Etat de l’art sur les déformations différées du béton, la surveillance des enceintes à EDF et la mesure in situ de teneur en eau du béton 

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Le séchage du béton en condition quasi isotherme

Dans cette section, nous allons aborder une description très succincte des phénomènes impliqués dans la dessiccation des matériaux cimentaires, en mettant en avant le modèle simplifié que nous utiliserons par la suite. Des développements plus complets sont disponibles dans (Mainguy 1999; Bažant 2001; Benboudjema 2002; Sellier and Buffo- Lacarrière 2009; Hilaire 2014).
Le séchage du béton, c’est-à-dire la perte progressive d’eau du matériau créée par un déséquilibre thermodynamique avec son environnement, est un phénomène complexe qui a une influence prédominante sur les déformations différées. Cette complexité est due en grande partie à l’étendue de la distribution des tailles de pore dans la pâte cimentaire et au fait qu’il s’agit d’un matériau non saturé en eau. Ce caractère multiphasique et cette disparité dans les formes et dans les volumes de vide vont se traduire par différents mécanismes de transport et d’interactions entre l’eau, le gaz et la phase solide.
Généralement, l’eau se présente dans la pâte de ciment à la fois sous forme liquide et gazeuse. Le transport de l’eau au sein des pores du béton va dépendre du transport convectif (par perméabilité), de la diffusion, de l’adsorption-désorption (des molécules d’eau sur les grains solides) et de l’évaporation-condensation (Figure 2).
Figure 2. Illustration schématique des différents modes de transports de l’eau dans le béton (Reviron 2009).
On modélise généralement le séchage via une grandeur macroscopique comme la teneur en eau ou l’humidité relative. Si l’on considère un échantillon en béton soumis à une température et à humidité relative externe constantes, le profil teneur en eau dans l’épaisseur évoque la forme caractéristique d’un phénomène diffusif, qu’il est possible de visualiser par exemple par gamma-densimétrie (Baroghel-Bouny 1994; Verdier 2001), comme le montrent la Figure 3 et la Figure 4.
Figure 3. Profils de teneur en eau obtenus par gammadensimétrie (Baroghel-Bouny 1994).
Figure 4. Profils de perte de masse dans l’épaisseur d’une pièce de 30 cm d’épaisseur obtenus par gammadensimétrie (Attolou 1985).
Un autre effet observable est la perte de masse subie par l’échantillon au cours du séchage. Du fait du départ d’eau (Figure 5), la perte de masse (t) s’exprime simplement en fonction de la teneur en eau ? du béton :
?(?) = ?0 − ?(?)
?0 = ???? ??é??? ∙ ? ∙ ∭ (?0 − ?(?)) ? ∙ ??
Équation 1 avec M0 la masse initiale de l’échantillon [kg], M[t] la masse actuelle de l’échantillon [kg],
béton la masse volumique du béton [kg.m-3], V le volume de l’échantillon [m3].
Figure 5. Courbes de perte de masse en fonction du temps pour différents bétons (Li and Li 2018).
L’affinité de l’eau avec la matrice solide et les propriétés du réseau poreux d’un béton font que le séchage est un phénomène très lent. Ainsi, compte tenu de son épaisseur, une paroi d’enceinte de confinement mettrait sans doute plusieurs siècles pour atteindre l’équilibre avec son environnement et « sécher à coeur ».
La littérature abonde en modèles de séchage pour milieux poreux (Verdier 2001). Dans le cadre de notre travail, suivant des choix guidés par la simplicité et la robustesse, nous optons pour une modélisation simplifiée du séchage, suffisante dès lors qu’on s’intéresse à la perte de masse ou à l’évolution de teneur en eau. En faisant l’hypothèse que le transport n’est influencé ni par la déformation, ni par la fissuration, on peut se ramener à une unique équation de diffusion non linéaire de la teneur en eau libre (Granger 1995).
Selon cette approche, l’équation régissant le séchage dans un espace monodimensionnel et l’évolution de la teneur en eau  à travers la paroi s’écrit : ?? ?? − ?(??? (?) ∙ ??) = 0 Équation 2 avec  la teneur en eau [%] et Deq() le coefficient de diffusion équivalent [m².s-1] qui dépend non-linéairement de .
Suivant Granger (Granger 1995), nous avons adopté le coefficient de diffusion proposé par Mensi (Mensi, Acker, and Attolou 1988). ??? (?) = ? ∙ ???(−? ∙ ?) Équation 3
A et B étant des constantes. Granger considère que la valeur B = 0,05 est représentative du séchage des bétons. Quant à nous, nous tenterons d’ajuster simultanément les deux paramètres sur d’éventuelles mesures.
On opte ici pour des conditions aux limites en teneur en eau imposée (type Dirichlet), représentant la teneur en eau du matériau en équilibre avec l’humidité relative extérieure.
Cette représentation des conditions aux limites n’est pas la plus réaliste (Mensi suggère une condition d’échange en paroi), mais Granger reconnaît que l’écart entre les deux approches est relativement peu significatif. La condition aux limites de type Dirichlet est jugée suffisante pour l’objectif poursuivi ici.
Le retrait et le fluage du béton

Rapide aperçu des aspects phénoménologiques

Suivant une description conventionnelle (Neville, Dilger, and Brooks 1983), les déformations différées du béton sont séparées en quatre composantes :
• Deux composantes indépendantes du chargement :
o Le retrait endogène, associé à l’auto-dessiccation et à la prise. L’eau n’est pas échangée avec l’environnement, mais elle est consommée par les réactions chimiques dans le béton. Ceci se traduit par une baisse de la teneur en eau du béton à masse constante, associée à une diminution du volume global du matériau. Le retrait endogène n’est pas d’un intérêt primordial pour la surveillance des enceintes de centrales nucléaires. En effet, il est d’une amplitude modérée et il ne se manifeste quasiment plus au moment de la mise en tension des câbles de précontrainte, plusieurs années après le coulage du béton. Nous négligerons donc le retrait endogène dans la suite de cette étude.
o Le retrait de dessiccation, qui est associé à son séchage par échange d’eau avec l’environnement extérieur. Le mécanisme qui engendre le retrait macroscopique accompagné d’une perte de masse.
• Deux composantes de fluage, c’est-à-dire de déformation différée sous charge :
o Le fluage propre, qui est la part de déformation différée sous contrainte en l’absence d’échange hydrique avec l’extérieur.
o Le fluage de dessiccation, qui comprend la part de fluage total non comprise dans le fluage propre, lorsque la structure peut échanger l’eau qu’elle contient avec son environnement. Schématiquement, on peut résumer les expériences élémentaires qui donnent accès à ces 4 composantes par la Figure 6.
Figure 6. Illustration des 4 composantes de déformation différée du béton.
Ainsi, on peut décrire la déformation différée ?????é?é? : ?????é?é? (?, ?0, ??) = ??? (?, ??) + ??? (?, ??) + ??? (?, ?0, ??) + ??? (?, ?0, ??) Équation 4 avec t0 la date du chargement, ts la date de fin de cure et de début de dessiccation, εRD la déformation de retrait endogène, εRD la déformation de retrait de dessiccation, εFP la déformation de fluage propre et εFD la déformation de fluage de dessiccation.
La décomposition de l’Équation 4 suppose qu’il n’y ait pas de couplage entre les différentes composantes, ce qui reste une hypothèse très discutable (Ulm, Le Maou, and Boulay 1999; Acker 2003; Hilaire 2014).
Notons qu’on considère parfois un terme de retrait supplémentaire lié à la carbonatation du béton (Houst 1997). Compte tenu de la cinétique très lente du phénomène au regard des épaisseurs de structure concernées par nos travaux, son effet sera négligé.

La modélisation simplifiée du retrait de dessiccation

Des descriptions plus détaillées et des discussions plus argumentées sur les phénomène de retrait de dessiccation dans les matériaux cimentaires sont disponibles dans (Benboudjema 2002; Hilaire 2014).

Approche réglementaire du retrait de dessiccation

La distinction des différents retraits dans les codes et règles de calcul est apparue à la fin des années 90 (AFNOR 1999), suite notamment aux travaux de Robert Le Roy (Le Roy 1995) sur les Bétons à Hautes Performances (BHP). L’Eurocode 2 (AFNOR 2007), l’ETC-C (règles de conception pour les réacteurs EPR, (AFCEN 2010)), le Model Code 2010 (CEBFIP 2010) ainsi que le projet CEOS.fr (« Comportement et Evaluation des Ouvrages Spéciaux – Fissuration – Retrait », (Francis Barré et al. 2016)) ont repris la décomposition associée à l’Équation 4. Dans ces documents, la cinétique de séchage est supposée monotone, et provient d’un ajustement sur des essais de retrait concernant une gamme assez large de formulations de béton.

Les mécanismes liés au fluage propre

Le fluage propre correspond à la part de déformation différée du béton sous chargement imposé, en l’absence de dessiccation et en ayant ôté la déformation élastique.
Des descriptions plus détaillées et des discussions plus argumentées du phénomène fluage propre dans les matériaux cimentaires sont disponibles par exemple dans (Benboudjema 2002; Hilaire 2014).
Avant de décrire succinctement quelques mécanismes avancés pour expliquer le fluage propre, rappelons quelques-unes de ses caractéristiques principales :
• Une dépendance à la teneur en eau : un béton sec ne flue quasiment pas en compression (Acker 1988; Tamtsia and Beaudoin 2000), voir Figure 9.
• Les mécanismes de fluage se produisent essentiellement dans la pâte de ciment, les granulats ne fluant quasiment pas.
• Une dépendance linéaire entre contrainte et déformation, jusqu’à un certain niveau de contrainte.
• Une réversibilité ou recouvrance partielle : la suppression de la contrainte n’entraine pas une annulation complète des déformations de fluage propre.
• L’influence de l’âge de chargement ou vieillissement : plus un béton est chargé tardivement, moins l’amplitude de déformation de fluage propre est importante.
L’analyse de la cinétique de la déformation de fluage propre des pâtes de ciment et des bétons met en évidence deux cinétiques de comportement :
• À court terme (quelques jours après le chargement), la cinétique de la déformation de fluage propre est rapide. Cette déformation est en partie réversible. Plusieurs théories tentent d’expliquer ce phénomène, dont la plupart sont évoquées dans (Benboudjema 2002).
• À long terme, la déformation de fluage propre est caractérisée par une cinétique très lente. Le comportement semble non asymptotique et irréversible, et tendrait vers une fonction logarithme du temps (Le Roy 1995; Acker and Ulm 2001; J. M. Torrenti and Le Roy 2015).
Pour visualiser l’effet de ces deux cinétiques, on peut tracer la dérivée de la complaisance en fonction du temps (Figure 10). On constate que l’ensemble des courbes tend vers une fonction inverse du temps lorsque celui-ci augmente. D’autres auteurs proposent d’ajuster la dérivée de la complaisance à long terme à des lois en puissance du temps (Bažant and Chern 1984; Z. P. Bazant and Baweja 2000).

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Table des matières

Introduction : les enjeux liés au vieillissement des enceintes en béton précontraint des réacteurs nucléaires français
1 Etat de l’art sur les déformations différées du béton, la surveillance des enceintes à EDF et la mesure in situ de teneur en eau du béton 
Le béton, un matériau poreux et visqueux
Généralités sur le béton et l’eau qu’il contient
Le séchage du béton en condition quasi isotherme
Le retrait et le fluage du béton
La surveillance des enceintes, objets et méthodes
Définition de l’enceinte de confinement, fonction de sûreté et critères de surveillance
Capteurs et systèmes d’acquisition utilisés par EDF
Gestion et exploitation de la mesure
Aperçu d’autres approches prédictives supervisées
Quelques tentatives pour suivre la teneur en eau d’ouvrages en béton sur de longues périodes
Panorama des grandeurs mesurées pour estimer la teneur en eau du béton
Les premières expérimentations d’EDF (1980-2000)
Les expériences scandinaves
La mesure de perméabilité in-situ comme indicateur de saturation en eau
La mesure de permittivité diélectrique par réflectométrie dans les domaines temporel ou fréquentiel
Conclusion sur l’état de l’art
2 Estimation approchée de l’information apportée par la mesure de teneur en eau 
Dans quel but mesurer la teneur en eau sur un ouvrage déjà ausculté ?
Fondements de la méthode
Calcul de la matrice de covariance des paramètres d’un modèle recalé sur des mesures
Lois simplifiées de retrait et de fluage
Sensibilités du modèle simplifié et incertitude de la prédiction en fin d’exploitation de l’ouvrage
Sensibilités du modèle simplifié
Estimation de l’information apportée par la mesure de perte de masse et de l’incertitude associée
Evaluation de la perte de masse par des capteurs disséminés dans la structure
Modélisation numérique du séchage du béton par différences finies
Sensibilités de la perte de masse et de la teneur en eau locale aux paramètres du modèle de séchage
Incertitudes sur la prédiction de la perte de masse d’une section d’ouvrage selon la distribution spatiale des mesures de teneur en eau
Bilan de l’approche simplifiée d’estimation de l’incertitude-cible pour la teneur en eau
3 Proposition d’un modèle dédié à la surveillance de la teneur en eau des enceintes de confinement 
Principe de la démarche
Bref aperçu de la maquette VeRCoRs et capteurs retenus pour l’étude
Objectifs de la maquette
Description de la maquette et de son dispositif de surveillance
Capteurs retenus pour l’étude
Sélection des variables explicatives
Traitements préalables
Classification Hiérarchique Ascendante (CAH)
Analyse par Composantes Principales (ACP)
Comparaison des séries chronologiques
Modélisation des déformations par régression multilinéaire
Critères de l’analyse
Modélisation de P1_ET et P3_EV avec les variables retenues
Capacité à prédire les déformations
Apport d’un terme complémentaire en logarithme du temps
Proposition d’une loi Teneur en Eau – Temps (TET)
Bilan : un modèle Teneur en eau – Temps – Température (TETT) adapté à la surveillance des enceintes
4 Détermination d’une incertitude-cible de mesure de teneur en eau dans le cadre de la surveillance des enceintes 
Présentation de la démarche
Définition d’un critère pour choisir l’incertitude cible et principales étapes de traitement
Maquette digitale de référence
Rappels sur la méthode de Monte Carlo appliquée à l’estimation et à la propagation des incertitudes
Méthodes d’inversion des modèles utilisés
Résumé de la démarche
Propagations d’incertitudes dans les différents modèles
Propagation des incertitudes dans le modèle de séchage
Propagation des incertitudes dans les modèles mécaniques
Conclusion sur la propagation de l’incertitude de teneur en eau dans le modèle de surveillance d’enceinte
Etudes complémentaires de l’influence de la teneur en eau sur le recalage des modèles
Impact d’un modèle non physique de séchage sur la déformation finale
Influences relatives des termes de fluage propre et de dessiccation de la loi TETT
Conclusion sur l’incertitude cible pour une mesure de teneur en eau
5 Conclusion et perspectives 
Récapitulatif des travaux réalisés
Conclusion
Perspectives
6 Références 
Annexe A : scripts Scilab utilisés pour simuler le séchage en 1D
Annexe B : quelques plans de la maquette VeRCoRs
Annexe C : scripts Scilab utilisés pour inverser le problème de séchage
Annexe D : scripts Scilab utilisés pour inverser le modèle de CEOS.fr
Annexe E : quelques résultats sur le recalage des composantes élémentaires du modèle de CEOS.fr avec des mesures d’auscultation d’enceinte

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