Au cours de ma thèse et en étroite relation avec le Centre National des Études Spatiales et l’Observatoire de Paris, le développement de sources laser pour les horloges atomiques embarquées dans le domaine du spatial a constitué la ligne conductrice de mon travail. Dans ce chapitre, je présenterai donc les besoins en sources laser pour les futures horloges atomiques embarquées compactes. Ces développements seront principalement utilisés sur des instruments tels que PHARAO au sein du projet ACES (Atomic Clock Ensemble in Space) [Cacciapuoti, 2007]. Au préalable, je décrirai donc le fonctionnement des horloges atomiques et leur raison d’être.
Les horloges atomiques sont les instruments privilégiés aujourd’hui qui donnent la référence de fréquence (ou de temps) la plus stable au monde pour l’unité du système international la plus finement mesurée : la seconde. Ce domaine de la métrologie du temps est très ancien et à mon sens passionnant, car il accompagne les progrès de la physique depuis sa création jusqu’à nos jours. Ces instruments utilisent aujourd’hui encore les dernières technologies de pointe pour sans cesse améliorer la qualité de la mesure de la seconde. Nous pouvons, de l’histoire de la mesure du temps depuis son origine, tirer quelques enseignements qui permettent de mieux appréhender les contraintes inhérentes à cette mesure. L’optique, les lasers et l’étude des propriétés des atomes, qui sont parmi les grandes révolutions de la physique du siècle dernier, contribuent naturellement aujourd’hui à l’amélioration de cette mesure. En effet, dans les horloges atomiques, les propriétés des états internes des atomes sont exploitées pour donner une référence de fréquence. En 1967, lors de la Conférence Internationale des Poids et Mesures, l’atome de Césium 133 a été choisi, en partie, pour sa simplicité d’étude en physique. La manipulation de ces atomes et la détection de leurs états internes nécessitent l’utilisation de lasers émettant à une longueur d’onde de résonance du Césium, plus particulièrement sur la raie D2 à 852 nm pour les travaux qui nous intéressent ici. De plus, la volonté actuelle de réaliser des horloges embarquées pour des projets spatiaux conduit à un besoin de compacité accrue des instruments de mesure et notamment des lasers. C’est pourquoi, après avoir exprimé dans une première partie les besoins spécifiques à cette étude sur les sources lasers, nous ferons une revue des différentes solutions laser existantes démontrant à ce jour un potentiel à la longueur d’onde d’intérêt : 852 nm. Parmi ces sources laser potentielles, nous verrons que certaines présentent des limitations physiques ou technologiques. Cela nous a conduits à proposer l’étude d’une source alternative fondée sur la technologie des lasers à semiconducteurs à émission par la surface en cavité externe pompés optiquement, ou OPS-VECSEL (acronyme anglais pour «Optically Pumped Semiconductor – Vertical External Cavity Surface Emitting Laser»). En effet, de belles performances ont déjà été obtenues à partir de ces lasers, pour des applications très variées comme la spectroscopie, la bio-instrumentation, etc… A la fin de ce chapitre, nous connaîtrons les caractéristiques et les éléments clés des OPS-VECSEL nécessaires à l’application envisagée.
La mesure du temps
Une petite histoire de la mesure du temps
La physique est associée depuis ses débuts à l’étude de la nature et des lois qui la régissent. L’observation la plus simple vient dans un premier temps des phénomènes périodiques tels que le mouvement du soleil ou de tout autre astre autour de la terre. Le mouvement apparent du soleil avec son extrême régularité a conservé pendant des millénaires un rôle fondamental dans la définition d’une échelle de temps. Ainsi, l’objet qui a constitué la visualisation de la variation du temps est un simple bâton planté à la verticale dans le sol : le gnomon. Son amélioration a donnée naissance au cadran solaire qui a servi de référence pendant encore longtemps. Ce n’est cependant qu’au XVIème siècle que l’heure a été définie comme la 24ème partie du temps séparant deux passages du soleil au zénith . Les progrès techniques n’ont cessé d’essayer d’améliorer la stabilité et l’exactitude sur la mesure du temps. Pour un usage plus commode dans la vie sociale, l’imagination humaine a exploité de nombreux procédés naturels. Les dispositifs à écoulement d’eau ou de sable semblent être les premiers instruments de mesures. La combustion d’une bougie, d’une mèche ou d’huile fut également largement utilisée. Ces techniques ne donnent qu’une précision très faible mais suffisante si la durée mesurée est courte. Les premières horloges, comme on l’entend aujourd’hui, apparaissent au Moyen Age. Elles sont composées d’un poids accroché à un axe horizontal qui entraine un mécanisme comme une roue dentée. C’est une première mesure discontinue du temps fondée sur un principe mécanique. Le problème technique qui apparaît à cette occasion est la régulation de la vitesse de rotation du mécanisme qui s’accélère à mesure que le poids chute. En 1370 apparaît la véritable horloge mécanique dont une pièce appelée foliot permet de réguler l’énergie fournie par un poids à une roue. Le mouvement est ensuite transmis à des rouages qui entraînent les aiguilles. À cette époque, la dérive peut alors atteindre plus d’une heure par jour. Une première révolution provient d’observations de Galilée sur l’isochronisme des oscillations d’un pendule mécanique : la durée d’une oscillation ne dépend que de la longueur du pendule et non de l’amplitude du mouvement. La notion de temps dans ces observations sera complétée par Newton qui introduit le temps absolu : « Le temps absolu vrai et mathématique, sans relation à rien d’extérieur, coule uniformément et s’appelle durée ». Cependant ce sera Huygens qui réalisera en 1657 la première horloge à pendule pesant, et en 1675, l’améliore grâce au ressort spiral pour donner la première montre à résonateur balancier-spirale.
Dès le XVIIème siècle, les applications des horloges à la navigation et au positionnement ont été ressenties. Au cours de cette période, suite à de nombreux naufrages au sein de sa flotte, le parlement britannique lança un prix pour la réalisation d’un instrument permettant de calculer la longitude à mieux qu’un demi degré. En 1762, John Harrison le remporta grâce à sa « montre marine n°4 » dont le retard ne dépassa pas 5 secondes sur 2 mois de navigation. L’association du ressort spiral et du pendule, améliore grandement la précision des horloges si bien que chaque horloger utilise ce mécanisme. Cela conduit alors à la fabrication en grande quantité d’horloges qui atteignent des précisions remarquables et qui sont à la fois des outils technologiques et de véritables œuvres d’art. On assiste ensuite à une miniaturisation des mécanismes et à leur complexification. Au cours du XIXème siècle, les montres et horloges bénéficient des avancées sur la découverte et l’amélioration des propriétés des matériaux. Les matériaux développés sont moins sensibles aux perturbations extérieures. L’avènement de l’électricité puis de l’électronique va bouleverser les techniques de mesures du temps. Les travaux de Pierre et Jacques Curie en 1880 aboutissent à la découverte de l’effet piézo électrique dans le quartz. Dès lors, l’étude de cet effet et son utilisation dans les systèmes de mesure du temps n’ont jamais cessé. Depuis on a réalisé des résonateurs à quartz qui oscillent à quelques mégahertz. La plupart des montres actuelles fonctionnent avec un quartz.
Fonctionnement d’une horloge atomique
L’objectif de ce paragraphe est de décrire succinctement le fonctionnement d’une horloge atomique et les principaux besoins laser associés dans ces instruments. En pratique il existe plusieurs dispositifs pour réaliser une horloge atomique. Parmi celles-ci ont été développées depuis 1990 les fontaines atomiques qui donnent les meilleures performances actuelles pour la mesure de la seconde sur Terre. La manipulation et la détection des atomes dans ces horloges nécessitent des sources laser qui possèdent des qualités spectrales, spatiales et de puissance bien spécifiques. Pour des applications embarquées, les sources laser doivent se plier à des contraintes supplémentaires de compacité et de consommation électrique.
Principe général
Une horloge atomique est un dispositif qui fournit une référence de temps la plus stable et la plus exacte possible en s’appuyant sur les propriétés de résonance des transitions entre états internes de l’atome de Césium. Les premières horloges ont été mises au point dès le milieu des années 1950 à partir de jet thermique d’atomes de Césium. La Figure 4 décrit le principe de la mesure : une source fournit des atomes qui sont préparés dans un des deux sous- niveaux hyperfins (F=3 et F=4) de l’état fondamental 6² S1/2 séparés d’environ 9,2 GHz (l’annexe 1 de ce travail détaille la structure énergétique de l’atome de césium et les transitions d’intérêt pour notre travail). Les atomes sont envoyés ensuite dans une cavité résonante excitée par un oscillateur local (oscillateur à quartz) dont la fréquence ν est la plus proche possible de la fréquence d’horloge (ν0 = 9,192 631 770 GHz). On détecte en sortie la probabilité de transition des atomes, qui est maximum lorsque les deux fréquences sont égales (δν= ν-ν0 = 0).
Actuellement, l’interrogation de l’état interne des atomes est réalisée suivant une méthode interférométrique mise au point par Norman F. Ramsey en 1950 [Ramsey, 1950] pour laquelle il a reçu le prix Nobel en 1989, analogue temporel de l’expérience de fentes d’Young. Cette méthode interférométrique performante permet d’accéder à des raies de résonance très étroites, dont la largeur à mi-hauteur Δν est inversement proportionnelle au temps de parcours libre T : Δν ~ 1/2T. Avec deux cavités micro-onde espacées d’un mètre et un jet atomique de vitesse 300 m/s, le temps d’interrogation est de l’ordre de 3 ms, soit une largeur du pic de résonance d’environ 150 Hz. Les meilleures horloges à jet thermique actuellement, comme l’étalon primaire JPO du SYRTE, ont une exactitude sur la mesure de la seconde de l’ordre de 6 10⁻¹⁵, et une stabilité de l’ordre de 10⁻¹⁵, ce qui représente une erreur inférieure à 1s en 30 millions d’années [De Clercq, 2004].
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
INTRODUCTION
CONTEXTE DE L’ETUDE
PRESENTATION DU MANUSCRIT
CHAPITRE I : ETAT DE L’ART DES SOURCES LASER POUR LES HORLOGES ATOMIQUES
INTRODUCTION
1. LA MESURE DU TEMPS
1.1. Une petite histoire de la mesure du temps
1.2. Fonctionnement d’une horloge atomique
1.2.1. Principe général
1.2.2. Fontaine à atomes froids
1.2.3. Besoins lasers
2. ETAT DE L’ART DES SOURCES LASER POUR LE REFROIDISSEMENT ET LA DETECTION DES ATOMES DE CESIUM
2.1. Sources lasers à cristaux
2.2. Sources lasers à matériaux semiconducteurs
2.2.1. Avantages des matériaux semiconducteurs
2.2.2. Diodes lasers à émission par la tranche
2.2.3. Diodes à émission par la surface
3. LES LASERS A SEMICONDUCTEURS POMPES OPTIQUEMENT
3.1. Principe de fonctionnement
3.1.1. Principe général
3.1.2. Les éléments clés d’un OPS-VECSEL [Kuznetsov, 1999]
3.2. Etat de l’art des sources OPS-VECSEL
3.2.1. Premiers développements
3.2.2. Technologies pour l’augmentation de la puissance
3.2.3. Sources OPS-VECSEL monofréquences
3.2.4. Extension du domaine spectral
3.2.5. L’intégration des OPS-VECSEL
CONCLUSION
CHAPITRE II : CONCEPTION ET CARACTERISATION D’UN ½-VCSEL
INTRODUCTION
1. DEFINITION D’UNE STRUCTURE SEMICONDUCTRICE
1.1. Choix de la famille de matériaux
1.2. Conception du miroir de Bragg
1.2.1. Principe
1.2.2. Définition du miroir réalisé
1.2.3. Spectre de réflectivité expérimental
1.3. Définition et propriétés de la couche active
1.3.1. Description des puits quantiques
1.3.2. Gain matériau d’un puits quantique
1.3.3. Gain modal d’une structure à multiples puits quantiques
1.3.4. Optimisation de la couche active à multiple puits quantiques
1.4. Confinement des porteurs dans la zone active
1.5. Synthèse sur la conception de la structure
2. CROISSANCE DE LA STRUCTURE
2.1. Les différentes techniques d’épitaxie
2.2. Contraintes technologiques des structures actives en AlGaAs/GaAs
2.2.1. Oxydation des structures
2.2.2. Dépôt d’un antireflet pour les structures anti résonante
2.3. Synthèse
3. ÉTUDE EXPERIMENTALE DU GAIN MODAL
3.1. Principe
3.2. Montage expérimental
3.3. Mesure expérimentale du gain modal
3.3.1. Évolution du gain modal avec la température
3.3.1.1. Évolution du gain modal avec l’intensité de pompe
3.3.1.2. Évolution du gain modal avec la température du substrat
3.3.2. Influence du facteur de résonance Г
3.4. Optimisation du nombre de puits quantiques
3.5. Synthèse sur les mesures de gain
CONCLUSION
CHAPITRE III : REALISATION D’UN OPS-VECSEL MONOFREQUENCE STABILISE SUR LA RAIE D2 DU CESIUM
INTRODUCTION
1. CONDITIONS D’UNE EMISSION LASER MONOMODE [SVELTO]
1.1. Sélection d’un mode transverse
1.2. Sélection d’un mode longitudinal
1.2.1. Dynamique spectro-temporelle de l’émission laser
1.2.2. Largeur de raie de l’émission laser
2. CONCEPTION DU LASER
2.1. Le pompage optique
2.2. Dimensionnement et conception mécanique de la cavité laser
2.2.1. Conception d’une cavité plan concave
2.2.2. Utilisation d’un étalon dans la cavité laser
2.2.3. Conception d’un prototype compact et stable
3. PERFORMANCES LASER EN POMPAGE MONOMODE DE FAIBLE PUISSANCE
3.1. Validation expérimentale de l’émission monomode
3.1.1. Qualité transverse du faisceau
3.1.2. Émission monofréquence
3.2. Caractéristique laser : puissance et longueur d’onde d’émission
3.3. Étude de l’accordabilité spectrale
3.3.1. Accordabilité large
3.3.2. Accordabilité fine continue
4. STABILISATION DU LASER SUR UNE TRANSITION ATOMIQUE DU CESIUM
4.1. Montage d’absorption saturée
4.2. Balayage de la raie D2 du Césium
4.3. Évolution de la fréquence du laser libre
4.4. Stabilisation de la fréquence du laser
4.5. Mesure de la largeur de raie par battement
CONCLUSION
CHAPITRE IV : MONTEE EN PUISSANCE : LIMITATIONS & SOLUTIONS
INTRODUCTION
1. SIMULATION DE LA CARACTERISTIQUE LASER
1.1. Évaluation de la résistance thermique
1.1.1. Calcul de la fraction thermique
1.1.2. Résistance thermique Rth de la structure
1.2. Caractéristique laser en présence d’effets thermiques
1.2.1. Evolution des paramètres laser avec la température
1.2.2. Saturation thermique de la caractéristique laser
1.2.3. Optimisation de la puissance de sortie
1.3. Quelles voies pour réduire l’échauffement des structures ?
2. MISE EN ŒUVRE EXPERIMENTALE D’UNE SOURCE MONOMODE DE PUISSANCE
2.1. Sources de pompe de puissance émettant autour de 670 nm
2.1.1. Lasers à solides pompés par diode
2.1.2. Diodes laser
2.2. Résultats laser expérimentaux
2.2.1. Montage expérimental
2.2.2. Optimisation de la puissance laser émise
2.2.3. Évolution des performances des structures réalisées
2.3. Emission monofréquence de puissance à 852 nm
2.3.1. Puissance maximum atteinte en régime monofréquence
2.3.2. Réalisation d’un prototype pour une émission monofréquence de puissance
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
CONCLUSION GENERALE
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