Etat des forêts de la région méditerranèenne
Généralités
Les forêts ont toujours jouées un rôle important dans le développement des populations méditerranéennes. Depuis toujours les forêts méditerranéennes ont été exploitées pour leurs différents usages et appréciées pour les multiples biens et services qu’elles procurent à ces populations. Cependant, la surexploitation se traduit par des impacts négatifs sur l’environnement et elle est responsable aujourd’hui de dégradations des forêts dans de nombreux espaces méditerranéens (FAO, 2013). Des situations différentes caractérisent la région méditerranéenne: au Nord, les écosystèmes forestiers sont souvent inexploités, alors qu’au Sud et à l’Est, les pressions anthropiques contribuent à la dégradation des espaces boisés. Ces situations contrastées accroissent les menaces sur les bénéfices que les forêts procurent aux populations et requièrent de nouvelles stratégies pour gérer durablement ces écosystèmes fragiles (FAO, 2013). En 2010, la surface forestière des pays méditerranéens s’élevait à 85 millions d’hectares, représentant environ 2% de la surface forestière mondiale (4033 millions d’hectares) (FAO, 2013). Les surfaces forestières sont inégalement distribuées autour du bassin méditerranéen avec des différences significatives entre les pays (Figure 1) : plus de 50 pour cent sont concentrées en Espagne, France et Turquie. Les autres terres boisées représentent seulement 4 % de la surface totale des terres dans les pays du pourtour méditerranéen. Comme les conditions climatiques et édaphiques du Sud de la Méditerranée favorisent la végétation buissonnante, les autres terres boisées représentent 20 % en Grèce, 19 % en Espagne et 13 % en Turquie. Au cours des vingt dernières années, les surfaces forestières dans les pays du pourtour méditerranéen ont augmenté de près de 12 millions d’hectares. En moyenne elles se sont accrues de 0.68 %/an. À l’exception de l’Albanie, de l’Algérie, de la Bosnie Herzégovine et de la Palestine qui présentent des épisodes de diminutions du couvert forestier (FAO, 2013 ; QUEZEL, 1980). Les pays du pourtour de la Méditerranée ont continuellement accru leurs surfaces forestières. Ces changements sont principalement liés à l’accroissement naturel des forêts, aux boisements et aux reboisements. L’Algérie appartient à cette zone biogéographique par son climat, sa végétation et de son bioclimat. Plusieurs auteurs géographes, botanistes, forestiers, phytoécologues et phytosociologues se sont intéressés à cette région dont les caractéristiques floristiques et climatiques sont particulières et méritent d’être connues.
Aspect bioclimatique
Beaucoup de travails relatifs à la caractérisation du climat méditerranéen ont été entrepris et le sont encore. Malgré les quelques divergences la quasi-totalité des forestiers, écologues et climatologues ont adopté les considérations d’EMBERGER (1930-45), SAUVAGE (1963), AKMAN et DAGET (1971), QUEZEL (1976), NAHAL (1977) et DAGET (1977). Le climat méditerranéen est essentiellement caractérisé par une phase de sécheresse correspondant à la période chaude. Est considéré comme climat méditerranéen tous types de climat où la sécheresse estivale est prépondérante, quel que soit les valeurs thermiques hivernales (BENABDELI, 1996). L’hétérogénéité des facteurs climatiques a été à l’origine des nombreuses classifications proposées par divers auteurs EMBERGER (1955), BAGNOULS et GAUSSEN (1955), SAUVAGE (1961), WALTER et LIETH (1960), ALCARAZ (1969). Tous les travaux de ces chercheurs peuvent être mis sans peine, en parallèle. Ils caractérisent les divers types bioclimatiques méditerranéens en se basant sur les précipitations et les températures ainsi que sur la période de sécheresse estivale. Les travaux d’EMBERGER au Maroc entre 1930-1939 lui ont permis de définir du point de vue bioclimatique divers étages de végétation avec leurs variantes (tableau 2 et figure 2). D’après EMBERGER, (1955), ALCARZ (1969) et BENABDELI (1996), ces classifications sont assez proches l’une de l’autre et donnent des résultats utilisables pour une région géographique limitée. La localisation schématique de la végétation sur le climagramme d’EMBEGER est proche de la réalité écologique en particulier dans les régions à régime pluviométrique de type P.H.A.E. Les aires de distribution des principales espèces forestières en fonction de la valeur du coefficient pluviothermique (Q2) et de la moyenne des minimas du mois le plus froid, nous donnent des informations utiles et confortent quelques opérations forestières (repeuplement, reboisement, plantation). La faiblesse du réseau météorologique et sa mauvaise localisation ne permet pas d’avoir des informations précises utilisables pour l’élaboration de cartes et des climagrammes fiables.
Aspects géomorphologiques et pédologiques
D’après BENABDELI et al. (2007), la géologie de la région méditerranéenne est l’une des plus complexes du monde, véritable puzzle dans son modelé, sa fragmentation et son hétérogénéité ainsi qu’un substrat géologique varié qui multiplie les potentialités climatiques et microclimatiques qui se traduisent par une diversification de la végétation forestière. Les sols ne diffèrent pas de ceux des autres régions à l’exception de deux types : les sols rouges méditerranéens et les sols à croûte. Les terra rossa sont le domaine de prédilection des forêts sclérophylles et à l’occasion de forêts caducifoliées. Les sols à croûte calcaire se localisent aux étages arides et semi-arides et ne supportent que des forêts à Pinus halepensis et à Quercus ilex. Quand les conditions le permettent (surcharge humique), ces sols évoluent vers les sols bruns forestiers considérés comme les seuls sols climaciques en région méditerranéenne.
Aspects floristiques
La végétation méditerranéenne peut être définie par la physionomie des associations végétales où la prédominance d’arbres et d’arbustes à feuilles toujours vertes plus ou moins coriaces. La coupure essentielle entre les forêts tempérées et les forêts méditerranéennes est que, pour les premières, l’hiver est une saison de repos absolu, alors que pour les secondes, il s’agit d’un repos très relatif, parfois même complètement supprimé, l’été devenant de plus en plus un inhibiteur d’activité végétative. Cette anatomie et physiologie des végétaux est commandé par des éléments climatiques qui caractérisent le climat méditerranéen. Selon BENABDELI (1996) et F.A.O (2018), les expressions végétatives du climat méditerranéen sont :
✓ La forêt à feuilles xérophiles sempervirentes permettant au végétal de résister aux vies médiocres en hiver et pires en été.
✓ Le type méditerranéen moyen caractérisé par le Quercus ilex et son cortège tel que : Arbutus unedo, Pistacia lentiscus, Phillyrea media, Olea europaea, Quercus coccifera. Le Quercus suber qui n’existe que dans les pays de la Méditerranée occidentale avec sa strate sous-arbustive caractérisée par la présence de : Arbutus unedo, Erica arborea et multiflora, Cistus sp.
✓ Les peuplements constitués par Pinus pinea, Pinus halepensis et Pinus brutia sont légerement résistants à des conditions climatiques et de sol particuliers.
✓ L’oléolentisque, stade de dégradation colonisant le sol où domine l’Olea europaea, espèce méditerranéenne par excellence, le Pistacia lentiscus et des espèces thermophiles.
✓ La forêt mixte caractérisée par un mélange d’arbres et d’arbrisseaux à feuilles caduques et à feuilles persistantes et xérophiles. Ce type de végétation se rencontre dans la zone méditerranéenne humide à courte saison sèche.
Facteurs de dégradation et menaces
Les changements globaux, compris comme le large éventail de phénomènes mondiaux résultant de l’activité humaine, affectent l’ensemble du bassin méditerranéen (DOBLASMIRANDA et al., 2017). Les menaces causées par ces changements globaux posent un risque particulier pour les principales caractéristiques des forêts et des habitats forestiers méditerranéens (FAO, 2018). Nous distinguons trois formations à savoir :
1. les forêts et les formations arbustives méditerranéennes sont très sensibles aux changements climatiques mondiaux en raison de leur proximité avec les régions arides;
2. une longue histoire de changement d’affectation des sols peut entraîner des incendies plus fréquents et plus intenses, une rareté de l’eau et une dégradation des sols;
3. un biote singulier lié à une plus grande vulnérabilité à l’extinction induite par le changement climatique.
Causes profondes (indirectes) de la dégradation
Politiques locales et régionales
La région méditerranéenne est à l’intersection de trois continents. Les pays méditerranéens ne partagent pas une stratégie forestière commune reconnaissant les nombreuses fonctions et valeurs des forêts méditerranéennes, en particulier eu égard aux changements globaux. En conséquence, la gouvernance forestière reste la responsabilité des autorités nationales. Cependant, au niveau régional, les politiques forestières peuvent facilement perdre leur flexibilité et dans certains cas promouvoir par inadvertance (en n’effectuant pas de prévention) des causes de dégradation non seulement environnementales, mais également économiques et sociales (par exemple : Le risque accru des feux de forêt dans la région nécessite de nouvelles politiques et approches en matière de gestion des feux. Des politiques de lutte contre les feux de forêts qui ne sont pas renforcées par une gestion de la végétation, la sylviculture et une gestion intégrée des forêts au niveau du paysage peuvent sérieusement aggraver la dégradation des forêts en raison de l’accumulation de combustible, et par conséquent conduire à un risque supplémentaire de feux de forêt. Cette situation nécessite de nouvelles politiques de lutte contre les incendies ainsi que des stratégies préventives efficaces telles que la planification intégrée de la gestion des incendies et des forêts. L’objectif est de mettre en place des politiques territoriales permettant aux feux de forêts de faire partie des écosystèmes méditerranéens mais à un niveau « acceptable ». Les stratégies et les politiques doivent être abordées en considérant toutes les dimensions, y compris une identification claire des objectifs de protection civile et de protection des forêts. Enfin, la priorité devrait être accordée à la transition des politiques à court terme de contrôle des incendies vers des politiques à plus long terme visant à éliminer les causes structurelles de ces feux) (FAO, 2018).
Le Cadre stratégique pour les forêts méditerranéennes, adopté lors de la troisième Semaine forestière méditerranéenne à Tlemcen (Algérie) en 2013, est un autre outil régional promouvant de nouvelles politiques et initiatives pour atténuer la dégradation des forêts en Méditerranée. Il appelle à une meilleure gouvernance de l’élaboration, de la mise en œuvre et du suivi des politiques, notamment en favorisant la participation de tous les acteurs au niveau du paysage / territoire. Le Cadre stratégique pour les forêts méditerranéennes a été rapidement intégré aux initiatives nationales. En Algérie, par exemple, il a été pris en compte lors de l’élaboration du plan forestier national du pays. Une traduction plus large du cadre stratégique pour les forêts méditerranéennes et sa mise en œuvre pratique restent cependant nécessaires. Les initiatives cidessus ne sont que quelques exemples parmi d’autres d’activités déjà entreprises dans la région méditerranéenne. Néanmoins, il reste encore beaucoup à faire pour élaborer une stratégie régionale appuyant l’élaboration de politiques forestières méditerranéennes révisées et communes. Celles-ci sont nécessaires pour réduire la dégradation et maintenir la qualité de la forêt afin de pouvoir continuer à fournir divers biens et services écologiques et socioéconomiques et à contribuer au développement socio économique, sur la base d’une planification intégrée du paysage (FAO, 2018).
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Table des matières
Introduction Générale
Chapitre I : Etat des forêts de la région méditerranéenne
1. Etat des forêts de la région méditerranéenne
1.1. Généralités
1.2. Aspect bioclimatique
1.3. Aspects géomorphologiques et pédologiques
1.4. Aspects floristiques
1.5. Facteurs de dégradation et menaces
1.5.1. Causes profondes (indirectes) de la dégradation
1.5.2. Causes directes de dégradation et principaux agents
1.6. Principaux types de forêts
1.6.1. Les étages de végétation
1.6.2. Points chauds de biodiversité et importance des zones refuges méditerranéennes
1.6.3. L’anthropisation au sud et à l’est de la Méditerranée
2. La végétation forestière en Algérie
2.1. Présentation du territoire
2.2. Espaces forestiers
2.3. Présentation de la forêt algérienne
2.4. Les causes de dégradation
2.5. Généralités sur les principales plantes ligneuses de l’oranie
Chapitre II : Présentation de la zone d’étude
1. Présentation des monts de Saida
2. Forêt domaniale de Doui Thabet
2.1. Situation géographique et délimitation écologique
2.2. Caractéristiques du milieu physique
2.2.1. Orographie
2.2.2. Géomorphologie
2.2.3. Altitude
2.2.4. Pente
2.2.5. Exposition
2.3. Caractéristiques édaphiques
2.4. Caractéristiques géologiques
3. Etude climatique
3.1. Précipitation
3.2. Température
3.3. Amplitude thermique
3.4. Indice d’aridité de DE MARTONNE
3.5. Quotient pluviométrique d’EMBERGER
3.6. Classification des ambiances bioclimatiques en fonction de « T » et « m »
3.7. Diagramme Ombro-thermique de BAGNOULS et GAUSSEN
4. Milieu Naturel et occupation du sol
4.1. Phytogéographie
4.2. Description de la végétation
4.3. Etude socio-économique
4.3.1. Démographie
4.3.2. Action directe de l’homme et les activités de production
4.3.3. Impact des activités sur le milieu forestier
5. Réseau hydrographique et sous bassins versants
Chapitre III : Matériels et méthodes
1. Principe du travail
2. Démarche générale
2.1. Détermination des principales zones homo-écologiques
2.2. Potentialités floristiques
2.3. Caractérisation écologique
2.3.1. Indices eco-biologques
2.3.2. Orchidoflore
2.3. Analyses phytogéographiques régionales (analyeses sectorielles)
2.3.4. Etude du milieu physique
2.3.5. Incidences de la pression anthropique sur la dégradation de la forêt de Doui Thabet
Chapitre IV : Résultats et Discussion
1. Résultats
1.1. Zones homo-écologiques
1.2. Potentialités floristiques
1.2.1. Richesse floristique
1.2.2. La flore rare, endémique et menacée
1.2.3. La flore médicinale
1.2.4. Orchidoflore
1.3. Caractérisation écologique
1.3.1. Indices Eco-biologiques
1.3.2. Analyses phytogéograhiques régionales
1.3.3. Etat des orchidées
1.3.4. Impact de la pression anthropique sur la dégradation de la forêt
2. Discussion
2.1. Inventaire et systématique
2.2. Evaluation de la phytodiversité
2.3. Rareté, endémisme et protection
2.4. Orchidoflore
2.5. Analyses phytogéographiques
2.6. Approche ethnobotanique
2.7. Incidences de la pression anthropique
Conclusion Générale
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