Le nombre de voyageurs internationaux ne cessent d’augmenter comme en témoigne les chiffres de l’année 2017 qui aura vu la plus forte progression d’arrivée de touristes internationaux depuis 2010 avec 1.33 milliards d’arrivées de touristes internationaux dans le monde, pour cette année, soit une augmentation de 7% par rapport à l’année 2016 (1). Cette progression s’explique en partie par la demande soutenue de voyages vers de nombreux pays dans le monde, le redressement de pays qui avaient souffert de problèmes sécuritaires ces dernières années et sont alimentés par la reprise économique mondiale progressive depuis la crise de 2009. La majorité des voyageurs se déplaçaient pour des motifs de loisirs et de vacances (55%), familiaux, religieux ou sanitaires (27%) et professionnels (13%). Le tourisme, facteur de développement incontournable, est un secteur clé sur le plan économique pour beaucoup de pays dans le monde (1.340 milliards de dollars US de recettes du tourisme international en 2017) .
Les arrivées de touristes internationaux ont atteint un total de 1,326 milliard d’arrivées et devraient atteindre 1,8 milliard à l’horizon 2030. L’Europe (+8%) avec la région méditerranéenne et méridionale arrive en tête des arrivées, l’Afrique (+9%) avec les destinations d’Afrique du Nord, puis la région Asie-Pacifique (+6%), le MoyenOrient (+5%) et les Amériques (+5%). Les destinations touristiques principalement prisées dans les régions intertropicales sont : l’Afrique du Nord (+15%) et Subsaharienne (+6%), l’Asie du Sud-Est (+9%), l’Amérique du Sud (+8%) (1). Parmi les voyageurs internationaux, les français n’échappent pas à ce constat : 22.8 millions de français de plus de 15 ans, qui ont voyagé à l’étranger en 2016 .
Les voyageurs internationaux sont exposés à des risques contre lesquels ils ne sont pas toujours bien informés (3–6). Ces risques sont extrêmement variables en fonction du contexte épidémiologique international, de la situation sanitaire et du niveau d’hygiène de la région visitée, des conditions séjours (saison, activités sur place, durée, modalités d’hébergement), sans oublier les facteurs de risque propre aux voyageurs (âge, comorbidités, etc) et du statut vaccinal (7). Les risques, lors de voyage à l’étranger, sont de nature très diverse (8,9). Contrairement aux idées reçues, les causes de mortalité ou de rapatriement sanitaire à l’étranger sont en rapport avec des pathologies communes comme les traumatismes (accidents, loisirs, agression), les maladies neuro et cardio-vasculaires et les maladies psychiatriques à risque de décompensation. Le risque infectieux ne représente quant à lui que seulement 1 à 3 % des décès. Les pathologies les plus courantes du voyageur restent les diarrhées, les affections des voies aériennes supérieures, les dermatoses et la fièvre. Leurs prévalences varient de 15 à 70% selon les études (7). Mais leurs fréquences restent difficiles à évaluer pour plusieurs raisons: difficultés de standardisation entre les différents types de voyageurs et de destinations, généralisation du peu de données existantes posant des problèmes méthodologiques (différences expositions aux risques selon les voyageurs, durée incubation des maladies infectieuses, mode de transmission, périodes épidémiques) .
Néanmoins, certains de ces risques infectieux sont en pleines émergences comme l’a été la très médiatique épidémie de fièvre Zika en 2015 au Brésil (12,13). La recrudescence d’autres arboviroses avec la dengue (14) et le chikungunya (15) et la fièvre jaune (16) en Afrique et au Brésil, du paludisme (en Afrique du Sud, au Costa Rica, au Venezuela et en Malaisie) (17). Les graves épidémies locales récurrentes de fièvres hémorragiques en Afrique sub-saharienne (Fièvre de Lassa, Ebola) sont toujours menaçantes (18). Des maladies infectieuses évitables par la vaccination comme la diphtérie, réapparaissent actuellement au Venezuela en raison de la situation politico-économique (19), sans oublier la recrudescence de la rougeole dans plusieurs pays : Costa Rica, Madagascar, Philippines, et aux USA, qui s’est propagée à partir de plusieurs pays d’Europe, dont la France .
Avec des consultations pré-voyages apportant aux voyageurs des conseils adaptés et des mesures de prévention efficaces comme la protection antivectorielle contre les piqures de moustiques, la chimioprophylaxie antipaludéenne et surtout, avec la vaccination « sur mesure » des voyageurs, ces risques infectieux peuvent être réduits voir même évités (8,11,22). Pour aider à la préparation d’un voyage à l’étranger, le médecin généraliste est souvent le principal recours pour le voyageur (23,24). Les maladies infectieuses évitables par la vaccination font donc parties des conseils à évoquer lors d’une consultation de conseils au voyageur avant le départ (25,26). De plus, les symptômes au retour d’un séjour à l’étranger sont aussi un motif fréquent de consultation .
Dans un contexte de défiance et d’hésitation grandissante envers la vaccination en France (28,29), j’ai choisi d’axer mon travail de thèse sur la spécificité de la prévention vaccinale des voyageurs internationaux. Mon objectif principal est d’observer quels conseils dans le domaine de vaccination sont recommandés aux voyageurs par les médecins généralistes exerçant dans les départements de l’Eure et de la SeineMaritime. Mais également de rechercher les déterminants pouvant influencer leurs conseils vaccinaux et le choix des sources information vers lesquelles ils s’orientent.
Matériels
Description du questionnaire
Le questionnaire se composait de 6 cas cliniques pour explorer les risques sanitaires sur le plan infectieux et les différentes modalités vaccinales pour les prévenir, par grandes régions géographiques (Amérique du Sud, Asie du Sud-Est, Afrique, Europe de l’Est et Océanie). 3 séries de 2 cas cliniques ont été envoyé à 3 groupes de 77 médecins de façon aléatoire. Chaque médecin n’a reçu que 2 cas cliniques par souci de longueur de saisi du questionnaire :
– La 1ere série de questionnaire associait un questionnaire avec un cas clinique se situant en Amérique du Sud et en Asie du Sud-est et un autre cas en Océanie
– La 2e série de questionnaire associait un questionnaire avec un cas clinique se situant en Afrique Sub-saharienne et un autre cas en Amérique du Sud
– La 3e et dernière série de questionnaire associait un questionnaire avec un cas clinique se situant en Europe centrale et en Inde .
Au total, 231 questionnaires ont été envoyés par email, à des médecins généralistes des départements de L’Eure et de la Seine-Maritime.
1er cas clinique
Un homme de 45 ans, commercial, faisait un séjour consécutif au Pérou puis en Thaïlande . Il est, également, accompagné de sa femme qui suit un traitement immuno-déprimant. Ce cas explorait la mise à jour du calendrier vaccinal français avant un voyage à l’étranger, les indications du vaccin contre l’hépatite A, les obligations administration de réalisation du vaccin contre la fièvre jaune et les contre-indications vaccinales avec un traitement immuno- dépresseur.
2e cas clinique
Un homme de 35 ans, revient voir son médecin traitant après la morsure d’un chien errant, survenue en Indonésie . Ce cas explorait les modalités de la prise en charge post exposition à la rage et la mise du calendrier vaccinal français pendant un voyage à l’étranger.
3e cas clinique
Il s’agissait d’un jeune homme de 25 ans, originaire du Sénégal, qui se rendait pour un séjour familial, durant 1 mois, au Sénégal et accompagné de sa fille de 8 mois. Ce cas explorait les indications de réalisation des sérologies pré vaccinales avant vaccination contre l’Hépatite A. les indications des vaccinations contre la typhoïde, la rage, les infections invasives à méningocoques (IIM) de sérotypes ACYW et la mise à jour du calendrier vaccinal français avant un départ en voyage à l’étranger. Les indications de la vaccination contre la rougeole avant 9 mois chez les nourrissons voyageurs (avant le changement des recommandations sanitaires du BEH pour les voyageurs en 2018), de la possibilité de vaccination contre les IIM sérotypes ACYW après 6 semaines et du vaccin contre la fièvre jaune chez les nourrissons. Il était précisé que le nourrisson de 8 mois était déjà vacciné contre le BCG pour s’affranchir des indications spécifiques de vaccinations des nourrissons contre la Tuberculose.
4e cas clinique
Une femme de 34 ans s’expatriant en Guyane française . Le cas explorait les indications de la vaccination contre l’Hépatite A, la Fièvre jaune et la Leptospirose dans une région de forte endémicité. Les contre-indications vaccinales pendant la grossesse et la rédaction d’un certificat de contre-indication du vaccin contre la Fièvre jaune.
Vaccinations des personnes immunodéprimées ou aspléniques. Recommandations du Haut Conseil de la Santé Publique, 2014
Le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) est une instance d’expertise qui a été créé par la loi relative à la politique de santé publique du 9 août 2004. Ses missions ont été modifiées par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé (article L.1411-4 du Code de la santé publique) :
♦ Contribuer à l’élaboration, au suivi annuel et à l’évaluation pluriannuelle de la Stratégie nationale de santé
♦ Fournir aux pouvoirs publics, en lien avec les agences sanitaires, l’expertise nécessaire à la gestion des risques sanitaires ainsi qu’à la conception et à l’évaluation des politiques et stratégies de prévention et de sécurité sanitaire
♦ Fournir aux pouvoirs publics des réflexions prospectives et des conseils sur les questions de santé publique
♦ Contribuer à l’élaboration d’une politique de santé de l’enfant globale et concertée .
Le HCSP peut être consulté par les instances gouvernementales sur des questions relatives à la prévention, à la sécurité sanitaire ou à la performance du système de santé. Le HCSP est une instance d’expertise indépendante. Le HCSP est organisé en quatre commissions spécialisées, dont les Maladies infectieuses et maladies émergentes .
La vaccination des personnes atteintes d’une immunodépression congénitale ou acquise, ou aspléniques, présente des particularités qui justifient des recommandations spécifiques (36). Dans ce rapport, le Haut Conseil de la Santé Publique détaille les recommandations vaccinales pour les personnes immunodéprimées et aspléniques, en fonction des situations pour les adultes et pour les enfants : infection par le Virus de l’Immunodéficience Humaine (VIH), transplantation d’organe solide, greffes de cellules souches hématopoïétiques, traitement par chimiothérapie, asplénie ou hyposplénie, maladies auto-immunes ou inflammatoires chroniques, déficits immunitaires héréditaires .
La Méthode des « Vignettes » cliniques
La méthode des vignettes cliniques (ou cas cliniques) a été choisie pour recueillir les réponses des médecins généralistes dans cette thèse. La méthode de vignettes qui consiste à reproduire une situation clinique plausible au travers d’une description de cas permettant d’interroger les médecins sur leur choix diagnostique ou thérapeutique. Elle présente les avantages suivants :
– D’être bien évaluée et validée dans le domaine pédagogique (enseignements études médicales) et pour certaines évaluations des pratiques professionnelles
– D’être reproductible : elle permet de standardiser la méthode de collecte des données auprès des médecins répondants
– De permettre de placer les médecins en situation proche de la réalité des consultations
– D’éviter les problématiques éthiques liées à la consultation de dossier médical et/ou de consultation de patients standardisés
– D’être facile et rapide à mettre en place
– D’être peu onéreuse .
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Table des matières
I. INTRODUCTION
II. MATERIELS ET METHODES
1. Matériels
2. Description du questionnaire
3. Méthodes
3.1.Type d’étude
3.2.Recueil des données
3.3.Définition et sélection des sujets
3.4.Référentiels choisis
3.4.1. Le Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire (BEH) – Hors-série
Recommandations sanitaires aux voyageurs, 2017
3.4.2. Calendrier des vaccinations et recommandations vaccinales 2017
3.4.3. Vaccinations des personnes immunodéprimées ou aspléniques
Recommandations du Haut Conseil de la Santé Publique, 2014
3.5.La méthode des Vignettes cliniques
3.6.Utilisation des données personnelles
III. RESULTATS
1. Recueil des données
2. Description et caractéristiques de la population étudiée
3. Réponses des médecins généralistes aux cas cliniques et adéquation aux recommandations sanitaires aux voyageurs du BEH 2017
4. Synthèse des réponses des médecins généralistes aux cas cliniques
IV. DISCUSSION
1. Critères d’analyse principal
1.1.Les vaccins du calendrier des vaccinations français 2017
1.2.Les vaccins du BEH, recommandations sanitaires aux voyageurs 2017
2. Critères d’analyse secondaire
2.1.La pratique en médecine des voyages des médecins généralistes
2.2.La perception de la vaccination des médecins généralistes
2.3.Auto-évaluation du niveau de connaissances des médecins généralistes en médecine des voyages
2.4.La participation à la formation médicale et les sources d’information citées par les médecins généralistes
3. Intérêts et Applicabilités des résultats
4. Biais et limites
5. Perspectives
V. CONCLUSION
VI. ANNEXES