Propriétés des composés purs et du mélange réactionnel
Bien qu’en génie chimique et des procédés on traite normalement des mélanges réactionnels, ce sont les propriétés des composés purs qui dictent les comportements observés dans un procédé chimique. En conséquence, les méthodes permettant l’estimation des propriétés des composés purs, et ensuite celles des mélanges gazeux seront étudiées.
Puisqu’il s’agit d’une molécule peu couteuse et non toxique, et compte-tenu de sa disponibilité en quantité énorme, le CO2 constitue une matière première d’intérêt croissant. Par contre cette molécule inerte se présente comme l’état le plus oxydé du carbone ce qui rend sa transformation thermodynamiquement défavorable. La structure d’une molécule de dioxyde de carbone étant linéaire, il s’agit d’une molécule thermodynamiquement stable avec une force de liaison mesurée de ℒ??2 = 532 kJ.mol-1 . Un apport d’énergie et des conditions de réaction optimisées ainsi que des catalyseurs actifs sont nécessaires pour pouvoir activer la molécule du CO2.
Dans cette section, les méthodes de calculs des propriétés des composés purs et des mélanges sont détaillées (Poling et al., 2000). D’autres propriétés telles que la masse molaire et la masse volumique du mélange . Ces méthodes seront utilisées dans l’estimation des propriétés des mélanges gazeux en fonction de la température du lit catalytique. Ceci permet de tenir compte de leur variation selon la position dans le lit.
Thermodynamique des réactions
Une analyse thermodynamique est une étape importante qui fournit une base pour les études expérimentales et permet la compréhension des limites que la thermodynamique impose à la réaction et au développement de catalyseurs. Ainsi, il permet une représentation de l’état du système réactionnel à l’équilibre thermodynamique indépendamment de la vitesse de la réaction. Les limites des conversions et des sélectivités en fonction de la température et de la pression peuvent être donc identifiées. La molécule de CO2 est thermodynamiquement très stable. A pression atmosphérique et à 298 K, l’enthalpie de la dissociation de CO2 en CO et O2 est de 293 kJ.mol-1 . Il est important de mentionner la dissociation du CO2 en CO car c’est l’étape souvent considérée comme limitante dans le mécanisme de la réaction de méthanation du CO2. L’addition de l’hydrogène dont l’énergie de Gibbs est plus grande rend la conversion du CO2 en méthane thermodynamiquement plus favorable .
A basse température, les produits principaux sont CH4 et H2O. L’élévation de la température au-delà de 450 °C entraine une augmentation de la quantité du CO à cause de la réaction du gaz à l’eau inverse (RWGSR : reverse water gas-shift reaction). Lorsque la température dépasse 550 °C la fraction molaire du CO2 passe par un maximum puis diminue, cela est dû à la dominance de la réaction du gaz à l’eau inverse (Gao et al., 2012; Sahebdelfar et al., 2015; Swapnesh et al., 2014). Il a été observé que l’addition de vapeur d’eau aux réactifs permet une diminution du cokage, mais elle entraine également une diminution de la conversion du CO2 ce qui est normal du fait que H2O est un produit de la méthanation (Swapnesh et al., 2014; Gao et al., 2012).
Sahebdelfar et al. (2015) ont effectué la même étude thermodynamique et ont obtenu des résultats ressemblant à ceux de Goa et al. (2012). Ils ont testé l’effet de la température sur l’équilibre de la conversion du CO2 et H2 en méthane, ainsi que la sélectivité en CH4, à 1 bar et à 25 bar. Leurs résultats à 1 bar vérifient ce qui est déjà présenté en termes de thermodynamique de la réaction du méthanation, alors qu’à l’équilibre à 25 bar, les conversions du CO2 et de H2 semblent plus stable et moins influencées par l’augmentation de la température .
Catalyseurs utilisés dans la méthanation du CO2
La réduction du CO2 est un processus accompagné de limitations cinétiques importantes, ce qui nécessite un catalyseur adaptable à la réaction qui répond aux contraintes industrielles en termes d’activité, de sélectivité, de mise en forme et de résistance à la désactivation. Au cours des dernières décennies, la méthanation du CO2 a été largement étudiée avec de nombreux catalyseurs à base de différents métaux (Ni, Co, Fe, Cu, Ru, Rh, Ir, Pd, Pt) et de supports (TiO2, SiO2, SiO2-Al2O3, Al2O3, MgAl2O4, MgO, ZrO2, CeO2, C, MSN, MCM-41, SBA-15, HY, USY) (Panagiotopoulou et al., 2008; Leitenburg et al., 1997; Aziz et al,. 2014; Kowalczyk et al., 2008; Calvin H. Bartholomew et al., 1985). Les métaux du groupe VIIIB, tels que le Rh, Ru, Ni, Co se sont avérés très actifs (Wang et al., 2011; Wei and Jinlong, 2010). Les métaux nobles présentent une activité et une stabilité élevées à basse température (Garbarino et al., 2016; Tada et al., 2014). Ils sont plus résistants à la désactivation du catalyseur (cokéfaction et frittage) que les autres métaux utilisés. Cependant, leur utilisation industrielle est réduite en raison de leur prix élevé et de leur faible disponibilité.
Les catalyseurs à base de nickel et de ruthénium sont les plus actifs et sélectifs en CH4. Des supports de grande surface spécifique sont généralement utilisés. La nature du support joue un rôle important dans l’interaction métal-support et influe sur l’activité et la sélectivité de la méthanation. Des catalyseurs bi- et multifonctionnels sont aussi étudiés pour la méthanation du CO2.
Catalyseurs à base de nickel
Les catalyseurs à base de nickel supporté sont les plus étudiés parmi les métaux déjà cités. La plupart des études sont arrivées à conclure que le nickel est le meilleur métal utilisé pour la méthanation du CO2 vu son activité et sa disponibilité à un prix inférieur à celui des autres métaux (Bartholomew and Vance, 1985; Delmelle et al., 2016; Fukuhara et al., 2017). Ses propriétés rendent son utilisation industrielle possible. Les catalyseurs au Ni ne sont actifs qu’à haute température (300–450 °C). À basse température (inférieure à 300 °C), l’interaction entre Ni et CO entraîne la formation des carbonyles Ni(CO)4 toxiques et la méthanation est inhibée (Agnelli et al., 1994). L’activité d’un catalyseur au Ni dépend de divers paramètres, tels que le type de support, la méthode de préparation de catalyseur, la charge en Ni et la présence d’un second métal.
La teneur en nickel du catalyseur influe sur l’interaction nickel-support et la dispersion du métal, ce qui affecte l’activité et la sélectivité du catalyseur. En général, une bonne dispersion du métal est obtenue lorsque sa teneur est basse. L’augmentation de la teneur en métal entraine la formation d’agrégats. L’activité catalytique exige la présence de particules de nickel métallique qui peuvent être formées in situ si la quantité de Ni est plus grande que celle nécessaire pour couvrir la surface du support avec une monocouche. Si la charge en Ni est plus petite, une pré-réduction sera nécessaire. Le catalyseur contenant des petites particules de Ni obtenues par la réduction de quantités modérées du métal est très sélectif envers le méthane avec absence de formation du CO. Une quantité plus grande de Ni cause la formation de particules de nickel plus grandes et une production importante de CO (Garbarino et al., 2014). Une analyse XRD d’un catalyseur à 16 % en nickel neuf montre la présence de particules de nickel sous forme oxyde, qui après réduction ont une taille entre 10 et 30 nm, contre 30 à 60 nm après utilisation. L’augmentation du pourcentage de nickel entraine une augmentation de la taille des particules.
Plusieurs études ont montré que l’augmentation de la charge en nickel influe sur l’activité du catalyseur d’une manière significative (Rahmani et al., 2014; J. Liu et al., 2013). Une valeur optimale de la teneur en nickel semble exister, au-delà de laquelle l’activité sera dégradée à cause de la formation des agrégats de particules de nickel et la difficulté d’obtenir une bonne dispersion. Cette valeur optimale dépend de plusieurs facteurs dont le type de support et la méthode de préparation (Aziz et al., 2015).
Il apparait que pour utiliser le nickel comme métal actif, il faut opérer sous haute température. La teneur en nickel est un paramètre important dont il faut étudier son effet sur les caractéristiques du catalyseur (dispersion du métal, réductibilité, surface spécifique). Une pré-réduction des catalyseurs à base de nickel est nécessaire parce que le nickel se trouve à l’état oxydé lors de la préparation du catalyseur, alors que l’espèce active pour la méthanation est le nickel métallique.
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Table des matières
Introduction
Etat de l’art sur la méthanation du CO2 : procédés, thermodynamique, catalyseurs, cinétique et méthanation sous plasma
I.1. Propriétés des composés purs et du mélange réactionnel
I.1.1. Viscosité
I.1.2. Capacité calorifique
I.1.3. Conductivité thermique
I.2. Thermodynamique des réactions
I.3. Catalyseurs utilisés dans la méthanation du CO2
I.3.1. Catalyseurs à base de nickel
I.3.2. Effet du support
I.3.3. Effet de la méthode de préparation
I.3.4. Catalyseurs à base de métaux nobles
I.3.5. Catalyseurs bimétalliques : effet de l’addition d’un 2ème métal
I.3.6. Désactivation des catalyseurs
I.4. Cinétique et mécanisme de la réaction de méthanation
I.4.1. Mécanisme de la méthanation
I.4.2. Cinétique de la réaction
I.5. Réacteurs utilisés et procédés industriels de méthanation
I.5.1. Réacteurs
I.5.2. Procédés industriels
I.6. Procédés non conventionnels de méthanation : Procédés sous plasma
I.6.1. Différentes méthodes de génération des plasmas
I.6.1.1. Décharge luminescente
I.6.1.2. Décharge DBD
I.6.1.3. Décharge micro-ondes
I.6.2. Valorisation du CO2 par la voie plasma
I.6.2.1. Dissociation du CO2 pur sous plasma
I.6.2.2. Hydrogénation du CO2 sous plasma
I.7. Conclusion
Préparation des catalyseurs et techniques de caractérisation
II.1 Choix des catalyseurs
II.2 Préparation des catalyseurs
II.3 Principes de mesure et protocoles expérimentaux de caractérisations
II.3.1 Diffraction des rayons X
II.3.2 Adsorption de N2
II.3.3 Granulométrie
II.3.4 Reduction en température programmée : H2-TPR (Temperature-programmedreduction)
II.3.5 Spectroscopie infrarouge à transformer de Fourier : FTIR in-situ
II.3.5.1 Adsorption de CO suivie par FTIR
II.3.5.2 Adsorption de la pyridine suivie par FTIR
Caractérisation des catalyseurs
III.1 Catalyseurs monométalliques à base de nickel
III.1.1. Diffraction des rayons X
III.1.2. Adsorption de N2
III.1.3. Réduction en température programmée
III.1.4. Adsorption CO suivie par FTIR in-situ
III.1.5. Adsorption pyridine suivie par FTIR in-situ
III.2 Catalyseurs bimétallique Ni-Co/-Al2O3
III.3 Conclusion
Méthanation du CO2 à pression atmosphérique : Expériences et modélisation cinétique
IV.1 Montage expérimental de la méthanation
IV.2 Protocoles expérimentaux
IV.2.1 Remplissage du réacteur et réduction du catalyseur
IV.2.2 Procédure de tests catalytiques
IV.3 Performance des catalyseurs Ni/-Al2O3 et Ni-Co/-Al2O3
IV.3.1 Résultats préliminaires des tests catalytiques
IV.3.1.1 Produits de la réaction
IV.3.1.2 Comportement de la réaction en fonction de la température
IV.3.1.3 Hystérésis
IV.3.2 Etude de l’effet de la température de calcination
IV.3.3 Etude de l’effet de la teneur en nickel sur la production de méthane
IV.3.4 Etude de l’effet de l’addition du cobalt
IV.3.5 Comparaison de la stabilité des catalyseurs Ni et Ni-Co
IV.3.6 Comparaison des performances des catalyseurs avec ceux de la bibliographie
IV.3.6.1 Catalyseurs monométalliques Ni/-Al2O3
IV.3.6.2 Catalyseurs bimétalliques Ni-Co/-Al2O3
IV.3.7 Performance des extrudés en tests catalytiques
IV.4. Développement d’un modèle cinétique
IV.4.1. Etude préliminaire
IV.4.1.1. Evaluation des limitations diffusionnelles
IV.4.1.2. Effet de la pression partielle des réactifs
IV.4.2. Modélisation cinétique
IV.4.2.1. Hypothèses et méthodologie
IV.4.2.2. Résultats de la modélisation cinétique
IV.5. Conclusion
Conclusion