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Etat des lieux de la dépendance aux benzodiazépines en France
Un travail de thèse effectué en 2014 sur un échantillon de 300 patients de médecine générale consommateurs de benzodiazépines a permis de montrer que 43,3% des patients consommateurs de benzodiazépines en sont dépendants selon l’Echelle Cognitive d’Attachement aux Benzodiazépines (ECAB) (17).
Parmi toutes les substances psychoactives licites et illicites, l’Observation des Pharmacodépendances en Médecine Ambulatoire (OPEMA) 2015 rapporte que 27% des problèmes de dépendance rencontrés en médecine générale concernent les BZD. (18)
Survenue d’effets indésirables
Les affections du système nerveux (somnolence, comas, convulsions et amnésies) représentent 23% des effets indésirables graves rapportés avec l’utilisation des BZD.
Les affections psychiatriques représentent 12% des effets indésirables graves avec principalement des syndromes confusionnels.
Les chutes sont fréquemment rapportées, et certaines études ont permis de mettre en évidence un lien significatif entre la consommation de benzodiazépines et la survenue de chute, surtout chez la personne âgée (19). D’autres travaux ont montré un lien entre la consommation de benzodiazépines et la survenue de fracture du col fémoral, ou même de révision prothétique post traumatique (20), (21).
Le risque de démence, suggéré dans beaucoup d’études, est discuté, et il existe une limite méthodologique encore importante dans les études qui associent utilisation de BZD et démence. En effet, la prescription de BZD pourrait être la conséquence de la démence en raison des signes précoces de type anxiété, insomnie, dépression, et non la cause de la maladie. C’est un biais dit protopathique (13). Le Comité d’Evaluation des Risques en Pharmacovigilance (PRAC) a considéré qu’aucune action réglementaire n’était nécessaire à ce stade compte tenu de ce biais.
L’altération des capacités de conduite a été confirmée par des études internationales. Le risque d’accident augmente de 60 à 80% lors de la prise de benzodiazépines, justifiant en France l’apposition d’un pictogramme de niveau 3 (22).
Chiffres clés (Rapport ANSM publié en Avril 2017) (16)
– La France est au deuxième rang en Europe de la consommation de Benzodiazépines en 2015
– 13,4% de la population française a eu au moins un remboursement de benzodiazépines dans l’année 2015
– Le nombre de consommateurs de benzodiazépines a baissé de 5,7% entre 2012 et 2015
– Le nombre de consommateurs de CLONAZEPAM a baissé de 84% en 5 ans (de 2010 à 2015), suite à la mise en place en 2011 et 2012 de mesures réglementaires plus strictes encadrant son accès (7).
– 65% des utilisateurs de benzodiazépines sont des femmes
– L’âge médian des consommateurs est de 57 ans
– L’ALPRAZOLAM est la benzodiazépine la plus utilisée chez les moins de 65 ans
– Le traitement par benzodiazépines est initié à 82% par un médecin généraliste.
DEFINITIONS :
Benzodiazépines :
Les BZD sont des médicaments commercialisés depuis les années 60 qui agissent sur le système nerveux central par l’intermédiaire des récepteurs GABA. Toutes les benzodiazépines possèdent, à des degrés divers, des propriétés anxiolytiques, hypnotiques, myorelaxantes et anticonvulsivantes. Elles sont classées en fonctions de leurs indications : hypnotiques dans les troubles sévères du sommeil , anxiolytiques dans le traitement symptomatique des manifestations anxieuses, en prévention du délirium tremens dans le sevrage alcoolique, et pour ses fonctions antiépileptiques ou anesthésiques (23).
Rappels de pharmacodynamie
Les BZD sont des psycholeptiques, c’est-à-dire ralentisseurs de l’activité neurologique centrale (Figure 1).
Le GABA (Gamma-Amino-Butyric Acid) est un neurotransmetteur inhibiteur du système nerveux central, ou plus exactement un neuromodulateur qui empêche l’excitation prolongée des neurones. En se fixant sur les récepteurs GABA, il entraine une entrée d’ions chlore au niveau du neurone post synaptique, l’hyperpolarise, et rend plus difficile sa stimulation par un éventuel potentiel d’action. Il agit principalement au niveau des neurones courts dits interneurones.
La fixation des BZD s’effectue sur des récepteurs distincts de ceux du GABA mais potentialise sa durée d’action et permet donc une inhibition prolongée du neurone post-synaptique (Figure 2) (24) .
On peut classer les BZD selon leur indication et/ou selon leur demi-vie d’élimination.
Les molécules les plus utilisées ont été reportées dans le Tableau 1 : Classification des benzodiazépines
Effets indésirables
Outre les nombreux effets indésirables aspécifiques décrits dans le résumé des caractéristiques produit (RCP), les BZD comportent des risques liés à leur usage. Le dernier état des lieux de l’ANSM d’avril 2017 refait une synthèse de ces principaux évènements indésirables :
– amnésie antérograde (susceptible de débuter quelques heures après la prise médicamenteuse)
– altération des fonctions psychomotrices (dystonie, trouble de coordination)
– troubles du comportement correspondant à un syndrome associant des troubles du comportement et de la mémoire à une altération de l’état de conscience avec parfois violence imposant l’arrêt du traitement
– une tolérance, une dépendance physique et psychique, ainsi qu’un phénomène de sevrage (développé dans le chapitre suivant).
L’association des BZD à une consommation d’alcool amplifie le risque de désinhibition, augmente l’impulsivité, et entraine d’importants troubles comportementaux, pouvant avoir de graves conséquences (accident de la route, violence , garde à vue)(27).
Il existe chez certaines personnes un effet paradoxal des BZD étudié par T. Saïas dans une revue de la littérature sur ce phénomène (28). Cet article nous indique qu’il s’agit d’une réaction d’agressivité avec violence qui peut survenir dès la première prise et de manière assez imprévisible, et souvent accompagné d’une forte amnésie antérograde. La prévalence de cette réaction paradoxale est très variable en fonction des études, des molécules étudiées, du nombre de cas, et pourrait aller de 0,25% à 20%. Cet effet pourrait être notamment favorisé par la consommation concomitante d’alcool, et par une « personnalité limite ». Sur le plan pharmacologique la cause serait une inhibition des neurones sérotoninergiques par la potentialisation des récepteurs GABA par les BZD au cœur du système limbique.
Dépendance
Généralités
La dépendance à une substance est caractérisée par un ensemble de symptômes cognitifs, comportementaux, et physiologiques, indiquant que le sujet continue à utiliser la substance malgré des problèmes significatifs liés à celle-ci.
Pour réaliser un diagnostic de dépendance, il faut se baser sur la manière dont le patient se comporte avec la substance ; c’est un diagnostic exclusivement clinique.
La dépendance est définie par le Diagnostic and Statistic Manual of Mental Disorders-IV (DSM-IV) comme l’apparition d’au moins 3 des symptômes ci-dessous, à un moment quelconque au cours d’une période continue de 12 mois :
– la tolérance : nécessité d’augmenter les doses pour obtenir l’effet désiré et recherché
– le sevrage : modification comportementale inadaptée lors de la diminution de la concentration tissulaire ou sanguine après l’utilisation d’une substance
– le fait de prendre plus, ou sur une plus grande période une substance alors qu’une limite avait été fixée
– tentative(s) infructueuse(s) de diminuer ou d’arrêter la substance
– le fait de passer beaucoup de temps à se procurer la substance, ou de récupérer de ses effets
– l’abandon ou diminution d’activités importantes sociales, professionnelles, ou de loisir
– la poursuite de l’utilisation de la substance malgré le fait d’avoir reconnu son implication dans des difficultés psychologiques ou psychiques (14).
Concernant les BZD, la dépendance s’installe généralement de manière insidieuse les patients n’en ont pas conscience. Comparée à l’utilisation d’autres substances addictives (alcool, drogues « dures »), l’utilisation de BZD entraine peu de réaction de l’entourage proche du patient, passe plus inaperçue, ce qui pourrait augmenter le risque de dépendance.
Dépendance physique et dépendance psychique :
Les différents signes décrits ci-dessus peuvent être classés en signe de dépendance psychique ou physique.
– La dépendance psychique correspond à l’incapacité de contrôler la prise de la substance, à l’augmentation du temps passé à se procurer la substance ou récupérer de ses effets, et les activités réduites du fait de l’utilisation de la substance, et la poursuite de l’utilisation de la substance malgré un problème psychologique ou physique
– La dépendance physique est définie par les signes de sevrage, et/ou par la prise d’une autre substance pour soulager ou éviter les symptômes de sevrage.
c/ Précision sur le sevrage aux benzodiazépines:
La caractéristique essentielle d’un sevrage aux BZD, hypnotiques ou anxiolytiques est la présence d’un syndrome caractéristique, qui se développe après une réduction importante ou l’arrêt du traitement après plusieurs semaines, au moins d’utilisation régulière. Ce syndrome de sevrage est caractérisé par au moins deux des symptômes suivants (similaires à ceux du sevrage alcoolique) :
– hyperactivité neurovégétative
– tremblement des mains
– insomnie
– anxiété
– nausées/ vomissements
– agitation psychomotrice
Les symptômes causent une souffrance cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social et professionnel notamment. Il est parfois décrit une sensation de « mal-être intérieur ».
A noter la possibilité d’une crise d’épilepsie inaugurale lors d’un sevrage
La période d’apparition du syndrome de sevrage dépend de la demi-vie de la molécule consommée. Plus la demi-vie est longue, plus le temps entre la dernière prise et l’apparition des premiers symptômes de sevrage est long, et plus la durée des symptômes augmente (jusqu’à plusieurs semaines pour le diazepam par exemple) (29).
Le sevrage sera d’autant plus sévère que la substance a été prise longtemps et les quantités prises importantes.
Les facteurs pronostiques suivants sont associés à la sévérité du syndrome de sevrage :
– Rapidité de la diminution posologique
– Posologie élevée de benzodiazépines
– Demi-vie courte d’élimination du médicament
– Anxiété importante au début de l’arrêt progressif
– Dépression associée
– Surconsommation régulière d’alcool ou d’autres substances psychoactives
On pourrait ajouter que le sevrage est plus difficile chez les patients n’ayant jamais pu bénéficier d’un travail psychothérapeutique initial, car les BZD ont tendance à fixer les angoisses, qui resurgissent volontiers lors du sevrage.
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Table des matières
INTRODUCTION
ÉPIDÉMIOLOGIE
1/ Etat des Lieux de la consommation des benzodiazépines en France
2/ Etat des lieux de la dépendance aux benzodiazépines en France
3/ Survenue d’effets indésirables
4/ Chiffres clés (Rapport ANSM publié en Avril 2017) (16)
DEFINITIONS
1/Benzodiazépines
2/ Dépendance
3/ Connaissances du patient et information
PRÉSENTATION DE L’ÉTUDE
1. MATERIEL ET METHODE
2. RESULTATS
3. DISCUSSION
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
Annexe 1 : Questionnaire de recueil
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