ÉTIOPATHOGENIE DE L’INCLUSION CANINE MAXILLAIRE

ÉTIOPATHOGENIE DE L’INCLUSION CANINE MAXILLAIRE

Les canines sont le pivot de l’occlusion ,elles ont invariablement les plus longues et les plus épaisses racines, leurs situations aux quatre coins des arcades, en font les pierres angulaires de la denture (7, 8, 9) . Pour Farrar [1888] cité par Philippe (10) cette dent bien particulière est synonyme
d’agressivité , elle exprime : La détermination, Le courage et La férocité «firmness, courage, ferocity ». Mieux comprendre la place de la canine et son importance dans les fonctions oro-faciales demande une connaissance précise de son anatomie(11) Selon Paul Housset cité parRomerowski et coll (12) « l’étude de la morphologie est indispensable non pas pour la simple connaissance de la froide anatomie, mais pour pénétrer le sens de la forme dans sa genèse, dans sa fonction et dans son adaptation ». La canine possède une morphologie particulière dite incisiforme , elle déborde des dents voisines à la fois par sa couronne monocuspidée , entre une zone de désocclusion et une zone de contrainte avec une face vestibulaire préfigurant la morphologie des prémolaires(13).
La racine a une section ovalaire et forme sur l’os maxillaire une saillie très nette à la palpation appelée « bosse canine »,son importante épaisseur vestibulo-linguale lui offre une résistance aux forces occlusales (Fig 1). Son aspect trapu, sa taille, sa position dans la bouche, sa convexité et son inclinaison radiculaire distale, font d’elle la dent la plus stable de l’arcade dentaire et donne du caractère au sourire, elle constitue à cet égard la clef de voute de l’arcade dentaire(8, 9, 12-15)
Jacoby (16) a décrit un germe dentaire permanent se développant dans la fosse canine en position palatine au-dessus de l’apex de son prédécesseur avec une proximité anatomique étroite entre le plancher nasal, l’os orbitaire et la limite antérieure du sinus maxillaire.

Formation et mise en place de la canine

La canine et les fonctions qui lui sont aujourd’hui associées sont le résultat d’une évolution qui commence dès les premières semaines intra-utérines et se poursuit dans les premières années de la vie. Le développement débutera par la canine temporaire qui laissera ensuite la place à la canine permanente qui se développera selon le même mode (17-19) Les étapes de la morphogenèse de la dent vont se succéder et ainsi se poursuit la morphogenèse coronaire de la canine. Par la suite, le tissu embryonnaire sera remplacé par du tissu osseux formant la loge osseuse dénommée crypte osseuse où s’effectuera la minéralisation de la couronne et l’amorce de la formation radiculaire (20, 21).
L’éruption dentaire est une succession d’événements génétiquement programmés faisant partie intégrante de la croissance crâniofaciale. Mais le mécanisme exact derrière l’éruption des dents et la genèse de la racine reste inconnue .On ne sait pas si les forces éruptives sont de même nature et de même valeur à divers stades du cycle éruptif. Selon Van Der Linden cité par Korbendau et coll (22) , l’éruption évoque l’ensemble du cheminement et d’émergence de la dent. Théoriquement, la canine temporaire fait son éruption entre le 18 ieme et le 24ieme mois. Pour la canine permanente, la phase éruptive débute à la fin de la minéralisation de la couronne entre l’âge de 6 et 7 ans. (23) Hurme en 1949, Logan et Kronfield en 1969, Demirdjan en 1973 cité par Boudaoud(24) ont été les premiers à établir la chronologie normale de l’éruption des dents temporaires et permanentes. Elles servent encore de référence à l’heure actuelle. Plusieurs auteurs(25-31)ont étudié les mécanismes de l’éruption dentaire depuis ces trente dernières années. Toutes les études sur l’éruption des dents concluent que le mécanisme derrière l’éruption
n’est pas entièrement compris(30, 32) . Néanmoins, les données disponibles montrent que le mécanisme de l’éruption est probablement multifactoriel(33) . Parmi les diverses hypothèses qui ont été proposées, plusieurs ont été rejetées dont la théorie de la pression hydrostatique et celle de la traction du ligament parodontal(23, 30, 34) . Aujourd’hui, les principales théories retenues sont le
remodelage osseux , le follicule dentaire qui est une structure qui contrôle les mécanismes moléculaires et cellulaires à l’origine du déplacement de la dent vers sa position occlusale en résorbant l’os supra coronaire et en permettant la formation de la racine dentaire et du ligament parodontal. ( 30-32,35,36)
Nous avons également la pré-programmation génétique par l’expression de nombreux gènes : [PAX9, MSX1/2, RUNX2, BMPs, FGFs,LEF1, DLX1, BARX1, LHX6/7, GLI1/2/3] (37) .Il est également possible que le processus de pré-programmation soit influencé par l’environnement et emploie différents mécanismes à divers stades du processus éruptif (18, 25, 38-42) . Le processus
d’éruption peut être divisé en cinq étapes et chacune fait intervenir des interactions réciproques intenses entre la dent et les tissus environnants. (38) Lors de l’émergence de la couronne dans la cavité buccale, la dent réalise l’éffraction gingivale, débutant l’étape pré-occlusale. Elle passe par deux stades, le premier la racine est totalement édifiée, avec un apex largement ouvert. Le deuxième, on a la maturité de la dent avec édification apicale complète. La dent continue son ascension jusqu’à ce que les dents entrent en contact avec leurs antagonistes, elle est alors fonctionnelle.

Chemin et critères d’éruption normale de la canine
Le germe de la canine définitive apparait au quatrième mois en position linguale au niveau du mur antérieur du sinus maxillaire, en dessous des cavités orbitaires de part et d’autre des fosses nasales,. (16, 19) La canine a la plus longue période de développement, si l’on compare la première molaire maxillaire qui débute sa minéralisation à la naissance et émerge six ans plus tard, la canine débute sa minéralisation quatre à cinq mois après la molaire, émerge douze ans plus tard mettant donc deux fois plus de temps pour sa migration. (22, 43) Selon Coulter et Richardson (44) la phase éruptive débute lorsque la minéralisation de la couronne est terminée vers 6-7 ans. A ce stade, la canine permanente va entretenir des rapports étroits avec (Fig 2) :  L’incisive latérale permanente qui sert de plan de guidage.  La première prémolaire située en dessous et qui émerge plus rapidement que la canine car leurs couronnes se trouvent à des niveaux différents qui correspondent à l’ordre d’éruption.  L’angle distal de la canine rejoint l’angle mésial de la prémolaire au niveau d’une dépression dénommée fosse canine (22)  la paroi externe des fosses nasales en dehors desquelles s’édifie sa racine dans la crypte osseuse précédemment occupée par sa couronne. La canine se déplace progressivement vers le plan d’occlusion en se redressant distalement jusqu’à sembler buter contre la face distale de la racine de l’incisive latérale, sur laquelle elle exerce une pression mésiale qui provoque le redressement des incisives dont le grand axe perd progressivement sa convergence apicale.
Le moment le plus opportun pour réaliser le dépistage d’une éventuelle inclusion et d’observer l’éruption intra-osseuse de la canine maxillaire est vers l’âge de 8 ans .Cette période critique requiert une surveillance toute particulière car c’est à ce moment-là que la dent quitte sa position palatine pour migrer vers le vestibule (1).
Chronologie d’éruption des canines maxillaires permanentes
En denture permanente, les dates d’éruption sont variables essentiellement pour les canines, les prémolaires et les secondes molaires. Cette variabilité dépend également du sexe, car elle est significativement plus précoce chez les que chez les garçons d’environ 6 mois (Fig 6). Elles se positionnent entre l’âge de 9 et 12 ans selon Le Gall et coll (48) et 10 à 12 ans pour Dachi (49) 11 et 12 ans pour Dahiya et coll (50).
Plusieurs auteurs ont établi des tableaux et des graphiques schématiques des stades de développement des dents, avec des variations considérées comme normales , mais l’éruption peut être retardée de plusieurs années chez certains sujets sans aucune cause locale ou générale apparente.(52-54) On parle de retard d’éruption lorsque l’éruption survient au-delà des âges limites d’éruption admis habituellement. [1 ans pour les dents définitives]. À 8 ans le centre des cryptes des canines se situe à la hauteur du plancher nasal À 9 ans les couronnes viennent s’appuyer contre la face distale des racines des latérales (Fig 5).
Bien que l’éruption des dents permanentes est sous contrôle génétique, divers facteurs généraux tels que le sexe, le statut socioéconomique, la morphologie crâniofaciale, les maladies systémiques et les syndromes, peuvent influencer la chronologie normale de l’éruption(56).

Rôles de la canine
Rôle dans la préparation du bol alimentaire : La canine est conçue pour déchirer et déchiqueter, avec les incisives, elle participe dans la préhension et le découpage des aliments, sert aussi lors des mouvements de mastication en guidant les mouvements mandibulaire prenant en charge les forces dans les mouvements de latéralité, et favorisant l’action des muscles masticateurs lors de l’écrasement(48, 57, 58).
Rôle de guide sensoriel : Les canines ont des capacités proprioceptives desmodontales de haut niveau grâce à leur sensibilité et leur finesse qui envoient les premières informations au système nerveux central assurant le contrôle de l’activité musculaire ce qui fait, de la canine une « dentclé » pour le guidage des mouvements de latéralité fonctionnelle ou para-fonctionnelle (48, 59) Rôle dans le maintien de l’espace : Les canines temporaires ou permanentes, jouent un rôle déterminant sur la croissance du maxillaire, dans l’harmonie de la croissance faciale. L’observation et la surveillance précoce de son évolution font partie intégrante des objectifs de nos plans de traitement et du suivi bucco-dentaire des enfants pour intercepter les inclusions ou les malpositions sévères qui seront préjudiciables non seulement à la fonction mais aussi à l’esthétique dentaire de l’adolescent et de l’adulte(60).

Rôle esthétique :
Charles M Schulz cité par Alruwaithi et coll(61) avait raison en disant un jour: « Il n’y a rien de plus attrayant qu’un beau sourire car c’est la clé de l’attractivité faciale. Ce sont les « six dents antérieures» qui déterminent le sourire d’un individu. L’éruption, la position et la morphologie normale de ces dents sont essentielles à l’esthétique du visage et à la phonétique. Elles ont un effet majeur sur l’estime de soi et l’interaction sociale générale ». Les canines maxillaires sont la clé d’une fonction occlusale optimale et du maintien de l’esthétique par le soutien des téguments au niveau de la région supra commissurale. Elles jouent un rôle esthétique important grâce à la protubérance et au bombé osseux vestibulaire qu’elles créent. (9) Rôle dans le maintien de la dimension verticale : La canine est un élément essentiel au calage de la dimension verticale de l’occlusion grâce à l’articulation dento-dentaire par l’intermédiaire des surfaces guides représentées par les faces linguales et les bords libres des incisives et des canines maxillaires et les surfaces occlusales d’appui représentées par les bords libres des incisives mandibulaires et les cuspides des canines mandibulaires(48).
Rôle dans l’équilibre occlusal : La canine joue un rôle physiologique dans l’occlusion fonctionnelle et la cinématique de l’appareil manducateur. Grâce à la « fonction canine » ou la « fonction de groupe», elle assure la protection de l’articulation temporo-mandibulaire. Selon Romerowski et coll (59) , la canine est l’agent principal du mouvement mandibulaire terminal d’intercuspidation en raison de sa forte implantation radiculaire dans l’os alvéolaire et de son importante hauteur coronaire . ERUPTION.

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Table des matières

Remerciements
Dédicaces
Acronymes et abréviations
Introduction
PREMIERE PARTIE
CHAPITRE I : ERUPTION DE LA CANINE
1-Formation et mise en place de la canine
2-Chemin et critères d’éruption normale de la canine
3-Chronologie d’éruption des canines maxillaires permanentes
4-Rôles de la canine                                                                                                                CHAPITRE II : ERUPTION PATHOLOGIQUE
1-L’inclusion canine maxillaire
1.1-Terminologie
1.2-Quand peut-on parler d’inclusion ?
1.2.1- Par rapport à l’âge
1.2.2- Par rapport à l’édification radiculaire
1.2.3- Par rapport à l’absence de la voussure canine lors de la palpation
1.3-Epidémiologie de l’inclusion canine maxillaire                                                                      CHAPITRE III : ÉTIOPATHOGENIE DE L’INCLUSION CANINE MAXILLAIRE
1-Facteurs généraux
1.1-Facteurs héréditaires et congénitaux
1.1.1-L’hérédité
1.1.2-Déficiences congénitales et syndromiques
1.1.3-Les maladies systémiques
2- Causes loco-régionales
2.1-Rôle de la ventilation
2.2-Dysharmonie squelettique
2.3-Le déficit transversal du maxillaire
3-Causes locales
3.1-Théorie de l’orientation (guidance theory)
3.2-Disponibilité de l’espace sur l’arcade (DDM)
3.3-Causes liées au germe ou à son environnemen
3.4-Anatomie de la portion antérieure du palais et densité osseuse
3.5-L’ankylose
3.6-Facteurs iatrogènes
CHAPITRE IV : CLASSIFICATIONS DE L’INCLUSION CANINE MAXILLAIRE
1-Classification anatomo-clinique et physiopathologique
2-Classification de Yamamoto et coll
3-Classification selon l’abord chirurgical
4-Classification selon Ghoneima et coll
5-Conséquences de l’inclusion                                                                                                CHAPITRE V : DEMARCHE DIAGNOSTIQUE
1-Méthodes conventionnelles de diagnostic des canines incluses
1. 1-Interrogatoire
1.2-Examen clinique
1. 3-Examen para clinique
1.3.1-Radio Panoramique
1.3.2-Rétroalvéolaire
1.3.3-La radiographie dysocclusale [cliché mordu]
1.3.4-Téléradiographie de profil
1.4-Limites de la radiographie conventionnelle
2-Tomodensitometrie
2.1-Principes de base de l’imagerie
2.2-Medical Computerized Tomography (MDCT
2.2.1-Description du dispositif : le tomodensitomètre
2.2.2- Grandeurs dosimétriques spécifiques du scanner
3-Risques et irradiations d’origine odontologique
4-Logiciel de reconstruction, de visualisation et de post traitement : dentascanner
4.1- Traitement informatique des fichiers
4.1.1- Lecture anatomique d’une coupe axiale
4.1.2- Lecture anatomique d’une reconstruction coronale oblique
4.1.3-Différents types de reconstructions
5-Avantages et inconvénients du scanner (CT) dans le diagnostic d’une inclusion canine
6- Scanner et optimisation dosimetrique des protocoles                                                                CHAPITRE VI : DECISION THÉRAPEUTIQUE
1-Facteurs pouvant influencer la décision thérapeutique
1.1-Dilacération radiculaire
1.2-Présence de résorptions des dents adjacentes
1.3-Degré de résorption radiculaire
1.4-Localisation du niveau de la résorption radiculaire sur l’incisive
1.5-Follicule canin : critères d’évaluation des images de l’espace pericoronaire
1.6- Direction de la traction
1.7-L’ampleur du déplacement et durée du traitement
1.8-Difficultés du traitement
1.9-Ankylose
2-Options thérapeutiques
2.1-Traitement préventif et interceptif
2.2-Le traitement curatif
2.2.1-Abstention thérapeutique et observation
2.2.2-Désinclusion orthodontico- chirurgicale
2.2.3-Extraction de la canine incluse
2.2.4-L’auto-transplantation
2.2.5-Autre alternatives thérapeutiques
3-Pronostic de mise en place de la canine incluse
4-Etude comparative entre le scanner et le cônebeam
DEUXIEME PARTIE : ETUDE EXPERIMENTALE
1.-Problématique
2-Hypothése de l’étude
3- Objectifs de l’étude
4-Type d’étude
5- Population, lieu et durée de l’étude
5.1- Les critères d’inclusion
5.2- Les critères d’exclusion
6- Matériel et méthode
6.1-Le déroulement de l’enquête
6.2- Moyens
7-Resultats
8-Discussion
Conclusion et recommandations  
Références bibliographiques
Annexes…

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