Etat de l’art sur les modules photovoltaïques bifaces
Architecture des modules photovoltaïques à cellules bifaces cristallines
A l’échelle de la cellule
Généralités sur les cellules solaires
En 2011, année où a débuté cette thèse, la majorité des cellules solaires commercialisées dans le monde avaient une structure dite monoface . La cellule est constituée d’une couche de silicium de type N (silicium dopé de manière à avoir un excès d’électrons) sur un substrat de silicium de type P (dopage conduisant à un excès de trous, les porteurs de charge qui décrivent l’absence d’un électron), pour former une jonction PN. La présence de cette jonction permet à l’excès d’électrons de diffuser vers le substrat P et à l’excès de trous de diffuser vers la couche N, créant ainsi un champ électrique à l’interface qui maintient globalement les porteurs de charge dans la couche où ils sont majoritaires.
Suivant leur longueur d’onde les photons incidents sur toute la surface de la cellule pénètrent par la face avant et sont absorbés dans la couche N puis dans le substrat P. Les photons proche ultraviolet (UV) plus énergétiques le sont dans le premier micromètre, alors que les moins énergétiques infrarouges (IR) le sont dans le substrat et peuvent atteindre la face arrière de la cellule après quelques centaines de µm . Les photons sont absorbés dans le silicium en libérant des porteurs minoritaires (électrons dans le type P, trous dans le type N) qui peuvent ainsi diffuser dans le matériau sur une certaine distance moyenne (la longueur de diffusion) avant d’être recombinés. Notons que les substrats de type P ont été les premiers à être utilisés car plus simples à mettre en œuvre, en revanche les porteurs de charge ont une meilleure capacité à diffuser dans les substrats de type N.
Sur la face avant se trouve une grille métallique (un alliage argent / aluminium en général) qui laisse entrer les photons dans la structure, et sur la face arrière se trouve une plaque métallique (aluminium) opaque aux photons mais réflectrice. En circuit fermé, les porteurs de charge minoritaires générés par l’absorption des photons diffusent vers la jonction PN où ils subissent l’action du champ électrique qui leur donne l’impulsion nécessaire pour atteindre le collecteur métallique opposé (grille face avant pour les électrons, et plaque face arrière pour les trous). Au même moment les porteurs majoritaires participent à un courant électrique dans le circuit externe. Notons que les épaisseurs et dopages des différentes couches sont optimisés pour maximiser l’efficacité de la cellule (rapport entre puissance électrique fournie et puissance optique incidente). Par exemple, la couche N est fine et fortement dopée (fort excès d’électrons), elle est notée N+.
Bref historique des cellules bifaces
Une cellule peut être qualifiée de biface dès lors qu’un rayonnement lumineux peut entrer des deux côtés du substrat et y libérer des charges. Dans le cas d’une cellule cristalline biface, la plaque d’aluminium opaque de la face arrière est donc remplacée par une grille métallique comme sur la face avant . Par conséquent, l’efficacité de collection par la face arrière est forcément réduite et sa répartition spectrale est différente par rapport à celle de la face avant. En effet, la majorité des photons incidents par la face arrière sont absorbés relativement loin de la jonction PN et l’effet répulsif survenant sur les porteurs minoritaires est moins intense avec une grille qu’avec une pleine plaque.
L’idée d’utiliser des cellules solaires bifaces n’est pas nouvelle. En effet, les premiers brevets / publications concernant ce type de cellules datent des années 1960 [13], [14]. Entre les années 1970 et les années 2000, de nombreux designs de cellules bifaces ont été imaginés et peuvent être classés suivant le nombre de jonctions PN que contient la structure et leur position [15], [16] :
❖ CELLULES A DEUX JONCTIONS PN (structure N+PN+ par exemple). Elles ont l’avantage de mieux collecter les grandes longueurs d’ondes (absorbées proches de la face arrière pour une lumière incidente en face avant) et de pouvoir utiliser un substrat de basse qualité (à faible longueur de diffusion comme le type P), en revanche leur fabrication est bien plus complexe
❖ CELLULES A UNE JONCTION PN EN FACE AVANT. Pour ce type de cellules l’enjeu historique était de réduire les recombinaisons des porteurs de charge sur la face arrière et d’assurer leur transport jusqu’à la jonction PN. La réduction des recombinaisons a été résolue par le rajout d’une couche dopée plus fortement que le substrat, créant un champ électrique (le « Back Surface Field », BSF), ainsi que par l’ajout d’une couche de passivation au nitrure de silicium (SiNx, un diélectrique transparent). Le transport des charges vers la jonction PN a été amélioré par la diminution de l’épaisseur du substrat, et surtout par l’utilisation de substrats ayant une plus grande longueur de diffusion des porteurs, comme celui de type N.
❖ CELLULES A UNE JONCTION PN EN FACE ARRIERE (cellules à contacts face arrière). Ce type de cellules a été développé grâce à l’utilisation de substrats de qualité. Les contacts électriques étant tous en face arrière, l’efficacité est meilleure en face avant (aucun ombrage dû à la grille métallique), mais moins bonne en face arrière (plus d’ombrage au contraire).
Les plus anciennes cellules bifaces commercialisées jusqu’à maintenant (depuis 1997) sont du second type décrit ci-dessus. Il s’agit d’une structure à hétérojonction intégrant du silicium amorphe (a-Si) sur un substrat de silicium monocristallin (c-Si) de type N. La jonction PN est formée de a-Si dopé P, le BSF de a-Si dopé N, et une fine couche de a-Si non dopée est présente de part et d’autre du substrat (d’où le nom « Heterojunction with Intrinsic Thin layer », HIT) [17]. Les cellules utilisées dans notre étude sont aussi du second type décrit ci dessus, mais avec une structure à homojonction (basée uniquement sur du silicium monocristallin) sur substrat de type N.
Cellules bifaces à substrat de type N
Nous allons tout d’abord présenter quelques données technico-économiques rassemblées par Kopecek [18]. De nos jours, les cellules standards à substrat de type P produites en masse sont complètement optimisées et ont donc atteint leur limite basse de coût. Les « wafers » de type N Czochralski (Cz, une méthode de tirage du lingot de silicium) sont plus chers mais ne bénéficient pas encore d’une production de masse qui devrait diminuer les coûts. Sur ce point, l’International Technology Roadmap for PhotoVoltaic (ITRPV) prédit une augmentation des parts de marché de ce type de cellules de 5% en 2013 à 20% en 2017, et 30% en 2023. En effet, l’avantage des substrats de type N est double :
❖ D’une part, une meilleure stabilité de l’efficacité cellule dans la mesure où la dégradation sous éclairement (« Light Induced Degradation », LID) ne s’y produit pas. La LID est due aux réactions bore – oxygène sous éclairement dans les substrats Cz de type P qui créent des centres de recombinaison des charges. Un module de cette technologie peut perdre typiquement jusqu’à 2% – 3% de son efficacité dans les premières semaines après installation [19].
❖ D’autre part, une amélioration de la production d’énergie électrique de par une meilleure sensibilité aux irradiances plus faibles (car les électrons, plus nombreux dans le type N que dans le type P, ont une plus grande surface de capture que les trous), ainsi qu’une utilisation en fonctionnement biface (utilisation des deux faces du « wafer » et longueur de diffusion des porteurs dans le substrat supérieure à l’épaisseur de la cellule).
Les équipes du CEA à l’INES développent une structure appelée « Passivated Emitter Rear Totally diffused » (PERT) . Elle est basée sur un substrat de type N Cz monocristallin sur lequel est diffusée une couche P+ dopée au bore pour créer la jonction PN en face avant, et une couche N+ dopée au phosphore pour créer le BSF sur toute la face arrière. Les contacts métalliques Ag/Al sont réalisés par « screen-printing » sous forme de « fingers » (doigts métalliques fins parallèles les uns aux autres sur toute la surface de la cellule) qui collectent toutes les charges pour les acheminer sur les « busbars » (barres métalliques plus larges perpendiculaires aux « fingers »). La grille est identique sur les deux faces. Ces dernières sont passivées thermiquement par du SiO2/SiN et texturées pour mieux absorber le rayonnement incident .
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Table des matières
Introduction générale
1.1. La transition énergétique mondiale
1.2. Ressource solaire et importance du photovoltaïque
1.3. Motivation de cette thèse
Chapitre 1 : Etat de l’art sur les modules photovoltaïques bifaces
Introduction
1.1. Architecture des modules photovoltaïques à cellules bifaces cristallines
1.1.1. A l’échelle de la cellule
1.1.1.1. Généralités sur les cellules solaires
1.1.1.2. Bref historique des cellules bifaces
1.1.1.3. Cellules bifaces à substrat de type N
1.1.2. A l’échelle du module
1.1.2.1. Généralités sur les modules solaires
1.1.2.2. Historique des architectures bifaces
1.2. Caractérisation électrique des modules bifaces
1.2.1. Généralités sur la caractérisation des modules solaires
1.2.1.1. Courbes intensité – tension et modèle électrique des cellules
1.2.1.2. Courbes intensité – tension des modules
1.2.1.3. Simulateurs solaires et effets capacitifs
1.2.1.4. Suivi des modules en conditions réelles
1.2.2. Vers une caractérisation STC des technologies bifaces
1.2.2.1. Influence de la face arrière des cellules lors d’une mesure STC
1.2.2.2. Caractérisation des cellules en double éclairement
1.2.2.3. Caractérisation des modules avec albédo en face arrière
1.3. Performance des applications utilisant des modules bifaces
1.3.1. Généralités sur la simulation des performances électriques annuelles des panneaux
1.3.2. Etudes passées sur les applications bifaces montées au sol ou sur toiture plate
1.3.2.1. Applications standards inclinées
1.3.2.2. Applications nouvelles verticales
1.3.3. Cas d’étude choisi : modules bifaces intégrés sur une façade verticale de bâtiment
1.3.3.1. Description de l’application
1.3.3.2. Simulation des performances électriques annuelles de systèmes BIPV
1.4. Objectif de notre étude
1.4.1. Synthèse de l’état de l’art
1.4.2. Logique de l’étude
Conclusion
Chapitre 2 : Moyens de caractérisation et de simulation mis en œuvre pour notre étude
Introduction
2.1. Etude en simulateur solaire
2.1.1. Dispositif expérimental de double éclairement
2.1.2. Protocole d’utilisation
2.1.3. Etude de reproductibilité
2.1.4. Influence des effets capacitifs
2.2. Etude en conditions réelles
2.2.1. Banc de test de l’application façade verticale biface
2.2.1.1. Description du banc de test
2.2.1.2. Données annuelles pour le module monoface de référence
2.2.2. Modèle optique du banc de test
2.2.2.1. Description de la méthodologie appliquée
2.2.2.2. Simulations pour le module monoface de référence
Conclusion
Chapitre 3 : Influence de l’environnement optique du module
Introduction
3.1. Comportement des paramètres IV en double éclairement
3.2. Performances du module biface en conditions réelles
3.2.1. Remarques préliminaires
3.2.2. Considérations optiques
3.2.3. Considérations thermiques
3.3. Extrapolation des résultats expérimentaux avec le modèle optique
3.3.1. Validation expérimentale du modèle
3.3.1.1. Comparaison entre simulation et expérience
3.3.1.2. Intérêts de la simulation
3.3.2. Influence de la période de l’année
3.4. Tentative d’évaluation des performances photovoltaïques annuelles
Conclusion
Chapitre 4 : Influence de l’architecture du module
Introduction
4.1. Caractérisation en simulateur solaire
4.1.1. Connectique monolithique
4.1.2. Interconnexion en parallèle
4.1.2.1. Remarques préliminaires
4.1.2.2. Avantage lié aux cellules découpées
4.1.2.3. Avantage lié à l’interconnexion en parallèle
4.1.3. Verres texturés
4.1.4. Bilan
4.2. Test expérimentaux en extérieur
4.2.1. Remarques préliminaires
4.2.2. Interconnexion en parallèle
4.2.2.1. Considérations optiques
4.2.2.2. Considérations thermiques
4.2.3. Verres texturés
4.2.3.1. Considérations optiques
4.2.3.2. Considérations thermiques
4.3. Extrapolation avec le modèle optique
4.3.1. Méthodologie
4.3.2. Validation expérimentale
4.3.2.1. Interconnexion en parallèle
4.3.2.2. Verres texturés
4.3.3. Gains annuels en fonction de la distance et de l’architecture du module
4.3.3.1. Interconnexion en parallèle
4.3.3.2. Verres texturés
4.3.3.3. Combinaison des deux architectures
Conclusion générale