Etat des lieux des formes galeniques disponibles pour une prise en charge de la douleur nociceptive a l’officine par les antalgiques de palier III

Définitions

« La douleur n’est ni plus ni moins qu’un système d’alarme, dont la seule fonction est de signaler une lésion corporelle » (R. Descartes, XVIIème siècle). Elle déclenche des réponses réflexes et comportementales dont la finalité est d’en supprimer la cause et donc d’en limiter les conséquences. (1) Selon la définition officielle de l’association internationale pour l’étude de la douleur (IASP), « la douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle ou décrite dans ces termes. » (2) Cette définition positionne la douleur comme une composante complexe et subjective, dont l’évaluation est patient dépendante. En effet, la douleur peut dépasser la seule notion de symptôme physique et avoir diverses origines. Chaque individu expérimente la douleur selon différents critères tels que son vécu, son contexte psychologique ou sa culture.

La douleur nociceptive, ou douleur par excès de nociception, est déclenchée par l’activation des nocicepteurs, qui sont des récepteurs à l’extrémité des fibres nerveuses. Elle est causée par l’inflammation ou par des dommages des tissus suite à une stimulation mécanique, chimique ou thermique. Elle est aussi appelée douleur périphérique. (3) Exemples : douleurs post-opératoires, traumatismes, inflammations.

La nociception est un mécanisme de détection de stimulations internes (viscérales) ou externes (cutanées) permettant à l’organisme d’être informé de manière précise et immédiate d’un dysfonctionnement, afin de traiter la cause somatique lorsque cela est possible.

Douleur aiguë/douleur chronique : 

Il existe diverses définitions de la douleur dans la littérature, et beaucoup d’entre elles font référence à la durée de l’affection pour d’emblée dissocier la douleur aigue (utile) de la douleur chronique (sans utilité et pathologique). La douleur aiguë a, par définition, une durée limitée dans le temps. Elle cède en quelques heures, voire en plusieurs jours en fonction de son origine. Elle représente un signal d’alarme et alerte d’un danger. Elle est indispensable à la protection de l’organisme contre les agressions extérieures. Cette douleur aiguë est causée par un évènement précis et défini. Dans la plupart des cas, elle est identifiée. Elle est par exemple d’origine cancéreuse, secondaire à un traitement, causée par une blessure traumatique ou un examen médical invasif. (5) La douleur chronique est un syndrome multidimensionnel exprimé par la personne qui en est atteinte. On peut parler de douleur chronique, quelles que soient son intensité et sa topographie, lorsque celle-ci présente plusieurs des caractéristiques suivantes :

– persistance ou récurrence
– durée au-delà de ce qui est habituel pour la cause initiale présumée, notamment si la douleur évolue depuis plus de trois mois
– réponse insuffisante aux traitements
– détérioration significative et progressive, du fait de la douleur, des capacités fonctionnelles et relationnelles du patient dans ses activités de la vie journalière, au domicile, comme à l’école ou au travail .

Il ne faut pas confondre la douleur chronique avec une douleur aiguë qui perdure.

Ces douleurs chroniques peuvent être de différents types et origines. Il peut s’agir d’une douleur associée à une maladie chronique dont on ne peut éliminer complètement la cause (arthrite, cancer, tassements vertébraux…) d’une douleur aiguë mal soulagée qui persiste au-delà du délai normal de guérison (séquelles d’accidents de voiture ou de travail…) d’une douleur causée par une pathologie fonctionnelle bénigne (migraine). Cette douleur chronique est souvent accompagnée d’un syndrome dépressif. Ici, il est essentiel de distinguer la douleur-symptôme de la douleur-maladie.

Contrairement à la douleur aigue, liée à une atteinte tissulaire et d’apparition récente, la douleur chronique n’a pas de rôle utile à l’organisme. Elle nécessite donc d’être prise en charge pour être traitée au mieux, car impacte sinon la qualité de vie. La prise en charge de ces douleurs chroniques est d’autant plus nécessaire que leur impact socio-économique est considérable, quelle que soit l’échelle sur laquelle on se place.

En France, environ 20 millions de personnes souffrent de douleurs chroniques rebelles aux traitements, ce qui représente un peu moins du tiers des patients adultes. Ceux-ci prennent au minimum un médicament antalgique par jour depuis au moins 6 mois. (étude STOPNEP) (9) Selon une enquête pour Sanofi datant de 2014, « 92% des Français interrogés ont souffert d’une douleur au cours des 12 derniers mois ».

Ces patients consultent les médecins généralistes et spécialistes plus fréquemment que les personnes non douloureuses, ce qui génère une augmentation des remboursements de consultations et de frais pour l’assurance maladie. A titre d’exemple, une consultation chez un médecin généraliste en France coûte 25 euros dont 70% sont remboursés par l’assurance maladie, soit 17,5 euros remboursés à chaque français par consultation. Sachant que ces patients génèrent plus de 70 millions de consultations médicales chaque année, le coût supplémentaire engendré dépasse le milliard d’euros. Parallèlement aux rendez-vous médicaux liés directement à la demande de prise en charge antalgique, les douleurs chroniques augmentent la prévalence d’autres pathologies somatiques ou psychosomatiques, telles que la dépression, l’anxiété, les troubles du sommeil et la toxicomanie, ainsi que la prévalence des arrêts de travail.

Contexte clinique

Les douleurs nociceptives évoquées dans ce travail sont des douleurs d’origine cancéreuse et concernent des patients ayant déjà un traitement de fond par des antalgiques de palier I ou II. Ce travail s’intéressera dans ce cadre à l’utilisation des antalgiques de palier III.

Pour optimiser la gestion des patients douloureux, la pluridisciplinarité des acteurs du soin est essentielle. Chaque professionnel de santé a un domaine de compétence qui lui est propre. C’est en combinant toutes ces compétences que le patient pourra bénéficier d’une prise en charge polyvalente et ciblée. Les protocoles de soins font intervenir les médecins généralistes, les médecins spécialistes (oncologues, rhumatologues, spécialistes d’organe, médecins de la douleur, psychiatres), les infirmiers (en milieu hospitalier ou au domicile), et les kinésithérapeutes. Le pharmacien d’officine a bien entendu une place essentielle au sein de ce réseau avec un rôle majeur de conseil et de coordination entre les différents professionnels. 45% des patients nécessitant une prise en charge spécialisée de la douleur consulteront au moins 2 médecins de spécialités distinctes.

Les pharmacies représentent « un réseau de compétences au service des patients et de la santé publique ».

Au 1er Mai 2021, on compte 21061 officines sur le territoire français.

Le pharmacien d’officine a un rôle de médiation et permet de faire le lien entre le patient et les soignants libéraux, ainsi qu’avec les proches du malade. La communication avec les professionnels de santé hospitaliers est toujours plus difficile, mais tend à s’améliorer depuis quelques années notamment avec la mise en place dans certains services de conciliation médicamenteuse. Les externes et internes de pharmacie réalisent des bilans de médication lors de l’entrée et de la sortie d’hospitalisation des patients pour s’assurer qu’aucun traitement en cours n’est oublié pendant le séjour à l’hôpital et pour s’assurer que le patient quitte le service avec une ordonnance de sortie cohérente et adaptée concernant l’arrêt ou l’instauration d’un nouveau traitement. Une communication de plus en plus régulière a lieu entre les pharmaciens officinaux et les étudiants en charge de la conciliation dans les services hospitaliers. Malgré ces précautions, lorsque le pharmacien recevra ce patient dans son officine, il se devra de vérifier à son tour la conformité de l’ordonnance pour ne pas passer à côté de contre-indications ou d’interactions médicamenteuses potentiellement dangereuses.

Prise en charge et éducation thérapeutique

La diversification de ces méthodes d’encadrement a pour but d’améliorer la qualité de vie des patients. En effet, la maladie, les douleurs qui en découlent et les traitements ont des conséquences délétères sur la vie des malades. Ils sont impactés physiquement, moralement, professionnellement et sur le plan personnel et familial.

Pour apprendre à gérer les différentes composantes de la maladie, des séances d’éducation thérapeutique des patients (ETP) sont proposées en milieu hospitalier. Les programmes d’ETP sont validés par les agences régionales de santé (ARS). Le profil bio-psycho-social du patient est évalué par différents professionnels de santé. Cet entretien va permettre d’orienter le malade vers le programme adéquat, basé soit sur sa pathologie, soit sur la douleur chronique. (11) Ainsi, chaque patient apprendra à gérer les douleurs chroniques tout en améliorant sa qualité de vie et en adhérant aux traitements proposés. Malgré ces avancées, la prise en charge de ces patients douloureux, notamment dans le cadre des pathologies tumorales, reste très complexe. En effet même en présence d’un traitement médicamenteux optimisé, les autres composantes de la douleur (génétique, sociale, environnementale, immunitaire, psychologique, neurobiologique…) rendent la notion de douleur très subjective et difficile à évaluer.(12) Les études sur le sujet sont peu nombreuses et comportent beaucoup de biais (biais de sélection, composante neuropathique, évaluation des douleurs nociceptives, protocoles d’administration…), rendant leur interprétation difficile, comme illustré par exemple dans des publications comparant plusieurs spécialités à base de fentanyl dans le traitement des douleurs paroxystiques (10) Malgré ces biais liés aux difficultés d’évaluation objective, il ressort qu’un effort d’optimisation de la prise en charge de la douleur améliore de façon significative le score de qualité de vie des patients. Certaines publications retrouvent une importante majorité de patients atteints de cancer ressentant des douleurs sévères jusqu’à la fin de leur vie, et nécessitant la plupart du temps un traitement chronique par opioïdes. La survenue de douleurs paroxystiques, dont le pic d’intensité est atteint entre 1 et 3 minutes, est imprévisible et peut survenir entre 1 à 6 fois par jour. Il y a donc un réel intérêt des opioïdes d’action rapide pour traiter les accès douloureux paroxystiques (ADP). En effet, les opioïdes classiques à délai d’action plus long, seront bien moins adaptés aux épisodes d’ADP puisque leur effet survient après le pic d’intensité de la douleur.

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Table des matières

1. Introduction
1.1 Définitions
1.2 Contexte clinique
1.3 Prise en charge et éducation thérapeutique
2. Physiopathologie et évaluation
2.1. Composantes de la douleur
2.1.1 Du stimulus douloureux à l’intégration de la douleur
2.1.1.1 Niveau ganglionnaire (1er neurone)
2.1.1.2 Niveau médullaire (2ème neurone)
2.1.1.3 Niveau cérébral (3ème neurone)
2.2. Outils d’évaluation de la douleur
2.2.1 Echelles unidimensionnelles
2.2.1.1 Echelle visuelle analogique (EVA)
2.2.1.2 Echelle visuelle simple (EVS)
2.2.1.3 Echelle numérique (EN)
2.2.1.4 Echelle des visages ou Pain face scale
2.2.2 Echelles multidimensionnelles
2.2.2.1 Schéma corporel ou schéma du bonhomme
2.2.2.2 Echelle BPS ou Behavioral Pain scale
2.2.2.3 Echelle COMFORT et COMFORT Behavior
2.2.2.4 Echelle CHEOPS : Children’s Hospital of Eastern Ontario Pain Scale
2.2.2.5 Evaluation ENfant DOuLeur : EVENDOL
2.2.2.6 Echelle de FLACC : Face Legs Activity Cry Consolability
2.2.2.7 Echelle ALGOPLUS
2.2.2.8 Echelle DOLOPLUS
2.2.2.9 Echelle ECPA : évaluation comportementale de la douleur chez la personne âgée
2.2.3 Questionnaire douleur Saint Antoine (QDSA)
3. Les formes galéniques disponibles
3.1 Les formes orales
3.1.1 Comprimés
3.1.1.1 Oxycontin LP®
3.1.1.2 Oxynormoro®
3.1.1.3 Abstral®
3.1.1.4 Actiq®
3.1.1.5 Effentora®
3.1.2 Gélules
3.1.2.1 Oxynorm®
3.1.3 Microgranules
3.1.3.1 Skenan LP®
3.1.3.2 Actiskenan®
3.1.4 Solutions buvables
3.1.4.1 Oramorph®
3.2 Les formes injectables
3.2.1 Morphine AGUETTEANT ®
3.3 Les formes transmuqueuses
3.3.1 Pecfent®
3.3.2 Instanyl®
3.4 Les dispositifs transdermiques
3.4.1 Durogesic®
4. Discussion
5. Conclusion
6. Bibliographie

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