Le tabagisme a des conséquences sanitaires considérables. En 2015, le nombre de décès attribuable au tabac par an en France était estimé à 75 000 soit 13% de l’ensemble des décès (1) ce qui représente 4500 décès pour la Normandie (2). Cela fait du tabac la 1ère cause de décès évitable. On observe une inégalité entre les hommes et les femmes. En effet entre 2000 et 2015, la mortalité a été multiplié par 2,5 chez les femmes alors que dans le même temps, elle a diminué de 11% chez les hommes (1). Cette divergence d’évolution s’explique par les changements de comportement initiés dans les années 1960 qui ont vu une nette augmentation de la consommation de tabac chez les femmes (10% de fumeuses parmi la population française en 1967 vs 20% en 1986 .
À la mortalité s’ajoute la morbidité liée au tabagisme. Le tabac est le principal facteur de risque évitable de nombreuses pathologies :
– Les cancers : le tabac est responsable à lui seul de 25% de la totalité des cancers (4), et en particulier des cancers broncho-pulmonaires (90%), des voies aérodigestives supérieures (50%), de la vessie (40%) et bien d’autres encore.
– Les pathologies cardio-vasculaires : risque d’infarctus du myocarde (IDM) multiplié par 3, celui d’accident vasculaire cérébral (AVC) par 2, 90% des patients présentant une artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI) sont fumeurs.
– La broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) : 15% des fumeurs en sont atteints et 85% des BPCO surviennent chez des fumeurs ou anciens fumeurs.
Tout cela sans compter les innombrables autres conséquences sur la santé : infertilité, complications de la grossesse et néonatales, majoration du risque de diabète de type 2, complications péri-opératoires, aggravation de l’asthme, maladie parodontale, etc. Le tabagisme passif et une faible consommation de tabac (< 5 cigarettes/jour) sont également associés dans une moindre mesure à la survenue de ces complications.
L’arrêt total du tabac est toujours bénéfique, à n’importe quel moment de la vie et ce d’autant plus qu’il est précoce. Ainsi la courbe de survie des ex-fumeurs se superpose à celle des non-fumeurs si l’arrêt a lieu à l’âge de 35 ans (5). La survenue ou l’aggravation des pathologies liées au tabac est diminuée : le risque de survenue d’un IDM ou d’un AVC est divisé par 2 dès les deux premières années de sevrage .
La lutte contre le tabac est par conséquent un enjeu de santé publique majeur auquel les décideurs se sont attaqués en mettant en place plusieurs mesures regroupées dans le Programme National de Réduction du Tabagisme (PNRT) 2014-2018 sous l’impulsion du Plan Cancer 2014-2019. Dès 2016, plusieurs mesures sont mises en place : instauration du paquet neutre, extension des lieux où il est interdit de fumer, lancement de l’opération « Mois sans Tabac », etc (6). Ces décisions sont renforcées par le Plan National de Lutte contre le Tabac (PNLT) 2018-2022. A partir du 1er Janvier 2019, les traitements de substitutions nicotiniques (TNS) sont remboursés à 65% par l’Assurance Maladie sans limitation forfaitaire. La politique d’augmentation des taxes est maintenue avec pour objectif un paquet à 10 euros en 2020. La lutte contre l’entrée dans le tabagisme est une priorité au travers de nombreuses interventions auprès des jeunes .
Cette politique de santé publique porte ses fruits. En effet entre 2014 et 2019 et parmi les 18-75 ans, la prévalence du tabagisme quotidien a enregistré une baisse de 4.5 points passant de 28.5% à 24% . Cette diminution est aussi bien observée chez les hommes (32.9% à 27.5%) que chez les femmes (24.4% à 20.7%) (8). Chez les jeunes de 17 ans, entre 2014 et 2017, le tabagisme quotidien est passé de 32.4% à 25.1% .
Généralités
L’objectif principal est d’établir un état des lieux des connaissances et des pratiques cliniques concernant le sevrage tabagique par les médecins généralistes (MG) de Normandie occidentale.
Les objectifs secondaires sont :
– De mettre en lumière les forces et les faiblesses de la prise en charge des MG.
– De rechercher des facteurs individuels pouvant faire varier l’état de ces connaissances et pratiques.
– D’analyser les paramètres concernant la prise en charge de certaines populations spécifiques, notamment les adolescents de 17 ans et moins, les femmes enceintes et les patients en période pré-opératoire.
Pour cela, nous avons réalisé une étude descriptive quantitative menée à partir d’un questionnaire.
Population étudiée
► Taille de l’échantillon
Notre étude ne nécessitait pas de nombre minimal de réponses.
► Critères d’inclusion
La population étudiée intéresse les médecins généralistes libéraux thésés et installés, de l’ex-région Basse-Normandie c’est-à-dire exerçant dans l’un des 3 départements suivants : le Calvados, la Manche ou l’Orne.
► Critères d’exclusion
Dans notre analyse, nous avons décidé d’exclure les questionnaires incomplets ou renseignés par un médecin généraliste retraité.
Réalisation et déroulement de l’étude
Le questionnaire est mis en forme sur la plateforme en ligne LimeSurvey via notre compte personnel. Un lien raccourci est généré via le site gratuit Bitly et un QRcode est créé via le site gratuit UNITAG. Afin de pouvoir diffuser largement notre questionnaire, nous avons sollicité l’Union Régionale des Médecins Libéraux (URML) de Normandie afin d’obtenir la liste de ses adhérents. L’URML nous a fait parvenir par voie postale, sous forme d’étiquettes à coller, les coordonnées postales des médecins généralistes des trois départements concernés, à savoir le Calvados, la Manche et l’Orne.
Afin d’obtenir des résultats probants, nous fixons un nombre minimal de 100 réponses et après revue de la littérature, il est admis qu’un taux de réponse de 15% est généralement obtenu pour ce type d’étude avec questionnaire par voie postale. Par conséquent, nous avons envoyé le questionnaire à 700 médecins généralistes tirés au sort parmi les 1119 médecins généralistes figurant sur la liste de l’URML et répartis de la manière suivante : 373 (/650) dans le Calvados, 217 (/377) dans la Manche et 110 (/192) dans l’Orne soit 57.5% des médecins listés. Chaque enveloppe contenait une présentation de l’étude avec le QRcode et le lien donnant accès directement au questionnaire en ligne sur LimeSurvey ainsi qu’une version papier de ce questionnaire et une enveloppe pré-timbrée avec notre adresse pour un retour par voie postale. Le document envoyé comprenant le questionnaire et la présentation de l’étude est disponible en annexe 1. L’envoi a eu lieu le mardi 13 Janvier 2021. La période de recueil est initialement fixée jusqu’au lundi 15 Mars 2021. Finalement, nous avons mis fin au recueil des données le dimanche 28 Février car nous ne recevions plus de nouvelles données depuis 10 jours et nous avions largement atteint notre objectif.
Les points forts et limites de l’étude
Forces de l’étude
► Taux de réponses
Nous avons largement atteint notre objectif fixé, et cela avant la date limite de recueil et sans avoir besoin de faire de relance auprès des MG, avec un taux de participation à 22.1% soit 155 questionnaires valides analysés après application des critères d’exclusion. La présence d’une enveloppe timbrée pour renvoyer le questionnaire a probablement facilité le recueil des réponses.
► Représentativité de la population
La population de notre échantillon est représentative de celle des MG de BasseNormandie concernant le sexe (45% vs 42%). Nous ne disposons pas des données concernant l’âge des MG interrogés dans notre étude. Elle apparaît néanmoins plus jeune (âge moyen 51 ans en Basse-Normandie) car la durée d’installation est inférieure à 10 ans pour 46% de notre population.
Limites de l’étude
► Biais d’auto-sélection
A la base de l’enquête, il n’y a à priori pas de biais de recrutement car la liste des MG est officielle puisqu’elle nous a été fournie par l’intermédiaire de l’URML de Normandie. Il s’agit d’une organisation professionnelle associative dont l’adhésion est automatique pour tous les médecins libéraux car la cotisation est prise sur les prélèvements versés à l’Union de Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et d’Allocations Familiales (URSSAF). L’échantillon a ensuite été tiré au sort parmi cette liste.
En revanche, un biais d’auto-sélection est probable car chaque médecin avait le choix de répondre ou non à notre questionnaire selon ses affinités avec le sujet de notre thèse.
► Manque de puissance concernant les analyses sur l’influence du statut tabagique Il est avéré que notre population de fumeurs ne représente que 2% des MG ayant répondu à l’étude. On peut donc se poser la question d’un manque de puissance qui ne nous permettrait pas de mettre en lumière une influence significative du statut tabagique sur les différents paramètres testés. Dans une étude réalisée en 2017, auprès de 227 médecins généralistes de l’ex-Basse Normandie sur le sujet de la prévention primaire du tabagisme visant l’enfant et l’adolescent, parmi les répondants, le taux de MG fumeurs actifs est de 13.7% dont 3.1% de fumeurs quotidiens (14). On peut envisager que les MG fumeurs répondent moins aux questionnaires en lien avec des études portant sur le tabagisme. D’ailleurs, nous avons reçu un retour allant dans ce sens puisqu’un MG du Calvados nous a envoyé une petite carte pour expliquer qu’il ne répondait jamais « à ce genre d’étude étant fumeur moi-même ».
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Table des matières
Introduction
Matériels et méthodes
1) Généralités
2) Population étudiée
3) Elaboration du questionnaire
4) Réalisation et déroulement de l’étude
5) Saisie et exploitation des données avec méthode d’analyse
Résultats
1) Statistiques descriptives
a) Nombre de réponses
b) Description de l’échantillon
c) Réponses aux questions
d) Taux de réponses correctes
2) Analyses statistiques
a) Analyse des paramètres du profil des questionnés
b) Analyse des réponses
Discussion
1) Les points forts et limites de l’étude
a) Forces de l’étude
b) Limites de l’étude
2) Discussion des résultats
a) Caractéristiques de la population
b) Pratique des MG
c) Connaissances des MG
d) Prise en charge de certaines populations spécifiques
e) Conclusion
Conclusion
Bibliographie
ANNEXES