1191 d’Erythrée et 909 d’Afghanistan en 2015. Ces chiffres ont diminué en 2016 (850 d’Erythrée et 352 d’Afghanistan) mais les deux populations restent les principales à migrer sur le territoire, au vu de leurs situations ac-tuelles (SEM, Statistiques, 2015 et SEM, Statistiques, 2016). Les motifs de fuite sont différents pour chaque cas mais en général, les enfants et adolescents fuient un conflit, la pauvreté, les mauvais traitements, ou quittent parfois leur pays suite au décès de leurs parents. Les abus, les menaces d’enlèvements, le recrutement forcé, le travail des enfants et la pros-titution ne sont que quelques exemples qui poussent les enfants à fuir leur pays. De plus, il arrive qu’ils soient mandatés par leur famille afin de gagner de l’argent pour les aider financièrement (OADE, 2014, p.7). Avant d’arriver en Suisse et d’être en sécurité, les MNA doivent entamer un voyage par terre ou mer qui dure, la plupart du temps, plusieurs mois ou années. De plus, en arrivant dans le pays d’accueil, les mineurs se retrouvent confrontés à des difficultés diverses dues au choc culturel telles que : le manque de repères, la confrontation à une culture inconnue et à des valeurs différentes ou oppo-sées, la méconnaissance de la langue, sans ajouter la pauvreté et des fortes discriminations etc. (OADE, 2014, p.9).
Cadre juridique : La Convention relative aux droits de l’enfant En Suisse, le cadre légal concernant les MNA se compose de plusieurs normes à différents niveaux, soit les normes internationales, les normes fédérales et les normes cantonales. La Convention rela-tive aux droits de l’enfant, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 20 novembre 1989, est entrée en vigueur en Suisse en 1997. Cette Convention a pour but de défendre les droits de l’enfant en garantissant son intérêt supérieur (SEM, 2015, p.1). En quelques mots, afin de mieux comprendre le rôle du Comité des droits de l’enfant, il est judicieux de mentionner qu’il a pour but de surveiller l’application de la Convention relative aux droits de l’enfant et de contrôler les rapports présentés par les Etats parties. Dans son rapport « Observations finales concernant les deuxièmes à quatrième rapports périodiques de la Suisse, soumis en un seul document », le Comité des droits de l’enfant fait part de son conten-tement de l’entrée en vigueur en 2014 de la version révisée de la loi suisse sur l’asile (ONU, 2015, p.16).
Celle-ci prévoit un traitement prioritaire des demandes d’asile de mineurs non accompagnés. Toutefois, le rapport mentionne un mécontentement face à la procédure d’asile pour les mineurs non accompagnés qui ne serait pas toujours guidée par l’intérêt supérieur de l’enfant. En effet, en ce qui concerne les réclamations du Comité, celui-ci demande que l’Etat veille à respec-ter les besoins spécifiques des enfants et que la procédure d’asile soit toujours guidée par l’intérêt supérieur de celui-ci. De plus, il ajoute que des normes minimales pour les conditions d’accueil, d’intégration et de la protection sociale doivent s’appliquer sur l’ensemble du territoire. Enfin, l’Etat doit veiller à ce que les centres d’accueil et de prise en charge de mineurs non accompagnés soient adéquats et respectent les normes des Nations Unies (ONU, 2015, p.17).
A titre d’exemple, comme il est dit par le SSI dans son manuel : « Il est de la responsabilité des Etats d’accueil d’organiser une prise en charge des enfants séparés adaptée et respectueuse des droits de l’enfant. Or, la procédure d’asile seule ne permet pas d’évaluer la situation d’un enfant séparé selon l’ensemble des principes évoqués dans la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE), ratifiée par la Suisse en 1997. La CDE souligne notamment la nécessité d’évaluer l’intérêt supérieur de l’enfant (article 3) et le droit d’être entendu dans toutes les procédures qui le concernent (article 12). Il est ainsi du devoir des pays d’accueil de mettre en place des procédures qui respectent non seulement la position de l’enfant en tant que « mineur » avec des besoins spécifiques, mais également en tant qu’« acteur» de son propre parcours. Chaque enfant a ainsi droit à ce que sa situation personnelle soit évaluée et considérée dans tous les changements qui concernent sa vie. » (SSI, 2015, p. 4) Comme mentionné dans le début du travail, il est primordial que le RMNA soit considéré comme « enfant/mineur/adolescent » avant d’être considéré comme « requérant » et que sa demande soit traitée comme telle.
Curateur vs Personne de confiance
Avant de définir les deux notions, il est judicieux de rappeler que la personne de confiance est nom-mée au début de la procédure d’asile alors que le curateur/tuteur est désigné une fois que l’attribution du MNA à un canton est faite. Au regard de l’article 17 alinéa 3 de la LAsi, les MNA ont le droit d’être représentés par une personne de confiance qui a pour but de défendre leurs intérêts, de les accompagner et de les soutenir au cours de la procédure dans un aéroport ou durant le séjour dans un CEP : il en va de même après l’attribution cantonale (SEM, Manuel Asile et retour, article C10, 2015, p.6). Une fois que l’attribution du MNA à un canton est faite, l’autorité cantonale doit désigner un cura-teur/tuteur selon la situation du MNA (décès ou non des parents), qui se chargera de défendre ses intérêts et de le représenter, selon le type de curatelle/tutelle qui a été décidé préalablement. Le processus pour désigner un curateur peut prendre du temps. Il arrive même que certains MNA ne se voient pas attribuer de curateur et sont donc suivis uniquement par la personne de confiance lors de leur arrivée en Suisse.
En effet, les curateurs ne sont pas assez nombreux pour suivre tous les cas de MNA (CSAJ, 2014, p.6). L’autorité cantonale de protection de l’enfant décide si celui-ci bénéficiera d’une curatelle ou d’une tutelle. A savoir, la curatrice ou le curateur assiste l’enfant par ses actes et ses conseils alors que la tutrice ou le tuteur a les mêmes droits que les parents. Généralement, les MNA sont placés sous curatelle car « en vertu de l’article 327a CC, l’autorité de protection de l’enfant nomme un tuteur lorsque l’enfant n’est pas soumis à l’autorité parentale ». Contrairement à la tutelle, la curatelle n’offre qu’une mesure de protection limitée, dans le sens où elle défend les intérêts des MNA qui souffrent de l’absence de représentants légaux (SEM, Manuel Asile et retour, 2015, p.7-8).
Toutefois, il arrive que des MNA ne bénéficient ni d’une personne de confiance, ni d’une curatelle. En effet, comme il est dit dans la brochure de l’OADE (Observatoire suisse du droit d’asile et d’étrangers) : « Les rapports entre l’institution d’une personne de confiance et les mesures prises en vertu du droit de la protection de l’enfance sont en discussion ; l’ODM ne s’exprime pas clairement à ce sujet. D’autres instances sont d’avis que des mesures relevant du droit de la protection de l’enfant doivent impérativement être ordonnées pour chaque MNA et que la désignation d’une personne de confiance n’est qu’un complément et ne saurait remplacer une mesure du droit de la protection de l’enfant. » (OADE, 2014, p.12)
A titre d’exemple, selon le Comité des droits de l’enfant, plusieurs mesures devraient être prises concernant les personnes de confiance afin de garantir l’intérêt supérieur de l’enfant. Il est spécifié que la personne de confiance, pour les demandeurs d’asile mineurs, doit être convenablement for-mée pour travailler avec des mineurs non accompagnés afin de répondre au mieux à leurs besoins. En effet, jusqu’à ce jour, les personnes de confiance n’ont pas l’obligation d’avoir une expérience dans le domaine de la prise en charge ou des droits de l’enfant (ONU, 2015, p.17). La notion de personne de confiance peut être comprise au sens large du terme. En effet, « il peut s’agir aussi bien d’un curateur au sens de l’art. 306, al. 2, CC que d’une personne de confiance telle que définie par la jurisprudence (JICRA 2006/14) » (LAsi, 2016, art. 1.3.4.2).
Comme il est mentionné dans la procédure d’asile éditée par le SEM : « Quant au rôle de la personne de confiance, il est multiple et rejoint celui d’un curateur. Il comprend non seulement la défense des intérêts du RMNA et sa représentation tout au long de la procédure d’asile, mais également des tâches administratives et d’organisation (p. ex. l’encadrement au lieu de domicile, le règlement de questions d’assurance, la garantie d’un éventuel traitement médical, etc.). Selon l’art. 7, al. 3, OA 1, la personne de confiance guide et soutient le RMNA lors de la procédure d’asile, ce qui implique qu’elle dispose de connais-sances juridiques suffisantes pour pouvoir apporter un appui effectif dans le cadre de la pro-cédure d’asile. » (SEM, Manuel Asile retour, article C10, 2015, p.13)
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Table des matières
1. INTRODUCTION
1.1. BUT DE LA RECHERCHE ET DÉLIMITATION DU SUJET
1.2. PRÉSENTATION DU TEXTE
1.3. DEUX QUESTIONS PRINCIPALES
1.4. POSITIONNEMENTS ÉTHIQUES
2. LA SITUATION DES MNA
2.1. CADRE LÉGAL
2.1.1. DÉFINITION DES MNA
2.1.2. CARACTÉRISTIQUES DES MNA
2.1.3. CADRE JURIDIQUE : LA CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DE L’ENFANT
2.1.4. CURATEUR VS PERSONNE DE CONFIANCE
2.2. PROCÉDURE D’ASILE POUR LES MNA
2.3. ACCUEIL DES MNA
2.3.1. LES COMPÉTENCES FÉDÉRALES ET CANTONALES CONCERNANT L’ACCUEIL
2.3.2. HÉBERGEMENT ET ENCADREMENT
2.3.3. ECOLE ET FORMATION
2.4. LA SITUATION INQUIÉTANTE DES MNA DANS LE CANTON DE VAUD
3. APPROCHES THÉORIQUES
3.1. L’ACCOMPAGNEMENT DES MNA
3.2. ETRE UN ADOLESCENT NON ACCOMPAGNÉ
3.3. 18 ANS, ET APRÈS ?
3.4. POSITIONNEMENTS DES PROFESSIONNELS DU TRAVAIL SOCIAL
3.4.1. L’ANALYSE DE L’ACTIVITÉ DANS LE TRAVAIL SOCIAL
3.4.2. DES MANDATS IMPOSSIBLES ?
3.4.3. COMPARAISON DE L’ENCADREMENT DES FOYERS ACCUEILLANTS DES ENFANTS SUISSES AVEC LES FOYERS DE L’ETABLISSEMENT VAUDOIS D’ACCUEIL DES MIGRANTS (EVAM)
3.4.4. LES MANDATS DES ÉDUCATEURS DANS LES STRUCTURES D’ACCUEIL SPÉCIALISÉES
3.4.5. LE TRAVAIL EN RÉSEAU ENTRE PROFESSIONS MULTIDISCIPLINAIRES
3.4.6. L’INVESTISSEMENT DES BÉNÉVOLES AUPRÈS DES MNA
3.4.7. L’ÉTHIQUE PROFESSIONNELLE : DÉFI POUR LES PROFESSIONNELS DU TERRAIN ?
4. APPROCHE DU TERRAIN ET MÉTHODOLOGIE
4.1. PRÉSENTATION DU TERRAIN D’ENQUÊTE
4.1.1. LES FOYERS DE L’ETABLISSEMENT VAUDOIS D’ACCUEIL DES MIGRANTS (EVAM)
4.1.2. PROJET « ESPACE-CONTACT »
4.1.3. PROJET « ESPACE DE SOUTIEN SCOLAIRE ET DE SOUTIEN ADMINISTRATIF »
4.2. TYPE DE RECHERCHE : GROUNDED THEORY
4.3. RECUEIL DES DONNÉES : UN TERRAIN DIFFICILE D’ACCÈS
4.3.1. APPROCHE DU TERRAIN PAR DES ENTRETIENS SEMI-DIRECTIFS
4.3.2. ENTRETIENS SEMI-DIRECTIFS AVEC DES PERSONNES CONCERNÉES PAR LA PRISE EN CHARGE DES MNA
4.3.3. OBSERVATIONS PARTICIPANTES DANS DES PROJETS BÉNÉVOLES
5. TECHNIQUE D’ANALYSE : TRANSCRIPTION ET CODAGE
6. RÉSULTATS
6.1. LE SUIVI ÉDUCATIF VU PAR DES ÉDUCATRICES EN FOYER MNA
6.1.1. LES MOTIVATIONS À TRAVAILLER DANS CE DOMAINE DE PRATIQUE
6.1.2. L’ÉPUISEMENT DES PROFESSIONNELS DU TERRAIN
6.1.3. LE TRAVAIL RÉEL ET LE TRAVAIL PRESCRIT DES ÉDUCATRICES DANS UN FOYER MNA
6.1.4. POSITIONNEMENT SUR L’ACCOMPAGNEMENT DES MNA PROCHES DE LA MAJORITÉ
6.1.5. SOLUTIONS POSSIBLES ET DURABLES, RÉFLEXIONS ET PISTES D’ACTIONS
6.2. LA SITUATION DES MNA VUE PAR DEUX PORTEURS DE PROJETS BÉNÉVOLES
6.2.1. LES MOTIVATIONS À S’ENGAGER POUR CETTE CAUSE
6.2.2. LES PLUS-VALUES DU BÉNÉVOLAT ET DE L’ACTION-PARRAINAGES
6.2.3. LES LIMITES DU BÉNÉVOLAT ET DE L’ACTION-PARRAINAGES
6.2.4. POSITIONNEMENT DES BÉNÉVOLES FACE À L’ENJEU DE L’ACCOMPAGNEMENT DES MNA
6.2.5. SOLUTIONS POSSIBLES ET DURABLES, RÉFLEXIONS ET PISTES D’ACTIONS
6.3. LA SITUATION DES MNA VUE PAR DES ACTEURS POLITIQUES ENGAGÉS DANS L’AMÉLIORATION DES CONDITIONS D’ACCUEIL
6.3.1. L’INFLUENCE DE L’OPINION PUBLIQUE DANS LE DOMAINE DE LA MIGRATION
6.3.2. L’ENGAGEMENT DE L’ETAT DANS LA PRISE EN CHARGE DES MNA
6.3.3. POSITIONNEMENT DES ACTEURS POLITIQUES FACE À L’ENJEU DE L’ACCOMPAGNEMENT DES MNA
6.3.4. SOLUTIONS POSSIBLES ET DURABLES, RÉFLEXIONS ET PISTES D’ACTIONS
7. CONCLUSION
8. BIBLIOGRAPHIE
8.1. SOURCES SCIENTIFIQUES – 62 –
8.2. DOCUMENTS ADMINISTRATIFS (CANTONAL, FÉDÉRAL, INTERNATIONAL) – 63 –
8.3. DOCUMENTS ONG – 65 –
8.4. ARTICLES DE PRESSE, DOCUMENTS DIVERS – 66 –
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