Cinq types de zones humides sont reconnus mondialement, notamment les zones marines, lacustres, riveraines, marécageuses, estuariennes y compris les deltas, les marais cotidaux et les marécages à mangroves. Ces mangroves constituent un milieu naturel unique et remarquable dans les pays tropicaux. Les palétuviers sont trouvés exclusivement dans de la marée de plus de 120 pays entre 30°N et latitude S (Kuezner et al., 2012). Cet écosystème offre un gîte de reproduction et de nourrissage pour de nombreuses espèces de poissons, de crustacés, d’oiseaux et de mollusques. Il protège les côtes contre l’érosion due aux vents et aux vagues, mais également, il constitue une des sources d’alimentation et de revenus pour la population. Bref, les mangroves ont des fonctions importantes tant sur le plan écologique qu’économique et social pour une région. De plus, cet écosystème aide à l’atténuation du changement climatique en séquestrant et en stockant des quantités importantes de carbone appelée aussi «Carbone Bleu» de l’atmosphère et des océans (Howard et al., 2014). Les mangroves forment les puits de carbone bleu de la terre et sont à l’origine de plus de la moitié des séquestrations de carbone dans les sédiments océaniques.
Dès lors, les mangroves sont parmi les plus menacées de tous les écosystèmes tropicaux (Anderson et al., 2014). Le rythme actuel de disparition des forêts de mangrove dans le monde est de 1 à 2 % en une année (Pendleton et al., 2012). Approximativement 20 à 35% de leur ampleur globale depuis 1980 ont été perdu par suite des phénomènes naturel et anthropogénique (Polidoro et al., 2010) y compris la conversion du milieu pour l’agriculture ou l’aquaculture et toutes formes de surexploitation des ressources naturelles (Adolphe et al., 2013).
Problématique et hypothèses
Problématique
Les mangroves constituent un écosystème très complexe qui se compose de divers éléments interconnectés au point de rencontre de la terre et de la mer. Elles servent généralement de zone de nurserie, d’abri, de refuge et d’alimentation pour diverses espèces. Vu que Sainte Marie est une île, les mangroves ont donc comme principale rôle de protéger les côtes contre l’érosion due aux vents et aux vagues. Mais également, elles constituent une des sources de nourriture pour la population qui dépend entièrement de la pêche artisanale. De ce fait, elles ont des valeurs responsables avec leur fonction de protection, de régulation, de production et leur rôle social.
Au sein de l’île Sainte Marie, les mangroves de la baie des Forbans qui s’étendent sur une superficie de 82,5 ha ont subi une dégradation inquiétante. L’obturation des canaux d’échange entre eau de mer et eau douce depuis la rénovation de la digue de l’îlot Madame et le développement du village par l’implantation des différentes infrastructures en sont les premières causes (Cétamada, 2013). La digue qui relie Belle vue et l’îlot Madame présentait, avant sa réhabilitation, 5 canaux qui conduisaient l’eau et ont permis l’échange permanent entre l’eau de mer et l’eau douce. Ces canaux ont assuré la bonne survie de la mangrove de la baie des Forbans qui constituent une ressource naturelle considérable pour l’île Sainte-Marie. Mais depuis novembre 2013, ils ont été complètement bouchés et ne permettaient plus cet échange entre l’eau douce et l’eau de mer. Ainsi, plusieurs effets néfastes ont été constaté: les feuilles de la majorité des palétuviers observés ont jaunis, de nombreuses espèces fauniques ont été trouvées mortes notamment les poissons et les villages et les écoles environnants de la digue ont été inondées. La dégradation rapide de la mangrove est préoccupante parce qu’elle constitue un stabilisateur efficace pour la zone. Il s’agit ici d’une catastrophe écologique majeure. En effet, la mangrove est une véritable nurserie pour de très nombreuses espèces marines et la disparition de cet écosystème va affecter l’équilibre écologique des ressources halieutiques. Il a fallu de toute urgence créer un échange entre l’océan et la mangrove en rétablissant les drains sous le niveau de la mer pour éviter l’amplification des impacts (Cétamada, 2014).
Des mesures de la salinité de l’eau été faites après cette réouverture de la brèche qui a permis l’échange d’eau. De plus, des initiatives de protection des mangroves sont en cours de développement dans l’île de Sainte Marie pour assurer l’utilisation durable des ressources en mangroves. Une des approches considérées dans le cadre de ces initiatives est de constater la forme de gestion menée par la communauté de base ou VOI qui a été mise en place à Forbans depuis quelques années pour en assurer la gestion de proximité, dans le cadre de la GELOSE. En effet, cette entité aurait dû être parmi celles qui ont été consultées avant la conduite de la rénovation de la digue, mais ses actions sur la gestion des mangroves demeurent encore passives (Cétamada, 2014). Elles ne sont pas encore très remarquées dans le site de Forbans. Or, la mise en œuvre d’un programme de gestion des ressources en mangroves avec eux est souhaitée.
Etat des connaissances
Mangroves
Le terme « mangrove » provient du mot portugais mangue qui veut dire la communauté et le groves du mot anglais qui veut dire des arbres ou des buissons (Abhijit, 2013). Une mangrove est un écosystème incluant un groupement de végétaux principalement ligneux spécifiques, ne se développant que dans la zone de balancement des marées appelée «estran» des côtes basses des régions tropicales. Mais on trouve aussi des marais à mangrove à l’embouchure de certains fleuves.
La mangrove peut se diviser en quatre grands compartiments (Eau, Sédiment, Flore et Faune) en interaction permanente. Il s’agit d’un écosystème ouvert traversé par des flux de matière entre ces différents compartiments, en particulier grâce à l’écoulement de l’eau. Les variations des niveaux d’eau sont provoquées par les marées et la houle, ainsi que par les apports en eau douce (cours d’eau, pluie). La mangrove est successivement inondée et exondée par les marées biquotidiennes, entraînant des phénomènes de transport de matière et de dilution. La végétation crée véritablement l’habitat général de cet écosystème. Elle augmente la stabilité du substrat vaseux et favorise le dépôt des matières en suspension. Parmi la faune de la mangrove, les crabes jouent un rôle capital dans la structure et le fonctionnement global de la mangrove, par leur mode de nutrition et leurs habitats (Herteman, 2011). Ce sont de véritables organismes ingénieurs de l’écosystème mangrove. Leurs principales activités (forage de terriers, enfouissement de la litière) provoquent des modifications dans la structure et la composition du sédiment en contribuant à la décomposition de la matière organique (Kristensen, 2008). Le sédiment est le siège des processus biogéochimiques puisqu’ils contiennent les bactéries, microorganismes et enzymes indispensables au recyclage de la matière organique et fortement influencés par l’écoulement de l’eau et par les phénomènes de bioturbation induits par la macrofaune (Sabine, 2012). Les paramètres tels que température, pH, composition du sédiment ou encore salinité influencent considérablement la cinétique des processus biochimiques.
Déterminisme écologique
● Sol
La mangrove n’occupe que la zone de littorale recouverte par la mer à marée haute et découverte à marée basse. La vase littorale dans laquelle s’enfoncent les racines des arbres constitue un milieu totalement anaérobie, c’est-à-dire sans oxygène. Les mangroves poussent sur les bancs de vase et de sédiments apportés à la mer par les cours d’eau. Ce sont des « zones humides ». Le sol de mangrove est caractérisé par une hydromorphie importante par la présence d’une nappe phréatique permanente et d’une teneur en sodium élevée. En général, il est de type sablo-vaseux ou limono-vaseux. L’horizon superficiel du sol, tout au moins, doit posséder une couche d’argile sableuse ou limoneuse (Ratefinjanahary, 2015).
● Salinité
Toutes les espèces végétales y présentes sont halophytes obligatoires, car en moyenne, la salinité de l’eau inondant la mangrove, deux fois par jour presque partout, oscille entre 5% et 25%.
L’optimum de salinité pour les espèces animales et végétales varie d’une espèce à l’autre (Lugo et al., 2014). Les palétuviers résistent aux fortes salinités par des adaptations physiologiques (Krauss et Ball, 2012). Chez les crynohalophytes, l’adaptation se traduit par l’excrétion de sel par des glandes épidermiques. Ces dernières peuvent être absentes dans le milieu dulcicole. L’espèce type est l’Avicennia marina, les feuilles sont réduites, nombreuses, coriaces et la face inférieure présente des cristaux de sel en saison sèche. Chez les glycohalophytes, l’adaptation se fait par la filtration du sel au niveau des racines. Dans ce cas, il y a une régulation de la pression osmotique interne de la plante en fonction de la salinité du milieu : plus la pression osmotique interne est élevée, plus les racines ont une forte succion. Rhizophora mucronata et Sonneratia alba semblent avoir ce pouvoir de dissocier le sel de l’eau au niveau des racines (Andriamalala, 2007).
● Température
Concernant la température, elle devrait être supérieure à 16°C ou 18°C, et des fluctuations de 5°C constituent la limite supportable pour les palétuviers. Les graines dont le mode de dissémination est l’hydrochorie, sont très sensibles aux gelées et aux froids (Blasco, 1977). Sous climats humides, les sols sont continuellement lessivés par des fortes pluies, ce qui limite la salinité du milieu et favorise encore plus l’installation des palétuviers qui sont des halophytes.
● Facteur hydrologique
Le milieu de mangrove est dit saumâtre, caractérisé par un apport d’eau salée d’origine thalassique et d’eau douce d’origine fluviatile et souterraine. La marée joue un rôle important dans l’établissement des mangroves. C’est là qu’on parle souvent du mot intertidal (de l’anglais « tide » signifiant marée), espace oblique entre les niveaux des marées les plus basses enregistrées et les marées les plus hautes enregistrées.
La régularité du régime hydrique (l’alimentation en eau douce et la durée d’immersion quotidienne par les marées) ainsi que l’apport constant et suffisant en éléments nutritifs produits par les matières organiques de cet écosystème jouent un rôle important dans l’implantation des mangroves. Les mangroves ont pour principaux habitats : les deltas, la lagune, les embouchures d’un fleuve ou d’une rivière, et les baies (Rasolofo, 2011).
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Table des matières
1. INTRODUCTION
2. METHODOLOGIE
2.1. Problématique et hypothèses
2.1.1. Problématique
2.1.2. Hypothèses
2.2. Etat des connaissances
2.2.1. Mangroves
2.2.2. Gestion et gestion des ressources naturelles
2.2.3. Transfert de gestion des ressources naturelles
2.2.4. Milieu d’étude : île Sainte Marie
2.3. Méthodes
2.3.1. Etude cartographique
2.3.2. Observation
2.3.3. Enquêtes
2.3.4. Inventaire
2.3.5. Analyse physico-chimique de l’eau de mangrove
2.3.6. Traitement et analyse des données
2.3.7. Cadre opératoire
3. RESULTATS
3.1. Etat actuel des mangroves de la baie de Forbans
3.1.1. Structure de l’écosystème mangrove
3.1.2. Régénérations naturelles dans les mangroves
3.1.3. Résultats physico-chimiques de l’eau de mangroves
3.2. Principales formes d’utilisations des forêts de palétuviers
3.2.1. Cas de Forbans
3.2.2. Cas d’Ampanihy
3.3. Pressions et menaces
3.3.1. Contraintes anthropiques
3.3.2. Contraintes écologiques : cyclone
3.4. Mode de gestion des mangroves
3.4.1. VOI et « Dina »
3.4.2. Avis des enquêtés sur la forme de gestion et l’application du « Dina »
3.4.3. Actions à entreprendre selon les suggestions des enquêtés pour la gestion durable des ressources en mangrove
4. DISCUSSIONS
4.1. Discussions
4.1.1. Sur la méthodologie
4.1.2. Sur les résultats
4.1.3. Sur les hypothèses
4.2. Stratégie pour le renforcement de la gestion des ressources en mangroves à Forbans
5. CONCLUSION