Bibliographie
A la fin des années 1950, Norman Franz, ingénieur forestier à la recherche de nouveaux procédés pour découper les arbres en bois de construction, explore les bases de la découpe par jet d’eau à très haute pression [1]. En faisant tomber des poids lourds sur des colonnes d’eau pour forcer le fluide à passer par un orifice très fin, Norman Franz obtient des pressions d’eau assez puissantes pour découper le bois et d’autres matériaux. Depuis la première application réussie dans les années 1970 par M. Hashish [2], le procédé de découpe jet d’eau a été industrialisé pour couper les matériaux tendres : carton, tissus et aliments congelés [3]. Au cours des dernières décennies, plusieurs travaux de recherche ont été établis pour comprendre le procédé et améliorer sa performance. M. Hashish [4] introduit l’état de l’art de la découpe par jet d’eau abrasif à très haute pression et une possibilité de faire du tournage avec cette technologie. A.W. Momber et R. Kovacevic [5] présentent les propriétés et la structure du jet d’eau abrasif, l’influence des paramètres du procédé de découpe et la modélisation de la découpe des matériaux fragiles et ductiles. Les premières applications industrielles du procédé sont apparues au début des années 1980. Le jet d’eau abrasif était principalement utilisé pour la coupe de contour dans un plan [6]. Les possibilités d’utiliser le procédé d’usinage non débouchant par jet d’eau abrasif n’ont été explorées que récemment par exemple par A. Alberdi et al. [7] T. Gupta et al. [8] et V.K. Pal et al. [9]. Aujourd’hui, comme les technologies laser, plasma et électroérosion, la technologie du jet d’eau permet de découper tous types de matériaux. E. Siores et al. [10] et A.W. Momber [11] ont travaillé sur la découpe des céramiques, et J. Wang [12] et F. Cénac [13] sur les matériaux composites. En parallèle, les travaux de Hascalik et al. [14] et de G. Fowler [15] ont porté sur les métaux durs tels que le titane et dernièrement Escobar-Palafox et al. [16] sur l’inconel. Ces technologies offrent des opportunités d’usinage impossibles à réaliser par les outils coupants traditionnels du fait de la petite largeur de la découpe tout en laissant des faibles contraintes mécaniques et thermiques sur les pièces usinées. Le jet d’eau est considéré comme un procédé de découpe très efficace. Il implique l’utilisation de l’eau sous haute pression en tant que moyen de coupe qui transmet des quantités négligeables de chaleur à la pièce usinée. Les pièces créées par ce procédé ne contiennent aucun changement dans la structure cristalline généralement causé par la chaleur ou les efforts de coupe.
Les machines de découpe jet d’eau
Architecture générale
La machine de découpe au jet d’eau abrasif (figure 1.1) utilisée au cours de ces travaux de thèse est une machine Flow Mach 4 C. Les principaux éléments sont les axes de déplacement X, Y, Z et la tête de découpe.
Cette machine est une machine de découpe mais, comme cela sera montré dans ce qui suit, le pilotage des paramètres d’usinage peut être utilisé pour produire un usinage non débouchant.
Les constituants de la machine jet d’eau
La machine JEA est une machine de production classique constituée de plusieurs éléments :
– Un châssis dynamique autorisant une vitesse d’avance maximale de 23000mm/min et une accélération maximale de 0,5m.s-2 .
– Une pompe axiale Hyplex® de 30kW permettant d’utiliser une plage de pression allant de 400bar à 3850bar avec un débit maximum de 3,7 L/min.
– Une tête de découpe permettant la focalisation du jet et le mélange de l’abrasif dans l’eau. Le fonctionnement détaillé de cet organe machine est présenté dans le paragraphe suivant.
– Un pupitre de contrôle qui permet de commander la tête de coupe en utilisant le logiciel de FAO Flow Master.
La découpe au jet d’eau
Jet d’eau pure
Le jet d’eau pure (JEP) est utilisé pour découper des matériaux tendres. La découpe est rapide et efficace et utilise une force de coupe extrêmement faible [3]. Il est principalement utilisé pour couper les matières souples comme les tissus, le PVC, les matières plastiques, les tissus céramiques, les fibres de verre, le caoutchouc, le pain et le cuir. C’est un outil propre qui trouve aussi des applications dans l’agroalimentaire grâce à l’effet décontaminant de la haute pression et au renouvellement constant de l’eau ainsi que dans le domaine médical. En effet, la découpe au jet d’eau pure permet une dissection précise d’organes humains [17] et des tissus mous sans endommager les tissus solides tels que les nerfs ou les veines [18]. De plus, la précision de la découpe au jet d’eau pure permet de réparer les microfissures osseuses et d’assurer un traitement orthopédique en réalisant des perçages précis au niveau des os articulaires qui recevront des vis [19]. Une des premières applications du point de vue environnemental, a été le démantèlement des produits en fin de vie comme, par exemple, les pneus de véhicules automobiles en caoutchouc [20].
La tête de coupe est la partie principale de la technologie JEP. Elle permet la transformation de la pression (énergie potentielle) en vitesse (énergie cinétique). Les pièces constituant la tête de coupe sont :
● un tube de collimation à travers lequel l’eau passe sous haute pression,
● une buse en saphir, rubis ou diamant ayant un petit orifice qui permet d’accélérer les particules d’eau qui la traversent,
Jet d’eau abrasif
La technologie de découpe par jet d’eau abrasif (JEA) est une amélioration de la technologie par jet d’eau pure destinée à la découpe de matériaux durs. Le jet d’eau abrasif (JEA) se définit comme étant un procédé de découpe mettant en œuvre le phénomène d’érosion. Pour cela un abrasif est mélangé à l’eau dans la tête de découpe (Figure 1.4). Lors de ce mélange, l’air qui est présent dans la conduite d’amenée d’abrasif est également incorporé au jet. Celui-ci contient alors un mélange d’eau, d’abrasif et d’air et devient donc tri phasique. L’efficacité de la découpe en JEA réside dans l’énergie transmise aux particules abrasives et au temps d’exposition du jet sur la matière donc à la vitesse d’avance. Lorsque cette dernière est trop importante, l’énergie du jet peut localement ne pas être assez importante pour traverser la pièce et la découpe ne débouche pas. En diminuant la vitesse, le jet disposera de l’énergie nécessaire pour traverser la matière. A la vitesse limite de débouchage, la dépouille est très importante (de l’ordre du rayon de jet [21]). Au fur et à mesure que la vitesse est réduite, l’angle de dépouille diminue, puis s’annule et devient même négatif pour de très faibles vitesses .
Les vitesses des particules abrasives sortant du jet peuvent atteindre 2 à 3 fois la vitesse du son [21] et ce jet tri phasique impacte la pièce en provoquant un enlèvement de matière sur tout type de matériaux. Le JEA possède de nombreux avantages comparé aux autres procédés d’usinage tels que la découpe laser ou l’électroérosion :
● aucune ou très peu de variation thermique de la pièce usinée [5]. Cet atout est particulièrement utile pour couper des pièces pour lesquelles la chaleur peut modifier les propriétés du matériau,
● le JEA ne dégage aucun gaz toxique.
Technologie
Le jet d’eau abrasif étant obtenu en ajoutant de l’abrasif avec de l’eau sous pression, la tête de découpe est conçue de manière à permettre l’arrivée de l’abrasif et à le mélanger efficacement dans une chambre de mélange (Figure 1.4). Cette arrivée d’abrasif est produite d’une part par gravité car le distributeur d’abrasif (Figure 1.1) est situé au-dessus de la tête de découpe et d’autre part par effet venturi grâce au passage du jet d’eau dans la tête de découpe. Afin d’éviter un colmatage de la tête par l’abrasif, un clapet mécanique piloté ferme le distributeur d’abrasif avant l’arrêt du jet d’eau. Ainsi à la fermeture de l’abrasif, la conduite d’arrivée se vide et le jet se purge rapidement jusqu’à ne plus contenir que de l’eau. Le jet d’eau peut alors être coupé.
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Table des matières
INTRODUCTION
1.1 Contexte particulier de l’étude
1. Chapitre 1 : Etat de l’art sur le jet d’eau haute pression
1.2 Bibliographie
1.2.1 Introduction
1.2.2 Les machines de découpe jet d’eau
1.2.2.1 Architecture générale
1.2.2.2 Les constituants de la machine jet d’eau
1.2.3 La découpe au jet d’eau
1.2.3.1 Jet d’eau pure
1.2.3.2 Jet d’eau abrasif
1.2.3.2.1 Technologie
1.2.3.2.2 Les constituants et les paramètres du JEA et leurs influences sur l’usinage
1.2.3.2.3 Application multi matériaux
1.2.4 Usinage non débouchant par JEA
1.2.4.1 Introduction
1.2.4.2 Mécanismes d’enlèvement de matières
1.2.4.3 Description géométrique de l’incision
1.2.4.4 Phénoménologie du jet d’eau abrasif
1.2.4.5 Débit copeaux en JEA
1.2.4.6 Usinage de poches en JEA
1.2.4.6.1 Utilisation de masques
1.2.4.6.2 Réalisation de poches en JEA
1.2.4.7 Paramètres géométriques d’une poche
1.2.4.7.1 Profondeur
1.2.4.7.2 Largeur
1.2.4.7.3 Angle sur le flanc
1.2.4.8 Stratégies d’usinage
1.2.4.8.1 Balayage simple
1.2.4.8.2 Balayage en aller-retour
1.2.4.8.3 Trajectoire en spirale
1.2.4.9 Application multi matériaux
1.3 Conclusion
2. Chapitre 2 : Amélioration du modèle du profil d’incision dans du Ti6Al4V
2.1. Objectif et principe de l’étude
2.1.1. Méthode d’expérimentation
2.1.2. Moyens et méthodes de mesures
2.1.2.1. Projecteur de profil
2.1.2.2. Scanner laser
2.1.2.3. Machine à mesure tridimensionnelle (MMT)
2.1.2.4. Profilomètre optique Alicona
2.1.3. Etude de répétabilité
2.1.3.1. Répétabilité machine
2.1.3.2. Répétabilité du procédé
2.2. Amélioration du modèle du profil d’incision
2.2.1. Le modèle Gaussien utilisé dans la littérature
2.2.2. Présentation des modèles mathématiques
2.2.3. Etude expérimentale et corrélation avec les modèles mathématiques
2.2.4. Interprétation du modèle Gauss Décomposé – Corrélation avec la physique d’un jet triphasique
2.3. Débit d’enlèvement de matière
2.3.1. Expérimentations sur les incisions et sur le débit copeaux
2.3.2. Influence des paramètres opératoires sur les incisions et sur le MRR
2.3.2.1 Discussion sur les incisions
2.3.2.2 Discussion sur le MRR
2.1. Conclusion
3. Chapitre 3 : Usinage des poches en JEA
3.1 Introduction
3.2 Usinage de poches en JEA
3.2.1 Poches aux bords fermés
3.2.1.1 Usinage de poches avec l’utilisation de masques de protection
3.2.1.2 Usinage de poches avec départ en pleine matière
3.2.2 Les poches à bords ouverts
3.2.3 Sommation des incisions
3.2.3.1 Principe
3.2.3.2 Modèle de sommation
3.3 Réalisation de poches
3.3.1 Caractérisation des mécanismes d’enlèvement de matière lors de l’usinage de poches
3.3.1.1 Modèle de prédiction de profondeur de poches par sommation des incisions
3.3.1.2 Analyse des mécanismes d’enlèvement de matières lors de l’usinage des poches
3.3.2 Modélisation de l’écart de profondeurs des poches
3.3.2.1 Identification du débit d’abrasif optimal
3.3.2.2 Expérimentation
3.3.2.3 Résultats de l’expérience
3.3.2.4 Analyse des écarts entre la mesure et la modélisation des poches
3.3.2.5 Etude de la surface de recouvrement entre les incisions
3.3.2.6 Conclusion sur l’intégration de la surface de recouvrement dans le modèle d’écart
3.3.3 Modèle de prédiction de l’ondulation de fond de poche : Wpas
3.3.4 Modèle de débit copeaux
CONCLUSION