Etiologie des prédispositions génétiques aux cancers du sein et de l’ovaire
Epidémiologie
Les cancers du sein
En France métropolitaine, le cancer du sein est une maladie quasiment exclusivement féminine présentant une incidence estimée à 54 062 cas en 2015, soit 94.7 pour 100 000 (InVS : Institut de Veille Sanitaire), provoquant 11 913 décès la même année (les cas de cancer chez l’homme ne représentent qu’1% de la pathologie). Cette pathologie demeure le cancer le plus fréquent chez la femme et le 2ème plus fréquent tous cancers confondus. Son incidence a fortement augmenté entre 1980 et 2012 (+1,4% par an en moyenne) avec néanmoins une baisse sur la période 2005-2012 (-1,5% par an) .
Les facteurs qui pourraient expliquer cette baisse comprennent notamment une saturation du dépistage et une diminution de la prescription de traitements hormonaux de la ménopause .
Malgré cela le groupe des cancers les plus jeunes (dans la tranche 30-39 ans) montre une augmentation constante de l’incidence, passant de 32.8 en 1980 à 54.09 nouveaux cas pour 100 000 personnes par an (PA) en 2012. La mortalité est restée relativement stable sur la même période, avec une baisse plus significative en regardant la période 2005-2012 (-1.5% par an). Ainsi en 2012, l’âge médian au diagnostic était de 63 ans, et l’âge médian de décès de 73 ans. Le taux de survie atteint aujourd’hui 87 % à 5 ans 76 % à 10 ans. Les projections de l’Institut de Veille Sanitaire pour 2015 estiment le nombre de nouveaux cas à 54 062, correspondant à 31% des cancers diagnostiqués chez la femme . Le nombre de décès est lui estimé à 11913 (soit 14,6 décès pour 100 000 PA) sur cette même année, correspondant à 18.2% des décès par cancer chez la femme.
Au niveau international, le nombre de nouveaux cas de cancers du sein a été estimé à 1,67 million en 2012 (43,1 nouveaux cas pour 100 000 PA), toujours en tant que 2ème cancer le plus fréquent et en tant que 1er chez la femme (soit 25% des cancers féminins). La France montre une des plus fortes incidences en Europe (89,7 nouveaux cas pour 100 000 PA), supérieure à celle de l’Union Européenne (80,3 nouveaux cas pour 100 000 PA) . Le taux de mortalité sur la même année au niveau mondial a été estimé à 521907 décès (12,9 décès pour 100 000 PA) soit 14,7% des décès par cancer chez la femme. En France, le taux de mortalité est proche de la moyenne européenne (15,5 décès pour 100 000 PA).
Les cancers de l’ovaire
En France, le cancer de l’ovaire est la 7ème cause de cancers et la 4ème cause de décès par cancer chez la femme. Son incidence a été évaluée à 4615 cas en 2012, soit 7.6 pour 100 000 personnes , provoquant par ailleurs 3140 décès la même année.
L’incidence de ce cancer diminue depuis 1990, avec une accélération de la diminution depuis 2005 . Le taux de mortalité suit une évolution assez semblable, avec une accélération de la diminution à partir de 2005. Cette diminution peut s’expliquer notamment par la prise de contraceptifs oraux, reconnus comme facteur protecteur dans le cancer de l’ovaire . Ce cancer est de très mauvais pronostique, dû à un diagnostic souvent tardif et donc à une maladie régionalement étendue. En effet l’âge médian au diagnostic est de 66 ans et l’âge médian au décès est de 76 ans. Les taux de survie à 5 ans et à 10 ans sont respectivement de 40 % et 32 %, avec peu d’évolution dans le temps.
Contexte d’apparition
Le cancer est une maladie d’origine génétique liée à l’accumulation de variants génétiques dans les cellules, leur conférant des avantages de prolifération ou de survie. L’apparition de cette maladie est difficilement prévisible, et modulée par l’influence de facteurs environnementaux pouvant favoriser la transformation de cellules saines en cellules malignes. Néanmoins l’étude de l’anamnèse familiale rapporte parfois un nombre plus élevé de cancers que l’incidence nationale. Cette agrégation familiale suggère l’existence d’une composante héréditaire responsable d’une prédisposition à développer la pathologie. Le cancer du sein et de l’ovaire peut donc apparaitre soit dans des contextes sporadiques généralement chez la personne âgée probablement en dehors d’un contexte de prédisposition, soit chez des personnes plus jeunes possiblement avec une histoire familiale de cancers du même type signant la transmission d’un trait génétique.
Cancers sporadiques non liés à une prédisposition génétique
Un cancer sera qualifié de sporadique dès lors qu’aucun contexte héréditaire n’est suspecté. Généralement, la transformation du tissu normal en cancer fait suite dans ce cas à l’accumulation de modifications génétiques acquises par certaines cellules au cours de la vie d’un individu (on parle alors de variants somatiques et de variants tumoraux lorsque la transformation maligne est aboutie). Les cancers sporadiques sont caractérisés par un âge d’apparition plus tardif au cours de la vie de l’individu et favorisée par deux types de facteurs dans le contexte du cancer du sein:
– Les facteurs intrinsèques :
● une densité plus élevée du tissu mammaire (proportion de tissu fibreux et glandulaire plus importante).
● L’existence de lésions bénignes (hyperplasie lobulaire ou canalaire atypique, carcinome lobulaire ou canalaire in situ)
● Un âge précoce d’apparition des premières menstruations (avant 12 ans)
● Un âge tardif de ménopause (après 55 ans).
– Environnementaux :
● L’obésité, particulièrement après la ménopause, liée à une production plus importante d’œstrogènes par les tissus graisseux
● L’âge de la femme à la naissance du premier enfant : un âge tardif d’obtention du premier enfant (> 30 ans) est associé à une augmentation du risque d’apparition d’un cancer du sein
● Les hormonothérapies substitutives pour lutter contre les effets de la ménopause , particulièrement les associations œstrogène-progestérone
● L’allaitement , en tant que facteur protecteur cette fois-ci, particulièrement lorsque celui-ci est prolongé.
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Table des matières
Introduction
I / Etiologie des prédispositions génétiques aux cancers du sein et de l’ovaire
A. Epidémiologie
1. Les cancers du sein
2. Les cancers de l’ovaire
B. Contexte d’apparition
1. Cancers sporadiques non liés à une prédisposition génétique
2. Cancers liés à une prédisposition génétique
C. Diagnostic et traitements
1. Cancer du sein
2. Cancer de l’ovaire
D. Prise en charge des cas de cancer du sein et de l’ovaire dans un contexte de prédisposition : dispositif d’oncogénétique
II / Pathologie moléculaire du syndrome HBOC
A. Structure du gène BRCA1
B. Structure du gène BRCA2
C. Structure du gène PALB2
D. Implication de BRCA1, BRCA2 et PALB2 dans la réparation des cassures double-brin par recombinaison homologue
III / Variants génétique à l’origine des prédispositions au cancer du sein et de l’ovaire
A. Types de variants
1. Les variants de petite taille
2. Les variants de grande taille
B. Interprétation des variants
IV / Bases génétiques des prédispositions
A. BRCA1 et BRCA2 : Syndrome HBOC
B. PALB2
C. TP53: Syndrome de Li-Fraumeni
D. PTEN : Syndrome de Cowden
E. STK11 : Syndrome de Peutz-Jeghers
F. MLH1 / MSH2 / MSH6 / PMS2 : Syndrome de Lynch
G. CDH1 : Cancers gastriques héréditaires diffus
H. ATM
I. CHEK2
J. BRIP1 / FANCJ / BACH1
K. BARD1
L. Les paralogues de RAD51
V / Les moyens de l’exploration de l’hérédité manquante
A. Les études de liaison génétique
B. Les études d’association pan-génomiques (GWAS)
C. Approches « gènes candidats » et études cas témoins par séquençage extensif
D. Impact potentiel des néo-mutations dans le syndrome
VI / Les méthodes de biologie moléculaire d’exploration du syndrome
A. Méthodes historiques
B. La révolution technologique : Les séquenceurs de 2ème génération
1. Explosion du débit de séquençage
2. Les séquenceurs de fragments d’ADN courts
3. Les séquenceurs de fragments d’ADN longs
4. Comparaison des technologies
5. Les applications pour l’exploration des variants génomiques
6. Focus sur les séquenceurs par termination réversible (séquençage par synthèse)
Conclusion