La Bilharziose et sa Dynamique de Propagation
Présentation de la Bilharziose
La Bilharziose, appelée aussi Schistosomose, est une maladie parasitaire qui est retrouvée dans les zones tropicales et subtropicales. Elle est provoquée par un ver plat appelé Schistosome ou Bilharzie (OMS, 2015). Cette parasitose est, après le paludisme, la deuxième endémie parasitaire dans le monde. En effet, rien qu’en 2013, au moins 261 millions de personnes avaient besoin du traitement préventif contre la Schistosomose et plus de 40 millions de personnes ont été traitées contre la Schistosomose. Jusqu’en 2003, elle était présente dans 74 pays dans le monde dont 90% en Afrique (OMS, 2015), (IARC, 2012).
La Schistosomose touche particulièrement les enfants à l’âge d’aller à l’école, pendant leurs activités récréatives (natation, pêche, jeux) dans les eaux infestées ; les pêcheurs et agriculteurs, pendant leurs activités professionnelles (pêche, agriculture); les ménagères, pendant leurs activités domestiques (linge, vaisselle), … Les agents pathogènes responsables de cette maladie comptent plus de 200 espèces dont 16 peuvent infecter l’homme et les animaux. Parmi ces 16 espèces, 5 sont principalement parasites de l’homme. Il s’agit de Schistosoma haematobium, Schistosoma mansoni, Schistosoma intercalatum, Schistosoma japonicum et Schistosoma mekongi (OMS, 2015) (Chippaux, 2000). Elles sont responsables de deux formes principales de Schistosomose : la Schistosomose Uro- génitale et la Schistosomose Intestinale.
Ces espèces se distinguent aussi par leur distribution géographique due en grande partie à la présence ou non de l’hôte intermédiaire dans une région.
Le Cycle de Vie de l’Agent Pathogène
La transmission de l’agent pathogène, d’un individu à un autre, se produit lorsqu’une personne infectée contamine l’eau douce (de type mare, rivière, canal, fleuve, etc.) à travers ses urines ou excréments. En effet, les urines ou selles d’un individu souffrant de la Schistosomose sont accompagnées des œufs produits par le parasite. Ces derniers, en contact avec l’eau, éclosent et libèrent une forme larvaire ciliée appelée miracidiums. Celui-ci nage dans l’eau à la rencontre du mollusque (hôte intermédiaire) pour le pénétrer. A l’intérieur du mollusque, l’évolution larvaire aboutit à la formation et la libération dans l’eau des milliers de larves appelées cercaires. Quand une personne est en contact avec l’eau douce infestée, la cercaire peut l’infecter. Elle pénètre sa peau, libère sa queue et devient un schistosomule. Dans l’organisme humain, les vers adultes vivent dans le système veineux – porte hépatique – où ils s’accouplent, puis migrent à contre-courant dans les plexus veineux splanchniques pour y pondre leurs œufs. Une bonne partie des œufs restent dans l’organisme de l’homme et y subissent différentes mutations : ce qui rend la personne malade. L’autre partie des œufs migrent vers la vessie (pour sortir dans l’urine) ou l’intestin (pour sortir avec les excréments) selon le type de Schistosomose en question.
Les différentes dynamiques sous-jacentes à la transmission de la Schistosomose
La description de la dynamique du schistosome permet de voir que ce dernier évolue à l’intérieur de deux hôtes, un hôte définitif qui peut être un humain ou un bétail et l’hôte intermédiaire qui est un mollusque d’eau douce. Il transite de l’un vers l’autre par l’intermédiaire de l’eau.
Ceci permet de diviser la dynamique du parasite en deux parties : une partie intra-hôte et une partie appelée dynamique de transmission, où le parasite est en interaction avec d’autres entités pour rejoindre sa dynamique intra-hôte. A cet effet, la modélisation de la Schistosomose intervient à deux niveaux, comme c’est le cas de la plupart des maladies vectorielles (Rogier et Sallet, 2004): les modèles intra hôtes et les modèles de la dynamique de transmission.
La Dynamique Intra-Hôte
La dynamique intra-hôte des parasites commence lorsqu’ils pénètrent la peau d’un individu. Les schistosomules passent plusieurs jours dans la peau avant de passer par les vaisseaux sanguins qui traversent les poumons. Ils migrent ensuite par la circulation systématique vers le foie où ils s’installent, atteignent la maturité sexuelle et se forment en couples. Seuls les couples de vers atteignent le système porte du foie, se transforment en adultes et s’accouplent. Par la suite, ces paires de vers migrent par la circulation sanguine à leur emplacement définitif (Voir Tableau 2.2) pour pondre leurs œufs (Allen et Victory, 2003), (Cohen, 1977). Les modèles intra hôtes décrivent généralement la dynamique de ces stades larvaires du parasite et ses interactions avec les organes de l’organisme et le système immunitaire (Anderson et May, 1978). Ils étudient aussi leurs interactions avec les médicaments et les effets des traitements médicinaux dans la biologie des parasites (Xu et al., 2006).
La Dynamique de Transmission
Les modèles de la dynamique de transmission étudient l’évolution des infections chez les hôtes définitifs, c’est-à-dire, la transmission de l’agent pathogène d’un individu à un autre. Ils décrivent généralement les différentes étapes de ce passage, les différentes entités qui y interviennent et leurs interactions. A la différence de plusieurs autres maladies vectorielles comme le paludisme, pour qui la transmission du parasite entre le vecteur et l’hôte est directe, la Schistosomose présente une situation spécifique.
Non seulement l’hôte intermédiaire et l’hôte définitif vivent dans des environnements différents, mais la transmission du parasite entre eux n’est pas directe. Elle se fait via un support : l’eau douce (mare, rivière, fleuve, etc.). Elle est pour l’hôte intermédiaire le principal environnement d’évolution, pour l’hôte définitif une source vitale et pour l’agent pathogène un vecteur de transmission à deux sens : de l’individu au mollusque et vice versa. Ce qui rend le processus de transmission particulièrement intéressant. Dans ces conditions, sans que l’hôte définitif (humain ou bétail) ne se joigne à l’environnement des infections (le milieu aquatique), qui est différent de son environnement d’évolution, la transmission n’est pas assurée. C’est ce qui nous amène à considérer le rôle du comportement humain vis-à-vis des eaux dans la dynamique de transfert du schistosome. Ainsi, nous subdivisons cette dynamique en deux sous dynamiques : la sous dynamique d’accès des individus aux eaux infectieuses et la dynamique de transmission du parasite en milieu aquatique.
La Dynamique d’Accès aux Eaux Infectieuses
Cette dynamique d’accès aux eaux propose d’étudier le rôle du comportement humain dans la transmission de la maladie. Elle se focalise sur les activités pouvant amener un individu à s’exposer au risque d’être infecté par le parasite et aux conditions socioculturelles pouvant les expliquer. En effet, pour que la transmission ait lieu, toutes les trois entités concernées (l’hôte définitif, le parasite et l’hôte intermédiaire) doivent converger en temps et en espace dans des points d’eaux convenables (Kloos et al., 1998). En outre, l’intensité des infections est considérablement influencée par les fréquences, les durées et les intensités des contacts humains avec les eaux infestées. Pour (Watts et al., 1998), la Schistosomose persiste dans les zones où elle est endémique seulement par ce que les populations continuent de contaminer les eaux lors de leurs activités excrétoires et viennent en contact des sources d’eau potentiellement infectieuses durant les activités domestique, ludique et agricole. Pour eux, et de nombreux autres auteurs, une compréhension du « pourquoi, quand, où et comment est-ce-que les populations s’engagent dans des comportements qui leurs mettent dans un risque de contracter et de perpétuer la Schistosomose à travers des activités de contact, doit être un paramètre essentiel dans tout programme intégré de lutte contre la Schistosomose».
C’est dans ce contexte que se pose la problématique du rôle du comportement humain dans la transmission de la Schistosomose, de ses activités de contact et d’utilisation des eaux en relation avec la maladie. Ainsi, nombreux sont les travaux qui se sont intéressés à l’identification des différents types d’activités de contact hydriques ainsi que les facteurs socioéconomiques derrières ces activités (Watts et al., 1998) (Barbosa, 1998a) (Kloos et al., 1998) (Gaud, 1958) (Ximenes et al., 2001). Dans (Barbosa, 1998a), l’auteur pointe du doigt l’inefficacité des stratégies de lutte contre la Schistosomose, souvent fondées sur une approche classique de contrôle systémique de l’hôte intermédiaire combinée à un traitement médical des personnes infectées, qui sont établies sans aucune préoccupation sociale des populations concernées. En citant quelques cas où, malgré les stratégies de lutte, la maladie se stabilise ou revient après être vaincue ; il soutient que « la reproduction continuelle de la Schistosomose ne peut être comprise ni interrompue par une simple approche biologique, elle doit être considérée dans son contexte socioculturel comme un processus capable de produire une structure épidémiologique renfermant plusieurs couches déterminantes dans son occurrence ». De leur côté, (Ximenes et al., 2001) pensent que les activités de contacts peuvent non seulement dépendre des choix propres des personnes mais aussi des contraintes et opportunités posées par les conditions socioéconomiques. Selon ces auteurs, l’efficacité de l’utilisation de cette approche, dans une perspective de lutte contre la Schistosomose, n’est plus à démontrer. Elle permet de décrire et évaluer la contribution du comportement humain relatif à ses activités hydriques, dans la transmission de la maladie.
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Table des matières
CHAPITRE 1. INTRODUCTION GÉNÉRALE
1.1 CONTEXTE DE LA THESE : SIMULATION A BASE D’AGENTS DE LA PROPAGATION DE LA BILHARZIOSE : UNE APPROCHE DE COUPLAGE DE MODELES
1.2 ENJEUX ET OBJECTIFS DE LA THESE
1.3 RESUMES DES DIFFERENTS CHAPITRES DE LA THESE
CHAPITRE 2. ETAT DE L’ART ET MODÉLISATION MATHÉMATIQUE DE LA BILHARZIOSE
2.1 LA BILHARZIOSE ET SA DYNAMIQUE DE PROPAGATION
2.1.1 Présentation de la Bilharziose
2.1.2 Le Cycle de Vie de l’Agent Pathogène
2.1.3 Les différentes dynamiques sous-jacentes à la transmission de la Schistosomose
2.1.3.1 La Dynamique Intra-Hôte
2.1.3.2 La Dynamique de Transmission
2.2 LA PROPAGATION DE LA SCHISTOSOMOSE, UN PHENOMENE COMPLEXE
2.2.1 Notions de Systèmes Complexes
2.2.2 Complexité du Phénomène de Propagation de la Schistosomose
2.3 MODELISATION MATHEMATIQUE DE LA SCHISTOSOMOSE
2.3.1 Notions de Modélisation et de Simulation
2.3.2 Approches Mathématiques pour la Modélisation de la Schistosomose
2.3.2.1 Modèles à Base d’Equations Différentielles Ordinaires (EDO)
2.3.2.2 Un exemple de modèle à Base d’EDO
2.3.2.3 Modèles Statistiques
2.4 SYNTHESE
CHAPITRE 3. MODÉLISATION INFORMATIQUE DE LA SCHISTOSOMOSE, UNE APPROCHE COMPLÉMENTAIRE
3.1 MODELISATION ET SIMULATION INFORMATIQUE POUR L’EPIDEMIOLOGIE
3.1.1 L’épidémiologie informatique, qu’est-ce que c’est ?
3.1.2 Des nouveaux défis épidémiologiques sur la propagation des maladies
3.1.3 Aux solutions informatiques de modélisation et de simulation
3.2 LA MODELISATION A BASE D’AGENTS DES MALADIES INFECTIEUSES
3.2.1 Les systèmes multi-agents
3.2.2 Les agents
3.2.3 Les environnements des systèmes multi-agents
3.2.4 Dynamique d’un système multi-agents
3.2.5 La modélisation multi-niveaux à base d’agents
3.2.6 Les modèles à base d’agents des maladies infectieuses
3.3 PERTINENCE DE L’APPROCHE AGENTS POUR MODELISER LA SCHISTOSOMOSE
3.3.1 D’une vue multi-dynamiques de la transmission de la Schistosomose
3.3.2 … à un système à plusieurs niveaux d’interactions
3.4 SYNTHESE
CHAPITRE 4. DYNAMIQUE SPATIALE DE LA SCHISTOSOMOSE : UN EXEMPLE DE SPATIALISATION D’UN MODÈLE EDO PAR UN MODÈLE AGENT
4.1 LA DYNAMIQUE SPATIALE DE LA SCHISTOSOMOSE : DE QUOI S’AGIT –IL ?
4.2 PRESENTATION DU MODELE A BASE D’EDO CHOISI
4.2.1 Justifications du choix du modèle de (Gao et al., 2011)
4.2.1 Le Système d’Equations du Modèle et ses Paramètres
4.2.2 Résultats des Simulations Numériques
4.3 DU MODELE A BASE D’EDO AU MODELE DISCRET A BASE D’AGENTS
4.3.1 Passage du Système d’Equations à un Système à base d’Agents
4.3.2 Un Premier Modèle Discret à Base d’Agents
4.3.3 Expérimentations et Résultats de Simulations
4.4 SPATIALISATION DU MODELE DISCRET A BASE D’AGENTS
4.4.1 Intégration d’un environnement spatial
4.4.2 Les Modèles à Base d’Agents Successivement Spatialisés
4.4.3 Expérimentations et Discussion des Résultats de Simulations
4.5 SYNTHESE
CHAPITRE 5. DYNAMIQUE SOCIALE DE LA SCHISTOSOMOSE : UNE ARCHITECTURE BDI DES PATTERNS DE CONTACT HOMME-EAU
5.1 DYNAMIQUE SOCIALE ET PATTERNS DE CONTACT HOMME-EAU
5.1.1 De quoi s’agit-il ?
5.1.2 Etat de l’Art sur les Patterns de Contact Homme-Eau
5.1.2.1 Identification et description des activités de contact
5.1.2.2 Evaluation des activités de contact dans la transmission de la maladie
5.1.2.3 Corrélation avec les facteurs socioéconomiques
5.2 UNE EBAUCHE SUR L’ARCHITECTURE BDI
5.2.1 Problèmes sous-acents aux modèles BDI
5.2.2 Description informelle de l’Architecture BDI
5.2.3 Quelques Architectures BDI existants
5.3 UNE ARCHITECTURE BDI POUR LES PATTERNS DE CONTACT HOMME-EAU
5.3.1 Notre Approche pour simuler les Patterns de Contact Homme-Eau
5.3.2 L’Architecture BDI de l’Agent Individu
5.3.2.1 Module des Croyances
5.3.2.2 Module des Désirs
5.3.2.3 Module des Intentions
5.3.2.4 Module d’Election des Désirs
5.3.3 Application : La Schistosomose à Niamey
5.3.3.1 Description du modèle
5.3.3.2 Expérimentation avec GAMA
5.4 SYNTHESE
CHAPITRE 6. CONCLUSION GÉNÉRALE
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