État de l’art des opérateurs d’observation radar polarimétriques

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Les variables polarimétriques

La spécificité du radar polarimétrique par rapport à un radar conventionnel, est d’émettre deux ondes, l’une en polarisation horizontale, l’autre en polarisation verti-cale. Dans la plupart des réseaux de radars opérationnels, et en particulier avec celui de Météo-France, les ondes polarisées horizontalement et verticalement sont émises simultanément (fonctionnement dit STAR pour Simultaneous Transmission And Re-ception). La comparaison des signaux reçus avec les deux polarisations permet d’ob-tenir des informations sur la taille, la forme et l’orientation des cibles présentes dans le volume de résolution du radar, ce qui conduit à de nouvelles variables, dites « polarimétriques ». Les différentes variables polarimétriques, ainsi que leurs appli-cations sont décrites en détail notamment par Illingworth (2004), Kumjian (2013a,b) et Fabry (2015). Nous en donnons les caractéristiques principales ci-dessous.

La réflectivité différentielle Zdr

C’est le rapport (exprimé en logarithme) entre les réflectivités en polarisations horizontale H et verticale V. C’est une mesure du rapport d’axes moyen (pondéré par la réflectivité), des cibles présentes dans le volume de résolution. Pour des cibles sphériques, la puissance du signal rétrodiffusé est la même sur les voies horizontales et verticales, Zdr vaut alors 0 dB. Pour des cibles aplaties, Zdr est positif, et pour des cibles étirées sur la verticale, Zdr est négatif. Comme dans la pluie, les gouttes sont d’autant plus aplaties qu’elles sont grosses (Pruppacher and Beard, 1970; Brandes et al., 2002), Zdr est un indicateur, au premier ordre, de la taille moyenne des gouttes dans le volume de résolution. Comme Zdr est le rapport des puissances rétrodiffusées sur les voies H et V, elle est indépendante de la concentration des gouttes dans le volume de résolution, contrairement à la réflectivité qui augmente avec la concentration. Zdr dépend aussi de la composition physique des particules. Pour une taille et une forme données d’une particule, Zdr augmente avec la constante diélectrique. Par exemple, pour une goutte d’eau aplatie, Zdr est plus importante que pour un flocon de neige sèche, dont la constante diélectrique est bien plus faible que celle de l’eau liquide. Dans la zone de transition entre pluie et neige, parfois appelée bande brillante en raison des fortes valeurs de réflectivité qui y sont observées, liées à l’augmentation de constante diélectrique lorsque les flocons de neige fondent, les valeurs de Zdr peuvent aussi être élevées.
Zdr peut être utilisé pour des estimations quantitatives de lames d’eau (Seliga and Bringi, 1976; Illingworth and Caylor, 1989; Gorgucci et al., 1994), mais nécessite pour cela une précision d’environ 0.1 à 0.2 dB, ce qui correspond à une précision d’en-viron 25% sur le taux de précipitations (Illingworth, 2004). Les biais doivent donc être corrigés avant toute utilisation quantitative de Zdr. Des biais sur Zdr peuvent être introduits soit au niveau de l’étalonnage des composants internes au radar, soit à cause d’inhomogénéités sur le radome, mais aussi à cause d’obstacles masquant partiellement le faisceau radar (appelés masques partiels), comme par exemple un pylône électrique, qui masque plus la composante verticale que la composante hori-zontale de la réflectivité, et entraîne par conséquent un biais positif de Zdr. Zdr est par ailleurs affectée par l’atténuation du signal, qui doit être corrigée avant une uti-lisation quantitative de cette variable. Comme la correction des différentes sources d’erreur qui affectent Zdr est délicate, cette variable n’est en général pas utilisée pour des applications opérationnelles quantitatives, telle que l’estimation de l’inten-sité de précipitations. C’est le cas à Météo France, où on a fait le choix d’utiliser la variable Kdp (cf. sections suivantes).

La phase différentielle φdp

La phase différentielle φdp correspond à la différence de rotation de phase sur la totalité du trajet aller-retour, des ondes émises sur les voies horizontale et verticale. Cette grandeur est donc en réalité un déphasage différentiel mais par simplicité, elle appelée en général (et dans la suite de ce manuscrit) « phase différentielle ».
La rotation de phase de chacune des ondes est liée à la quantité de matière traversée : lorsque l’onde électromagnétique se propage à travers des précipitations, elle acquiert plus de rotation de phase que lorsqu’elle se propage dans l’air sec. Si les précipitations ne sont pas sphériques, par exemple dans le cas de grosses gouttes d’eau aplaties, le décalage de phase est plus important sur la voie horizontale que sur la voie verticale.
L’application principale de φdp est l’estimation de l’atténuation de l’onde par les précipitations, comme proposé par exemple par Bringi et al. (2001). Si les précipi-tations ne sont constituées que d’eau liquide, l’atténuation intégrée entre le radar et la cible peut être reliée à la phase différentielle. Avec un radar polarimétrique, on va donc pouvoir corriger la réflectivité de l’atténuation, ce qui permet d’amélio-rer l’estimation quantitative des précipitations à partir de la réflectivité (Figueras i Ventura and Tabary, 2013). Cette variable est particulièrement intéressante car elle est insensible à l’atténuation par les précipitations, aux masques partiels, et aux problèmes de calibration du radar.
Cependant, l’estimation de φdp peut dans certains cas être biaisée par des effets de rétrodiffusion. En réalité, lorsqu’on mesure la différence de phase entre les voies horizontale et verticale, on accède au terme Φdp : Φdp = φdp + δhv (1.6)
φdp est la phase différentielle de propagation et δhv est la phase différentielle de rétrodiffusion. δhv est souvent négligée en pratique, lorsque l’on considère que l’on est dans les conditions de Rayleigh (les cibles sont sphériques et petites devant la longueur d’onde), mais ce terme peut prendre des valeurs importantes notamment en bande C et X, en particulier dans la zone de fonte des hydrométéores glacés (bande brillante), comme l’ont montré Trömel et al. (2013); Trömel et al. (2014). La variable φdp doit donc être utilisée avec précaution, dès lors qu’on se situe dans la bande brillante.

La phase différentielle spécifique Kdp

La phase différentielle spécifique Kdp est la dérivée radiale de φdp, habituellement donnée en degrés par kilomètre. Comme pour φdp, la phase correspond ici à un déphasage (entre l’onde émise et reçue), mais par simplicité, Kdp est en général (et dans la suite de manuscrit) appelée phase différentielle spécifique. Pour l’estimer, on applique d’abord un filtrage à la phase différentielle, ce qui permet de réduire le bruit de mesure, puis on calcule sa dérivée. Différentes techniques de filtrage de φdp, plus ou moins sophistiquées existent. Elles permettent de filtrer le bruit tout en essayant d’estimer au mieux les valeurs maximales de Kdp (Wang and Chandrasekar, 2009; Otto and Russchenberg, 2011; Grazioli et al., 2014).
Comme Zhh, Kdp augmente avec l’intensité des précipitations, mais elle n’est sensible quasiment qu’aux précipitations sous forme liquide, contrairement à la ré-flectivité, qui est sensible aussi aux hydrométéores glacés. Par ailleurs, Kdp est peu sensible aux faibles précipitations, en particulier pour les radars en bande S, moins affectés par des variations de phase au travers des précipitations que les radars bande C ou X : pour une intensité de précipitations donnée, la valeur de Kdp augmente lorsque la longueur d’onde diminue (on observe des valeurs de Kdp plus fortes en bande X qu’en bande C, et en bande C qu’en bande S).
Comme φdp, Kdp présente l’avantage de ne pas être affectée par les erreurs de calibration ou les masques partiels. De nombreux algorithmes utilisant cette variable, ont été proposés pour l’estimation quantitative de la pluie (Sachidananda and Zrnic, 1987; Beard and Chuang, 1987; Testud et al., 2000; Brandes et al., 2002).
Cependant, comme pour φdp, l’estimation de Kdp peut être biaisée lorsque le terme δhv n’est pas pris en compte. Kdp peut être largement surestimée dans la bande brillante, et avoir au contraire des valeurs négatives juste au-dessus (Trömel et al., 2014). Comme pour φdp, Kdp doit être utilisée avec précaution, dès lors qu’on se situe dans la bande brillante. Par ailleurs, les valeurs de Kdp peuvent être très fortes dans les cœurs convectifs des orages en présence de très grosse grêle (Ryzhkov et al., 2013). Dans ces cas, l’estimation quantitative de l’intensité de pluie à partir de Kdp est surestimée.

Le coefficient de corrélation ρhv

Le coefficient de corrélation ρhv correspond à la corrélation entre les signaux reçus sur les voies horizontale et verticale. Il est proche de 1 si la réponse du milieu est comparable dans les deux directions de polarisation, donc si le milieu est homogène. Le coefficient de corrélation diminue lorsque différents types, différentes formes et/ou différentes orientations de particules sont présents dans le volume de résolution du radar. ρhv n’est pas affecté par la présence de différentes tailles de particules, si la forme des particules ne varie pas avec la taille.
Une première application importante du coefficient de corrélation, est de per-mettre la discrimination des échos non météorologiques, comme les oiseaux ou les insectes. En effet, comme leurs formes sont complexes, les composantes horizontales et verticales du signal radar se comportent différemment ce qui conduit à des valeurs très faibles de ρhv (<0.9).
Dans la pluie, on observe des coefficients de corrélation très proches de 1 (en général supérieurs à 0.98). Les précipitations intenses sont associées à un ρhv lé-gèrement moins élevé que les pluies faibles, parce qu’on observe une plus grande variabilité de la taille des gouttes, avec plus de grosses gouttes aplaties. La neige sèche et les cristaux de glace produisent un général des valeurs très élevées de ρhv (>0.97). C’est parce que ces hydrométéores ont une très faible densité (et donc une très faible constante diélectrique), qui compense l’irrégularité de leurs formes et de leurs orientations. La fonte des flocons de neige produit, en revanche, une diminution importante du coefficient de corrélation, qui peut atteindre des valeurs de l’ordre de 0,9 à 0,93. Ces faibles valeurs de ρhv sont liées à la grande variabilité des formes et orientations dans la zone de fonte, combinée à une forte constante diélectrique due à la présence d’eau à la surface des particules. La grêle issue d’une croissance sèche peut produire des coefficients de corrélation très élevés, similaires à ceux qu’on observe dans la pluie. À l’inverse, la grêle issue d’une croissance humide est associée
à de faibles valeurs de ρhv (<0.95), ce qui est utile pour distinguer les zones de pluie des zones avec pluie et grêle. Les particules de graupel sec produisent en général des coefficients de corrélation élevés. Mais la présence de particules de graupel humide entraîne, comme pour la grêle, des valeurs de ρhv plus faibles.
Par ailleurs, le coefficient de corrélation est un très bon indicateur de la qualité des autres variables polarimétriques. Les observations de Kdp et Zdr, peuvent être biaisées lorsque la répartition des hydrométéores n’est pas homogène au sein du faisceau radar (Non uniform Beam Filling : Ryzhkov, 2007). Or, cet effet se traduit aussi par une diminution de ρhv. L’élimination des données avec de faibles valeurs de ρhv permet de s’affranchir de ces erreurs.

Classification en types d’hydrométéores

Nous avons vu précédemment que chaque type d’hydrométéore a sa propre gamme de valeurs, pour chacune des variables polarimétriques mesurées. Les al-gorithme de classification en types d’hydrométéores s’appuient sur ce constat pour estimer, au niveau de chaque point de mesure du radar, le type d’hydrométéore dominant. Des informations provenant de sources externes telles que l’altitude de l’isotherme 0°C estimé à partir d’un modèle, sont souvent également utilisées.
Comme les propriétés de rétrodiffusion des particules varient avec la longueur d’onde du radar, les algorithmes de classification en types d’hydrométéores sont en général adaptés aux différentes longueurs d’onde. Les algorithmes de Straka (2000) et Park et al. (2009), par exemple, ont été conçus pour la bande S, tandis que les algorithmes de Marzano et al. (2006),Dolan et al. (2013) et Evaristo et al. (2010) ont été proposés pour les radars en bande C, et celui de Marzano et al. (2010) pour les radars en bande X. Al-Sakka et al. (2013) ont utilisé la même formulation pour les trois bandes de fréquence S, C et X, mais avec des paramètres adaptés pour chacune d’entre elles.
La majorité des algorithmes de classification utilise le principe de la logique floue (Zadeh, 1965, « fuzzy logic »). La « probabilité » qu’un type d’hydrométéore soit pré-sent sachant une certaine gamme de valeurs observées pour chacune des variables polarimétriques est donnée par des « fonctions d’appartenance » (membership func-tions en anglais), qui sont en général calculées à partir de simulations à l’aide de la méthode de la matrice T par exemple (Mishchenko and Travis, 1994), ou également à partir de distributions statistiques des observations radar pour un type donné (Al-Sakka et al., 2013). En combinant les fonctions d’appartenance des différentes variables polarimétriques, ainsi que des paramètres extérieurs tels que le profil verti-cal de température, l’algorithme détermine le type d’hydrométéore le plus probable.
Plus récemment, des méthodes de classification fondées sur l’analyse des données radar en « cluster » ont été proposées (Grazioli et al., 2015; Wen et al., 2015). Ces méthodes ont l’avantage de ne pas dépendre d’hypothèses sur les propriétés de rétrodiffusion des hydrométéores, qui sont particulièrement incertaines pour les hydrométéores de types glacés. D’autre part Ribaud et al. (2015) ont proposé une méthode originale pour restituer des champs 3D d’hydrométéores en combinant les informations de plusieurs radars polarimétriques, ce qui leur permet de fournir une description détaillée de la structure microphysique au sein d’un système convectif.

Illustration des variables polarimétriques et de l’iden-tification du type d’hydrométéore

Les variables polarimétriques présentées précédemment et l’identification du type d’hydrométéore sont illustrées sur la Figure 1.3, pour un cas de MCS (Mesoscale Convective System), observé lors de la campagne HyMeX, par le radar de Collo-brières, le 26 octobre 2012 à 15 UTC. On observe de fortes valeurs de Zdr (> 1 dB) et de Kdp (> 1.5° km−1), là où les réflectivités radar sont les plus fortes (> 50 dBZ), ce qui témoigne de la présence de grosses gouttes d’eau. Derrière la zone de fortes précipitations, au nord-est du radar, de fortes valeurs de φdp (Figure 1.3, d) sont présentes. Elles traduisent l’atténuation importante de l’onde radar, au travers du système convectif.
On observe également une zone en arc de cercle au nord-est du radar, entre 50 et 70 km, avec des valeurs assez fortes de réflectivité (> 30 dBZ), de Zdr (> 1 dBZ), associées à des valeurs plus faibles de ρhv (<0.96). Cette zone correspond à la zone de transition entre hydrométéores liquides et glacés, la « bande brillante ». L’algorithme de logique floue de Al-Sakka et al. (2013), qui permet d’estimer le type d’hydrométéore en combinant les informations provenant des différentes variables polarimétriques, et d’une température modèle, a été appliqué sur cette situation (Figure 1.3, f). La zone de fonte, visible sur les images de Zhh, Zdr et ρhv est bien restituée par cet algorithme, avec la catégorie « Neige Fondante » (jaune pâle).

État de l’art des opérateurs d’observation ra-dar polarimétriques

Nous avons vu dans la section précédente que les variables polarimétriques sont très utiles pour caractériser les propriétés microphysiques des hydrométéores. La simulation des variables polarimétriques à partir des modèles atmosphériques a éga-lement de nombreux intérêts :
• permettre d’évaluer la microphysique des modèles atmosphériques
• permettre l’étude des relations entre les signatures radar et les processus mi-crophysiques au sein des nuages
• permettre l’assimilation des données polarimétriques
Tout comme la réflectivité radar, les variables polarimétriques ne sont pas des variables pronostiques des modèles atmosphériques qui résolvent la convection de manière explicite. Ces modèles décrivent les propriétés microphysiques des nuages
à partir de variables telles que les rapports de mélange en hydrométéores (qui cor-respondent à la masse d’hydrométéore par kilogramme d’air sec), la température et l’humidité. Pour pouvoir comparer les variables polarimétriques à leurs équiva-lents modèle, il est donc nécessaire de les simuler à partir des variables du modèle. On utilise pour cela un simulateur radar polarimétrique, aussi appelé « opérateur d’observation ».
Un opérateur d’observation radar simule la propagation du faisceau radar et sa rétrodiffusion par les hydrométéores. Plusieurs méthodes de calcul de la diffu-sion plus ou moins complexes peuvent être utilisées. Les diffusions de type Rayleigh ou Mie permettent d’estimer la réflectivité. Elles supposent cependant que les hy-drométéores sont des sphères, et ne permettent donc pas d’estimer les variables polarimétriques qui sont fonction de la forme des hydrométéores. La théorie de Rayleigh a été étendue aux sphéroïdes, par la prise en compte d’une fonction di-électrique non-isotrope (Bringi et al., 2001). Cette extension n’est par contre valable que sous l’approximation de Rayleigh, c’est-à-dire lorsque la taille des hydrométéores est très petite devant la longueur d’onde radar. La Discrete Dipole Approximation (DDA) permet de calculer de manière explicite le champ diffracté par une particule à forme géométrique complexe (Draine and Flatau, 1994). C’est une méthode cou-ramment utilisée quand il s’agit de prendre en compte la forme des cristaux. Elle est notamment utilisée dans le SDSU (Satellite Data Simulator Unit) de la NASA (Masunaga et al., 2010). Cependant, cette méthode est très coûteuse d’un point de vue numérique. Par ailleurs, elle suppose qu’on définisse de manière précise les hydrométéores, alors que les modèles atmosphériques regroupent dans une même catégorie d’hydrométéore une multitude de formes existant dans la nature (comme par exemple pour les cristaux de glace). La méthode de la matrice T (Bringi et al., 1986; Mishchenko and Travis, 1994), est la plus utilisée pour simuler les variables polarimétriques à partir de modèles atmosphériques. Elle a l’avantage de permettre la simulation d’hydrométéores aplatis ou étirés sur la verticale, mais avec des formes simples (sphéroïdes), plus représentatives de ce que les modèles atmosphériques sont capables de représenter. Ces dernières années, plusieurs opérateurs d’observation po-larimétriques utilisant la méthode de calcul de la diffusion de la matrice T ont été développés (Pfeifer et al., 2008; Jung et al., 2008b, 2010; Ryzhkov et al., 2011). Ils simulent la réflectivité horizontale Zhh, la réflectivité différentielle Zdr, et pour cer-tains le coefficient de dépolarisation linéaire LDR, la phase différentielle spécifique Kdp, et le coefficient de corrélation ρhv.
Ces opérateurs d’observation sont couplés à des modèles atmosphériques associés à des schémas microphysiques ayant différents niveaux de raffinement. L’opérateur d’observation de Pfeifer et al. (2008) est implémenté dans le modèle COSMO-DE qui comporte un schéma microphysique à 1 moment, ce qui signifie que la distri-bution de tailles des particules (Particle Size Distribution : PSD) de chaque espèce d’hydrométéore est déterminée uniquement par le rapport de mélange de cette es-pèce. Ces schémas microphysiques représentent de manière simplifiée la PSD mais sont beaucoup moins complexes et moins coûteux numériquement que les schémas à deux moments ou plus, et sont donc utilisés en général dans les modèles de prévi-sion à échelle convective opérationnels, tel que les modèles COSMO-DE et AROME. L’opérateur d’observation de Jung et al. (2010), implémenté dans le modèle ARPS, a été adapté pour des schémas microphysiques à 1 et 2 moments. Dans un schéma microphysique à 2 moments, la PSD dépend des rapports de mélange en hydromé-téores mais aussi du nombre d’hydrométéores par unité de volume (concentration), ce qui permet de faire varier la taille moyenne des hydrométéores dans le volume de résolution indépendamment du rapport de mélange. En comparant les variables po-larimétriques simulées à partir de ces deux types de schémas, Jung et al. (2010) ont ainsi pu montrer que les signatures des variables polarimétriques étaient beaucoup plus réalistes avec le schéma microphysique à 2 moments, sur un cas de super-cellule simulée. L’opérateur d’observation polarimétrique de Ryzhkov et al. (2011) est en-core plus raffiné, puisqu’il est couplé à un modèle atmosphérique avec microphysique spectrale, dont l’avantage est de pouvoir reproduire la distribution de particules (PSD) de manière beaucoup plus réaliste qu’avec des schémas à 1 ou 2 moments. En particulier, il permet de reproduire la PSD en présence de phénomènes de « size sorting », c’est-à-dire lorsque seules quelques grosses gouttes de pluie sont présentes, par exemple au sein de courants ascendants (Kumjian and Ryzhkov, 2012). Dans ces cas, la distribution de gouttes est très éloignée de celle qu’on définit générale-ment à partir de lois exponentielles ou gamma avec un schéma microphysique à 1 ou 2 moments. L’intérêt de ce type d’opérateur d’observation polarimétrique, est de permettre d’étudier finement les processus microphysiques au sein des nuages. Il a par exemple été utilisé par Kumjian et al. (2014), pour étudier la formation et le cycle de vie des colonnes de Zdr dans les orages intenses, qui indiquent les zones de gouttes d’eau surfondues, transportées par les courants ascendants.
Dans les simulateurs polarimétriques, plusieurs paramètres tels que la PSD ou les lois de densité des différentes classes d’hydrométéores, sont en général spécifiés en cohérence avec les paramétrisations microphysiques du modèle atmosphérique uti-lisé. Cependant, d’autres paramètres tels que la forme, l’orientation, et la constante diélectrique des hydrométéores ne sont pas spécifiés par le modèle et doivent être définis. Les valeurs de ces paramètres sont en général tirées de la littérature. Pfeifer et al. (2008) ont néanmoins proposé une méthode originale pour les déterminer : ils ont réalisé une étude de sensibilité, et sélectionné les valeurs des paramètres per-mettant d’obtenir, pour chaque espèce, des variables polarimétriques concordantes avec les plages de valeurs définies par un algorithme de classification en types d’hy-drométéores.
Les valeurs des variables polarimétriques sont particulièrement difficiles à simuler de manière réaliste dans la zone de transition entre les hydrométéores glacés et liquides, qui n’est pas toujours bien reproduite par les modèles atmosphériques. Pour bien représenter cette zone, Jung et al. (2008b) ont défini un modèle de fonte, en spécifiant une fraction en eau liquide au sein de la neige fondante ou de la grêle fondante, variant graduellement avec le rapport de mélange en eau liquide, lorsque des gouttes de pluie coexistent avec les flocons de neige ou la grêle. Ce modèle de fonte leur permet de simuler des signatures réalistes de réflectivité radar au niveau de la zone de fonte (bande brillante), dans la partie stratiforme d’une ligne de grain simulée. Leurs simulations polarimétriques n’ont cependant pas été comparées à des observations réelles.

La chaîne de traitements polarimétriques

Gourley et al. (2006) ont étudié la qualité des données brutes du premier radar polarimétrique de Météo-France, le radar de Trappes (en bande C), et ont montré que ses données étaient globalement de bonne qualité. Néanmoins, les données pola-rimétriques peuvent être affectées par plusieurs sources d’erreur, qui sont soit com-munes à l’ensemble des données radar (cf. section 1.1), soit spécifiques aux données polarimétriques. Ces erreurs doivent être traitées, pour permettre une utilisation optimale des données polarimétriques en entrée de différents algorithmes opération-nels, permettant de calculer des composites de réflectivité, des cartes de cumuls de précipitations (Figueras i Ventura and Tabary, 2013) ou de types d’hydrométéores (Al-Sakka et al., 2013). Une chaîne de traitements polarimétrique spécifique a donc été mise en place à Météo France. Elle est décrite en détail par Tabary et al. (2013) et Figueras i Ventura et al. (2012). Nous en résumons ci-dessous les principales étapes.
Étalonnage de Zhh et Zdr La réflectivité est étalonnée par étalonnage électro-nique, par comparaisons entre différents radars, et par comparaisons avec les pluviomètres du réseau. La variable Zdr est corrigée de son biais de mesure, à partir de l’hypothèse que les valeurs de Zdr pour de faibles pluies strati-formes (entre 20 et 22 dBZ) sont de 0,2 dB en moyenne. Ces valeurs sont issues de longues séries de mesures effectuées au Royaume Uni par des dis-dromètres (Tabary et al., 2011). D’autres mesures plus récentes, effectuées en Suisse ont estimé une valeur moyenne de Zdr d’environ 0,4 dB pour des ré-flectivités entre 20 et 22 dBZ (A. Berne, 2014, communication personnelle). Ce sont ces dernières valeurs qui ont été utilisées pour étalonner Zdr avec la chaîne polarimétrique utilisée dans cette thèse.
Détection des échos non-météorologiques Cette étape permet de distinguer les hydrométéores des échos fixes, des échos de ciel clair et des échos de mer. La classification s’appuie sur un algorithme de logique floue qui utilise trois paramètres : la fluctuation tir à tir de la réflectivité σZ , la texture de Zdr, et le coefficient de corrélation ρhv (Gourley et al., 2007a). Pour chacun de ces paramètres, des fonctions d’appartenance correspondant à chaque type d’écho ont été établies. La « probabilité » qu’un type d’écho soit dominant sur un pixel donné est définie comme la somme pondérée des valeurs des fonctions membres associées aux trois paramètres. Le type d’écho retenu pour le pixel considéré est celui qui a la probabilité maximale.
Identification de la bande brillante La bande brillante correspond à la zone de fonte des hydrométéores solides. Le haut de la bande brillante coïncide avec l’isotherme 0°C, alors que le bas se situe en général 300 à 1000 m en-dessous. Le paramètre ρhv est très utile pour identifier cette zone, car ses valeurs sont forte-ment réduites dans la bande brillante, à cause de la présence d’hydrométéores de natures, de formes et d’orientations variées. Un profil moyen de ρhv est dé-terminé pour chaque tour d’antenne. Ce profil est ensuite comparé à différents profils théoriques, estimés pour plusieurs valeurs d’altitude de l’isotherme 0°C, provenant du modèle de prévision ARPEGE (Courtier et al., 1991), et pour différentes épaisseurs de bande brillante. L’isotherme 0° C et l’épaisseur de bande brillante qui permettent d’obtenir le profil théorique le plus proche du profil moyen observé sont retenus.
Normalisation de φdp La phase différentielle φdp présente l’inconvénient d’avoir une valeur à l’origine en général non nulle, liée au fait que les ondes polari-sées horizontalement et verticalement n’empruntent pas les mêmes trajets de guide d’onde. Or, la phase différentielle ne peut être utilisée pour estimer la correction d’atténuation des précipitations que si sa valeur au niveau du radar est nulle. Il est donc nécessaire de normaliser la phase différentielle, c’est-à-dire de lui soustraire la valeur à l’origine. Cette étape est réalisée de manière dynamique sur chaque tour d’antenne. On recherche pour cela la zone de pré-cipitations la plus proche du radar, mesurant au moins 2.4 km le long de la direction de visée. La valeur médiane de φdp sur ce segment, considérée comme la valeur à l’origine, est ensuite soustraite à l’ensemble des valeurs de φdp le long de cette radiale. Un contrôle de cohérence entre les valeurs à l’origine de φdp pour les radiales voisines est ensuite appliqué. Pour cette étude, lorsque la cohérence n’est pas vérifiée, le pixel est classifié « φdp invalide » , et les données polarimétriques associées ne sont pas utilisées (pixels de couleur rouge foncé sur la Figure 1.3).
Filtrage de φdp et estimation de Kdp Pour avoir une estimation fiable de Kdp, la dérivée radiale de φdp, il est nécessaire d’appliquer un filtrage sur φdp qui est en général bruitée. Comme mentionné dans la section 1.2.3, différentes techniques de filtrage de φdp, plus ou moins sophistiquées existent dans la littérature. La technique utilisée dans l’algorithme de Météo France est simple mais robuste : on applique un filtre médian de 6 km de large le long de la radiale. Une fois ce filtrage appliqué, Kdp est estimée en réalisant un ajustement linéaire de φdp en fonction de la distance, sur un intervalle de 6 km également, autour du pixel considéré.
Correction d’atténuation Ce module permet de corriger la réflectivité et la ré-flectivité différentielle de l’atténuation due aux précipitations. On considère que l’atténuation de Zhh et de Zdr par les précipitations sous forme liquide est directement proportionnelle à φdp (Bringi et al., 2001). Les corrections appli-
quées à Zhh et Zdr sont calculées à partir de P IA = γhφdp, et P IDA = γdpφdp. PIA et PIDA représentent, respectivement, l’atténuation intégrée (Path In-
tegrated Attenuation), et l’atténuation différentielle intégrée (Path Integra-ted Differential Attenuation), le long du trajet aller-retour de l’onde. Selon la bande de fréquence, les constantes γh et γdp appliquées sont :
• bande S : γh = 0,04 dB/°et γdp = 0,004 dB/°
• bande C : γh = 0,08 dB/°et γdp = 0,03 dB/°
• bande C : γh = 0,28 dB/°et γdp = 0,04 dB/°
Les coefficients pour la bande S sont issus de Bringi and Chandrasekar (2001), tandis que pour la bande C, ils ont été déterminés de manière empirique à partir de données du radar de Trappes (Gourley et al., 2007b). Pour la bande X, ces coefficients ont été obtenus à partir de comparaisons entre mesures co-localisées provenant de radars en bande X et S. Dans la version de chaîne polarimétrique utilisée pour cette thèse, la correction d’atténuation n’est ap-pliquée que dans la pluie, à cause des fortes incertitudes sur l’atténuation dans la neige fondante et la neige sèche. Les pixels affectés par de l’atténuation ne sont donc pas pris en compte s’ils sont dans la neige (cf. section 6.1).

La campagne de mesures HyMeX

La géographie particulière de la région Méditerranée, caractérisée par une mer quasi fermée, entourée de terres montagneuses, est propice à la formation de préci-pitations intenses qui peuvent engendrer des crues rapides et provoquer des victimes et d’importants dégâts, comme ce fut le cas récemment en octobre 2015 dans la région d’Antibes. Le programme de recherche HyMeX a pour objectif de permettre une meilleure compréhension du cycle de l’eau en Méditerranée, et notamment des mécanismes à l’origine des événements de précipitations intenses, afin d’améliorer leur prévision (Drobinski et al., 2014; Ducrocq et al., 2014).
Une campagne de mesures (SOP1) dédiée aux événements de pluies intenses et aux crues rapides sur tout le pourtour nord-occidental de la Méditerranée, a été menée du 5 septembre au 5 novembre 2012, période qui correspond au pic climatolo-gique d’occurrence de ces événements. L’objectif était de documenter les conditions atmosphériques en amont des systèmes précipitants, les interactions air-mer et les processus d’initiation et d’entretien de la convection profonde à l’origine des évé-nements intenses. La zone d’expérimentation s’étend ainsi de la région de Valence, en Espagne, à la région de Rome, en Italie, en passant par le Sud de la France (Figure 2.3).
Au sein de cette zone d’expérimentation, différents sites ont été plus particuliè-rement échantillonnés, comme le site Cévennes-Vivarais (Figure 2.4), englobant le Sud-Est de la France, des Cévennes aux Alpes. Dans cette région, en complément des réseaux opérationnels de radars et pluviomètres, d’autres instruments ont été déployés :
• des profileurs de vent ainsi que des radiosondages mobiles, pour caractériser les flux de basses couches alimentant la convection
• des micro-radars à visée verticale (MRR), et des disdromètres, qui caractérisent la distribution en taille des gouttes de pluie
• des radars météorologiques (Bousquet et al., 2015) : quatre radars en bande X, dont un mobile (radar NOXP du NSSL qui occupe alternativement les po-sitions 1 ou 2 indiquée sur la Figure 2.4), et un radar en bande S, TARA, de l’université de Delft (Dufournet and Russchenberg, 2011), qui scanne l’atmo-sphère à azimut et élévation (45°) constants
• des récepteurs GPS pour mesurer l’humidité atmosphérique intégrée sur la verticale
• des instruments de recherche déployés sur le super-site de Candillargues (3 lidars, un radar à visée fixe, un radiomètre micro-ondes…)
• un détecteur de foudre en trois dimensions, appelé LMA (Lightning Mapping Array) du New Mexico Tech (Defer et al., 2015)
Dans le cadre de cette thèse, le choix de deux événements précipitants issus de la campagne de mesure HyMeX nous a ainsi permis de bénéficier d’observations supplémentaires par rapport aux réseaux opérationnels. Nous avons en particulier utilisé les données de disdromètres, qui mesurent la distribution de taille des hy-drométéores pour valider l’opérateur d’observation (cf. chapitre 3). Les données des GPS, qui mesurent l’humidité spécifique intégrée sur toute une colonne d’atmosphère ont été utilisées pour valider la méthode d’assimilation (cf. chapitre 6).

IOP 16a : 26 octobre 2012

Le 26 octobre 2012, une zone de bas géopotentiels est centrée sur la péninsule ibé-rique (Figure 2.9) et se déplace lentement vers l’est. Ces bas géopotentiels induisent un flux de sud-ouest, associé à des anomalies de vorticité potentielle, traversant la Catalogne, le Golfe du Lion et le sud-est de la France au cours de la journée, avant d’atteindre le nord de l’Italie. En basses couches, une perturbation est associée au bas géopotentiel d’altitude, à l’ouest du Portugal (Duffourg et al., 2015). Le front froid de surface progresse vers le nord-est, à travers le Portugal et l’Espagne en début de matinée, avant de former une occlusion sur l’Espagne. Une dépression secondaire se forme dans la matinée entre l’Espagne et les îles Baléares, puis progresse vers l’est (Figure 2.10). Cette dépression contrôle un flux de vents de sud-ouest à sud-est au-dessus de la Méditerranée, transportant de l’air chaud et humide vers les côtes françaises. L’interaction entre le forçage d’altitude et l’air chaud de basses couches va contribuer à déstabiliser la masse d’air favorisant le développement de puissants MCS au sein du système perturbé.
Un premier MCS, dénommé MCS1a, se forme à partir de cellules convectives s’organisant selon un axe sud-nord au nord-ouest de la Méditerranée, le long des côtes catalanes. Il est bien visible sur l’image infrarouge (Figure 2.11) ainsi que sur la composite de réflectivité radar à 09 UTC (Figure 2.12). À son arrivée sur terre, le MCS s’affaiblit et engendre des précipitations orographiques sur les Cévennes persistant presque toute la journée et donnant des cumuls 24h de précipitations supérieurs à 100 mm (Figure 2.13).
Un deuxième MCS désigné MCS1b sur la Figure 2.11 se forme sur le bord sud-est du MCS1a avant de s’en détacher. Ce MCS, qui prend une forme en V sur les images satellites infrarouge (Figure 2.11) s’étend le long d’un axe sud-ouest/nord-ouest, avec une partie stratiforme localisée au nord de la ligne convective (Figure 2.12
à 09 UTC). Le MCS1b se déplace vers le nord-est, et atteint le département du Var autour de 15 UTC (Figure 2.12). Il donne des cumuls de précipitations supérieurs à 100 mm en 24h (Figure 2.13).
Comme pour l’IOP6, on a mesuré des valeurs relativement fortes des variables polarimétriques au sein de ces systèmes convectifs, en particulier avec le radar bande S de Collobrières à 15 UTC, avec des valeurs de Zdr > 2 dB, de φdp > 100° et de Kdp > 3° km−1 (Figure 2.14).
Les mécanismes permettant l’initiation, puis le maintien de la convection sur ce cas ont été analysés en détail par Duffourg et al. (2015), qui ont notamment mis en évidence l’importance de la convergence de basses couches, associée à l’apport d’air chaud instable et humide pour initier le système sur la mer, puis le rôle du refroidis-sement par évaporation, renforçant la convergence et conditionnant la localisation des cellules convectives.

L’analyse nuageuse

Les méthodes d’analyse nuageuse initialisent les contenus en hydrométéores (M)à partir des réflectivités radars, à l’aide de lois empiriques Z − M. L’humidité est parfois également modifiée, en cohérence avec les champs d’hydrométéores. Bielli and Roux (1999) ont par exemple modifié les variables thermodynamiques, microphy-siques ainsi que le vent à partir de réflectivités radar et de champs de vent restitués à partir des mesures Doppler, pour initialiser un modèle non-hydrostatique avec une résolution horizontale de 3.6 km. Une conclusion importante de cette étude est que mis à part le vent, l’humidité est le paramètre le plus important à initialiser pour bien représenter les systèmes convectifs. Ducrocq et al. (2002) ont également conclu qu’il est plus important d’initialiser le champ d’humidité que celui des hydrométéores, après avoir initialisé un système convectif en modifiant les champs d’humidité et d’hydrométéores estimés à partir de données radar et satellite. Dans leur étude, lorsque seul le champ d’humidité est initialisé, les hydrométéores se forment ensuite rapidement dans les zones saturées.
ADAS est un exemple de système complexe d’analyse de nuages (Zhang et al., 1998), qui permet d’initialiser le modèle Advanced Regional Prediction System (ARPS) à partir de d’observations satellite et radar. Les réflectivités radar sont utilisées pour déterminer les contenus en hydrométéores, mais aussi pour ajuster les profils d’humidité et de température au sein des nuages dans l’analyse. Ce schéma a montré son apport bénéfique pour des modèles à haute résolution, en particulier avec des cycles d’assimilation de 10 min, à une résolution horizontale de 3 km (Hu et al., 2006).
Comme l’initialisation physique, ces méthodes ont l’avantage d’être peu coû-teuses numériquement, mais leur inconvénient est de ne pas tenir compte des erreurs de mesure, et de dépendre de relations empiriques entre les contenus en hydromé-téores et les réflectivités radars (lois Z −M), qui contiennent des sources d’incerti-tude.

Latent Heat Nudging (LHN)

L’idée générale d’un schéma LHN est d’introduire un terme de flux de chaleur supplémentaire dans l’équation thermodynamique du modèle, lorsque les taux de précipitations observés sont différents de leurs équivalents modèle. En faisant l’hy-pothèse que le taux de réchauffement intégré sur la verticale, dû à la condensation dans le nuage, est proportionnel au taux de précipitations au sol, l’idée est d’ajuster le profil de flux de chaleur latente du modèle en fonction des écarts entre taux de précipitations simulés et observés, afin que le modèle produise en retour les pré-cipitations observées. Cette technique a été appliquée avec succès par Jones and Macpherson (1997), puis portée en opérationnel dans le modèle UM du Met Office (Macpherson, 2001) à une résolution horizontale de 12 km. Le modèle à fine échelle actuellement opérationnel au Met Office, UKV (1.5 km de résolution horizontale) utilise toujours cette technique, pour assimiler en opérationnel toutes les heures les taux de précipitations estimés à partir des réflectivités radar. Le Latent Heat Nud-ging a également été adapté au modèle à échelle convective COSMO-DE du DWD (Stephan et al., 2008), pour une résolution horizontale de 2.8 km, et est toujours utilisé en opérationnel pour l’assimilation des réflectivités radar (Bick et al., 2016). Cette technique a l’avantage de permettre la création ou la suppression de zones de précipitations dans le modèle. Par ailleurs, elle est facile d’implémentation, et a un faible coût numérique. Cependant, elle ne permet pas de bénéficier de l’infor-mation sur la verticale apportée par les données radar. Par ailleurs, la conversion nécessaire de la réflectivité en taux de précipitations au sol entraîne une incertitude supplémentaire par rapport à une assimilation directe des réflectivités.

L’assimilation variationnelle

Principe

L’assimilation variationnelle est issue de la théorie du contrôle optimal. L’objectif est de trouver un vecteur d’état du modèle xa appelé « analyse » qui minimise une fonction de coût J(x), correspondant à la somme des distances quadratiques à l’« ébauche » xb et aux observations y pondérées par leurs erreurs respectives : J(x) = 1 (x −xb)tB−1(x −xb) + 1 (y − H(x))tR−1(y − H(x)) (4.1).
• le vecteur d’état du modèle xb appelé ébauche, est issu d’une prévision initia-lisée à partir de l’analyse précédente
• B est la matrice de covariance des erreurs d’ébauche
• R est la matrice de covariance des erreurs d’observation
• H est l’opérateur d’observation qui permet de passer de l’espace du modèle à celui des observations. Dans le cas de la réflectivité radar ou des variables polarimétriques, l’opérateur d’observation H les simule à partir des variables microphysiques du modèle (cf. chapitre 3)
• le vecteur y − H(xb) est appelé innovation
• le vecteur xa −xb est appelé incrément d’analyse
La pondération par les erreurs permet de combiner l’ébauche et les observations en tenant compte de la qualité ou de la confiance que l’on peut accorder à chacune de ces informations.
Pour pouvoir effectuer la minimisation, on fait plusieurs hypothèses : les erreurs d’ébauche et d’observation ne doivent pas être biaisées, ni corrélées entre elles, et l’opérateur d’observation H doit pouvoir être linéarisé au voisinage de l’ébauche. La version linéarisée de l’opérateur d’observation correspond à la différentielle de H en xb et est appelée « tangent linéaire ». Elle s’exprime sous forme matricielle H : H(x) = H(xb) + H.(x −xb) (4.2).
La fonction coût est en général minimisée par des méthodes itératives comme par exemple l’approche incrémentale de Courtier et al. (1994). Cette approche revient à chercher non plus le vecteur d’état xa minimisant la fonction de coût J(x), mais l’incrément par rapport à l’ébauche δx = x − xb qui minimise la fonction de coût modifiée : J(δx) = 1 δxtB−1δx + 1 (Hδx −d)tR−1(Hδx −d) (4.3) où d = y − H(xb) représente l’innovation. L’intérêt de cette approche est de pouvoir minimiser la fonction coût dans un sous-espace de dimension plus petite que celle de l’espace du modèle : l’incrément modifiant l’ébauche peut être recherché sur un nombre réduit de variables du modèle. δx n’est alors plus un vecteur d’état du modèle mais est appelé « vecteur de contrôle » (Duffourg, 2010).
La minimisation de la fonction coût requiert le calcul de l’adjoint du tangent linéaire de l’opérateur d’observation : Ht. Son estimation peut être complexe, en particulier si l’opérateur d’observation prend en compte des processus fortement non linéaires.
L’assimilation variationnelle se décline en différentes variantes, selon le nombre de dimensions prises en compte. Avec l’assimilation variationelle 3D-Var, la minimi-sation est effectuée à un seul instant, à partir d’observations valides à cet instant (ou proches de cet instant) uniquement. C’est une technique couramment utilisée pour les systèmes de prévision opérationnels à échelle kilométrique, car elle a une bonne efficacité numérique, et permet d’assimiler des observations indirectes variées comme les températures de brillance, ou les vitesses radiales par exemple. L’assimilation 4D-Var permet de prendre en compte la dimension temporelle, en plus des trois coordonnées spatiales. Les observations sont assimilées sur une fe-nêtre temporelle plutôt qu’à un instant donné. La minimisation consiste à trouver une trajectoire du modèle qui s’ajuste au mieux aux observations. Cette méthode a l’avantage de fournir une contrainte sur les variables du modèle, qui permet de maintenir une cohérence dynamique et physique définie par le modèle lui-même. Par contre, elle est très coûteuse numériquement. Par ailleurs, elle nécessite de dévelop-per l’adjoint du modèle, y compris des paramétrisations microphysiques, ce qui peut être très complexe pour les processus fortement non linéaires.
L’assimilation 1D-Var repose sur le même principe que l’assimilation 3D-Var, mais le vecteur d’état du modèle x, tout comme le vecteur d’observation y, sont limités à une colonne atmosphérique. Cette méthode a notamment été utilisée afin de convertir des données de précipitations en profils d’humidité et/ou de température (Marécal and Mahfouf, 2002).

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Table des matières

 Introduction 
I Opérateur d’observation polarimétrique 
1 Les données radar polarimétriques et leur simulation 
1.1 Les radars météorologiques : principe de fonctionnement 
1.2 Les variables polarimétriques
1.2.1 La réflectivité différentielle Zdr 
1.2.2 La phase différentielle φdp 
1.2.3 La phase différentielle spécifique Kdp 
1.2.4 Le coefficient de corrélation ρhv 
1.2.5 Classification en types d’hydrométéores 
1.2.6 Illustration 
1.3 État de l’art des opérateurs d’observation radar polarimétriques
1.4 Conclusion 
2 Données radar, modèle, et cas d’étude 
2.1 Données radar 
2.1.1 Le réseau radar de Météo France 
2.1.2 La chaîne de traitements polarimétriques 
2.2 Modèle atmosphérique 
2.2.1 La microphysique ICE3 
2.2.2 Configuration des simulations 
2.3 Cas d’étude 
2.3.1 La campagne de mesures HyMeX 
2.3.2 IOP 6 : 24 septembre 2012
2.3.3 IOP 16a : 26 octobre 2012 
2.4 Conclusion 
3 Opérateur d’observation radar polarimétrique 
3.1 Résumé de l’article
3.2 Comparisons between polarimetric radar observations and simulations 
3.3 Discussion 
II Assimilation des observations polarimétriques 
4 État de l’art de l’assimilation des données radar 
4.1 Approche physique 
4.1.1 L’initialisation physique
4.1.2 L’analyse nuageuse 
4.1.3 Latent Heat Nudging (LHN) 
4.2 L’assimilation variationnelle
4.2.1 Principe 
4.2.2 Application aux données radar
4.3 Le filtre de Kalman d’ensemble ou EnKF 
4.3.1 Principe4.3.2 Application aux données radar
4.4 Assimilation des variables polarimétriques
4.5 Synthèse 
5 L’assimilation des réflectivités radar dans AROME 
5.1 Le modèle AROME 
5.2 L’assimilation 3D-Var dans AROME 
5.3 Assimilation des réflectivités radar avec la méthode 1D+3D-Var
5.4 La configuration AROME WMed
5.5 Conclusion 
6 Restitution 1D de pseudo-observations d’humidité à partir des variables polarimétrique
6.1 Contrôle de qualité des observations radar 
6.2 Restitution bayésienne 1D des profils d’humidité 
6.3 Évaluation de la restitution bayésienne 1D 
6.3.1 Choix des variables à intégrer dans le vecteur d’observation
6.3.2 Sensibilité aux paramètres σZhh et σKdp .
6.3.3 Ajustement de l’humidité 
6.3.4 Comparaisons statistiques des pseudo-observations de ZhhZdr et Kdp aux observations radar avec les méthodes Z, ZNocorr et ZK
6.3.5 Évaluation des pseudo-observations d’humidité à partir de données GPS
6.3.6 Conclusions de l’évaluation de la méthode 1D 
7 Expériences d’assimilation des variables polarimétriques dans Arome 
7.1 Caractéristiques des expériences d’assimilation 
7.2 Évaluation des champs d’analyse du modèle 
7.2.1 Impact de l’assimilation des pseudo-observations d’humidité : comparaison REF/Z 
7.2.2 Impact de la correction d’atténuation sur les analyses d’humidité : comparaison Z/ZNocorr
7.2.3 Apport de Kdp pour la restitution des pseudo-observations d’humidité : comparaison Z/ZK
7.3 Évaluation des prévisions
7.3.1 IOP6 
7.3.2 IOP16 
7.4 Conclusion
Conclusions et perspectives 
Références

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