État de santé des demandeurs d’asile en Guyane

Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études

Histoire des migrations en Guyane

La Guyane, terre d’immigration :

La colonisation des terres intérieures de l’Amérique du Sud a d’abord suivi les axes fluviaux, l’empire espagnol passant d’abord par l’Orénoque avant de longer la cordillère des Andes et la côte pacifique tandis que le Portugal après avoir exploré la côte atlantique de l’actuel Brésil poursuivait sa colonisation vers l’ouest par les fleuves, en particulier l’Amazone. Entre Amazone et Orénoque s’est donc constitué un espace libre dans lequel se sont glissés les nouvelles puissances politiques européennes qu’étaient la France, l’Angleterre et la Hollande à la fin du XVIème siècle
Entre le XVIIème et le XVIIIème siècle, l’immigration vers la Guyane fut mobilisée par la France dans une optique politique de conquête et d’occupation du territoire en concurrence avec le Portugal et la Hollande puis économique à partir du XVIIIème siècle, la France voulant faire de la Guyane un centre de soutient pour l’économie sucrière antillaise et un pivot dans les colonies Américaines. C’est dans ce but que la métropole organise une politique de peuplement planifié pour un territoire jusqu’alors très peu peuplé (7635 habitants au milieu du XVIIIème siècle sans tenir compte de la population amérindienne). Entre 1763 et 1764, 9 000 individus furent envoyés en Guyane dans ce qui prendra le nom « d’Expédition de Kourou ». Seuls 966 colons survécurent en janvier 1765, marquant l’échec de la tentative et donnant par la même à la Guyane la réputation « d’enfer vert ».
La déportation de 19 000 esclaves africains entre 1765 et 1831 puis celles de 72 000 bagnards entre 1852 et 1932 permirent de légitimer l’occupation coloniale de la frange littorale guyanaise mais n’eut qu’un faible impact final sur la population guyanaise avec encore une fois une forte mortalité.
Les premières migrations spontanées vers la Guyane sont représentées par la ruée aurifère entre 1855 et 1930 avec l’installation de chercheurs d’or venant principalement des Antilles (Guadeloupe, Martinique, Dominique, Sainte Lucie) qui permit une occupation de l’intérieur du territoire, des concessions étant accordées à ces migrants par le second empire pour favoriser l’occupation de l’ouest Guyanais. Par ailleurs une immigration organisée de main d’oeuvre sous contrat dans les placers aurifères entraina l’arrivée d’Indiens, de Chinois, de Javanais. L’ensemble de ces migrations n’eut qu’un faible impact sur le peuplement de la Guyane, Cette dernière ne comptant en 1954 que 28 000 habitants. Ce n’est que dans la seconde partie du XXème siècle que la population Guyanaise connut une réelle croissance à la fois par une immigration organisée et spontanée (4,5).

Principales migrations du XXème siècle : Brésil, Surinam, Haïti

La France organise dans la seconde moitié du XXème siècle plusieurs plans visant à peupler la Guyane qui prendront la forme de la création du centre spatial Guyanais en 1965, dans les suites de la perte de l’Algérie française, drainant une main d’oeuvre issue des pays sud-américains (Bolivie, Brésil, Colombie, Haïti, Surinam) puis la forme du « plan vert » en 1975 visant à développer l’agriculture guyanaise et qui aboutira entre autre à l’implantation de 2 communautés de réfugiés hmong du Laos à Cacao et à Javouhey.
Les principaux mouvements migratoires de la seconde moitié du XXème siècle sont cependant représentés par une migration spontanée issue de 3 pays : Le Brésil, le Surinam et Haïti :
– La migration brésilienne est principalement une migration économique, constituée à partir des années 60 d’une main d’oeuvre venant des états frontaliers de l’Amapa et du Para, attirée par les grands travaux Guyanais d’abord puis par l’activité aurifère.
– La migration surinamaise est principalement une migration politique, constituée par des Noirs marrons et des Amérindiens chassés de leur pays par la guerre civile de 1986 à 1992.
– La migration haïtienne est décrite comme une migration à la fois économique et politique et a connu un début dans le milieu des années 1960 (6).

Migrations haïtiennes en Guyane et dans le monde

Migrations haïtiennes dans le monde

Le phénomène d’émigration existe depuis longtemps en Haïti, incité par des facteurs à la fois économiques, politiques et environnementaux, engendrant un accroissement de la diaspora, composée en 2015 de 1.2 millions de personnes pour 10.7 millions d’habitants à Haïti soit 11% de la population. L’argent envoyé au pays contribue grandement à l’économie du pays, représentant 25 % du PIB (environ 2 milliards de dollars US en 2015) (7).
Le poids de cette diaspora dans l’économie du pays est tel que le terme de « dixième département » a un temps été utilisé pour désigner l’ensemble des ressortissants haïtiens à l’étranger, le gouvernement de Aristide créant même un ministère des haïtiens vivant à l’étranger (8).
Vagues migratoires :
Georges Anglade (géographe haïtien) établit deux grandes vagues migratoires haïtiennes au XXème siècle :
– La première entre 1915 et 1934 principalement en direction de Cuba et de la République Dominicaine dans un contexte d’occupation américaine de l’île.
– La seconde, entre 1957 et 1986, liée à la fuite des opposants à la dictature des Duvaliers, principalement vers les États-Unis et le Canada, et dans une moindre mesure vers les Caraïbes, l’Amérique Latine et l’Europe.
A ces deux vagues peut s’en ajouter une troisième depuis le début des années 1990 d’abord liée à des causes politiques et économiques en rapport avec le renversement du gouvernement de Aristide par une dictature militaire en 1991. Ce coup d’état fut suivi d’une répression importante à l’encontre des opposants au régime et de la mise en place d’un embargo économique imposé par l’ONU sous la pression des États-Unis responsable d’une détérioration des conditions de vie et de la fuite d’un grand nombre de Haïtiens vers la République Dominicaine et les États Unis.
Par la suite, des catastrophes écologiques à répétition (1 ouragan en 2004, 4 ouragans en 2008) vont encore accroitre la vulnérabilité haïtienne. Le tremblement de terre du 12 janvier 2010, responsable de 280 000 morts et de millions de sans-abris contraint la population à fuir, augmentant encore le nombre d’émigrés en particulier en direction des pays d’Amérique du Sud (Figure 3).

Migrants haïtiens en Guyane française

Le début de la migration haïtienne en Guyane peut être daté à 1963, lorsqu’un propriétaire terrien français anciennement établi dans le département des Nippes près de Aquin dans le sud de Haïti, du nom de Lucien Ganot, émigre en Guyane dans l’espoir de développer une exploitation agricole. Cette dernière fait rapidement faillite mais les ouvriers agricoles originaires de Haïti arrivés avec lui pour son projet (environ 50 personnes) constituent les premières mailles dans la formation d’un réseau de migration haïtiano-guyanais en faisant venir par la suite leurs familles et leurs amis. C’est à partir du début des années 1970 que les arrivées deviennent significatives en lien avec une augmentation de besoins en main d’oeuvre en Guyane (CSG, plan vert) et à un durcissement des politiques migratoires des États-Unis. Environ 300 ouvriers arrivent ainsi de la région d’Aquin à la fin des années 60 pour les travaux du CSG, 480 en 1974 avec le plan vert. En 1978, on recense 1 600 arrivées et 1 800 en 1979. La nécessité d’un visa à partir de 1980 fait momentanément baisser les arrivées (8).
Les flux migratoires en direction de la Guyane augmentent ensuite au gré des périodes d’instabilité politique dans le pays. En 1997, la Guyane compte 30 000 haïtiens dont 8000 en situation régulière (6). L’INSEE recensait 15880 haïtiens en situation régulière en Guyane en 2009. Nous assistons depuis la fin des années 2010 a un nouveau pic migratoire en particulier suite au tremblement de terre de 2010 et une inflation importante du nombre de demandes d’asile. Il est difficile aujourd’hui d’avoir une estimation précise du nombre de personnes originaires de Haïti vivant en Guyane du fait d’une part importante de migrants en situation irrégulière échappant aux recensements de l’INSEE. Le dernier recensement INSEE en 2015 estimait que la communauté haïtienne représentait 9.3 % de la population guyanaise.
Les migrations haïtiennes en Guyane ont donc d’abord été favorisées par l’état français dans un contexte de besoins en main d’oeuvre, d’occupation et d’exploitation du territoire. Elles ont été par la suite spontanées, favorisées par les réseaux familiaux et amicaux. Face à une situation économique, politique et écologique de plus en plus complexe dans leur pays d’origine et la fermeture des frontières dans les autres pays d’accueil, de nombreux Haïtiens cherchent maintenant refuge en Guyane. Cependant les conditions de leurs migrations ne permettent pas de leur accorder le statut de réfugié défini par la loi française et par les conventions de l’ONU.
Certains obtiennent parfois une protection au titre de « protection subsidiaire » pour avoir subi des menaces ou des actes de violence en raison de leur orientation sexuelle ou de leur appartenance à un parti politique ou une association ou pour avoir subi des violences de la part de gangs. L’état français ne semble cependant pas avoir intégré le caractère multidimensionnel de la vulnérabilité des migrants haïtiens et très peu obtiennent une protection. Les déboutés demeurent cependant sur le territoire renforçant les chiffres des migrants en situation irrégulière.

État de santé des demandeurs d’asile en Guyane

Depuis 20 ans, le nombre de personnes déplacées à travers le monde a presque doublé, passant de 37.3 millions en 1996 à 68.5 millions en 2017. Ce nombre comprend 25.4 millions de réfugiés, 40 millions de déplacés internes et 3.1 millions de demandeurs d’asile (voir définitions annexe 1). La plupart de ces personnes fuient des pays en guerre tels que la Syrie, le Soudan, l’Afghanistan et prennent refuge le plus souvent dans des pays limitrophes tels que la Turquie, l’Ouganda ou le Pakistan. Le nombre de ces personnes déplacées a surtout connu une augmentation dans les suites des printemps arabes et de la guerre en Syrie (13).
Les destinations ont également été modifiées dans la suite de ces conflits et si les pays du sud sont restés les principaux pays d’accueil, on a également assisté à une augmentation des migrations vers les pays occidentaux (Annexe 2). Ainsi, en 2017, plus de 700 000 demandes d’asile ont été enregistrées en Europe principalement en Allemagne et en France (14). Dans ce dernier pays 100 755 premières demandes d’asile ont été enregistrées en France par l’OFPRA en 2017. Parmi les principaux pays d’origine des demandeurs, on retrouve des pays en guerre tels que la Syrie, le Soudan ou l’Afghanistan mais aussi des pays ne connaissant actuellement pas de conflits armés tels que l’Albanie qui est le premier pays de d’origine avec 7 633 premières demandes d’asiles en 2017 ou Haïti avec 4 939 demandes, presque exclusivement en Guyane.
Ces dernières années, la Guyane a également connu une augmentation importante du nombre de demandeurs d’asile avec 280 premières demandes en 2005, 2 511 en 2015 et 5 176 en 2017 avant de connaitre un infléchissement en 2018 avec 2383 demandes. La très grande majorité de ces demandes provient de personnes originaires de Haïti (88.9%), de république Dominicaine (6.5%) et de Syrie (1.1%) (15).
L’intégration de ces populations grandissantes de demandeurs d’asile engendre de nombreux défis pour les pays d’accueil, défis économiques, sociaux mais aussi en termes de santé publique (16). La santé des migrants représente en effet un enjeu majeur pour les pays hôtes puisqu’elle est nécessaire à leur bien-être et à leur participation à la société d’accueil mais aussi à la prévention d’un éventuel impact négatif sur la santé publique (17). Historiquement, les pays d’accueils ont surtout pris en charge la santé des migrants en effectuant des contrôles aux frontières, en se focalisant principalement sur les pathologies infectieuses contagieuses afin de protéger les populations locales par une politique de quarantaine (18). Avec l’augmentation du nombre de migrants et la multiplication des moyens d’arrivée cette approche est devenue difficile actuellement. Par ailleurs il est à présent admis que les migrants ne représenteraient généralement pas une menace pour la santé publique des pays d’accueil (19).
Au contraire un grand nombre d’études ont montré l’existence d’un « effet migrant en bonne santé » selon lequel les migrants, à leur arrivée seraient en moyenne en meilleure santé que la population autochtone (20–25), avec un état de santé qui se rapprocherait ensuite de celui de la population locale. Cela pourrait être expliqué par plusieurs facteurs : le premier et le plus communément admis serait que les candidats à la migration présenteraient un meilleur état de santé à leur départ , ensuite, les migrants seraient originaires de pays avec des habitudes de vie plus saines, par ailleurs la sélection réalisée par les pays d’accueil favoriserait les personnes en bonne santé (20). Cette théorie n’empêche pas les migrants d’être plus susceptibles à certaines pathologies en particulier certaines pathologies infectieuses.
Par ailleurs cet effet ne saurait être généralisé à tous les types de migrants et certaines catégories telles que les réfugiés, les demandeurs d’asile ou les personnes en situation irrégulière présentent un moins bon état de santé que la population hôte (19) Cette différence entre les catégories d’immigrés peut s’expliquer par les circonstances et les conditions migratoires. En effet toutes les phases de la migration peuvent avoir une influence sur la santé des migrants, à la fois sur les pathologies infectieuses et sur les pathologies chroniques, incluant les conditions de départ, de voyage, et d’arrivée ainsi que les conditions de vie dans le pays hôte. L’ensemble de ces facteurs explique que les réfugiés sont particulièrement vulnérables. Ils viennent le plus souvent de pays pauvres avec une destruction du système de santé incluant les programmes de vaccination, une destruction des infrastructures de santé publique telles que l’eau potable, ensuite leur voyage se déroule souvent dans des conditions défavorables associant dénutrition, mauvaises conditions d’hygiène, promiscuité et mauvais accès à la santé. A leur arrivée dans le pays hôte, les demandeurs d’asile et les réfugiés peuvent être accueillis dans des centres d’hébergement ou des camps de réfugiés où les conditions de surpopulation favorisent aussi les pathologies infectieuses (26). Ils expérimentent également un certain nombre de barrières pour accéder à des soins dans les pays d’accueil : – Des barrières socioéconomiques, avec des difficultés d’accès à des soins gratuits, – Une peur de subir une discrimination par le système de soin (19) Une fois pris en charge, les migrants doivent faire face à d’autres obstacles pour bénéficier de soins et de traitement efficaces telles que les barrières culturelles et linguistiques qui freinent la communication avec les praticiens (4). Ces difficultés de communication rendent impérative pour le clinicien de savoir quels problèmes de santé sont fréquents, quels examens doivent être envisagés dans la prise en charge de ces patients et quelles sont les maladies spécifiques à telle ou telle population (27).
Même si quelques articles ont été publiés ces dernières années sur la santé des migrants et des réfugiés il est encore difficile de comprendre tous les aspects de leurs santés et comment celle-ci doit être gérée par les pays hôtes (20). La majorité de ces publications porte sur les pathologies transmissibles et le screening des populations de migrants se concentre sur les pathologies infectieuses avec des différences de prévalences entre populations migrantes et hôtes telles que la tuberculose ou la syphilis (18). Un grand nombre d’étude a en effet montré un impact négatif des migrations sur l’épidémiologie de certaines maladies infectieuses dans les pays hôtes telles que la tuberculose, les IST, les strongyloïdoses, le VIH, le VHB ou le VHC (18,28). Un dépistage précoce chez les migrants permet de diagnostiquer et de prendre en charge rapidement ces pathologies contagieuses pour lesquelles un retard de prise en charge peut avoir des conséquences importantes.
Plus récemment, l’augmentation importante des demandeurs d’asile et des réfugiés a stimulé un intérêt pour d’autres aspects de la santé des migrants tels que les pathologies chroniques non transmissibles préexistantes , les habitudes de vie des migrants , la mortalité…(18) En effet si du fait du risque supposé pour la santé publique des pays d’accueil les études s’étaient focalisées sur les pathologies infectieuses, les problèmes de santé les plus fréquents des demandeurs d’asiles et des réfugiés nouveaux arrivants sont les pathologies non contagieuses telles que hypothermies, blessures, pathologies gastro intestinales, ou cardiaques, diabète, HTA selon l’OMS. L’exposition des migrants aux risques associés à la migration (drogue, violence, problème nutritionnel) augmente leur vulnérabilité aux pathologies non contagieuses (NCD) d’autant plus qu’il existe une interruption des soins due à la fois à l’effondrement ou l’absence de système de santé dans le pays d’origine mais aussi à la rupture d’éventuels traitements de fond durant la migration, ce qui peut entrainer une décompensation aigue de pathologies chroniques pouvant engendrer un risque vital L’OMS préconise donc d’identifier les migrants avec des pathologies chroniques pour assurer la continuité des soins et la prise en charge des complications aiguës. Elle recommande également que les centres de soins de premier recours pour les migrants aient des protocoles clairs d’orientation des patients vers des centres de prise en charge secondaire et disposent de traitements de base pour les NCD comme des antalgiques par exemple.
Si l’OMS ne recommande pas la réalisation d’un screening obligatoire pour les migrants, il recommande qu’un bilan de santé leurs soit proposé, s’ils le souhaitent, qui concerne à la fois les pathologies infectieuses et les pathologies chroniques (29). Des recommandations de l’ECDC ont aussi été éditées en novembre 2018 qui préconisent également de proposer un screening pour les migrants en particulier pour le VHB, le VHC, le VIH, la tuberculose et la tuberculose latente, la strongyloïdose, et la schistosomiase qui sont particulièrement présentes chez les migrants dans les pays européens (19).
L’épidémiologie des pathologies infectieuses et chroniques chez les migrants dépend en partie de leur fréquence dans leurs pays d’origine et la multiplication des études réalisées en Europe et en France ces dernières années permet d’avoir un aperçu des principales problématiques rencontrées par les migrants dans ces pays. En Guyane française, malgré un poids important des migrants et des demandeurs d’asile dans la population, peu d’études ont été réalisées.
Ces dernières concernent principalement l’infection par le VIH (30,31) et montrent qu’une grande partie des personnes suivies à Cayenne pour un VIH sont des migrants (80 % dont 50% venant de Haïti) avec un diagnostic plus tardif dans cette population.

Population de l’étude et critères d’inclusion

Du 3 juillet au 31 décembre 2018, nous avons réalisé une relecture des dossiers médicaux électroniques disponibles sur le logiciel MAIDIS utilisé par la Croix Rouge pour les consultations. L’ensemble des patients ayant consulté durant cette période ont été inclus dans l’étude.

Recueil des données

Les données médicales ont été récupérées à partir des données de la première consultation médicale et infirmière tandis que les données concernant l’état civil (âge, sexe, …), la date d’arrivée sur le territoire et le pays de départ ont été recherchées dans tous les comptes rendus de consultation disponibles. Le niveau de maîtrise de la langue française était évalué de façon subjective lors de la consultation infirmier en 2018. Les données concernant la tuberculose ont été recherchées sur les mêmes consultations mais aussi sur les consultations de la CLAT gérée également par la croix rouge.
Concernant les pathologies infectieuses nous avons collecté les données suivantes : résultats des sérologies VIH, VHB (Ag HBS, Ac anti HbS, Ac anti HbC), VHC, syphilis, PCR chlamydia et gonocoque. La présence de signes cliniques en faveur d’une tuberculose maladie et la prescription d’une radio pulmonaire était également notées. Les cas de tuberculose chez les demandeurs d’asile ont également été recherchés à l’aide des données du centre de lutte contre la tuberculose gérée par la croix rouge.
Concernant les pathologies non infectieuses ont été collectées les données cliniques suivantes : tension artérielle systolique (TAS) et tension artérielle diastolique (TAD), la taille, le poids et l’IMC, l’existence d’une grossesse en cours, les glycémies capillaires ainsi que le taux d’hémoglobine, le VGM et le taux d’éosinophile.
De plus les principales plaintes des patients ont été collectées et classées selon l’appareil concerné. Il a également été notifié si les patients présentaient des antécédents ou s’ils s’étaient vu prescrire un traitement et s’ils avaient été adressés vers une structure de soins autre que la croix rouge.

Définition des variables

Concernant les données relatives aux pathologies non contagieuses :
Les valeurs seuils pour déterminer la présence d’une anémie ont été établies à partir des seuils recommandés par l’OMS (36) en fonction des sexes avec un seuil d’Hb fixé à 13 g/dL chez les hommes de 15 ans ou plus, à 12g/dL pour les femmes de 15 ans ou plus et à 11 g/dL chez les femmes enceintes. Du fait du faible nombre de données chez les mineurs nous ne les avons pas inclus dans les chiffres concernant l’anémie. Une Anémie était considérée comme microcytaire en cas de VGM<80 et macrocytaire en cas de VGM≥100.
Le diagnostic du diabète selon la HAS est posé devant deux glycémies à jeun supérieures à 1.26 g/L ou une glycémie supérieure à 2 g/L à tout moment en présence de symptômes de diabète (37). Nous ne disposions cependant que d’une glycémie capillaire mesurée sans notion de jeûne rendant difficile l’établissement d’un diagnostic. Nous ne parlerons donc que de chiffres glycémiques élevés pour des chiffres supérieurs à 2 g/dL.
Une HTA est définie par la HAS comme une tension artérielle supérieure ou égale à 140 mmHg / 90 mmHg mesurée en consultation, persistant dans le temps (38). Nous ne disposons que d’une prise de tension. Nous ne pouvons donc pas faire le diagnostic d’HTA mais parlerons de chiffres tensionnels élevés lorsque les TAS sont supérieures ou égales à 140 mmH ou lorsque les TAD sont supérieures ou égales à 90 mmHg lors de la consultation infirmier.
Du fait du faible nombre de données chez les mineurs nous ne les avons pas inclus dans les prévalences de l’HTA, du diabète et de l’anémie et les chiffres obtenus sont donc ceux dans la population âgée de 18 ans ou plus.
Une obésité était diagnostiquée lorsque les patients présentaient un IMC supérieur ou égal à 30 conformément à la définition de l’OMS (39).
Une hyperéosinophilie était retenue lorsque le taux d’éosinophile était supérieur à 500 PNE / mm3 conformément à la définition de la société nationale française de médecine interne et aux normes du laboratoire d’analyse (40).
Les grossesses étaient confirmées par un test urinaire positif, réalisé en cas de déclaration de retard dans les menstruations.
Concernant les données relatives aux pathologies infectieuses :
Nous avons interprété les sérologies de l’hépatite B à l’aide des recommandations HAS (41) (Annexe 2).
La présence d’Ag HbS permettait donc de diagnostiquer une hépatite B évolutive tandis que la présence d’un Ac anti HbC isolé était considéré comme une infection ancienne guérie puisque nous ne disposions pas des PCR (42).
Concernant la syphilis, étaient considérées comme positives les sérologies avec TPHA + et VDRL + conformément aux recommandations de la HAS (43).
Une sérologie VHC positive ne suffit pas à confirmer une infection active par le virus, une sérologie de contrôle est nécessaire afin de définir un contact avec l’hépatite C et une PCR doit ensuite être réalisée pour confirmer une infection active (44). Malheureusement, du fait du caractère rétrospectif de l’étude, il a été difficile d’obtenir toutes ces informations pour les personnes avec une sérologie VHC positive. Nous avons donc considéré comme infection par VHC active les personnes présentant une sérologie positive ou douteuse contrôlée par une sérologie positive et présentant une PCR positive ainsi que les sérologies positives ou douteuses non contrôlées tandis que les PCR négatives synonymes d’infections guéries n’ont pas été intégrées dans les résultats positifs (Annexe 2).
Concernant les données démographiques, les pays de départ étaient classés selon la division géographique des nations unies (45) et regroupés en régions lorsque les personnes venant de ces pays étaient en effectif réduit.

Méthode statistique

Une analyse descriptive a été effectuée en utilisant les moyennes, écart-types et proportions standards. Une analyse bivariée a ensuite été réalisée en utilisant un test du Chi-2 ou un test exact de Fisher pour les variables dichotomiques. Le seuil de significativité a été fixé à 5%. L’analyse statistique a été faite avec le logiciel Stata 12.0 (Stata Corporation, College Station, USA).

Éthique

Une demande d’autorisation a été réalisée auprès de la CNIL. Cependant l’étude entrant dans la définition de « recherche interne » il nous a été signifié qu’aucune formalité de demande d’autorisation n’était nécessaire pour sa réalisation.

Résultats

Données démographiques :

Description de la population

Un total de 2 135 demandeurs d’asile a été inclu sur la période d’étude soit 42 % des personnes ayant demandé l’asile en Guyane durant cette période. En effet d’après l’OFPRA, 5 088 personnes ont été enregistrés entre le 3 juillet 2017 et le 31 décembre 2018.

Données socio-démographiques

La médiane d’âge de la population était de 30 ans [IQR 25 – 37] avec 24 personnes (1.1 %) de 60 ans ou plus. Au total 70 enfants (3.2 %) ont consulté sur cette période (Tableau 1).
Le sexe ratio H/F était équilibré à 1/1.13 mais variait en fonction du pays d’origine. Les personnes originaires de République Dominicaine étaient à 71.3 % de sexe féminin (Tableau 2). Au total, 349 personnes soit 16.4 % de la population a déclaré des antécédents médicaux.

VIH / VHC / Syphilis

La prévalence totale du VIH était de 1.7 % avec des prévalences plus élevées chez les femmes, les personnes originaires de Haïti et chez les personnes ayant voyagé plus de 45 jours (Tableau 10).
Nous avons retrouvé 16 premières sérologies VHC positives. Le tableau 9 résume les résultats des sérologies VHC, et des PCR.
Seul 9 personnes présentaient une sérologie VHC positive dont les examens suivants n’ont pas permis de définir le de caractère faux positif ou d’infections guéries soit une prévalence de 0.5% et seule 1 personne présentait une infection active par le VHC objectivée par une PCR positive (Tableau 9).

Données démographiques

En 2009, 66 699 migrants résidaient en Guyane représentant 30 % de la population totale et un poids important en comparaison de la France où 9.3 % de la population est immigrée (1,46). A ce chiffre s’ajoute aujourd’hui celui des demandeurs d’asiles dont le nombre a fortement augmenté ces dernières années. Malgré cette situation, les études sur la santé de cette population en Guyane sont peu nombreuses et il n’existe pas à notre connaissance d’autres études épidémiologiques concernant la santé des migrants dans ce département (4).
Au total 2 135 patients ont été inclus sur une population totale de demandeurs d’asile estimée à 5 176 sur la période allant du premier juillet 2017 au 31 décembre 2018 soit 41 % de la population totale. Cependant cette proportion n’était pas la même selon les mois de consultation et on peut remarquer une tendance à l’augmentation de la proportion de DA consultant en 2018 (figure 7), suite à la mise en place d’une proposition de consultation pour les DA le jour même de leur enregistrement à la PADA, dépassant même 70 % des DA en août 2018. Cette proportion s’effondre ensuite à partir de septembre 2018. Cet effondrement coïncide avec le début le 17 août 2018 de la mise en application du décret de mai 2018 rendant plus difficile le dépôt d’une demande d’asile en Guyane. Cette grande fluctuation d’activité continue d’engendrer des difficultés organisationnelles pour adapter l’offre de consultation aux besoins du public accueilli.
Par ailleurs il s’agissait d’une population jeune avec un âge médian de 30 ans avec cependant peu de mineurs (3.3 %, n=70) et un sexe ratio équilibré. La très grande majorité des DA venait de Haïti (76.7%). Ces caractéristiques de la population diffèrent de celles retrouvées dans les populations de DA en Europe et en Amérique, décrites dans d’autres études.
Ainsi Alberer et al à Munich entre 2014 et 2016, Eonomopoulo et al. à la frontière Greco-turque en 2011, Buonfrate et Al. en Italie en 2014-2015 et De la porte à Paris en 2018 retrouvaient une médiane d’âge légèrement plus faible entre 24 et 26 ans avec un sexe ratio H/F montrant une très nette prédominance masculine, entre 75 % à Munich et 100 % à Paris, cette dernière étude étant réalisée dans un centre d’accueil pour DA exclusivement masculins. Les pays de départ diffèrent également puisque la majorité des DA en Europe venaient de pays du moyen orient/Asie centrale ou d’Afrique subsaharienne (Tableau 23) (47). La durée médiane de migration était très courte (7 jours) en comparaison à celle des DA en Europe, cette dernière s’élevant à 25 mois dans l’étude de De la porte.
Le délai entre l’arrivée sur le territoire et la consultation était court avec une médiane de 15 jours [ICR 6 – 82]. Cette durée d’errance faible peut s’expliquer par la proposition systématique de la consultation médicale lors du pré enregistrement de la demande d’asile à la PADA, pré enregistrement le plus souvent réalisé rapidement après l’arrivée sur le territoire afin d’éviter le risque de reconduite à la frontière. Cette durée entre arrivée sur le territoire et consultation diminue entre juillet 2017 et décembre 2018 laissant supposer que les migrants en situation irrégulière présents depuis longtemps sur le territoire ont réalisé leur demande d’asile dès l’ouverture de la CODA en mars 2017. Cette proportion de personnes présentes depuis longtemps sur le territoire a ensuite diminué avec le temps. Cette durée d’errance avant de consulter était comparable à celle décrite par De la porte (15 jours).

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

Première partie : Migrations haïtiennes en Guyane et dans le monde
I- Brève présentation de la Guyane
II- Histoire des migrations en Guyane
1- La Guyane, terre d’immigration
2- Principales migrations du XXème siècle : Brésil, Surinam, Haïti
III- Migrations haïtiennes en Guyane et dans le monde
1- Migrations haïtiennes dans le monde
2- Migrants haïtiens en Guyane française
Deuxième partie : État de santé des demandeurs d’asile en Guyane
Introduction
Méthode
1- Type d’étude
2- Population de l’étude et critères d’inclusion
3- Recueil des données
4- Définition des variables
5- Méthode statistique
6- Éthique
Résultats
I- Données démographiques :
1- Description de la population
2- Origine géographique et parcours migratoire
3- Maitrise de la langue française
II- Données médicales
1- Pathologies infectieuses
2- Pathologies non infectieuses
3- Principaux motifs de consultations
Discussion
1- Données démographiques
2- Données médicales
3- Points forts et limites de l’étude
Conclusion
Bibliographie
Annexe
Annexe 1 : Définitions
Annexe 2 : Déplacés 2017
Annexe 3 : Procédure de demande d’asile en Guyane en 2017
Annexe 4 : interprétation des sérologies VHB et VHC
– Interprétation sérologies VHB :
– Interprétation sérologies VHC :
Annexe 5 : Haïti : Principales villes et densité de population
Annexe 6 : Prévalence de l’hyperéosinophilie
Annexe 7 : Prévalence de l’Anémie
Annexe 8 : Zones d’endémie des strongyloïdes et des schistosomiases
SERMENT D’HIPPOCRATE

Télécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *