Le bien être des nouveau-nés est une priorité de santé publique, or la mortalité demeure élevée à cet âge, les principales causes étant la prématurité, l’asphyxie périnatale et les infections. Cette période est aussi à haut risque d’atteinte neurologique, les convulsions, signes non spécifiques de l’atteinte cérébrale, y occupent une place prépondérante [38]. Malgré les progrès de la prise en charge périnatale, les convulsions du nouveauné restent une pathologie fréquente dont l’incidence atteint 0,05 % à 1,5 % [31]. Les causes les plus souvent retrouvés sont l’hypoxie ischémie, les infections et les hémorragies [3]. Leurs manifestations cliniques sont caractérisées par la prédominance des crises localisés et subtiles (subtles seizures) [19]. Leur prise en charge est souvent problématique dans nos conditions car les outils de réanimation et les anticonvulsivants font parfois défaut à cause de leur indisponibilité ou de leurs présentations galéniques non adaptées. En Afrique sub-saharienne les principaux travaux concernent plus les asphyxies, c’est pourquoi l’objectif de ce travail est d’évaluer la prise en charge des convulsions néonatales dans l’unité de néonatologie de l’hôpital des enfants Albert Royer(HEAR).
DEFINITION
Une crise convulsive est due à une activité excessive, anormale et synchrone d’un groupe plus ou moins important de neurones. Elle se manifeste par une modification involontaire, de début brutal de la motilité, de la sensibilité, de la vigilance ou du comportement [22]. Les convulsions peuvent être localisées ou généralisées [10].
EPIDEMIOLOGIE
Chez le nouveau-né, les crises sont plus fréquentes qu’à n’importe quel autre moment de la vie. Leur incidence varie selon la population et les critères diagnostiques (avec ou sans confirmation EEG), de 1,5/1000 chez le nouveau-né à terme à 57/1000 chez le prématuré et le nouveau-né de faible poids de naissance (< 1500 g), avec une moyenne de 3,5/1000 naissances vivantes. Elles surviennent au cours de la première semaine dans 80 % des cas, le plus souvent dans les deux premiers jours. Leur expression électro clinique diffère de celle du nourrisson ou des enfants plus grands ; elle est liée au caractère immature du cerveau du nouveau-né et à l’étiologie. Elles peuvent être classées en différents groupes, en fonction de leur type, de leurs mécanismes physiopathologiques et de leur étiologie. Les crises néonatales sont associées à un risque élevé d’infirmité motrice cérébrale, d’épilepsie et même de décès, surtout chez le prématuré, mais le pronostic semble plus lié à l’étiologie et à l’étendue des lésions cérébrales qu’aux crises elles-mêmes [19].
PHYSIOPATHOLOGIE
La période néonatale est une période d’intense synaptogenèse qui dépend essentiellement de l’activité excitatrice du cerveau. Le glutamate est le principal neurotransmetteur excitateur du système nerveux central, le GABA étant le principal neurotransmetteur inhibiteur. Il est actuellement admis que la régulation de ces neurotransmetteurs dépend essentiellement du stade de développement.
État d’hyperexcitabilité du cerveau néonatal
La susceptibilité accrue du cerveau du nouveau-né aux convulsions est secondaire à un état d’hyperexcitabilité caractérisé par une densité synaptique élevée avec surexpression des synapses excitatrices. Le récepteur glutaminergique NMDA ainsi que ses sous-unités prédominent dans le cerveau immature. L’activation des récepteurs NMDA et AMPA induit une dépolarisation ou excitation neuronale.
Diminution des effets inhibiteurs du cerveau néonatal
La diminution des effets inhibiteurs du cerveau néonatal explique en partie l’échec et les effets secondaires des AE conventionnels (Phénobarbital, phénytoïnes et benzodiazépines). Le GABA, qui, chez l’adulte, est le principal neurotransmetteur inhibiteur, exerce paradoxalement une action excitatrice dans le cerveau néonatal. Il est initialement excitateur à cause de la concentration accrue en chlore dans les neurones immatures en comparaison des neurones plus matures. La transition de l’état dépolarisant (excitateur) à celui hyperpolarisant (inhibiteur) du courant chlore au niveau neuronal se fait sur des périodes assez prolongées, en fonction de la maturation et des structures cérébrales. L’activité du courant chlore est régulée par deux cotransporteurs, le NKCC1 qui facilite l’accumulation du chlore dans les neurones immatures, et le KCC2 qui assure l’extrusion du chlore intracellulaire. Contrairement au cerveau mature, l’activation des récepteurs GABA au cours du développement précoce aboutit à un influx sortant de chlore et à une dépolarisation ou excitation neuronale. Des études récentes sur des cerveaux humains ont montré que le cotransporteurs KCC2 est virtuellement absent des neurones corticaux pendant la première année de vie, tandis que l’importateur de chlore NKCC1 est surexprimé pendant cette même période au cours de laquelle les convulsions sont moins sensibles à l’action des agonistes GABA (benzodiazépines et phénobarbital) [17].
CLINIQUE
Les crises sont suspectées devant des manifestations cliniques anormales répétées, stéréotypées ou non, de durée plus ou moins longue. Elles peuvent être isolées où survenir dans un contexte clinique d’encéphalopathie (anamnèse évocatrice, hyperexcitabilité, hypotonie ou coma, autres anomalies de l’examen neurologique). Le terme classique de « convulsions », qui signifie contraction spasmodique intéressant toute la musculature du corps (Larousse), souvent utilisé pour parler des crises néonatales, semble inapproprié car il se limite aux crises qui ont des manifestations motrices [19].
Il existe cinq types de manifestations cliniques :
– Les crises cloniques rythmiques, lentes, très souvent concomitantes à des paroxysmes EEG, peuvent être focales, témoignant d’une lésion cérébrale focale mais aussi d’une encéphalopathie métabolique. Plus fréquemment elles sont multifocales, erratiques ;
– Les crises toniques généralisées en extension ou en réaction de décortication, sont plus fréquentes et moins associées à une décharge électrique que les formes localisées ;
– Les crises myocloniques associées ou non à des paroxysmes EEG peuvent être focales, multifocales, généralisées. Leur survenue isolée chez un nouveau-né neurologiquement normal au cours du sommeil profond sans paroxysme EEG correspond à des myoclonies du sommeil dont la résolution sans séquelles survient en moins de six mois [23].
– Les crises frustes, dites subtle seizures dans la terminologie anglo-saxonne. Elles caractérisent la période néonatale et comportent des manifestations motrices automatiques telles que les mouvements oro-buco-linguaux (mâchonnements, succion…), ou des manifestations oculomotrices (nystagmus, mouvements d’errance oculaire…).
– D’autres crises ne comportent que des manifestations vasomotrices ou végétatives (pâleur, cyanose, désaturation, érythrose, modifications de la fréquence cardiaque et/ou respiratoire, apnées, élévation de la pression artérielle, salivation).
Les subtle seizures, les crises végétatives et les crises cloniques multifocales sont les types de crises les plus fréquents aussi bien chez le nouveau-né à terme que chez le prématuré. Ces différents types de crises peuvent être isolés ou associés et réaliser des états de mal. Comme chez l’enfant plus grand et l’adulte, la survenue de crises stéréotypées du point de vue clinique et de l’EEG, dont la localisation est toujours la même, permet d’orienter l’imagerie à la recherche d’une lésion focalisée [19].
L’absence de paroxysmes électriques pour certaines crises toniques, ou automatismes, pourrait être expliquée par un processus survenant au niveau du tronc cérébral déconnecté des inhibitions corticales normales. Les différentes formes cliniques concomitantes à des anomalies EEG, peuvent se voir chez le même malade. Ainsi on ne peut éliminer une activité épileptique sur une absence de décharge électrique. La clinique prime pour porter le diagnostic d’activité épileptique. Trois signes la caractérisent : non stimulée, non arrêtée par la pression, accompagnée de phénomènes sympathiques (tachycardie, élévation de la TA) [23].
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Table des matières
INTRODUCTION
1. DEFINITION
2. EPIDEMIOLOGIE
3. PHYSIOPATHOLOGIE
3.1. État d’hyperexcitabilité du cerveau néonatal
3.2. Diminution des effets inhibiteurs du cerveau néonatal
4. CLINIQUE
5. PARACLINIQUE
5.1. L’électroencéphalogramme
5.2. Biologie
5.3. L’imagerie cérébrale
5.3.1. L’échographie transfontanellaire
5.3.2. L’IRM cérébral
6. DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
7. DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE
7.1. Crises occasionnelles
7.1.1. Encéphalopathie Anoxo-Ischemique (EAI)
7.1.2. L’accident vasculaire cérébral
7.1.3. Infections cerebromeningees
7.1.4. Hypoglycémie
7.1.5. Hémorragies cérébrales
7.1.6. Dysnatrémies
7.1.7. Hypocalcémie
7.1.8. Hypomagnésémie
7.1.9. Intoxication maternelle
7.2. Syndromes épileptiques néonataux
7.2.1. Syndromes épileptiques néonataux d’évolution bénigne
7.2.1.1. Crises néonatales familiales bénignes
7.2.1.2. Crises néonatales bénignes idiopathiques
7.2.2. Syndromes épileptiques néonataux avec tracés de type suppressionburst
7.2.2.1. Encéphalopathie myoclonique précoce
7.2.2.2. Encéphalopathie infantile précoce avec épilepsie ou « syndrome d’Ohtahara»
7.2.3. Épilepsie focale symptomatique
7.3. Maladies métaboliques à début néonatal
8. EVOLUTION ET PRONOSTIC
9. TRAITEMENT
9.1. Crises occasionnelles
9.1.1. Maintien des grandes fonctions vitales
9.1.2. Traitement de la cause des crises
9.1.3. Traitements neuroprotecteurs et anti oedème cérébral
9.1.4. Transfert en réanimation
9.1.5. Médicaments antiépileptiques (AE)
9.1.5.1. Barbituriques
9.1.5.2. Phénytoïne
9.1.5.3. Benzodiazépines
9.1.5.4. Lidocaïne
9.1.5.5. Autres traitements antiépileptiques
9.1.5.6. Vers de nouveaux antiépileptiques
9.1.5.6.1. Le lévétiracetam ou [(-) -5-α-éthyle- 2-oxo-1pyrrolidine acétamides]
9.1.5.6.2. Le topiramate
9.1.5.7. En pratique
9.2. Syndromes épileptiques
9.3. Maladies métaboliques
CONCLUSION