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Éthique et maladies rares
Dans le contexte des maladies rares, l’arrivée de ces nouvelles thérapeutiques suscite de grands espoirs mais soulève également de nombreuses questions dans la pratique clinique quotidienne. En effet, ces thérapeutiques modifient l’évolution naturelle des patients telle que connue jusqu’à présent sans connaissances précises sur leur nouvelle évolution sous traitement du fait du peu de recul. Cela est également à mettre en balance avec le caractère parfois invasif de ces nouveaux traitements.
De nombreux questionnements émanent de cette situation, comme :
– Comment changer l’annonce diagnostique qui doit maintenant intégrer une « nouvelle histoire » des maladies parfois encore mal connue ?
– Le rapport bénéfices / risques de ces traitements est-il favorable tout au long de la vie du patient ?
– Quel est l’objectif poursuivi avec ces thérapeutiques : qualité de vie ou prolongation de la vie ?
– Quid de l’impact médico économique avec le prix de ces nouveaux traitements et le coût du handicap ?
– Faut-il élargir le dépistage néonatal du fait de l’arrivée de ces nouvelles thérapeutiques ?
– Quid des conséquences du diagnostic prénatal, en particulier la possibilité d’une interruption médicale de grossesse (IMG) qui est actuellement proposée si « il existe une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic », mais qu’en est-il à l’ère des nouvelles thérapeutiques de ce caractère incurable, peut-il remettre en cause une demande d’IMG ?
Analyse des données
Après retranscription complète des entretiens nous avons réalisé deux types d’analyses. Tout d’abord des analyses informatiques avec analyse lexicographique classique puis une analyse de similitudes (ADS) à l’aide du logiciel IRaMuteQ (9). Puis une analyse thématique manuelle de contenu. Ces analyses ont été réalisées par l’investigateur ayant mené les entretiens, sous la supervision des encadrants de ce travail.
L’analyse de similitude a été réalisée par groupe (parents et soignants) ainsi que sur le corpus global de manière à pouvoir comparer ensuite les résultats.
Cette ADS permet de mettre en évidence la structure sous-jacente à l’organisation interne du corpus en représentant graphiquement les relations (proximité ou distance) qu’entretiennent chaque mot du corpus avec les autres. Les relations entre les éléments sont évaluées sur la base d’une valeur numérique (indice de cooccurrence). La lecture du graphique (l’arbre maximal) « étape par étape » (interprétation de chaque élément en fonction de son « voisinage ») met en évidence les sous-structures ou sous-dimensions du corpus (10–12). Pour faciliter la lecture et l’interprétation des données, les analyses ont été effectuées pour les mots avec un minimum de 30 occurrences. L’analyse de contenu est complémentaire de l’analyse lexicographique. Elle permet de d’identifier des catégories thématiques, de formuler et classer le contenu des entretiens grâce au choix d’indicateurs pertinents au regard de notre problématique (13). Nous l’avons également réalisé par groupe de participants (parents et soignants) pour étudier les éventuelles divergences et/ou convergences d’opinion entre les groupes en fonction des sujets traités.
Cette analyse manuelle permet d’étudier de manière plus approfondie certaines thématiques abordées par nos entretiens mais qui représentent une part moins importante du corpus et sont donc moins bien représentées dans l’analyse informatique.
Éthique
Cette étude a fait l’objet d’un avis favorable du Comité d’Éthique de l’Université d’Aix- Marseille (avis n° 2018-13-12-005) (Annexe 5) et une déclaration de la recherche a été faite auprès du Délégué à la Protection des Données (DPO) de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille.
Analyse de contenu
L’analyse réalisée a permis de mettre en évidence 6 grands thèmes (les maladies rares, la recherche scientifique et médicale, la prise en charge générale de la maladie, les traitements spécifiques innovants, le dépistage néonatal et le coût des traitements) et plusieurs sous thèmes. Ces résultats sont présentés dans les Tableaux 3 à 8 avec les principales formes de mots retrouvées et leur fréquence d’apparition par groupe de participants. Nous présentons également quelques extraits d’entretiens représentatifs en fonction des différents thèmes.
Concernant les Maladies rares, on notait chez les parents une grande importance des notions de connaissance et de méconnaissance concernant ce type de pathologies. Cela concernait, de leur point de vue, à la fois la population générale mais également la population des soignants. Ce concept de connaissance apparaissait également chez les soignants mais plus au sens de la capacité à poser un diagnostic.
On trouvait chez les soignants la notion de nécessité d’une prise en charge spécifique pour ces maladies et la notion d’accompagnement alors que chez les parents ces deux points ne ressortaient pas dans l’analyse des discours.
Enfin, toute une partie du champ lexical des parents se rapportait à la notion de contraintes, ce qui était moins le cas dans la population des soignants.
Extraits de discours représentatifs
Parent : « Une maladie peu connue déjà, peu connue du … grand public mais finalement aussi des professionnels parce que euh… alors moi quand on me parle de maladie rare ça peut être aussi une maladie qui peut être mal soignée du fait de sa rareté, parce que euh… peu euh… peu de traitements parfois peuvent exister » « bah c’est … la maladie c’est que des contraintes. »
Soignant : « Bah pour moi une maladie rare euh ben c’est une maladie euh qui est euh peu connue euh finalement de… l’ensemble de la population générale autant, et de la population médicale et soignante en général donc euh dont le diagnostic est … plus difficile avec un … retard diagnostic et du coup des prises en charge spécifiques euh… plus complexes et en centre de référence. » Concernant la science et la recherche médicale, chez les soignants, la notion de guérison et de traitement curatif était présente mais c’était plus la notion d’amélioration qui prédominait.
Il s’agissait de l’amélioration de la qualité de vie mais également des modalités d’administration des traitements pour les rendre moins contraignants. Les parents de leur côté verbalisaient nettement l’espoir que la recherche permette de trouver un traitement curatif pour leurs enfants mais ne recherchaient pas particulièrement une diminution des contraintes liées à ceux-ci.
Concernant les limites de la recherche ou celles à lui donner, les parents exprimaient l’espoir qu’elle n’en ait pas, et souhaitaient majoritairement qu’elle n’en ait pas. Les soignants, pour leur part, insistaient beaucoup sur la nécessité de réflexion autour des progrès scientifiques et surtout de leur utilisation. Dans les deux groupes, la question du financement de la recherche apparaissait dans les possibles limites.
Extraits de discours représentatifs
Parent : « Euh… nous par rapport à notre vécu hein euh… on… on trouve qu’on est, en tous cas parce qu’on est dans un centre de référence aussi donc les mots sont trouvés sont choisis vous avez l’expérience, euh on est plutôt euh en tous cas content pour le moment de cette prise en charge parce que on savait même pas au départ si il y aurait un traitement, on savait même pas quelle forme de mucopolysaccharidose notre enfant avait. »
Soignant : « Il faut savoir être souple et s’adapter à chaque patient euh, être à l’écoute… » Concernant les traitements spécifiques innovants, nous avons constaté davantage de différences entre les parents et les soignants, mais sans opposition claire.
Pour les soignants, l’objectif principal donné aux traitements était clairement l’amélioration de la qualité de vie et du confort des patients. Chez les parents, on retrouvait en premier lieu dans les entretiens un objectif annoncé de qualité de vie et de bien-être mais les notions de « guérison », « vie normale » et surtout l’idée de retarder le décès et la disparition de leur enfant transparaissaient plus nettement dans l’analyse du corpus. Si les soignants parlaient également de « guérison », c’était comme objectif idéal pour de futurs traitements spécifiques et ils spécifiaient dans leur discours le fait que les traitements actuels n’étaient pas curatifs.
La notion de contrainte apparaissait dans les entretiens chez les soignants qui semblaient ne les relier qu’aux traitements spécifiques contrairement aux parents qui les évoquaient bien plus tôt dans leur discours général sur la maladie et la prise en charge. On notait dans le discours des soignants une importance majeure apportée à la mise en balance des bénéfices des traitements versus leurs contraintes et effets secondaires potentiels. L’idée de modifier l’évolution naturelle de la maladie et les notions de recul et d’expérience concernant les effets de ces traitements étaient également exprimées par les soignants. Ils s’interrogeaient sur la prolongation de la vie entrainée par ces thérapies innovantes. Un élément fondamental qui ressortait de leurs discours était la nécessité d’une réflexion et d’une réévaluation permanente des indications de ces traitements tout au long du suivi et de l’évolution des patients pour s’assurer que la balance bénéfices/contraintes restait en faveur des bénéfices.
Globalement dans nos entretiens, l’avis des soignants de notre population concernant ces traitements était positif. Ils les considéraient la majorité du temps comme bénéfiques pour leurs patients.
Chez les parents, une grande part des discours concernait également les contraintes associées aux traitements spécifiques. Celles-ci étaient clairement acceptées et jugées nécessaires ou du moins compensées par ce qu’ils jugeaient être des bénéfices. Pour la plupart des parents, les contraintes étaient davantage dues à la maladie rare d’une manière générale qu’aux traitements spécifiques. Nous avons constaté qu’il n’y avait pas dans le discours des parents de référence à la douleur que pouvaient entrainer ces traitements (pour ceux administrés par injection) alors qu’on retrouvait clairement chez les soignants plusieurs formes s’y rapportant (« douloureux », « douleur », « souffrance »). Enfin, les discours des parents concernant les contraintes ne différaient globalement pas quelle que soit la modalité d’administration du traitement (intraveineux, intraventriculaire, intrathécale ou per os).
Le point de vue des parents concernant les traitements spécifiques était vraiment très positif, le traitement étant considéré comme une chance et un espoir.
Enfin, la relation médecin/famille et l’information avaient également une place importante dans ce thème. Les soignants parlaient beaucoup de de l’information des familles sur les traitements et leur mise en place. Du côté des parents, une place importante était accordée aux informations données par les soignants et aux réponses à leurs questions. Il est à noter que les parents se questionnaient concernant les traitements mais ne s’interrogeaient jamais sur l’intérêt de les débuter, alors que les soignants pouvaient envisager, selon la situation, de ne pas commencer un traitement même s’il était disponible. Dans ce sous thème concernant la relation médecin/famille, la question du choix et de la liberté de choix était abordée par les deux groupes. Le discours des parents mettait en évidence l’absence de choix en raison de la gravité de la maladie. Ils considéraient le traitement comme la seule solution pour éviter la dégradation et la mort de leurs enfants.
Extraits de discours représentatifs
Parent : « De retarder, enfin, un maximum la dégénérescence ça c’est sûr … après euh… après la maladie de notre enfant ne permettra pas euh… de revenir en arrière hein sur euh… sur déjà les handicaps qu’il euh … qu’il connaît donc euh … ce serait déjà ça, qu’il vive le plus longtemps possible et le mieux »
« On s’est pas posé la question, y’a pas de choix en fait… on teste ça ou il meurt, bah on va tester ça »
Soignant : « Voilà le but c’est vraiment d’améliorer la qualité de vie pas de prolonger euh… la vie avec des traitements qui sont contraignants, c’est vraiment d’améliorer la qualité de vie oui. »
« Ces traitements de maladies rares ils améliorent la qualité de vie quoi, c’est pas des guérisons, ils améliorent jusqu’au moment où il faut se poser la question de l’intérêt de les poursuivre ou pas mais… »
Concernant le dépistage néonatal, tous les participants étaient d’accord sur son intérêt si un traitement ou une prise en charge précoce était possible et permettait de modifier l’évolution naturelle de la maladie et d’éviter une perte de temps et de chance.
Les parents parlaient souvent du dépistage prénatal afin d’éviter la maladie.
Pour les soignants, le principal frein et les principaux questionnements sur le dépistage néonatal concernaient la problématique de l’âge d’apparition des symptômes et l’existence de différents phénotypes dans certaines maladies. Leurs interrogations concernaient l’impact d’un diagnostic précoce chez les patients pour lesquels les symptômes ne se manifesteraient que des années plus tard.
La question de la faisabilité d’un tel dépistage à la naissance apparaissait également dans les deux groupes.
Extraits de discours représentatifs
Parent : « Ouais moi je pense que c’est important. Bon après c’est au plus tôt on les prend euh… en charge au mieux c’est pour eux donc euh … si toutefois voilà y’a une prise en charge qui est possible parce que après c’est pareil euh, c’est pas forcément possible tout le temps. » Soignant : « Quand tu as une maladie où tu as un régime et où tu sais que… que tu guéris l’enfant enfin ! que ça change complétement le pronostic euh oui ! quand tu as un traitement … où … ça change un peu l’histoire naturelle et où tu sais pas pour cette personne quand estce
qu’elle va avoir les premiers signes c’est compliqué. »
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Table des matières
Chapitre 1 – INTRODUCTION
Maladies rares
Éthique médicale
Éthique et maladies rares
Objectif de notre étude
Chapitre 2 – ARTICLE DE RECHERCHE
INTRODUCTION
METHODE
RESULTATS
CONCLUSION
Chapitre 3 – CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
BIBLIOGRAPHIE
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