Etat de l’art et améliorations futures de la résolution en énergie
Les détecteurs cryogéniques représentent un élément très important dans la détection et la spectroscopie du rayonnement X, ces détecteurs sont refroidis afin d’augmenter leur sensibilité [Ens08].
Pour le rayonnement X, cette augmentation de sensibilité se traduit par un seuil en énergie plus bas et surtout, une meilleure résolution spectrale . Les courbes décroissantes RGS (Reflexion Grating Spectrometer), LETGS (Low Energy Transmission Grating Spectrometer), MEG (Medium Energy Grating), HETGS (High Energy Transmission Grating Spectrometer), HEG (High Energy Grating), représentent la résolution des réseaux (grating en anglais). Ces instruments ont une excellente résolution en énergie mais à basse énergie, sur une toute petite bande d’énergie et gaspillent les photons (ils ont une efficacité de 15-20 % au maximum). Les trois courbes en couleur, représentent des instruments cryogéniques. XRS est l’instrument installé sur la mission Japonaise, AstroE 2/Suzaku. Les 2 eV de la courbe LTD représentent notre but ultime.
Ce résumé de l’état de l’art des différents types de détecteurs utilisés et en cours de développement pour équiper les futurs satellites d’observation, permet de nous positionner par rapport aux autres laboratoires en matière de développement, sachant que le but ultime et la finalité de ces développements est la fabrication d’une large matrice 32 x 32 pixels aboutable de deux cotés atteignant une résolution en énergie de 2 eV@6 keV.
N.B : la signification des acronymes des principaux types de détecteurs est la suivante (STJ : Superconducting Tunnelling Junction, LTD : Low Temperature Detector, XRS : X Ray Spectrometer).
Rayonnement X
Le rayonnement X, qui va être étudié par les futures missions, est engendré dans l’univers par des sources qui présentent une concentration de masse et d’énergie extrême, comme par exemple les trous noirs, les étoiles à neutrons et les amas de galaxies. Le rayonnement X est capable de percer la matière dense et le gaz et nous permet de dévoiler et d’étudier le secret des phénomènes enfouis et à haute énergie. Les observations des futurs télescopes X permettront de valider la loi de la relativité générale d’Einstein dans le cas de fort champ. L’émission des rayonnements X des galaxies lointaines peut révéler leurs origines et les mécanismes de leurs formations.
Les détecteurs X de la prochaine génération de missions spatiales comme XEUS pour l’ESA et Constellation X pour la NASA (maintenant fondues dans la mission IXO) nécessitent une résolution en énergie (FWHM : largeur totale à mi hauteur) de quelques eV à 6 keV avec une matrice de pixels de grand format (autour de 1000 pixels). Le GSFC (Goddard Space Flight Center)/NASA a commencé depuis la fin des années 80 à développer des microcalorimètres avec des thermomètres en silicium implanté. Il explore et a entrepris un développement sur un autre type de thermomètre TES (Transition Edge Sensor) à transition supraconductrice dans l’espoir d’atteindre de meilleures résolutions en énergie. Notons que les TES sont aussi utilisés pour la détection submillimétrique et infrarouge [Maz04].
Concept de la mission XEUS
Cette mission spatiale qui prendra la relève des satellites actuellement en cours d’exploitation, comme XMM/Newton de l’ESA ou CHANDRA de la NASA, utilisera un miroir X à grande surface effective et distance focale et haute résolution angulaire et met l’accent sur la haute résolution spectrale en énergie. Il s’agit d’un ensemble de deux satellites , l’un portant le miroir et l’autre le plan détecteur, satellisé au point de Lagrange L2 du système Soleil-Terre. Cette mission qui sera un observatoire international doit être à la fois versatile et apporter un gain en sensibilité d’environ deux ordres de grandeurs relativement aux expériences exploitées actuellement. Pour ce faire un projet de miroirs à base de sandwich de wafer de silicium rainuré devrait permettre d’obtenir une surface efficace dix fois supérieure aux miroirs du satellite XMM-Newton. Ceci implique l’utilisation dans la caméra en rayons X embarquée, de détecteurs spectro-imageurs de performances nettement améliorées en terme de taux de comptage, de bande passante en énergie et de résolution spectrale (il s’agit ici de gagner un facteur 50) par rapport aux CCDs utilisées sur les missions Newton ou Chandra. Pour ce faire on ne peut plus envisager d’utiliser les CCDs jusqu’ici employés. En effet, ceux-ci ont atteint, avec 120 eV à 6 keV, leur limite de résolution spectrale théorique.
Il s’agit de la mise au point d’un détecteur matriciel (32 x 32 pixels) de spectro-imagerie dans le domaine des rayons X (0,1 – 20 keV) basé sur l’utilisation de microcalorimètres à thermomètres en silicium implanté et diffusé à haute température. Ce type de détecteurs représente la nouvelle génération nécessaire aux ambitieux projets scientifiques prévus pour les prochains satellites d’astronomie en rayons X.
Contexte de la R&D instrumentale pour la mission XEUS
D’autres programmes de développement de matrices de grande dimension (1024 pixels) pour l’astronomie X à haute résolution spectrale sont, bien sûr, en cours, aussi bien en Europe (SRON aux Pays Bas) qu’aux Etats Unis. Ces deux principales équipes ont choisi des détecteurs basés sur des TES. Le principe est de maintenir le senseur, préparé à cet effet, au milieu de sa température de transition supraconductrice. Ainsi, l’absorption des photons X engendre une grande variation relative de la résistance du senseur du pixel touché. L’avantage apparent de ce choix technologique réside dans la très grande sensibilité par principe du senseur. Le « prix à payer » tient à la complexité de la lecture de ce type de senseurs d’impédance de l’ordre du milli-ohm, qu’il faudra ensuite savoir multiplexer pour obtenir une matrice de grand format. En nous référant aux principaux choix techniques de la réalisation d’une matrice de microcalorimètres en silicium implanté développée pour l’expérience XRS2 du satellite japonais ASTRO-E2 d’une part, et en capitalisant sur l’acquis du LETI/LIR dans la réalisation des matrices de bolomètres IR de l’expérience PACS d’Herschel d’autre part, nous avons choisi de partir sur une phase de R&D basée sur des senseurs MIS (Metal-Insulator Sensor) avec les technologies de microélectronique sur silicium. Les différents verrous technologiques concernent :
-La mise en oeuvre du tantale (Ta) afin de constituer une matrice d’absorbeurs automatiquement hybridable sur la matrice de senseurs.
-L’obtention de senseurs à faible bruit en 1/f, et dans la bonne gamme d’impédance, homogène dans toute l’étendue de la matrice (ce point est particulièrement important pour l’homogénéité finale de la matrice).
-Parallèlement à ces développements, la sortie du signal, l’adaptation en impédance, l’amplification et le multiplexage sont autant de difficultés sérieuses à surmonter.
Tout ceci sans aborder les délicats problèmes de l’isolement thermique de la matrice avec son électronique proche afin de ne pas « polluer » le détecteur avec l’émission IR environnante. Au vu des différents calendriers de « Cosmic Vision », il semble extrêmement souhaitable d’obtenir une matrice de démonstration de 16 x 16 pixels multiplexés avant les années 2010. Notre développement s’appuie principalement sur 4 arguments pour espérer emporter la sélection internationale. En premier lieu, le succès en vol de la matrice XRS2, de petite dimension (36 pixels) réalisée par assemblage individuel des pixels absorbeurs en HgTe (tellurure de mercure) [Kel07]. Cette matrice, XRS2, a pu être calibrée en vol avec des résultats remarquables. Malheureusement, la perte prématurée de l’hélium n’a pas permis de poursuivre avec des observations astrophysiques. Cependant XRS2 a validé les choix que nous avons effectues pour notre développement, qui sont similaires, mais permettront la réalisation de matrices de grande taille, et amélioreront la résolution spectrale. L’avantage des senseurs MIS par rapport aux senseurs TES vient de ce qu’ils ne sont pas « éblouis » par l’arrivée d’un dépôt d’énergie important. En effet dans cette situation, la sensibilité du senseur MIS baisse peu à peu, mais le pixel a toujours une réponse spectrale (ce qui n’est pas le cas une fois que le senseur TES a totalement transité, il est alors résistif, et une variation de sa température n’entraîne plus de variation de sa résistance. Il perd donc toute capacité de résolution spectrale).
De plus, il faut polariser le senseur de manière à l’échauffer jusqu’à sa température de fonctionnement et la maintenir. La puissance consommée est supérieure à celle qui est requise pour les MIS. Au bilan, le nombre de pixels envisageable en technologie TES est très inférieur à ce qu’on peut espérer en technologie MIS. En effet la puissance frigorifique à 50 – 100 mK sera très limitée. D’autre part, le volume de l’électronique froide autour des TES (principalement dû aux filtres nécessaires au multiplexage fréquentiel) rend difficile d’envisager une matrice aboutable par deux cotés, ce qui sera possible avec des MIS. Notre programme prévoit dès à présent des études sur cette aboutabilité. D’autre part, la mise au point des TES et leur gamme de fonctionnement limitée (dû à l’éblouissement) impose dès la conception de connaître l’ensemble des paramètres de la caméra. La versatilité des MIS, une fois connue la gamme d’énergie et la taille du pixel souhaitées (ou une combinaison à l’intérieur d’une mosaïque), permettra d’adapter assez facilement la géométrie des détecteurs MIS.
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Table des matières
Introduction générale
CHAPITRE 1 : Présentation du contexte général et conception du microcalorimètre
I. Introduction
II. Présentation des objectifs scientifiques et théorie du microcalorimètre
II.1. Etat de l’art et améliorations futures de la résolution en énergie
II.2. Rayonnement X
II.3. Concept de la mission XEUS
II.4. Contexte de la R&D instrumentale pour la mission XEUS
II.5. Bolomètres/microcalorimètres : Histoire et récentes technologies
II.6. L’instrument Astro-E2/XRS2
II.7. Présentation de la structure du microcalorimètre objet de la présente étude
II.8. Equation du bolomètre/microcalorimètre
II.9. Thermométrie à basse température
II.10. Autres types de thermomètres
II.11. Sensibilité des thermomètres à base de semi-conducteurs
II.12. Les principaux bruits dans les microcalorimètres
II.12.1. Bruit Johnson
II.12.2. Le bruit en 1/f
III. Conduction à basse température dans le silicium
III.1. Conduction des électrons par effet tunnel
III.2. Conduction par saut à portée variable (Variable Range Hopping)
III.2.1. Le pseudogap de Coulomb
III.2.2. Application de la théorie de la conduction par saut au silicium dopé
III.3.Effets non ohmique dans la conduction par saut dans le Si dopé entre 0,05 K et 1 K
III.3.1. Modèles avec l’effet de champ
III.3.2. Modèle de l’électron chaud (Hot Electron Model)
IV. Simulation numérique de la conduction
V. Technologie et choix de l’absorbeur
V.1. Choix de l’absorbeur
V.2. Traitement du tantale
V.3. Application du traitement sur nos échantillons en tantale
V.3.1. Passivation du tantale
V.3.2. Mesures des paramètres du tantale
V.4. Simulation de l’absorption de rayons X par le tantale
V.4.1. La thermalisation de l’énergie dans le tantale
V.4.2. Amélioration possible de la thermalisation dans le tantale
VI. Présentation de la structure à réaliser
VII. Conclusion du chapitre 1
Références du chapitre 1
CHAPITRE 2 : Réalisation technologique du microcalorimètre
I. Introduction et description des aspects microtechnologie
I.1. Le dépôt en microélectronique
I.2. La photolithographie en microélectronique
I.3. Les procédés de gravure
I.3.1. Procédé de gravure par plasma
I.3.2. La gravure humide
I.3.3. La gravure par faisceau d’ions
I.3.4. Paramètres de la gravure
II. Etapes technologiques au bâtiment 41
II.1. Réalisation technologique
II.2. Etape 1 : Identification des plaquettes
II.3. Etape 2 : Marquage des plaques
II.4. Etape 3: Nettoyage RCA
II.5. Etape 4: Gravure des marques d’alignements pour les steppers ASM100 et TITAN
II.6. Etape 5: Oxydation thermique de pré implantation
II.7. Etape 6 : Photolithographie des zones thermométriques (Masque THERMO)
II.8. Etape 7 : Départ de l’implantation du phosphore et du bore
II.9. Etape 8 : Retrait résine et désoxydation de la face avant du SOI
II.10. Etape 9 : Dépôt de l’oxyde HTO par LPCVD
II.11. Etape 10 : Photolithographie et implantation ionique en P des contacts N+
II.12. Etape 11 : Retrait résine et désoxydation
II.13. Etape 12 : Dépôt du HTO
II.14. Etape 13 : Diffusion de l’ensemble des dopants
II.15. Etape 14: Photolithographie et implantation 2 des contacts N+
II.16. Etape 15 : Retrait de la résine et activation des contacts N+
II.17. Etape 16 : La désoxydation et le nettoyage de la face avant
II.18. Etape 17: Dépôt du TEOS
II.19. Etape 18: Photolithographie des vias
II.20. Etape 19 : Gravure des vias (tolérance alignement < 1 µm)
II.21. Etape 20 : Dépôt du métal (Ti/TiN/AlCu) (40/60/650 nm)
II.22. Etape 21 : Photolithographie des pistes électriques (Masque PISTEL)
II.22.1. Quelques images de la photolithographie des pistes électriques
II.23. Etape 22 : Gravure du métal et le retrait de la résine en face avant
II.23.1. Résultat de la gravure du métal AlCu/TiN/Ti
II.23.2. Avant l’optimisation du procédé utilisé
II.23.3. Après l’optimisation du procédé
II.24. Etude des défaillances sur nos thermomètres en silicium implanté
II.24.1. Présentation de l’empilement technologique
II.24.2. Observation au MEB de l’empilement technologique
II.24.3. Remarque
II.24.4. Conclusion
II.24.5. Bilan sur les lots M434P (12 plaques) et M720P (10 plaques)
II.24.6. Différentes solutions envisagées
II.24.7. Gravure humide du TEOS
II.24.8. Gravure sèche des vias
II.24.9. Conclusion de la partie étude des défaillances et recyclage des lots
II.24.10. Quelques images MEB après le recyclage des plaques et réalisation des niveaux vias
II.25. Etape 23: Photolithographie et gravure des motifs thermométriques
II.26. Etape 24 : Retrait de la résine et dépôt du TEOS en face avant
III. Etapes technologiques au BHT (Bâtiment des Hautes Technologies)
III.27. Etape 25: Dépôt du TEOS de protection en face arrière
III.28. Etape 26 : Dépôt de l’UBM tricouche (Ti/WN/Au)
III.28.1. Le dépôt du WN
III.29. Etape 27: Photolithographie et gravure en humide du tricouche
III.29.1. La gravure de l’or (Au)
III.29.2. Gravure de la couche d’accroche en titane (Ti)
III.29.3. Gravure du tungstène W
III.29.4. Images au microscope optique après la gravure de l’empilement Ti/WN/Au
III.30. Etape 28 : Ouverture des contacts (PADS) (Masque PAD)
III.31. Etape 29: Retrait résine de la face avant
III.32. Etape 30 : Ouverture du masque dur oxyde en face arrière
III.32.1. Quelques images au MEB de la gravure en face arrière du masque dur SiO2
III.33. Etape 31 : Gravure profonde du Si en face arrière
III.33.1. Les défauts de la gravure du silicium par le procédé Bosch
III.33.2. Résultats de la gravure profonde du silicium en face arrière
III.33.3. Gravure des cavités Si en face arrière du lot µS0593P
III.34. Etape 32 : La gravure du SiO2 enterré (BOX) du SOI par la face arrière
IV. Premiers prototypes électriques
IV.1. Problématique de la découpe des plaques en 200 mm
IV.2. Mesure de la flèche d’un champ
IV.3. Etude au profilomètre des caractéristiques des thermomètres suspendus
IV.4. Assemblage de la première matrice électrique de détection X
V. Conclusion du chapitre 2
Références du chapitre 2
CHAPITRE 3 : Technologies de packaging du microcalorimètre X
I. Introduction
II. La technologie de Packaging des circuits microélectroniques
II.1. Le packaging en Microélectronique
II.2. L’assemblage des détecteurs matriciels par hybridation
II.2.1. Le collage
II.2.2. Le brasage
II.3. Le choix du matériau de brasure
II.4. Influence de l’oxyde d’indium sur la brasure
II.5. L’assemblage Flip Chip
II.5.1. Technologie UBM du LETI
II.5.2. Rôle de la barrière de diffusion dans un UBM
II.5.3. Le système Au-In
II.5.4. Le rôle de l’UBM dans le système Au-In
II.5.5. Formation de l’intermétallique AuIn2
III. Etat de l’art de l’hybridation collective
III.1. Présentation du système à réaliser
III.2. Etat de l’art du report de l’absorbeur sur le senseur
III.3. Report collectif des pixels en tantale sur structures non libérées
III.3.1. Découpe du tantale
III.3.2. Hybridation collective sur une maquette mécanique 8 x 8 pixels
IV. Etude d’un nouvel UBM pour la technologie microcalorimètre X
IV.1. Pourquoi un UBM supraconducteur
IV.2. Adaptation des dimensions de la bille d’indium
IV.3. Contribution en capacité calorifique des différents matériaux
IV.4. Partie expérimentale
IV.4.1.Tests de retrait du Nickel (Ni) coté tantale
IV.4.2.Modification des épaisseurs du bicouche Ti/Au
IV.4.3.1. Evaluation du bicouche Ti/Au à l’arrachement
IV.4.3.2. Caractérisation par microscopie à force atomique
IV.4.4. Etude d’un dépôt Ti/WN/Au pour un nouvel UBM coté senseur Si
IV.5. La réalisation du nouvel UBM (Ti/WN/Au) sur structures libérées
IV.6. La fiabilisation du processus d’hybridation
IV.7. Mesure de la supraconductivité du nouvel UBM
IV.8. Conclusion
V. Hybridation collective sur matrices libérées et simulation
V.1. Test de refonte de l’indium et mise en évidence de la formation d’intermétallique
V.2. Report collectif de billes d’indium sur tantale
V.3. Flow chart de l’hybridation collective
V.4. Mesures au profilomètre de l’uniformité de l’hybridation
V.5. L’hybridation collective sur des thermomètres suspendus
V.6. Simulation thermomécanique des structures
VI. Conclusion du chapitre 3
Références du chapitre 3
CHAPITRE 4 : La thermométrie par le silicium implanté et diffusé
Conclusion générale