État des connaissances sur les inégalités sociales pour les accidents corporels de la route des jeunes 

Les accidents de la circulation constituent, dans les pays développés, une des principales causes de mortalité des jeunes de 15 à 24 ans selon le rapport de l’OMS (WHO 2007). Les inégalités sociales de santé sont reconnues à l’échelle nationale et internationale (Leclerc et al. 2000; Rican et al. 2003; Siegrist and Marmot 2006) ; en revanche en France, contrairement à certains pays anglo-saxons et nordiques, l’influence des inégalités sociales sur le risque routier est encore mal appréhendée. Dans la littérature il apparaît que les inégalités socioéconomiques d’accidents peuvent être liées à des facteurs individuels (Agran et al. 1998; Hasselberg et al. 2001; Laflamme and Engstrom 2002; Edwards et al. 2006), contextuels (Durkin et al. 1994; Abdalla et al. 1997; Hippisley-Cox et al. 2002; Graham et al. 2005) ou les deux à la fois (Cubbin et al. 2000; Pickett and Pearl 2001; Borrell et al. 2002; Ferrando et al. 2005; Laflamme et al. 2009).

État des connaissances sur les inégalités sociales pour les accidents corporels de la route des jeunes 

En 2004, les accidents de la circulation constituent la principale cause de mortalité chez les jeunes de 15 à 29 ans et la seconde cause de mortalité pour les enfants de 5 à 15 ans dans le monde (OMS 2009). En France les jeunes de 18 à 24 ans représentent 9 % de la population mais plus de 23% des tués sur la route (ONISR, 2006). De plus, le risque d’être lourdement handicapé suite à un accident de la circulation est aussi fort que le risque d’être tué, et plus élevé même pour les piétons, cyclistes et les usagers de deux-roues motorisé (Amoros et al. 2003). Dans la littérature internationale, nous rencontrons différentes approches qui s’intéressent aux effets des déterminants socio-économiques sur les modes de déplacements et/ou sur les accidents de la circulation chez les jeunes. Pour la majorité il s’agit de travaux en accidentologie, en épidémiologie sociale, en pédiatrie ou en sciences sociales. Ces travaux, de plus en plus nombreux, donnent des résultats quelquefois contradictoires. Cependant ils sont encore peu fréquents quand on les compare avec les publications traitant des inégalités sociales de santé. Remarquons qu’en France, les travaux examinant les effets des déterminants socioéconomiques sur les accidents sont quasi inexistants.

Bien souvent les publications scientifiques traitant d’épidémiologie des accidents routiers n’incluent pas de déterminants socio-économiques, d’autres les incluent comme facteurs d’ajustement ; mais souvent ces facteurs sont inadaptés à la population d’étude ou insuffisants pour refléter réellement le statut socio-économique des jeunes et de leur entourage. D’autres études analysent les différences sociales d’accidents mais ne distinguent pas les principales causes d’accidents et notamment les accidents de la route. Peu de recherches considèrent des facteurs d’exposition. L’exposition au risque routier est tout d’abord synonyme de déplacement. Il s’agit en effet d’une situation qui est susceptible d’induire un accident de la circulation avec blessure corporelle. Cependant l’exposition comprend également la dimension qualitative qui peut être définie par le moyen de transport, le comportement des usagers sur la route et les caractéristiques physiques de l’environnement qui entoure les jeunes. Les pays de l’OCDE mesurent l’exposition au risque routier au niveau national grâce à des paramètres quantitatifs comme le nombre de kilomètres parcourus, le nombre de véhicules circulants et les sujets détenteurs d’un permis de conduire. (Safetynet WP2 group 2008). Il s’agit cependant de données agrégées. Le temps passé sur la rue/route pour les déplacements ou pour jouer apparaissent également comme des facteurs d’exposition au risque routier mais ils sont malheureusement difficilement mesurables. Dans un tel contexte, en ce début de 21ème Siècle, les travaux de recherche à l’échelle internationale montrent un regain d’intérêt pour la question de l’accroissement des écarts entre couches sociales en termes de santé, de mobilité, de comportement à risque et d’accident (ETSC 2007).

Facteurs socioéconomiques de risque à caractère individuel

Dimension socio-culturelle des inégalités pour les adolescents : famille monoparentale, niveau d’éducation du père, de la mère ou du jeune, taille de la famille, contrôle parental

Les résultats de la littérature sont parfois contradictoires concernant le rôle des différents facteurs de risques individuels sur les accidents des jeunes. Pour certains facteurs comme le niveau d’étude des parents, les familles monoparentales ou encore la taille de la famille (famille nombreuse ou non), Agran (Agran et al. 1998) ne trouve pas d’association significative avec les accidents piétons des enfants américains d’origine hispanique (mexicaine, principalement). Le choix de la population a été argumenté dans une étude précédente du même auteur (Agran et al., 1998) où il montre que les enfants américains d’origine hispanique présentent des taux d’hospitalisation ou de décès suite à un accident piéton 2 fois supérieurs à ceux des enfants « non-Hispanic white children ». En revanche, une autre étude canadienne, un peu ancienne (Pless et al. 1989) montre que le niveau d’éducation de la mère est inversement et de façon significative associé aux accidents de la circulation des enfants. Cette étude présente des intervalles de confiance larges car elle a été réalisée sur un nombre de cas assez réduit particulièrement pour la classe d’âge des 10-14 ans (seulement 7 enfants accidentés), incitant à la prudence dans l’interprétation des résultats. L’étude américaine (Braddock et al. 1991) trouve une corrélation de (r = 0,46) entre les accidents piétons et le fait que la mère soit seule chez les moins de 15 ans.

A Auckland en Nouvelle Zélande, les enfants (< 15 ans) issus de familles nombreuses avec 3 enfants ou plus sont plus de trois fois plus blessés (OR = 3,4) dans un accident en tant que piétons que ceux issus de familles avec 2 enfants ou moins (Roberts et al. 1995). Cependant cette mesure de taille des familles ne prend pas en compte la taille du lieu d’habitation de la famille. Le facteurs ‘nombre d’enfants dans la famille’ apparaît également associé au risque d’accident dans une étude Québécoise (Pless et al. 1989). Le risque d’accident augmente également avec le score de contrôle parental qui est présenté dans l’étude. Ce score composé de 7 items, traite des restrictions et avertissements donnés aux enfants dans le cadre de leur éducation générale. Les enfants dont le contrôle parental est faible ont plus d’accidents piétons et cyclistes que ceux dont le contrôle parental est élevé avec un RR = 2,6 (Pless et al. 1989).

Influence sur les accidents : dimension socio-économique et matérielle des inégalités : le revenu des familles, le nombre de voitures, le nombre de pièces par personne « overcrowding » et la catégorie socioprofessionnelle des parents 

La catégorie socioprofessionnelle (PCS) des parents comprend à la fois une dimension sociale et économique. Quelques études suédoises relativement récentes utilisent un indicateur socioéconomique individuel qui combine les revenus et la catégorie socioprofessionnelle des familles (Laflamme and Engstrom 2002; Engstrom et al. 2003; Hasselberg et al. 2005; Hasselberg and Laflamme 2008). Il a été développé par Erikson en 1984 (Erikson 1984). Ce facteur consiste à prendre la catégorie socioprofessionnelle la plus élevée des deux parents. Il est symbolisé par cinq groupes socioéconomiques : les salariés cadres ou professions intermédiaires ; les employés ; les ouvriers sans qualification ; les indépendants incluant les agriculteurs et la catégorie autre qui regroupe les inactifs : étudiants, personne malades ou percevant une indemnité pour cause d’un handicap ainsi que les chômeurs de longue durée. L’ensemble de ces études nationales suédoises citées plus haut montrent que les enfants appartenant au plus faible groupe socioéconomique « unskilled workers » ont des taux d’accidents de la circulation supérieurs aux jeunes appartenant à la catégorie sociale la plus élevée.

En utilisant un indicateur similaire, l’étude de Laflamme et Engstrom (Laflamme and Engstrom 2002) montre que les enfants suédois (jusqu’à l’âge de 20 ans) d’ouvriers non qualifiés ont plus de risque d’accident en tant que piétons, cyclistes et passagers de voitures (ou conducteurs) que les enfants d’employés et de cadres avec des risques relatifs respectifs de RR = 1,55 pour les piétons, RR = 1,22 pour les cyclistes et RR = 1,96 pour les passagers de voitures. Une autre étude nationale suédoise (Engstrom et al. 2002) réalisée sur l’ensemble des moins de 20 ans trouve une relation effet/dose entre les groupes socioéconomiques considérés « socioeconomic gradient in injury risk » et les accidents de la circulation. Les résultats de cette étude montrent que c’est pour les accidents de la circulation qu’il existe les plus fortes différences sociales avec un pic observé pour les 10-19 ans. Les autres causes de blessures étudiées sont : tomber seul, violence, blessures que l’on s’inflige seuls « self-inflected ». Roberts et Power (Roberts and Power 1996) ont étudié en Angleterre et au Pays de Galles, les diminutions des taux de mortalité toutes causes, par accidents de véhicules à moteur (y compris les accidents piétons) et par accidents en tant que piéton chez les jeunes de 0 à 15 ans entre 1983 et 1992 suivant leur catégorie sociale. Il s’agit d’une étude nationale qui utilise la catégorie socioprofessionnelle du père ou de la mère quand celle du père est manquante pour définir les différentes caractéristiques sociales des jeunes. Ils montrent que les taux de mortalité par accident et empoisonnement ont diminué pour l’ensemble des catégories sociales. Cependant la situation s’améliore plus nettement pour les catégories favorisées (-32 % et -37 % respectivement pour les catégories I et II) que pour catégories défavorisées (-21% et -2% respectivement pour les catégories IV et V). Concernant le taux de mortalité par accident de véhicules à moteur, il a diminué de 30% et de 39 % dans les catégories I et II contre des diminutions de 18 et de 1% dans les catégories IV et V. Il est à noter que lors des deux périodes (1983 et 1992) les plus importantes différences de taux de mortalité entre catégories sociales sont observées pour les accidents piétons. Ces résultats conduisent les auteurs à conclure qu’au total, chez les jeunes, les inégalités socio-économiques de mortalité toute cause et particulièrement due au trafic routier ont augmenté entre 1983 et 1992.

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Table des matières

1. INTRODUCTION
2. ÉTAT DES CONNAISSANCES SUR LES INEGALITES SOCIALES POUR LES ACCIDENTS CORPORELS DE LA ROUTE DES JEUNES
2.1. Méthode d’analyse bibliographique
2.2. Facteurs socioéconomiques de risque à caractère individuel
2.3. Facteurs socioéconomiques de risque de nature contextuelle
2.4. Facteurs individuels et contextuels étudiés simultanément
2.5. Inégalités sociales de mobilité et d’exposition au risque routier
2.6. Apports et limites des études
2.7. Conclusions
3. OBJECTIFS DE THESE
4. METHODES
5. ACCIDENTS DES JEUNES EN FONCTION DE LEUR COMMUNE D’HABITATION
5.1. Matériel et méthodes
5.1.1. Le Registre du Rhône des victimes d’accidents de la circulation
5.1.2. Les Zones urbaines sensibles dans le Rhône
5.1.3. Analyses
5.2. Résultats
5.2.1. Lieu d’habitation des victimes du Registre entre 2001 et 2006
5.2.2. Influence de la commune d’habitation sur les incidences par âge, sexe et catégorie d’usager
5.2.3. Influence du lieu d’habitation sur la gravité immédiate des lésions
5.2.4. Influence de la commune d’habitation sur les incidences par type d’usager, selon la gravité des blessures
5.2.5. Prise en compte du nombre de ZUS dans la commune d’habitation
5.2.6. Zoom sur les 14-17 ans : Les d’accidents corporels des adolescents dans le Rhône
5.2.7. Commune d’accident
5.2.8. Avoir un accident dans une commune avec ou sans ZUS
5.2.9. Avoir un accident dans sa propre commune d’habitation
5.2.10. Lien entre la commune d’habitation et la commune d’accident
5.3. Discussion et synthèse
6. ACCIDENTS DES JEUNES EN FONCTION DES CARACTERISTIQUES DE L’IRIS D’HABITATION
6.1. Matériels et méthodes
6.1.1. Îlots regroupés pour l’information statistique IRIS
6.1.2. IRIS et ZUS
6.1.3. Analyses
6.2. Résultats
6.2.1. Echelle de pauvreté construite à partir des données de la base IRIS
6.2.2. Distribution de l’indice de pauvreté pour l’ensemble des 774 IRIS
6.2.3. Validation externe de l’échelle de pauvreté
6.2.4. Incidences selon l’indice de pauvreté et la présence d’une ZUS dans l’IRIS
6.3. Discussion et synthèse
7. CONCLUSION

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