État de l’art et généralités sur les milieux amplificateurs des lasers de puissance

Inventé au début des années 1960, le dispositif laser (acronyme en anglais de Light Amplification by Stimulated Emission of Radiation, soit en français amplification de lumière par émission stimulée de radiation) est devenu une technologie incontournable à partir des années 1980, où ses applications pratiques se retrouvent dans tous les domaines (industrie, médecine, informatique…). L’utilisation croissante de cette technologie a conduit à une forte demande de puissances de plus en plus élevées, menant au développement des lasers dits « de puissance », qui permettent, en focalisant leur faisceau, d’obtenir localement de très fortes densités de puissance. De tels lasers sont utilisés dans des branches aussi variées que l’industrie sidérurgique (découpage, perçage…), la médecine (cautérisation des vaisseaux sanguins notamment), la défense (systèmes de guidage, projets d’arme de destruction), ou encore la recherche fondamentale (Laser MégaJoule, projet VIRGO de détection des ondes gravitationnelles). Ces dispositifs sont cependant extrêmement volumineux du fait des nombreuses étapes amplificatrices nécessaires afin de parvenir aux puissances voulues. De plus, ces dernières génèrent un échauffement important du milieu amplificateur, ce qui est dommageable pour le matériau, et nécessite souvent de longues étapes de refroidissement entre deux « tirs ». L’encombrement et l’évacuation de la chaleur constituent donc les inconvénients majeurs rencontrés dans le domaine des lasers de forte puissance. C’est la raison pour laquelle, dans ce premier chapitre d’introduction au sujet, nous présenterons les différentes pistes de résolution de ces problèmes, avant de montrer en quoi les céramiques transparentes Yb:CaF2 constituent une réponse intéressante à la problématique.

Tout d’abord, nous nous intéresserons au principe du rayonnement laser, en nous focalisant tout particulièrement sur le cas des lasers de puissance, et les problématiques spécifiques suscitées par ces derniers. Les différents types de laser (à gaz, à colorant, solide) seront présentés, et l’analyse de leurs avantages et inconvénients respectifs permettra de justifier le choix des lasers solides pour les applications de laser à forte puissance. Nous investiguerons ensuite les différentes classes de matériaux susceptibles de constituer un milieu amplificateur satisfaisant le cahier des charges. L’intérêt des céramiques transparentes au regard des matériaux plus traditionnels que constituent les verres et les monocristaux sera discuté, afin de valider ce choix dans le cadre de cette étude. Enfin, une dernière partie permettra de mettre en avant les atouts du composé Yb:CaF2 comme milieu amplificateur développé sous la forme de céramique. Un inventaire de l’état de l’art dans ce domaine sera également présenté.

Les lasers de puissance

Le principe du rayonnement laser

Après un bref aperçu de la chronologie des différentes étapes de l’invention du laser, nous nous intéresserons plus en détail au principe de fonctionnement et aux différents types de lasers.

Un peu d’histoire…
Bien que l’émission stimulée, l’une des trois grandes interactions lumière-matière, ait été théorisée dès 1917 par Albert Einstein [1], il a fallu attendre 1954 pour en voir une première application avec le MASER (acronyme de Microwave Amplification by Stimulated Emission of Radiation, soit amplification micro-ondes par émission stimulée de radiations, en français) inventé par Charles Townes et ses collaborateurs [2, 3] grâce à un dispositif utilisant de l’ammoniac (voir photographie sur la Figure 1.1). Leurs travaux dans le domaine de l’émission stimulée leur valurent d’ailleurs le prix Nobel de Physique en 1964. Townes parvient à créer une inversion de population* au sein d’un flux d’ammoniac en séparant les molécules par degré d’excitation. Une cavité résonnante permet ensuite l’amplification du rayonnement micro-ondes émis par les molécules d’ammoniac lors de la désexcitation. Bien que leur popularité ait été éclipsée par l’invention du laser, des dispositifs maser à hydrogène sont encore utilisés aujourd’hui, notamment dans le domaine de la métrologie. Ils servent en particulier à déterminer la fréquence des horloges atomiques. Quelques années plus tard, en 1960, le laser est mis au point de manière parallèle par différents chercheurs : au Hughes Research Laboratory, Theodore Maiman [4] invente le laser à rubis en utilisant un cristal Al2O3:Cr3+ comme milieu amplificateur et obtient une émission dans le visible à 694 nm. Cette invention permet ensuite à Peter Sorokin [5](IBM laboratory) d’exciter un monocristal de CaF2:U3+ avec un laser à rubis pour obtenir une émission dans le proche infrarouge à 2, 5 µm (voir Figure 1.2). La même année, le premier laser à gaz (hélium/néon) est inventé par Ali Javan et William Bennett [6, 7] au MIT.

Dans les années qui suivent, les inventions se succèdent, avec le premier laser à matrice vitreuse [8] en 1961, les premiers lasers à semi-conducteurs en 1962, le premier laser fibré en 1964 [9], ou encore le premier laser à colorant en 1966 [10].

Le premier laser utilisant une céramique comme milieu amplificateur verra lui le jour en 1964, mis au point par Hatch [11] à partir d’un polycristal de CaF2:Dy2+. Le rendement laser* est cependant moins élevé que les résultats obtenus avec des monocristaux et des verres, qui seront donc largement plus développés par la suite. La même année, le premier laser solide utilisant la matrice oxyde YAG:Nd3+ comme milieu amplificateur est inventé par Geusic [12]. La combinaison du néodyme comme élément dopant à une matrice oxyde connaît alors un essor rapide et durable, conduisant la communauté scientifique à délaisser quelque peu les matrices fluorées, dont le dopage* au néodyme donne de piètres résultats. En effet, à l’époque, le choix de l’élément dopant était primordial car les seuls systèmes de pompe* disponibles étaient les lampes flash, dont l’émission maximale se situait autour de 800 nm, nécessitant des ions absorbant dans cette gamme de longueur d’onde.

Il faut attendre les années 1990 pour voir les matrices fluorées susciter un regain d’intérêt grâce au développement de la technologie permettant désormais un pompage optique autour de 980 nm, débloquant l’usage des ions terres rares comme l’erbium ou l’ytterbium. Parallèlement, en 1995, les premières céramiques transparentes de Nd3+:YAG sont élaborées par A. Ikesue [13, 14], présentant des performances laser proches des monocristaux alliées à des propriétés thermo mécaniques largement améliorées. L’élaboration de matériaux laser à matrice fluorée sous la forme de céramiques transparentes semble donc être la suite logique à la succession des étapes menant à des lasers de plus en plus performants et polyvalents.

Principe
Le principe du laser repose sur le phénomène d’émission stimulée, l’un des trois grands processus d’interaction lumière-matière théorisés par Einstein en 1917. En effet, la matière peut interagir avec un rayonnement électromagnétique de trois façons différentes. Considérons un système de N atomes à deux niveaux d’énergie E1 l’état fondamental et E2 l’état excité, où N1 atomes sont au niveau fondamental et N2 atomes sont au niveau excité.
– Un photon incident d’énergie hν = ∆E = E2−E1 peut être absorbé par le système, induisant la transition d’un atome de l’état fondamental à l’état excité. C’est l’absorption  .
– À l’inverse, un atome dans l’état excité peut se désexciter spontanément et effectuer une transition vers le niveau fondamental en émettant un photon d’énergie hν = ∆E. C’est l’émission spontanée .
– Enfin, un photon d’énergie hν = ∆E peut également induire la désexcitation d’un atome du niveau E2 vers le niveau E1. Un photon de même énergie hν, cohérent spatialement et temporellement avec le photon incident, est alors émis. C’est l’émission stimulée  .

L’effet laser reposant uniquement sur le phénomène d’émission stimulée, il est donc primordial que ce dernier devienne prépondérant sur les deux autres. Pour que l’émission stimulée l’emporte sur l’absorption face au rayonnement incident, il faut donc que le nombre d’atomes dans l’état excité E2 soit majoritaire dans le système, ce qui est contraire à l’état d’équilibre. C’est ce qu’on appelle l’inversion de population. Ce dépeuplement du niveau fondamental peut-être obtenu grâce à un système dit de pompage qui permet d’amener les ions luminescents de l’état fondamental vers l’état excité. Pour que l’émission stimulée soit également majoritaire devant l’émission spontanée, il faut soumettre le système à une densité de rayonnement g(ν) élevée car le phénomène d’émission spontanée est indépendant du flux de photons incidents. Afin d’atteindre des densités de rayonnement suffisantes, on utilise des cavités résonnantes de type Fabry-Pérot, constituées d’un miroir réfléchissant à 100 % à la longueur d’onde du laser et d’un miroir partiellement réfléchissant, ne laissant sortir qu’une partie du rayonnement . Une cavité laser comporte donc trois parties :
– un dispositif de pompage permettant de réaliser l’inversion de population ;
– un milieu dit amplificateur, contenant les ions luminescents ;
– une cavité résonnante, constituée d’un miroir et d’un coupleur optique.

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Table des matières

Introduction générale
1 État de l’art et généralités sur les milieux amplificateurs des lasers de puissance
1.1 Les lasers de puissance
1.1.1 Le principe du rayonnement laser
1.1.2 Problématiques spécifiques aux lasers de haute puissance
1.1.3 Les différents types de lasers
1.2 Matériaux amplificateurs et intérêt des céramiques laser
1.2.1 Présentation et comparaison des différents types de matériaux servant de
milieu amplificateur pour les lasers solides
1.2.2 Les céramiques laser
1.3 Céramiques transparentes Yb:CaF2
1.3.1 Intérêt de la matrice CaF2
1.3.2 Intérêt de l’ion dopant Yb3+
1.3.3 Intérêt du composé Yb:CaF2
1.3.4 État de l’art des céramiques transparentes CaF2 dopées Ytterbium
1.3.5 Résumé des épisodes précédents
Conclusion du chapitre 1
Références du chapitre 1
2 Procédé de fabrication et caractérisation de céramiques transparentes Yb:CaF2
2.1 Procédé
2.1.1 Méthodes d’élaboration traditionnelles des céramiques laser fluorées
2.1.2 Élaboration des poudres
2.1.3 Mise en forme
2.1.4 Séchage
2.1.5 Densification et frittage
2.2 Caractérisations
2.2.1 Morphologie des poudres
2.2.2 Caractérisation du corps à cru
2.2.3 Conclusion intermédiaire
2.2.4 Caractérisation des céramiques frittées
Conclusion du chapitre 2
Références du chapitre 2
3 Étude expérimentale des propriétés thermiques de céramiques laser Yb:CaF2
3.1 État de l’art des propriétés thermiques des céramiques et monocristaux laser
3.1.1 Matériaux oxydes (YAG)
3.1.2 Matériaux fluorés
3.2 Étude de la conductivité thermique de céramiques transparentes Yb:CaF2
3.2.1 Présentation de la méthode 3ω
3.2.2 Conditions expérimentales
3.2.3 Résultats expérimentaux obtenus et comparaison avec les monocristaux
3.2.4 Conclusions intermédiaires
3.3 Étude de la diffusivité thermique
3.3.1 Présentation de l’expérience
3.3.2 Résultats
3.4 Mesure de densité d’états des phonons par diffusion des neutrons
3.4.1 Principe
3.4.2 La mesure en temps de vol
3.4.3 Résultats et simulations
Conclusion du chapitre 3
Références du chapitre 3
4 Modélisation de la conductivité thermique par la théorie de la diffusion des phonons
4.1 Théorie du transport thermique et définition de la conductivité thermique
4.1.1 L’équation de Boltzmann
4.1.2 L’approximation de Debye
4.2 Le modèle de Klemens-Callaway
4.2.1 Théorie
4.2.2 Application au CaF2 dopé ytterbium
4.2.3 Résultats
4.3 Le modèle de Holland
4.3.1 Théorie
4.3.2 Application au CaF2 dopé ytterbium
4.3.3 Résultats
4.3.4 Bilan, comparatif et conclusions
Conclusion du chapitre 4
Références du chapitre 4
Conclusion générale

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