Etat des connaissances sur Al, Ni et leurs alliages
Dans le cadre de la présente étude, nous nous sommes intéressés à la formation de couches minces d’alliages Al-Ni, après un dépôt d’aluminium sur un monocristal de Ni(111). Ce chapitre présente l’état des connaissances sur l’aluminium, le nickel et les alliages Al-Ni. Ces connaissances permettent de prévoir la morphologie et la structure cristallographique des dépôts et des composés susceptibles de se former. En particulier, nous nous sommes intéressés à Ni3Al et NiAl, les deux composés ordonnés les plus riches en Ni prévus par le diagramme de phase du système binaire Ni-Al, car ce sont les deux composés observés expérimentalement dans cette étude. Ces deux composés ont déjà fait l’objet d’un grand nombre d’études, d’une part en raison de leurs applications technologiques, et d’autre part parce que leurs structures cristallographiques sont des cas d’école. Nous présenterons également les mécanismes élémentaires de diffusion dans ces deux composés ordonnés. Nous montrerons notamment que ces mécanismes sont complexes. Enfin, seront également décrits les résultats obtenus antérieurement sur la formation de couches minces d’alliages Al-Ni après dépôt d’Al sur un monocristal de Ni.
Quelques données sur l’aluminium et le nickel
Les principales caractéristiques du nickel et de l’aluminium qui nous intéressent sont résumées dans le tableau ci-dessous. L’aluminium fondant bien avant le nickel, nous pourrons étudier la formation d’alliage en phase solide jusqu’à la température de fusion de l’Al, sur un substrat cristallin qui restera bien ordonné avec peu de défauts. Etant donnée la grande différence d’énergie de surface entre l’Al et le Ni, on peut, même sans connaissance précise du terme d’énergie d’interface, s’attendre à ce qu’un dépôt d’Al mouille le substrat de Ni. Cela donnerait donc lieu à un mode de croissance de type « couche par couche », à condition que la mobilité de surface soit suffisante. Si cette mobilité est suffisante à des températures suffisamment basses pour que la formation d’alliage ne se produise pas encore, cela devrait permettre de suivre toute la cinétique de formation d’alliage. En ce qui concerne la structure, le fait que le paramètre de maille de l’Al soit beaucoup plus grand (15 %) que celui du Ni laisse présager l’apparition de défauts plastiques même à très faible épaisseur et donc probablement d’un dépôt de type granulaire : lors de la formation d’alliage la diffusion aux joints de grains devrait alors jouer un rôle important.
Les alliages Al-Ni
Les alliages Al-Ni, sont d’un grand intérêt technologique en raison de leurs remarquables propriétés mécaniques et thermiques, à savoir une grande résistance et un haut point de fusion. Ils sont également résistants à la corrosion à haute température, cette propriété étant due à la formation à leur surface de couches protectrices d’Al2O3. Ceci explique pourquoi ces alliages sont très utilisés dans les domaines de l’aéronautique (turbo-réacteurs), du stockage d’énergie et de la microélectronique (contacts métalliques épitaxiés sur semi-conducteurs III-V).
Données thermodynamiques et cristallographiques
Le diagramme de phase d’équilibre du système binaire Al-Ni (Figure 1.1) prévoit la formation de plusieurs composés ou solutions solides non ordonnés et ordonnés de différentes structures. Il est intéressant de noter que Ni3Al et NiAl ont un très haut point de fusion, et qu’ils sont ordonnés jusqu’à ce point de fusion.
Défauts de stœchiométrie dans Ni3Al et NiAl
L’étude préalable de la formation et de la migration des défauts atomiques dans un solide est nécessaire à la compréhension des processus de diffusion, des transitions ordre-désordre . . . En ce qui concerne la formation de lacunes dans Ni3Al, phase ordonnée dont le domaine d’existence à « basse » température va de Ni0,73Al0,27 à Ni0,77Al0,23 (Figure 1.1), Badura-Gergen et al [20] ont proposé une valeur de 1,8 eV comme énergie de formation d’une lacune de Ni dans Ni3Al et une valeur de 2,6 eV comme énergie de formation d’une lacune d’Al dans Ni3Al. En ce qui concerne la phase NiAl ordonnée, elle s’avère avoir un large domaine d’existence, même à « basse » température puisqu’elle est stable de Ni0,45Al0,55 à Ni0,60Al0,40 (Figure 1.1). Par conséquent, les principales caractéristiques structurales de NiAl vont évoluer avec la fraction atomique d’Al (ou du Ni). C’est notamment le cas du paramètre de maille. Sa dépendance très particulière vis-à-vis de la composition a été largement étudiée dans la littérature [3,21,22].
Diffusion dans les alliages Al-Ni
Dans le cas où une couche compacte d’alliage commence à se former à l’interface Al/Ni, c’est la diffusion dans cette couche qui permet sa croissance. Des considérations basées sur la thermodynamique nous permettent de déterminer quel composé est susceptible de se former mais ne nous apportent pas de renseignements sur les mécanismes conduisant à ce composé final. Il est difficile de prédire l’évolution du système même si on peut trouver dans la littérature des prévisions plus ou moins générales sur la formation de phases et leur évolution pour des systèmes bimétalliques [31, 32]. Pour comprendre cette évolution, il est en effet indispensable de connaître les mécanismes élémentaires de diffusion et les différentes énergies d’activation associées à ces mécanismes. Dans la grande majorité des métaux, les processus de diffusion font intervenir des lacunes du solide [33]. Cependant, la diffusion dans les intermétalliques de type L12 et B2 est complexe. Nous détaillerons dans un premier paragraphe la diffusion dans L12-Ni3Al et dans un second paragraphe la diffusion dans B2-NiAl.
Diffusion dans L12-Ni3Al
Dans le composé L12-Ni3Al, les atomes de Ni occupent le sous-réseau α et sont entourés de 12 atomes plus proches voisins, à savoir 8 atomes de Ni (du sous réseau α) et 4 atomes d’Al (du sous-réseau β). Les atomes d’Al occupent le sous-réseau β et sont entourés, en plus proches voisins, de 12 atomes de Ni (du sous-réseau α). En partant de l’hypothèse de sauts sur des sites plus proches voisins, un atome de Ni peut diffuser, soit sur le sous-réseau α sans désordonner la structure, soit « sauter » sur le sous-réseau β et dans ce cas l’ordre local est modifié. Un atome d’Al ne peut diffuser que sur le sous-réseau α, ce qui entraîne inévitablement un désordre local. Il semble donc raisonnable de penser que le coefficient de diffusion de Ni dans Ni3Al est beaucoup plus grand que le coefficient de diffusion d’Al dans Ni3Al. Cependant, plusieurs études ont abouti à des résultats contradictoires : Larikov et al [34] ont conclu que les coefficients de diffusion de Ni et d’Al dans Ni3Al étaient similaires. Yasuda et al [35] ont suggéré que le coefficient de diffusion d’Al dans Ni3Al était entre 5 et 13 fois plus grand que le coefficient de diffusion de Ni dans Ni3Al entre 1173 K et 1273 K. Hoshino et al [36] ont montré que le coefficient de diffusion de Ni dans Ni3Al ne dépend pas de la concentration en aluminium pour des températures supérieures à 1300 K. En dessous de cette température, le coefficient de diffusion de Ni passe par un minimum pour la composition stœchiométrique ; ces observations sont en parfait accord avec des travaux précédents [37, 38].
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Table des matières
Introduction
1 Etat des connaissances sur Al, Ni et leurs alliages
1.1 Quelques données sur l’aluminium et le nickel
1.2 Les alliages Al-Ni
1.2.1 Données thermodynamiques et cristallographiques
1.2.2 Caractéristiques structurales des composés Ni3Al et NiAl stœchiométriques
1.2.2.1 Le composé Ni3Al
1.2.2.2 Le composé NiAl
1.2.2.3 Divers plans de bas indices de Ni3Al et NiAl (en volume et en surface)
1.2.3 Défauts de stœchiométrie dans Ni3Al et NiAl
1.2.4 Diffusion dans les alliages Al-Ni
1.2.4.1 Diffusion dans L12-Ni3Al
1.2.4.2 Diffusion dans B2-NiAl
1.3 Travaux antérieurs sur la formation de couches minces d’alliages Al-Ni
2 Etat des connaissances sur les oxydes d’Al, de Ni et de leurs alliages
2.1 Quelques données sur les oxydes d’aluminium et de nickel
2.1.1 Quelques données sur NiO
2.1.2 Quelques données sur Al2O3
2.1.3 Structures de volume et de surface de l’alumine α massive (corindon)
2.1.3.1 Structure de volume de l’alumine α massive
2.1.3.2 Structures de la surface (0001) de l’alumine α massive
2.2 Travaux antérieurs sur l’oxydation de Ni3Al et de NiAl
2.2.1 Oxydation d’un monocristal de NiAl
2.2.1.1 Oxydation d’un monocristal de NiAl(110)
2.2.1.2 Oxydation d’un monocristal de NiAl(100)
2.2.1.3 Oxydation d’un monocristal de NiAl(111)
2.2.2 Oxydation d’un monocristal de Ni3Al
2.2.2.1 Oxydation d’un monocristal de Ni3Al(110)
2.2.2.2 Oxydation d’un monocristal de Ni3Al(100)
2.2.2.3 Oxydation d’un monocristal de Ni3Al(111)
2.2.3 Oxydation d’une couche mince de Ni3Al/Ni
2.2.4 Résumé sur les films ultraminces d’oxydes formés sur des monocristaux de NiAl ou Ni3Al
3 Méthodes et moyens expérimentaux
3.1 Méthodes expérimentales
3.1.1 Spectroscopie des électrons Auger (AES)
3.1.2 Diffraction des électrons lents (LEED)
3.1.3 Méthodes d’analyse par faisceau d’ions
3.1.3.1 Rétrodiffusion Rutherford (RBS)
3.1.3.2 Canalisation d’ions
3.1.3.3 Analyse par réactions nucléaires
3.2 Appareillage utilisé
4 Résultats obtenus sur la formation de couches minces d’alliages Al-Ni sur Ni(111)
4.1 La surface de Ni(111)
4.1.1 Analyse par AES de Ni(111)
4.1.2 Analyse par LEED de Ni(111)
4.1.3 Analyse par RBS-canalisation de Ni(111)
4.1.3.1 Spectres RBS en simple alignement [111] ou [110]
4.1.3.2 Spectres RBS en double alignement [111]/[110]
4.2 Les dépôts d’Al sur Ni(111) à 130 K
4.2.1 Analyse par AES des dépôts d’Al
4.2.2 Analyse par LEED des dépôts d’Al
4.2.3 Analyse par RBS-canalisation des dépôts d’Al
4.2.4 Analyse par NRP des dépôts d’Al
4.3 Après recuit à 750 K d’un dépôt d’Al sur Ni(111) : formation de couches d’alliage ordonnées métastables
4.3.1 Mise en évidence d’une transition de croissance
4.3.2 Formation de Ni3Al pour des dépôts d’Al de moins de 4,5 MC
4.3.2.1 Analyse de la composition et de la structure de la surface
4.3.2.2 Analyse de la composition et de la structure du volume
4.3.2.3 Etude des déformations de la couche alliée
4.3.3 Formation de NiAl sur une couche interfaciale de Ni3Al pour des dépôts d’Al de plus de 4,5 MC
4.3.3.1 Analyse de la composition et de la structure de la surface
4.3.3.2 Analyse de la composition du volume de la couche alliée
4.3.3.3 Analyse de la structure cristallographique en volume de la couche de NiAl
4.3.3.4 Discussion sur la relation d’épitaxie
4.4 Après recuit au-delà de 800 K d’un dépôt d’Al sur Ni(111)
4.4.1 Analyse par AES-LEED
4.4.2 Analyse par RBS-canalisation
4.4.3 Analyse par NRP
4.5 Dépôt d’Al sur Ni(111) à 750 K
4.6 Cinétique de croissance et mécanismes de diffusion
4.6.1 Après recuit à moins de 570 K de dépôts d’Al de moins de 4,5 MC
4.6.1.1 Analyse par AES et LEED
4.6.1.2 Analyse par RBS-canalisation
4.6.2 Cinétique de croissance pour des dépôts d’Al de plus de 4,5 MC
– Mécanismes de diffusion
4.6.2.1 Résultats sur la cinétique de formation d’alliage
4.6.2.2 Discussion des résultats de cette cinétique – Mécanismes de diffusion
4.7 Résumé des principaux résultats sur la formation d’alliage Al-Ni
Conclusion
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