État de l’art lié aux problématiques d’étanchéité
Il est bien connu que la surface d’un matériau n’est pas parfaite et que sa géométrie réelle possède des écarts de formes par rapport à sa géométrie macroscopique idéale. Cela peut avoir de nombreuses conséquences dans des applications industrielles lorsque de telles surfaces rugueuses sont mises en contact. Ces conséquences peuvent être de diverses natures mais celle qui nous intéresse plus particulièrement ici est le transfert de matière s’opérant à l’interface de contact entre ces deux surfaces, pour des applications d’étanchéité.
Modélisation mécanique du contact entre surfaces rugueuses
La théorie du contact de Hertz
Les premiers travaux de mécanique du contact ont été initiés par Hertz en 1882 (Hertz, 1882) en vue d’étudier l’influence des déformations élastiques des surfaces sur le contact. La théorie de Hertz fournit notamment les expressions de la pression et de l’aire de contact qui règne entre les deux solides, ainsi que leur évolution en fonction de la charge appliquée et des caractéristiques géométriques et matérielles des solides en contact. Cette théorie est basée sur les hypothèses suivantes :
— Les solides en contact sont élastiques, homogènes et isotropes. Leur surface est considérée comme parfaitement lisse.
— Les déformations sont supposées petites.
— Chacun des deux solides est considéré comme un demi-espace élastique.
— Aucun frottement n’est présent, seuls des efforts normaux sont transmis par le contact.
La théorie du contact de Persson
Dans les modèles de contact présentés précédemment, la rugosité est décrite par des aspérités sphériques de rayon de courbure identique. Cette description sous forme de sphère et la détermination de leur rayon est alors dépendante de la résolution utilisée pour mesurer la surface. Ces méthodes ne rendent alors pas compte du caractère multi-échelles des surfaces réelles. Elles ne considèrent pas non plus les interactions à longue distance entre les aspérités. Fort de ces constats, Persson a développé au début des années 2000 un modèle de contact pour les surfaces rugueuses aléatoires (Persson, 2001b), et plus particulièrement pour les surfaces fractales auto-affines. Ce modèle a initialement été développé pour étudier le contact d’un pneu (fait généralement d’un matériau élastomère) avec la route, qui tend à posséder ce caractère fractal.
Le modèle de Persson est un modèle stochastique qui n’exclut a priori aucune échelle de rugosité. Il est basé sur le principe selon lequel les propriétés du contact, comme l’aire réelle de contact notamment, dépendent de l’échelle à laquelle on étudie l’interface de contact. Cela se traduit par une dépendance à un facteur de grossissement ζ (qui se rapporte à une échelle de longueur caractéristique du domaine étudié). Ainsi, lorsque ζ = 1, le contact apparaît comme complet et les surfaces en contact parfaitement lisses.
Plus le grossissement augmente et plus le contact apparaît comme partiel, de plus en plus de composantes de rugosité sont alors considérées . Le grossissement est néanmoins borné à une valeur maximale qui correspond par exemple à la résolution maximale utilisée pour mesurer la surface rugueuse, ou encore à la distance atomique (Persson, 2001b).
Les modèles de contact déterministes
Les modèles de contact stochastiques présentés dans la section précédente permettent de déterminer l’évolution d’une grandeur globale du contact avec la charge appliquée. Il s’agit généralement de l’aire réelle de contact entre deux surfaces, et de son évolution en fonction des grandeurs statistiques qui caractérisent les surfaces rugueuses. Ces approches font intervenir des hypothèses qui peuvent se montrer restrictives comme la manière de modéliser les surfaces rugueuses ou la négligence des interactions entre les aspérités en contact. Par construction, ces modèles ne permettent pas de déterminer des grandeurs locales telles que la déformation des surfaces, la pression de contact ou l’ouverture, ce qui est d’importance lorsque l’on s’intéresse à l’étanchéité d’un contact.
L’usage de méthodes déterministes permet d’avoir accès aux grandeurs locales du contact (pression de contact, déformations, contraintes, etc.), de ne pas avoir à faire d’hypothèses supplémentaires sur la géométrie des surfaces en contact mais également de prendre en compte toutes les interactions entre aspérités (élastiques et plastiques entre autres). Avec l’évolution croissante des performances des moyens de calcul de ces dernières années sont apparues des méthodes numériques permettant la modélisation d’un contact rugueux. Parmi ces méthodes numériques, on retrouve la méthode des éléments finis. Les travaux de Megalingam et Mayuram (2012) ont par exemple permis l’étude dans le régime élasto-plastique du contact entre une surface rugueuse gaussienne et un plan lisse et rigide. Les travaux de Pei et al. (2005), Sahoo et Ghosh (2007) ou ceux de Durand (2012) traitent quant à eux du contact entre une surface fractale et un plan lisse. L’utilisation de cette méthode est cependant très vite limitée, en raison de la taille du système à résoudre. En effet, la surface rugueuse doit être discrétisée avec une densité de points importante afin de représenter la rugosité aux petites longueurs d’ondes, mais il faut aussi que la longueur d’échantillonnage soit suffisamment grande pour prendre en compte les défauts de grande longueur d’onde, comme l’ondulation. De plus, il est nécessaire de mailler le volume sous-jacent à la surface de contact .
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Table des matières
Introduction
1 État de l’art lié aux problématiques d’étanchéité
1.1 Modélisation mécanique du contact entre surfaces rugueuses
1.1.1 La théorie du contact de Hertz
1.1.2 Les modèles de contact stochastiques
1.1.2.1 Le modèle de Greenwood et Williamson
1.1.2.2 La théorie du contact de Persson
1.1.3 Les modèles de contact déterministes
1.1.3.1 Les modèles élastiques
1.1.3.2 Les modèles élasto-plastiques
1.2 Approches expérimentales de l’étanchéité
1.2.1 Les travaux de Marie
1.2.2 Les travaux de Vallet
1.2.3 Les travaux de Bourniquel
1.2.4 Les travaux de Tlili
1.2.5 Les travaux mixtes portant sur le contact mécanique et la fuite
1.3 Modélisation des écoulements en lien avec l’étanchéité
1.3.1 L’hypothèse des écoulements en film mince
1.3.2 Modèles d’écoulements en fracture rugueuse
1.3.2.1 Les méthodes de changement d’échelle et les méthodes locales
1.3.2.2 Modélisation par la création d’un réseau de percolation
1.3.2.3 Autres approches utilisant la théorie de la percolation
1.4 Conclusions
2 Écoulements gazeux raréfiés dans des puces nanofluidiques
2.1 Généralités sur les écoulements raréfiés
2.2 État de l’art sur la modélisation des écoulements raréfiés
2.2.1 Les conditions aux limites
2.2.1.1 Modèle de glissement de premier ordre
2.2.1.2 Modèle de glissement de second ordre
2.2.1.3 Modèle de glissement d’ordre supérieur
2.2.1.4 Le coefficient d’accommodation
2.2.2 Les travaux de Knudsen
2.2.3 Des modèles d’écoulement unifiés
2.2.3.1 L’équation de la lubrification corrigée
2.2.3.2 Extension dans le cas des écoulements en milieux poreux
2.3 Les « joints sur puces » : des structures nanofluidiques modèles
2.3.1 Présentation et objectifs des dispositifs nanofluidiques
2.3.2 Fabrication de dispositifs nanofluidiques
2.3.2.1 Types de puces réalisées
2.3.2.2 Procédure de fabrication des puces
2.3.2.3 Caractérisation de la géométrie gravée
2.3.3 Essais expérimentaux d’écoulements gazeux
2.3.3.1 Description du montage et protocole expérimental
2.3.3.2 Résultats expérimentaux
2.3.4 Modélisation numérique des écoulements gazeux
2.3.4.1 Modélisation de type réseau de pores
2.3.4.2 Approximation des milieux effectifs
2.3.5 Confrontation des résultats numériques et expérimentaux
2.4 Conclusions
3 Application au problème de l’étanchéité
3.1 Modèle d’écoulement à l’échelle microscopique
3.1.1 Analyse en ordre de grandeur et simplification des équations
3.1.2 Traitement de la condition limite de glissement
3.1.3 Équation de Reynolds avec glissement
3.1.4 Aspects numériques
3.1.5 Exemple de problème résolu
3.2 Changement d’échelle – vers un modèle à l’échelle macroscopique
3.2.1 Prise de moyenne volumique et modèle macroscopique non-clos
3.2.2 Fermeture du problème
3.2.3 Modèle macroscopique d’écoulement
3.2.4 Décomposition du problème
3.2.4.1 Développement en série du problème de fermeture
3.2.4.2 Développement en série du tenseur de transmissivité macroscopique
3.2.5 Aspects numériques
3.2.6 Exemples de problèmes résolus
3.2.6.1 Validation sur des géométries simples
3.2.6.2 Solution sur une fracture rugueuse gaussienne
3.3 Modélisation de la fuite à l’échelle du joint – une approche à deux échelles
3.3.1 Développement d’une méthode à deux échelles
3.3.1.1 Équations régissant l’écoulement aux différentes échelles
3.3.1.2 Procédure générale de la méthode
3.3.2 Introduction sur la méthode des éléments finis de frontière
3.3.2.1 Discrétisation du problème par la méthode des éléments finis de frontière
3.3.2.2 Détermination des champs internes
3.3.3 Adaptation de la méthode des éléments finis de frontière pour un domaine aux propriétés hétérogènes et anisotropes
3.3.3.1 Transformation des domaines
3.3.3.2 Mise en œuvre de la méthode des éléments finis de frontière
3.3.4 Aspects numériques
3.3.5 Exemples de problèmes résolus
3.3.5.1 Validation numérique de la méthode à deux échelles
3.3.5.2 Exemple dans une fracture synthétique
Conclusion