Etat de l’art sur la thématique « transport et effet de serre » et sur l’articulation temporelle des mobilités

Le réchauffement climatique engendré par l’effet de serre est le grand défi mondial de notre époque. Les catastrophes naturelles, le climat inhabituel et les scénarios inquiétants dessinés par les scientifiques pour le futur (travaux du Groupe d’Experts Intergouvernementaux sur l’Evolution du Climat, GIEC, dénommé IPCC pour « Intergovernmental Panel on Climate Change » selon son appellation à l’international) sont des alertes que nous ne pouvons pas négliger. Afin d’y répondre, la France accorde un soutien prioritaire aux politiques sur le climat au niveau mondial, depuis la convention-cadre des nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC, en 1995) et le protocole de Kyoto (signé fin 1997) mais aussi au niveau national, lorsque la France a pris l’engagement devant la communauté internationale de « diviser par un facteur 4 ses émissions de gaz à effet de serre du niveau de 1990 d’ici 2050 », objectif traduit dans la loi d’orientation sur l’énergie en mai 2004, puis validé dans le Grenelle Environnement en 2007.

L’effet de serre est un processus naturel résultant de l’absorption du rayonnement solaire dans l’atmosphère  qui influence les différents flux thermiques contribuant à l’équilibre des températures au sol et en altitude. Sous l’effet de l’action anthropique notamment (même si la responsabilité de l’action de l’homme fait encore parfois un peu polémique), la teneur en gaz à effet de serre dans l’atmosphère augmente, particulièrement depuis les années 1950. Ses conséquences au niveau planétaire global ont été définies et évaluées par le panel d’experts du GIEC. Le premier rapport se penchant sur le changement climatique futur date de 1990 ; les suivants datent de 1995, 2001 et 2007, [IPCC, 2001 et 2007]) dans les domaines de l’hydrologie et des ressources en eau, de la sécurité alimentaire, des écosystèmes terrestres, de la santé humaine,… Les rapports produits sont utilisés comme références pour les négociations dans le cadre des conférences internationales sur les gaz à effet de serre.

Au sein de ces émissions, le secteur des transports joue un rôle notable, d’une part parce que c’est le secteur dont la contribution est la plus importante, et d’autre part parce que c’est aussi le secteur dont l’évolution est la moins maîtrisée, et donc la plus inquiétante. En France en 2012, le secteur des transports génère 27% des émissions de gaz à effet de serre (en tonnes-équivalent CO2 selon les catégories GIEC aux émissions de gaz à effet de serre ; elles sont composées essentiellement de dioxyde de carbone (96 %) . Si l’on se concentre sur le seul dioxyde de carbone, le même rapport d’évaluation des émissions du CITEPA indique que le secteur transport contribue à 36% des émissions (de CO2) et qu’il est le seul secteur en hausse sur la période 1990-2012, avec + 8,8%.

Une autre façon de souligner l’importance relative des différents secteurs peut être rappelée en citant le programme habitat de l’ONU (2007) qui souligne schématiquement que : « les villes sont responsables de 80% des émissions de gaz à effet de serre ; elles proviennent pour moitié des combustibles fossiles (c’est à dire des transports) et pour l’autre moitié de l’énergie consommée par les immeubles et les appareils ménagers ». La maîtrise, voire la réduction, des émissions de gaz à effet de serre de ce secteur des transports représente donc un enjeu stratégique de premier plan sur le long terme (puisque cette contribution sectorielle est notable, tout en présentant l’évolution la plus préoccupante). Parmi les principaux outils destinés à réduire ces émissions de gaz à effet de serre des transports, on peut distinguer trois niveaux d’intervention suivant la séquence :
• mesures purement techniques (amélioration de l’efficacité énergétique des carburants et des véhicules, véhicule électrique, etc.) ;
• mesures « comportementales » (report modal, éco-conduite, etc.) ;
• et mesures politiques à proprement parler (standards d’émissions, différenciation des taxes, taxe carbone, marché des permis à polluer, péages routiers, etc.).

Etat de l’art sur la thématique « transport et effet de serre » et sur l’articulation temporelle des mobilités 

Estimation des émissions du secteur transport et diagnostics environnementaux des mobilités 

Les méthodes d’estimation des facteurs d’émissions 

Nous commençons par une courte revue des méthodes, décrivant les outils de facteurs d’émissions les plus à jour qui peuvent nous permettre de mesurer la contribution des activités de transport aux émissions de polluants nocifs et de GES. COPERT 4 (COmputer Programme to calculate Emissions from Road Transport) est Le logiciel très connu en Europe  qui permet d’estimer les émissions pour tous les modes du transport routier par des équations permettant de déduire des facteurs d’émissions, basé sur « the EMEP/EEA air pollutant emission inventory guidebook » [European Environment Agency, 2009], publié par l’Agence Européenne pour l’Environnement.

Pour le décrire sommairement, ce modèle (et logiciel) estime des facteurs de consommation énergétique et d’émissions de divers polluants nocifs (CO, NOx, COV, et Ps)  et de GES en fonction des caractéristiques des moteurs des véhicules de différentes catégories (voitures particulières, utilitaires légers, poids lourds et deux roues motorisés) pour différents types de carburants, tranches de cylindrées et normes d’émissions maximales (donc années de mise en circulation) et en tenant compte de plusieurs cycles de conduite (en urbain, sur route et sur autoroute, en fournissant des équations qui varient avec la vitesse du véhicule). Copert4 prend également en compte deux régimes de fonctionnement moteur (à froid et à chaud), et, ajout par rapport à la version précédente Copert3, tient également compte optionnellement mais de façon plus systématique des émissions évaporatives de COV (et hydrocarbures imbrûlés) et des émissions abrasives de particules (de pneus, de freins et de chaussée)… Il est utilisé sur plusieurs échelles différentes, du local à l’international, d’un trajet à l’estimation annuelle. Copert 4 est la 4ème version (2007) depuis Copert85 (datant de 1989), il est le fruit d’un effort de collaboration de différents laboratoires spécialisés à l’échelle européenne (cf. les projets MEET, COST 319, PARTICULATES, et ARTEMIS).

Copert4 reprend en fait une partie des travaux de recherche menés pour une autre méthodologie européenne de calcul des émissions pour tous les modes de transport, ARTEMIS (Assessment and reliability of transport emission models and inventory systems, [Boulter et McCrae eds, 2007], [André et al. 2008]), projet prolongeant lui-même deux autres modèles européens d’inventaire qui avaient été développés précédemment : d’une part le projet Européen MEET (Methodologies for Estimating air pollutant Emission from Transport) , projet (et Action COST 319) basé sur la méthodologie Copert3, et d’autre part le modèle d’émissions helvéticoallemand HBEFA (Handbook emission factors for road transport, [FOEN, 2010]). Dans le cadre du projet Artemis (et du logiciel Artemis/HBEFA), les auteursmettent à plat toutes les questions de détermination des parcs automobiles statiques et en circulation (toutes catégories de véhicules routiers) pour élaborer une modélisation statistique des parcs et trafics à prendre en considération. Le Rapport Deloitte [Ademe, 2008] apporte des compléments pour les autres modes de transport non routiers, notamment ferré et aérien. Il est basé sur les travaux d’estimation des facteurs moyens des émissions selon des études de cas. Ce rapport a été utilisé comme source complémentaire à Copert4 pour l’estimation des émissions de CO2 dans l’ENTD 2007/2008 (pour les modes ferrés comme métro, tram, train,.. et aériens).

Plus récemment, la Base Carbone, développée par l’Ademe, [Ademe, 2012] est une base nationale de données publiques regroupant un ensemble de facteurs d’émissions et de données issues de différentes sources. C’est en ce sens qu’elle sert de référence, car elle maintient à jour ce que peuvent fournir ces différentes sources. Elle est initialement issue des travaux du Bilan Carbone [Ademe, Mies, 2007], et elle prend en compte tous les modes (pas uniquement le routier), y compris le ferré, l’aérien et la voie d’eau.

Outils de diagnostics énergie-émissions à partir des enquêtes de mobilité 

Au delà de ces références ayant couvert l’état de l’art sur les facteurs d’émissions, nous décrivons maintenant une lignée de travaux – dont cette thèse est une continuation – portant sur les méthodes et outils de diagnostics environnementaux de la mobilité , qui font le pari d’une démarche empirique basée sur les recueils standards et classiques que sont les enquêtes locales ou nationales de la mobilité. Cette démarche est celle qui consiste à estimer les consommations et émissions de chaque déplacement de chaque individu d’un échantillon enquêté ; dès lors toutes les sommations, au niveau individuel, ménage, puis à l’échelle d’une région urbaine ou du pays entier sont réalisables, mais aussi toutes les analyses désagrégées en fonction des caractéristiques des mobilités, des véhicules et des individus (avec tous les déterminants classiques, socio-économiques, démographiques et géographiques tenant compte de typologies ou zonages résidentiels notamment).

L’ancêtre de toutes ces approches est celle du BET (Budget-EnergieTransport), développée initialement par J.P. Orfeuil à l’IRT à la fin des années 70 et au début des années 80, à la suite des deux chocs pétroliers, [IRT et al., 1984], [Orfeuil, 1984]. Cette approche étudie et analyse la dépense énergétique (en nombre de litres de carburant consommés) de la mobilité individuelle quotidienne (tous modes et tous motifs, un jour ordinaire de semaine) dans sept agglomérations françaises de tailles très différentes (d’Evreux à Paris) à partir de leurs enquêtes de déplacements, permettant des analyses désagrégées en exhibant des différences entre groupes de ménages en fonction de leur composition démographique et de leurs revenus, des catégories sociales et âges individuels, et aussi des localisations résidentielles, en confirmant le rôle notable que joue la densité urbaine dans la formation de la dépense énergétique pour se déplacer (mais aussi la distance, les deux influant sur la desserte en transport collectifs) . Dès ces premiers travaux, deux points importants sont à souligner :
• la nécessité de prendre en compte les mobilités sous forme de distances parcourues (voyageurs*kilomètres) et non plus seulement les nombres de déplacements ;
• et jauger les quantités d’énergie quotidiennement consommées pour se déplacer (le budget-énergie-transport) au regard des kilomètres parcourus et temps passés par les individus (budgets-distance et budgets-temps, qui resteront des variables d’analyses de tous ces types de diagnostics).

Puis, dès le milieu des années 90, la préoccupation se tourne de l’énergie vers les problèmes de pollution nocive et de qualité de l’air. Les travaux d’Orfeuil sont repris et enrichis dans la même équipe de recherche, avec le soutien financier de l’Ademe : nous avons le BEP (Budgets Energie Pollution) [Hivert, 1994, 1995], qui ajoute à la précédente estimation énergétique des équations permettant d’estimer, à partir des facteurs d’émissions connus à l’époque (travaux de l’INRETS dans le cadre du projet MEET), les émissions polluantes des déplacements et donc de la mobilité urbaine, quotidienne et individuelle, toujours à partir des mêmes sources d’Enquêtes Ménages-Déplacements (le standard Certu pour toutes les régions urbaines). La prise en compte des rejets polluants impose cette fois-ci de se pencher également sur les vitesses des déplacements, et plus seulement sur les distances. En développant plusieurs études de cas, à Grenoble, Paris, Lille et Bordeaux, la méthode s’affine et est re-baptisée provisoirement BEED puis DEED (pour Budget puis Diagnostic Energie Environnement des Déplacements) en 1995 [Gallez, 1995, 1996], [Gallez, Hivert, 1998] en conservant l’idée principale du concept budgétaire, et de l’estimation des consommations et émissions des individus ou des ménages en s’appuyant sur les recueils de mobilité existants. La dernière publication de ce premier cycle de travaux date de 1998 et s’intitule « DEED : mode d’emploi » ; elle retrace et illustre les quatre études de cas, reprenant l’analyse des consommations et émissions des déplacements individuels quotidiens, en prenant en compte des caractéristiques des véhicules et des conditions de circulation dans un périmètre de région urbaine. Le DEED permet un diagnostic des consommations d’énergie, des émissions polluantes issues des transports suivant les caractéristiques des déplacements et modes, mais aussi suivant tous les déterminants importants des mobilités, socioéconomiques, démographiques et géographiques des individus et ménages. Gallez, Hivert et Orfeuil présentent également l’approche de manière illustrative dans [Madre, Bussière, 2002]. Le début des années 2000, alors que les progrès technologiques sur les moteurs on drastiquement réduit les rejets polluants et que le principal problème qui subsiste sur le long terme devient celui de la réduction des émissions de GES plutôt négligées jusqu’alors, est marqué par plusieurs avancées :
• l’opérationnalisation des outils de recherche en différents logiciels (IMPACT-ADEME, puis ADEME-DEED, qui verra le jour en 2005 mais, trop difficile à mettre en œuvre, sera rapidement abandonné, pour différentes raisons) ;
• l’équipe de recherche ERA Mob (associée au laboratoire DEST) au Cete Nord-Picardie revisite le DEED de la région urbaine de Lille, puisqu’une nouvelle enquête déplacements a vu le jour (1998 après 1987), [Quételard, 2002], [Noppe et al., 2003] (nous pouvons noter que l’outil présente encore plus d’intérêt en évolution comparative) ;
• L’utilisation par d’autres équipes et laboratoires de recherche de la méthodologie DEED, notamment le LET (ENTPE et Université de Lyon 2) pour des enquêtes de mobilités sur Lyon mais aussi Paris.
• En 2004, pour une appréhension plus globale des impacts, l’Ademe charge le cabinet B2K Consultants d’évaluer la pertinence et la faisabilité d’une mise en commun des diagnostics développés jusqu’alors indépendamment pour les voyageurs (approche DEED par l’INRETS) et marchandises (modèle FRETURB par le LET). La mise en commun et la sommation des différentes émissions s’avère délicate, pour ne pas dire quasiment impossible…

Plus récemment encore, le DEM (nouvelle appellation pour « Diagnostic Environnemental de la Mobilité ») a été réalisé en 2008-2009 par l’équipe EraMob (Dest et Cete Nord-Picardie) sur le cas de la métropole Lilloise à la demande de la Communauté urbaine (LMCU), à partir des données d’une nouvelle enquête déplacements (2006) et d’une enquête cordon (2007) autour de l’agglomération. Le DEM est basé sur la méthode DEED en élargissant les estimations réalisées pour la mobilité quotidienne des résidents à celles des autres trafics, échange, transit, y compris non résident et marchandises [Merle et al., 2009]. Le projet BETTI (« Pour des Bilans Environnementaux Transports dans les Territoires, Intégrés ») dans lequel cette thèse s’insère, vise également à standardiser cette méthode DEM pour pouvoir l’utiliser dans d’autres agglomérations.

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Table des matières

Introduction
Chapitre I : Etat de l’art sur la thématique « transport et effet de serre » et sur l’articulation temporelle des mobilités
I.1. Estimation des émissions du secteur transport et diagnostics environnementaux des mobilités
I.1.1. Les méthodes d’estimation des facteurs d’émissions
I.1.2. Outils de diagnostics énergie-émissions à partir des enquêtes de mobilité
I.2. Articulation temporelle des mobilités et « effet barbecue »
Chapitre II : Méthodologie
II.1. Structure des données de l’Enquête Nationale Transports et Déplacements 2007-2008
II.1.1. Présentation de l’enquête
II.1.2. Estimation des émissions de CO2 à partir de l’ENTD
II.2. Reconstitution à l’année de la mobilité individuelle
II.2.1. Idée principale
II.2.2. Taille d’échantillon et effet de bord de la période observée
II.2.3. Apurements supplémentaires, filtrages spécifiques à la longue distance
II.2.4. Imputations, réaffectations entre les différents segments de mobilité
II.3. Déterminants géographiques
Chapitre III : Résultats globaux
III.1. Mobilité des résidants français selon leur zone de résidence, une première approche descriptive
III.2. Typologie des comportements de mobilité basée sur les profils d’émissions
III.2.1. Classification ascendante hiérarchique
III.2.2. Profil-types des comportements d’émission et de mobilité individuelle
III.3. Analyse des résultats selon leurs principaux déterminants
III.3.1. Déclinaison dans l’espace, zonage résidentiel
III.3.2. Déterminants socio-économiques et démographiques (genre, âge, situation professionnel,…) : qui sont-ils ?
III.3.3. Y a-t-il finalement des compensations, voire un « effet barbecue » ?
III.3.4. Quel rôle des variables spatiales face aux autres déterminants ?
III.3.5. Les autres caractéristiques des mobilités (mode, motif,…)
Chapitre IV : Quelques thématiques particulières
IV.1. Retour sur les déplacements à longue distance
IV.1.1.Des différences de genre très marquées sur ce segment seulement ?
IV.1.2.Grands pendulaires ou transcontinentaux
IV.2. Motifs de déplacements, deux cas particuliers
IV.2.1.Les pratiques d’achats
IV.2.2.Les mobilités de loisirs
IV.3. Taux d’occupation des voitures particulières : un levier (plutôt inattendu mais à considérer) pour les politiques de réduction des émissions de CO2
IV.3.1.Présentation théorique : insérer le taux d’occupation dans l’approche ASIF
IV.3.2.Résultats selon les classes et les zones de résidences
Conclusion générale
1. Résultats
2. Extensions et pistes de recherche
Références bibliographiques
Annexes

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