État de l’art sur la modélisation par réseaux de réluctances

État de l’art sur la modélisation par réseaux de réluctances

L’émergence et la multiplication des machines électriques dans l’environnement moderne a conduit à l’apparition de cahiers des charges de plus en plus complexes et ayant un fort impact sur la conception des machines électriques. A l’ère de la conception par optimisation et dans la philosophie de résolution de problèmes inverses, à partir d’un cahier des charges, aussi restrictif soit-il, on cherchera le jeu de paramètres qui sera le plus optimal pour répondre aux exigences de performance et ce à moindre coût. Divers aspects de la conception des machines électriques présentent des objectifs contradictoires tels que de minimiser la masse et les pertes ou de maximiser le rendement et limiter les températures à cahier des charges couple/vitesse donné. Pour parvenir à une conception optimale, on explore un espace de solutions en adoptant des techniques d’optimisation multi-objectifs. Grâce à la génération de fronts de Pareto, on révèle souvent des compromis différents entre les objectifs contraires. Outre les objectifs, des contraintes sont souvent nécessaires pour éviter la convergence vers des solutions infaisables. Ces contraintes peuvent être l’induction dans l’entrefer, la température maximale des conducteurs, la tenue mécanique, etc.

Afin de prendre les différents aspects liés à la conception/optimisation des machines électriques, la nécessité de modèles est certaine. Dans les différentes branches de la physique (mécanique, thermique, électromagnétique, etc.), le choix des modèles dépendra en grande partie de l’application visée, de ses exigences de performances, de la fidélité souhaitée des modèles et de leur rapidité de calcul, ainsi que de la topologie de la machine elle-même. Les spécialistes s’accorderont à dire que l’on rencontre deux grandes familles de modèles dont les principes fondamentaux sont distincts : les modèles analytiques, basés sur la résolution formelle des équations physiques et les modèles numériques, basés sur des formulations mathématiques qui déterminent une solution numérique approchée du problème physique initial. Une troisième famille peut être ajoutée aux deux autres citées précédemment, les modèles dits semi-numériques ou semi-analytiques. Ces méthodes reposent sur une formulation physique dont la résolution se fait tout de même de manière numérique. Il existera aussi des méthodes hybrides qui combinent deux approches dans un même modèle pour une même physique.

Il convient de mentionner qu’une approche multi-physique évaluant simultanément tous les domaines physiques différents avec des modèles haute-fidélité et très fins (modèles numériques) s’avèrerait être compliquée à mettre en place, très couteuse en temps de calcul et pourrait ne pas être absolument nécessaire. Les exigences en termes de fidélité se situent à différents niveaux par rapport aux différents degrés de précision qui sont exigés dans les différentes phases du projet de conception (pré dimensionnement/optimisation/finalisation de projet) [5], [6]. Dans les premières phases, le cahier des charges peut encore manquer de précision et il est possible de se contenter de modèles relativement grossiers tels que des circuits électriques équivalents. En effet, ce genre de modèles n’évaluent que des grandeurs globales mais permettent de choisir un type de machine pour l’application visée et d’affiner le cahier des charges.

En termes d’échelle de temps, les transitoires dans le domaine thermique sont généralement de plusieurs ordres de grandeur plus lents que dans le domaine électromagnétique. Bien souvent, une machine fonctionnera en régime permanent électrique pendant une période prolongée alors qu’elle n’aura pas encore atteint l’état d’équilibre thermique. Il ne sera donc pas nécessaire d’évaluer les transitoires thermiques à chaque pas de temps de l’analyse des performances électromagnétiques et électriques. Autre phénomène lié à la thermique, les températures et transferts de chaleur à l’intérieur des enroulements sont difficiles à déterminer en raison de l’inhomogénéité des matériaux dans un bobinage (distribution de fil aléatoire, présence d’isolants électriques et de zones d’air). Ces effets sont difficiles à prendre en compte avec suffisamment de détails même dans des modèles numériques et nécessitent généralement un ajustement de la conductivité thermique par des formules empiriques [8]. Les modèles semi numériques (modèles à constantes localisés thermiques), bien moins fins et bien moins couteux en temps de calcul que les modèles numériques, peuvent fournir une information relativement précise sur la température.

Approches de Modélisation électromagnétique

Il est souvent nécessaire d’estimer les grandeurs des machines électriques pour optimiser leur conception. Cette estimation repose sur un calcul précis des caractéristiques de la machine, telles que le couple électromagnétique, les pertes magnétiques et les forces dans l’entrefer. Toutes ces quantités peuvent être calculées si le champ magnétique à l’intérieur de la machine est entièrement déterminé. Afin de déterminer la distribution du champ magnétique, il faut résoudre les équations de Maxwell en se servant de modèles pour décrire le dispositif. De même sorte que pour les autres domaines de la physiques, différentes approches de modélisation existent.

Approches analytiques 

Ce que l’on entend par approches de modélisation analytiques sont les modèles qui résolvent de manière explicite, exacte et formelle les équations de Maxwell. Il faudra tout de même inverser numériquement des matrices pour trouver les coefficients des séries Fourier. En conception des machines électriques, les modèles analytiques étaient utilisés bien avant le développement des modèles numériques avec les commodités qu’offre la puissance de calcul des ordinateurs de l’ère moderne. Ces modèles sont dit analytiques car la forme analytique de la solution des équations de Maxwell dans le domaine modélisé est connue. Se basant sur la résolution formelle de ces équations, ils décrivent explicitement le fonctionnement et le comportement du dispositif.

Les modèles analytiques prennent souvent de fortes hypothèses. Dans ce type de modélisation, la distribution locale des inductions dans les dents et les encoches est négligée. Cependant, en calculant le flux entrant dans la surface du stator à partir du champ magnétique de l’entrefer avec une distribution uniforme, l’induction au milieu des dents du stator peut être évaluée. D’abord pour faciliter l’écriture de la forme de la solution, des simplifications de la géométrie sont souvent opérées. Le coefficient de Carter est utilisé pour transformer une géométrie saillante en une structure équivalente sans encoches [10] mais l’induction moyenne dans l’entrefer est conservée. Il a été appliqué pour réaliser, par exemple, le modèle d’une machine à flux axial développé au rayon moyen par O. De La Barrière dans [11]. D’autres transformations conformes du type Schwartz-Cristoffel servent le même but [12] [14]. D’autres modèles se passent des transformations géométriques et proposent des solutions analytiques exactes. C’est le cas pour la géométries de la machine à aimants en surface à encoches semi-fermées dans [15]. De par la difficulté de décrire analytiquement certains phénomènes physiques tels que la saturation des matériaux ferromagnétiques, celle-ci est négligé. Les solutions sont plutôt recherchées pour un fonctionnement de la machine sans prendre en compte le caractère non-linéaire des matériaux ferromagnétique. Ces derniers sont considérés de perméabilité relative infinie ou de valeur constante. De plus, bien qu’il existe des modèles qui font une décomposition en série de Fourier, les modèles analytiques se contentent souvent de l’approximation au premier harmonique. Ceci devient handicapant lorsque l’on souhaite, par exemple, réaliser des calculs de pertes fer dans les tôles. Une connaissance précise des grandeurs magnétiques à un niveau local est nécessaire afin de pouvoir appliquer les modèles de pertes de type Bertotti [16] par exemple. Pour dépasser ces hypothèses, certaines techniques ont été utilisées pour prendre en compte la saturation à une échelle globale comme par exemple en adaptant l’épaisseur de l’entrefer [17] ou en utilisant une méthode itérative pour inclure les propriétés non-linéaires des matériaux magnétiques. Certaines approches consistent en une modélisation analytique par sous-domaine [18], [19]. L’approche de modélisation par sous-domaines consiste à réduire la description de la solution des équations de Maxwell à une description par « sous domaine » au lieu de l’étude du domaine global. C’est la raison pour laquelle certains auteurs classent ces approches parmi les méthodes semianalytiques. L’avantage apporté par les méthodes analytiques par sous-domaine est par exemple la possibilité de prendre en compte les phénomènes de saturation magnétique (par des méthodes itératives) à une échelle locale (au niveau du sous-domaine d’une dent par exemple).

Il n’en reste pas moins que pour les modèles analytiques, il faut résoudre les équations de Maxwell pour chaque nouvelle forme introduite dans les structures. De ce fait, pour des géométries complexes, il devient difficile d’obtenir une formulation analytique correcte ou en d’autres termes d’écrire les équations de manière formelle. Ceci en fait aussi des modèles pas ou peu génériques et dont le développement est généralement assez long et fastidieux. Néanmoins, même s’ils incluent un certain nombre d’hypothèses simplificatrices, les modèles analytiques restent d’une utilité certaine dans les étapes de pré-dimensionnement afin de dégrossir l’espace de solutions. D’une part, les temps d’évaluation des modèles restent très courts. D’autre part, avec les équations explicites des modèles analytiques, les formes analytiques des dérivées des solutions sont aussi connues. Leur principal avantage est d’offre la possibilité d’utiliser des algorithmes déterministes (par exemple la méthode du gradient) lorsque ces modèles sont employées dans des routines d’optimisation. Un autre avantage est de pouvoir aisément opérer un couplage entre les différents domaines physiques de par la nature explicite des équations des modèles analytiques. Il existe un certain nombre d’outils logiciels intégrant des modèles analytiques tels que SIMUMSAP développé au GREAH (Groupe de Recherche en Électrotechnique et Automatique du Havre) et consacré aux machines à aimants. Il est à chaque fois enrichi par des travaux sur les machines à flux axial [20], [21]. On pourra citer aussi SIMUPMSAM développé par l’Université Internationale Libanaise consacré aux machine à aimants et aux machines asynchrones [22] qui offre aussi par exemple la possibilité pour l’utilisateur d’étudier l’effet de l’excentricité du rotor. Un état de l’art sur les modèles analytiques des machines à aimants peut être retrouvé dans les références [6], [18], [23] et plus particulièrement, pour les machines à flux axial, dans la référence [11]. Pour la modélisation en sous domaines, un état de l’art est fait dans la référence [24].

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Table des matières

Introduction générale
Chapitre I. État de l’art sur la modélisation par réseaux de réluctances
1.1 Introduction
1.2 Notions d’électromagnétismes et équations de Maxwell
1.3 Approches de Modélisation électromagnétique
Approches analytiques
Approches numériques
Approches semi-numériques/semi-analytiques
Comparaisons entre les différentes méthodes de modélisation électromagnétique
1.4 Historique du modèle du circuit magnétique
1.5 Notion de tubes de flux et de réluctance/perméance
Les perméances constantes
Les perméances saturables (intrinsèquement non-linéaires)
Les perméances de géométrie variable
1.6 Notions de réluctance unidirectionnelle et de bloc élémentaire de réluctances
Réluctances unidirectionnelles
Bloc de réluctances (bidirectionnel/tridimensionnel)
Éléments de comparaison entre les modèles à réluctances unidirectionnelles (réseaux d’expertise) et les modèles à blocs de réluctances élémentaires (réseaux maillés)
1.7 État de l’art des travaux de modélisation par réseaux de réluctances
Travaux basés sur des modèles en réseaux d’expertise
Travaux basés sur des modèles Réseaux maillés
Réseaux mixtes (maillés/d’expertise)
Modèles réseaux réluctants couplés aux autres méthodes de modélisation
1.7.4.1 Couplage des réseaux de reluctances avec la méthode des éléments finis
1.7.4.2 Couplage des réseaux de réluctances avec la méthode analytique
Modèles multi-physiques
1.8 Outils de modélisation électromagnétiques et de C.A.O en réseaux de réluctances
Bibliothèques de modèles
1.8.1.1 Turbo-TCM
1.8.1.2 RNM-3D
1.8.1.3 Ansys-RMxprt
1.8.1.4 SPEED Software
Réseau de réluctances à construire
1.8.2.1 RelucTool
1.8.2.2 Modelica
1.9 Conclusion
Chapitre II. Modélisation électromagnétique par réseaux de réluctances maillés
2.1 Introduction
2.2 Choix de formulation
2.3 Méthode de résolution implémentée dans MRNsoftware
Système d’équations matriciel dans MRNsoftware
Notion de bloc/élément/nœud
Numérotation des blocs/éléments
2.4 Modélisation des sources
Modélisation des aimants
Modélisation des bobinages
Distribution et traitement des sources dans les modèles de MRNsoftware
2.5 Conditions aux limites
Condition de flux tangent
Conditions de périodicité/anti-périodicité
2.6 Calcul des grandeurs locales
2.7 Calcul des grandeurs globales
Calcul des flux et des forces électromotrices
Calcul des efforts
2.7.2.1 Méthode de la variation de l’énergie
2.7.2.2 Méthode du tenseur de contraintes de Maxwell
2.7.2.3 Méthode de calcul du couple hybride
2.8 Prise en compte du phénomène de saturation des matériaux ferromagnétiques
2.9 Prise en compte du mouvement
2.10 Conclusion
Chapitre III. Interfaces non-conformes dans un réseau de réluctances maillé
3.1 Introduction
3.2 Modélisation de l’entrefer et traitement du mouvement
Modèle analytique basé sur une fonction périodique
Perméances d’entrefer déterminées à partir d’un modèle par éléments finis
Autres méthodes de modélisation des perméances d’entrefer
Connexion stator/rotor et gestion du mouvement dans les réseaux maillés
3.3 Interpolation polynomiale des potentiels aux nœuds par polynômes de Lagrange
Ligne de glissement à l’entrefer
Relaxation du maillage
Traitement des matrices de résolution
3.4 Étude comparative de différents maillages non-conformes
Modèle de l’étude
Maillage du modèle en réseaux de réluctances avec interfaces non-conformes
Résultats de simulation et confrontation des modèles
3.5 Conclusion
Conclusion générale

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