Le lait maternel est l’aliment naturel du nourrisson. L’allaitement est une pratique intime dont la décision est de la responsabilité de chaque femme, une pratique à replacer dans l’histoire et la culture de chaque pays. Dans cette société française où l’alimentation au biberon est devenue la norme depuis plusieurs générations, de nombreuses femmes sont confrontées à de la méfiance voire à une nette hostilité quand elles envisagent d’allaiter. La prise en charge thérapeutique d’une mère allaitante est un terrain sur lequel le personnel soignant n’ose que trop peu s’aventurer.
Etat des lieux de l’allaitement en France
La Haute Autorité de Santé préconise un allaitement exclusif pendant les six premiers mois de la vie de l’enfant. Et pourtant, en France, le résultat est mitigé. Même si la proportion des Françaises qui allaitent a progressé depuis le début des années 90, notre pays reste à la traîne par rapport aux autres pays européens. En effet, les Françaises seraient près de 66 % à allaiter leur bébé à la maternité mais ce taux diminue considérablement au retour à domicile, vers 3 semaines, puis vers 10 à 12 semaines. Six mois après le retour à la maison, seuls 18 % des femmes allaitent encore leur enfant contre 40 % en Espagne et 70 % en Suède. L’allaitement est plus fréquent parmi les femmes de 30 ans ou plus, diplômées et de catégorie socio-professionnelle supérieure. Les femmes qui allaiteront le plus longtemps seront souvent âgées de 30 ans ou plus, cadres ou inactives, avec plusieurs enfants au foyer (Vilain et Von Lennep, 2016).
Anatomie et physiologie de la lactation
Anatomie du sein
Le mamelon peut être de longueur et de forme variable. Grâce à son élasticité, il peut s’étirer dans la bouche de l’enfant de deux à trois fois sa longueur. Cet étirement permet que la face antérieure du mamelon soit proche de la jonction entre le palais dur et le palais mou de l’enfant. L’aréole plus pigmentée sert de repère visuel à l’enfant pour la prise du sein. Elle est de taille variable. Au cours de la tétée, l’enfant en prend la plus grande partie possible dans sa bouche. Sur l’aréole se trouvent des glandes sudoripares, quelques glandes sébacées, des follicules pileux et les tubercules des Montgomery (ou de Morgagni). Ils sont au nombre variable de quelques-uns à une trentaine, et sécrètent une substance lubrifiante et antiseptique.
Les différentes sécrétions du sein lactant sont un signal olfactif fort pour l’enfant, dont l’odorat est particulièrement développé. Le nouveau-né peut retrouver une continuité olfactive entre le liquide amniotique et le colostrum (Geiler et Fouassier, 2013). Le tissu glandulaire mammaire de chaque sein est composé de 7 à 10 lobes fonctionnels de taille variable. Chaque lobe est formé de plusieurs lobules (20 à 40 par lobe) constitués d’unités sécrétoires appelées alvéoles ou acini. Les acinis sont constitués d’un épithélium de cellules sécrétoires ou lactocytes au nombre de 10 à 100 par lobule. Le lait contenu dans les alvéoles est drainé dans les canaux galactophores de faible calibre par la contraction de cellules myoépithéliales entourant chaque acinus. Les canaux galactophores (canaux lactifères) de chaque lobule vont converger les uns vers les autres pour former des canaux plus larges. Les canaux s’entrelacent dans leur trajet, et se rejoignent pour former entre 4 à 9 canaux principaux, qui s’abouchent à la peau au niveau du mamelon par un pore. Le tissu glandulaire est immergé dans un tissu conjonctif et graisseux, le volume du sein n’est pas un indicateur de la capacité à produire du lait. Les 4ème, 5ème et 6ème nerfs intercostaux sont responsables de l’innervation du sein. Le 4ème nerf assure la sensibilité du mamelon et de l’aréole.
Physiologie de la lactation
La lactation (autrefois appelée galactopoïèse) correspond au processus de sécrétion du lait. Elle utilise environ 30% des ressources d’énergie de l’organisme. C’est une continuité de la grossesse qui permet de maintenir le nouveau-né en vie en lui apportant les défenses immunitaires et les éléments nutritifs dont il a besoin (Geiler et Fouassier, 2013). La lactation se met progressivement en place en passant par différentes phases :
La mammogenèse
Le tissu glandulaire se développe sous influence hormonale. Le volume des seins augmente graduellement pendant la grossesse puis l’allaitement.
La lactogenèse
Elle se compose de 4 phases :
• La lactogenèse 1 permet la fabrication du colostrum, elle se met en route au milieu de grossesse.
• La lactogenèse 2 démarre après l’expulsion du placenta qui provoque la chute de la progestérone et des estrogènes et libère de la prolactine. La mère peut alors dans les jours suivants, entre le 2ème et le 4ème jour, ressentir une augmentation du volume des seins, associée à une sensibilité au toucher et une augmentation de chaleur, communément appelée « montée de lait ». La plupart des femmes allaitantes ressentent ces sensations. L’expression de ces sensations est en rapport avec une augmentation du flux sanguin mammaire et de la production de lait. Pendant cette période la composition du lait se modifie : augmentation de la teneur en lactose, en lipides, en minéraux, en eau. La couleur du lait change, de jaune orangé il devient plus blanc. La montée de lait se produira indépendamment de la succion de l’enfant.
Néanmoins, la fréquence des tétées et l’efficacité de la succion pendant cette période préparent le sein à une production de lait optimale. En effet les succions nombreuses favorisent l’activation des récepteurs à la prolactine sur les lactocytes.
• La 3ème étape est la période de lactation installée, qui se maintient tant que l’enfant vide efficacement et régulièrement le sein.
• La 4ème étape correspond à la période d’involution ou sevrage (Geiler et Fouassier, 2013) .
La régulation de la lactation est sous l’influence de diverses hormones
Lors de la lactogenèse 1 et 2 sont impliquées l’insuline, les hormones thyroïdiennes, le cortisol, la prolactine et l’ocytocine, etc. Ces deux dernières interviennent particulièrement dans la régulation du processus de production et d’éjection du lait. Au cours de la lactogenèse 2, se met en place un mécanisme de contrôle local, sous l’action du Feedback Inhibitor of Lactation (FIL). Le FIL est un peptide produit par les lactocytes. Il régule la synthèse et la sécrétion du lait en fonction du volume. Le FIL apparaitrait lors de l’accumulation du lait dans la glande mammaire et disparaitrait lors de sa diminution de volume. Son mécanisme d’action précis est encore mal connu à l’heure actuelle.
Le réflexe d’éjection
La lactation se maintient tant que le lait est prélevé du sein. Ce processus dépend principalement de deux hormones : la prolactine pour maintenir la sécrétion du lait, et l’ocytocine pour produire le réflexe d’éjection. Ce réflexe permet de faire sortir le lait de la glande mammaire. Le volume de lait sécrété s’ajuste aux besoins de l’enfant par l’intermédiaire d’un facteur local sécrété dans le lait (Geiler et Fouassier, 2013).
Principales hormones de la lactation
Beaucoup d’hormones contribuent directement ou indirectement à la lactation. Une partie d’entre elles a une action pointue et à court terme alors que d’autres conservent un rôle important pendant toute la durée de l’allaitement. Elles ont toutes un rôle précis, mais c’est la combinaison de leurs actions respectives qui permet au sein de se modifier pour produire du lait.
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Table des matières
Introduction
PARTIE 1 : L’allaitement
I – Etat des lieux de l’allaitement en France
II – Anatomie et physiologie de la lactation
II.2. Physiologie de la lactation
II.2.1. Mammogénèse
II.2.2. Lactogénèse
II.2.3. Le réflexe d’éjection
II.2.4. Principales hormones de la lactation
II.2.5. L’involution
III – La lait maternel
III.1. Les différents laits
III.1.1. Le colostrum
III.1.2. Le lait de transition
III.1.3. Le lait mature
III.2. Composition du lait mature
III.2.1. Eau
III.2.2. Glucides
III.2.3. Lipides
III.2.4. Protéines
III.2.5. Vitamines
III.2.6. Oligoéléments et sels minéraux
III.3. Variations de la composition du lait maternel
III.3.1. Variations selon le stade de lactation
III.3.2. Variations selon le moment de la journée
IV – Avantages de l’allaitement maternel
IV.1. Avantages pour la santé du bébé
IV.2. Avantages pour la santé de la mère
IV.2.1. A court terme
IV.2.2. A long terme
IV.3. Avantages économiques et pratiques
IV.3.1. Avantages économiques
IV.3.2. Avantages pratiques
PARTIE 2 : Pharmacocinétique chez la mère et l’enfant
I – Passage des médicaments dans le lait maternel
I.1. Mécanismes de passage
I.1.1. Diffusion passive
I.1.2. Diffusion intercellulaire directe
I.1.3. Transport actif
I.2. Estimation du passage du médicament dans le lait maternel
I.2.1. Rapport L/P
II – Facteurs influençant le passage dans le lait maternel
II.1. Concentration plasmatique du médicament
II.2. Propriétés physicochimiques du médicament
II.2.1. Liposolubilité
II.2.2. Degré d’ionisation de la molécule / caractère acido basique
II.2.3. Liaisons aux protéines plasmatiques
II.2.4. Demi-vie plasmatique
II.2.5. Biodisponibilité
III – Le lait maternel
III.1. Doses reçues par l’enfant
IV – Caractéristiques pharmacocinétiques du nouveau-né
IV.1. Résorption intestinale
IV.2. Distribution
IV.2.1. Liaisons protéiques
IV.2.2. Compartiments liquidiens
IV.3. Métabolisme
IV.4. Elimination
IV.4.1. Elimination hépatique
IV.4.2. Elimination rénale
V – Facteurs liés à l’enfant qui influencent son exposition à un médicament
PARTIE 3 : Anesthésie générale
I – Généralités sur l’anesthésie générale
I.1. Définitions
I.2. Liste des molécules utilisées pour cette thèse
II – Détail des molécules
II.1. Anesthésiques intra-veineux
II.1.1. Propofol
II.1.2. Kétamine
II.1.3. Etomidate
II.2. Anesthésiques inhalés
II.2.1. Sévoflurane
II.2.1. Desflurane
II.3. Analgésiques dérivés de la morphine
II.3.1. Sufentanil
II.3.2. Rémifentanil
II.3.3. Alfentanil
II.4. Curares
II.4.1. Atracurium
II.4.2. Cisatracurium
II.4.3. Suxaméthonium
II.4.4. Rocuronium
II.5. Anti émétiques
II.5.1. Déxaméthasone
II.5.2. Dropéridol
II.5.3. Ondensétron
II.6. Analgésiques post-opératoires
II.6.1. Paracétamol
II.6.2. Tramadol
II.6.3. Néfopam
II.6.4. Kétoprofène
II.6.5. Morphine
III – Conduite à tenir lors de la programmation d’une anesthésie générale
III.1. Période préopératoire
III.2. Pendant la chirurgie
III.3 Période post-opératoire
IV – Recommandations pour les futures recherches
Conclusion
Bibliographie