Etat de l’art des techniques « non conventionnelles » d’assemblage de solutions colloïdales
Auto-assemblage
L’auto-assemblage est le prototype des méthodes bottom-up [50-58]. Cette technique utilise les forces (Van der Waals, hydrophobe, ionique, etc) pour diriger l’organisation autonome des objets selon des motifs ou structures [59]. L’auto assemblage est un outil important pour générer des dispositifs intégrés. Il s’agit d’une technique utilisée d’ailleurs de manière courante par la nature pour la création de structures biologiques complexes et multidimensions telles que les cellules. Lorsque les objets sont en suspension, leur comportement est gouverné par plusieurs forces notamment les forces de Van der Waals, les forces électrostatiques, les forces capillaires et les forces hydrodynamiques. De nombreux travaux de recherche ont cherché à contrôler une ou plusieurs de ces forces et à les compenser de façon à pouvoir diriger cet assemblage et parvenir à positionner les objets colloïdaux sur de larges étendues. Dans ce contexte, de nombreuses méthodes d’assemblage non conventionnelles ont été conduites pour réaliser un agencement à l’échelle nanométrique, telles que les techniques de Langmuir-Blodgett, l’assemblage par séchage, l’assemblage chimiquement assisté, l’assemblage électrostatique ou encore par forces capillaires [30].
Assemblage par évaporation
L’assemblage par évaporation est la méthode la plus simple pour assembler des objets colloïdaux sur des surfaces. En effet, des objets soumis à une évaporation lente et irréversible forment des motifs d’objets auto-assemblés hautement organisés sur les surfaces . Les forces d’attraction relativement faibles entre les objets en solution prennent de l’importance lorsque le solvant est évaporé lentement, forçant les objets à s’organiser. Ce phénomène fut observé pour la première fois par Denkov et al. [61]. Cette étude a montré dans quelle mesure le choix du solvant, la taille des objets et l’état thermodynamique peut produire différentes morphologies des structures finales. Pilani et al. ont décrit ce processus de formation en réseaux en utilisant des nanoparticules d’Ag2S [62]. Si la vitesse de diffusion des nanoparticules dans le liquide est plus lente que la vitesse d’évaporation du liquide en surface, on s’attend à ce que la concentration des nanoparticules augmente localement juste en dessous du liquide, conduisant à la formation d’une couche à deux dimensions auto-assemblée sur la surface. Au fur et à mesure que l’évaporation se poursuit, une deuxième couche peut se former à la surface de la première. Lorsque le front d’évaporation passe sur une surface hydrophile à un taux contrôlé, les particules dispersées en solution sont dirigées vers la ligne triple par convection et sont ensuite déposées lorsque le front d’évaporation devient très fin. De plus, le séchage de solutions colloïdales sur des surfaces conduit également à la formation d’anneaux concentriques avec une très bonne organisation. Ceci a été expliqué en se basant sur le « coffee stain effect ». Cette technique constitue une stratégie puissante pour créer des matériaux et dispositifs multi-fonctionnels hautement structurés. En somme, il a été démontré que l’évaporation confinée et contrôlée ainsi que le flux capillaire associé, peuvent être utilisés comme une stratégie simple, bon marché et robuste pour l’auto-assemblage d’objets. Ce processus repose sur les forces électrostatiques, les forces capillaires, la morphologie du substrat, et la taille et géométrie des objets, qui doivent présenter une très faible dispersion en taille.
Cette technique est intéressante car elle requiert des faibles quantités de suspension colloïdale (de l’ordre du µL). Cependant, la vitesse et la direction de retrait de la ligne de contact sont difficiles à contrôler avec cette méthode, et l’organisation finale peut être constituée de couches compactes d’objets à 2D ou 3D.
Assemblage par voie chimique
L’assemblage par voie chimique est une approche d’auto-assemblage puissante pour créer des motifs ou assemblages d’objets spécifiques hautement organisés [63]. Dans cette technique, les interactions covalentes et non covalentes des ligands recouvrant les objets sont exploitées. Cette approche est une approche de premier choix aussi bien en solution que sur des surfaces. Différentes techniques telles que l’assemblage électrostatique couche par couche, la structuration chimique, et les couches moléculaires auto-assemblées (SAMs), qui seront explicitées plus loin, sont les modes les plus utilisés. Typiquement, une fonctionnalisation appropriée des objets et des surfaces est réalisée. Ces fonctionnalités chimiques de surface interagissent par la suite, conduisant à l’assemblage et à l’organisation des objets. Par exemple, des nanoparticules d’Au peuvent être piégées ou greffées à des endroits spécifiques, en bénéficiant de l’affinité chimique existant entre la surface des objets et les fonctionnalités chimiques thiols ou amine des substrats [64]. Les groupes alcool, thiol, acide, amine, et azide sont généralement utilisés pour la fonctionnalisation des objets [65]. Des fonctionnalités uniques ou multiples des objets peuvent être exploitées pour créer des structures assemblées par conjugaison chimique. Des techniques plus avancées telles que la nanolithographie par Dip-pen (DPN) et le microcontact printing, que nous présenterons plus loin, utilisent les forces de conjugaison chimique indirectement pour attacher les objets sur des substrats appropriés tels que l’Au ou le SiO2 [64, 66]. De plus, ces substrats chimiquement fonctionnalisés offrent également un fort potentiel pour créer des assemblages d’objets versatiles car une large variété de méthodes pour la modulation chimique des substrats est disponible. Cependant, un inconvénient majeur est la formation de structures irrégulières étant donné que les accroches sont généralement robustes, ce qui interdit toute correction ultérieure d’erreurs ou incompatibilités [67]. Autrement dit, bien souvent, la localisation des objets par affinité chimique entre en conflit avec leur assemblage lequel requiert une réversibilité des interactions.
Assemblage électrostatique
En dehors des forces de Van der Waals, les interactions électrostatiques offrent des voies simples et flexibles pour la création d’assemblages organisés de nanostructures de type couche-par-couche. En utilisant une approche de type couche-par-couche, un grand nombre de matériaux avec des propriétés optiques et électroniques uniques ont pu être créés tels que les diodes électroluminescentes (LEDs), les capteurs de dopamine, et les dispositifs à un électron [68]. Decher a été le premier à introduire l’approche couche-par-couche pour l’assemblage de polyélectrolytes [69]. Iler quant à lui [70] l’a décrite pour incorporer des colloïdes à l’échelle macrométrique. Par la suite, Kotov et al. ont adopté cette technique pour l’assemblage de nanoparticules [71]. Cette technique offre un potentiel immense pour organiser des matériaux de charges opposées sur des substrats plans [72-74]. Elle est également connue sous le nom d’« épitaxie moléculaire » et est caractérisée par son bas coût, son universalité, et sa facilité de fabrication [75]. Les objets peuvent être assemblés sur des surfaces courbes par exemple, tout en modulant l’épaisseur des couches. En utilisant des polyélectrolytes, des distances bien définies entre les couches peuvent être obtenues. En contrôlant les interactions entre les ligands et les objets, la distance entre objets est contrôlable. Les forces entropiques, de Van der Waals, stériques, et dipolaires ainsi que les charges électriques mises en jeu, déterminent la stoichiométrie des structures.
Assemblage par guidage magnétique ou électrique
L’alignement d’objets en utilisant des champs magnétiques ou électriques a également été exploré. En appliquant des forces par champ électrique ou magnétique, il est possible, par exemple, de générer des monocouches de nanoparticules à forte symétrie [76]. Les nanoparticules magnétiques peuvent être arrangées selon des structures à 1D, 2D, ou 3D en utilisant un champ magnétique fort qui induit de fortes interactions inter-particule. En général, l’application d’un champ magnétique extérieur influence le processus d’organisation ou d’arrangement des objets [77]. En changeant la direction du champ magnétique appliqué, parallèlement ou perpendiculairement au substrat, les nanostructures peuvent croître de manière directionnelle [78]. Récemment, l’assemblage de nanoparticules assisté par champ électrique a été exploré. Hermanson et al. ont introduit une nouvelle voie pour créer des fils de longueur micrométrique à partir de l’assemblage de nanoparticules métalliques en suspension dans de l’eau et soumises à un champ électrique [79]. L’assemblage est basé sur la mobilité et les interactions de particules provoquées par des champs électriques alternatifs (diélectrophorèse). En effet, l’application d’un champ électrique alternatif permet la manipulation et l’assemblage des particules en s’affranchissant des effets électro osmotiques ou électro-chimiques que l’on trouve dans les systèmes sous champ continu. L’inconvénient de cette gamme de techniques est qu’elles sont limitées car elles ne s’appliquent qu’aux objets chargés ou magnétiques selon le cas.
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Table des matières
INTRODUCTION
Chapitre 1 Introductif
I. Etat de l’art des techniques « non conventionnelles » d’assemblage de solutions colloïdales
I. A. Auto-assemblage
I. A. 1. Assemblage par évaporation
I. A. 2. Assemblage par voie chimique
I. A. 3. Assemblage électrostatique
I. A. 4. Assemblage par guidage magnétique ou électrique
I. A. 5. Assemblage par forces capillaires
I. B. Assemblage assisté par un support
I. B. 1. Supports organiques/inorganiques
I. B. 2. Assemblage capillaire dirigé par motifs chimiques
I. B. 3. Assemblage dirigé par contraste de charge
I. B. 4. Assemblage capillaire dirigé par motifs topographiques
I. C. La lithographie par champ proche
I. D. Bilan
II. Positionnement des travaux
III. Références
Chapitre 2: Aspects technologiques de l’intégration de nano-objets sur une surface structurée
I. Première méthodologie : le contraste chimique
I. A. La fonctionnalisation chimique de surface
I. B. Une technique de lithographie douce : le microcontact printing
I. B. 1. Le moule
I. B. 2. Le timbre
I. B. 3. L’encre
I. C. Protocoles expérimentaux de fonctionnalisation de surface utilisés
I. D. Double fonctionnalisation du substrat
II. Deuxième méthodologie : l’assemblage capillaire dirigé par structuration topographique de surface
II. A. Notions sur l’assemblage capillaire dirigé
II. A. 1. Introduction sur la capillarité : la tension superficielle et la force capillaire
II. A. 2. Mouillage total et partiel
II. A. 3. Effet de la température
II. A. 4. Effet de la concentration des solutés
II. A. 5 Les flux dans les systèmes colloïdaux
II. B. Présentation de la plateforme expérimentale
II. C. La structuration topographique de surface
II. D. Mise en place de l’expérience
II. E. Transfert
II. F. Extensions : vers le multiplexage
III. Techniques de caractérisation utilisées
III. A. Les microscopies « conventionnelles »
III. A. 1. La Microscopie Optique : mode en champ sombre
III. A. 2. La Microscopie Optique en fluorescence
III. B. La Microscopie Electronique à Balayage (MEB)
III. C. La Microscopie à Force Atomique (AFM)
III. C. 1. Principe de fonctionnement
III. C. 2. Les différents modes d’imagerie
III. C. 3. Mesures de force : la nanomécanique
III. D. La microbalance à quartz (QCM)
III. E. La spectroscopie Raman
IV. Conclusion
V. Références
Chapitre 3: Assemblage dirigé de cellules individuelles vivantes
I. Sujet d’étude et état de l’art
II. Stratégie mise en place
III. Biopatterning
III.A. Bactéries traitées
III.A.1. Fonctionnalisation des sites d’accroche
III.A.2. Immobilisation des bactéries traitées sur les surfaces chimiques
III.A.3. Détection de la viabilité des cellules par coloration
III. B. Bactéries non traitées
III.B.1. Fonctionnalisation des sites d’accroche
III. B. 2. Immobilisation des bactéries non traitées sur substrats chimiques
III. B. 3. Propriétés nanomécaniques de cellules mortes ou de cellules vivantes
III. B. 4. Contrôle du nombre de bactéries
III. B. 5. Y-a-t-il une adhésion orientée des bactéries ?
IV. Extensions et applications
V. Conclusion
VI. References
Chapitre 4 : Assemblage ordonné et déterministe de molécules d’ADN uniques
I. Généralités
I. A. Description « chimique » et « structurale » de l’ADN
I. B. Grandeurs biophysiques associées aux molécules d’ADN
II. Etat de l’art : méthodes d’étirement de la molécule d’ADN
III. Assemblage induit par des structures topographiques
III. A. Protocole expérimental
III. B. Résultats
III. B. 1. Influence du surfactant
III. B. 2. Influence de la température : vers un assemblage de molécules d’ADN simple brin
IV. Extensions et Applications
IV. A. Y-a-t-il une sélection par la taille des molécules ? Cas d’un mélange complexe
IV. B. Assemblage de molécules d’ADN plus courtes : les plasmides
IV. C. Assemblage d’un système plus complexe basé sur l’ADN : le système ADN-bille
IV. D. Lignes d’ADN comme réseau de diffraction
V. Conclusion
VI. Références
CONCLUSION