L’énergie électrique est produite et distribuée industriellement depuis la fin du XIXe siècle. Dès lors, la production et la consommation d’électricité ne cessent d’augmenter à mesure des progrès technologiques que notre société a connus. De nos jours, l’énergie électrique est devenue incontournable puisqu’elle représente à elle seule près de 20 % de la consommation d’énergie mondiale, derrière le pétrole qui, lui, représente 40 %. Cependant, l’épuisement des ressources naturelles engendrera l’augmentation de la consommation d’énergie électrique grâce au développement des énergies renouvelables et à la technologie « tout électrique ». La gestion de l’énergie électrique est donc un enjeu majeur pour l’avenir. Afin d’assurer une meilleure gestion de cette énergie, il est nécessaire d’améliorer le rendement de la chaine énergétique, et donc, de chaque partie qui la constitue. Pour cela, la recherche s’active pour proposer de nouvelles solutions, notamment dans les domaines de conversion et transport de l’énergie où les pertes sont les plus importantes.
L’électronique de puissance est donc, depuis plusieurs dizaines d’années, en constante évolution. En effet, grâce à l’arrivée de composants de puissance et au développement des énergies renouvelables, de nouvelles possibilités de gestion de l’énergie sont apparues. Le transport et l’industrie sont les secteurs au cœur des axes de recherche car, à eux deux, ils représentent près de 60 % de la consommation mondiale d’énergie. L’amélioration de la chaîne énergétique dans ces milieux est donc cruciale pour la sauvegarde d’énergie.
Etat de l’art des interrupteurs de puissance
L’électronique de puissance est basée sur des composants pouvant réaliser la fonction d’interrupteur au sein de systèmes de conversion d’énergie. Actuellement, les deux interrupteurs dominants présents dans les convertisseurs de puissance sont les IGBTs et les transistors MOS. Malgré les pertes engendrées pendant les commutations et lorsque le composant se retrouve face à des températures élevées (ce qui est fréquent dans cet environnement), l’IGBT présente des pertes de conduction relativement faible. A l’inverse, les transistors MOS présentent de très bonnes caractéristiques pour les applications de puissance à fréquence élevée mais ils sont limités par leur résistance en conduction. Des recherches ont donc été menées afin d’améliorer ces composants et ont abouti à l’élaboration de nouveaux composants permettant notamment de combler les lacunes de leurs prédécesseurs. De plus, la recherche a développé en parallèle des techniques de garde adaptées pour protéger ces composants et permettre leur fonctionnement optimal.
La fonction « interrupteur »
L’électronique de puissance est née du besoin de manipuler d’importants flux d’énergie électrique de nature et de forme différentes. Il est devenu nécessaire de convertir et de conditionner cette énergie électrique d’une source vers une charge en minimisant autant que possible la consommation d’énergie. En effet, les sources peuvent être sous forme de tension ou de courant, continue ou alternative, avec des amplitudes ou des fréquences qui diffèrent des besoins de la charge. Afin de manipuler le flux d’énergie, on utilise des modules appelés « convertisseurs ». Ils peuvent être utilisés seuls, on parle alors de « conversion directe », ou utilisés en une série de plusieurs convertisseurs, et on est dans le cas d’une « conversion indirecte ». Il est à noter que ces convertisseurs ne peuvent pas avoir un rendement de 100% car cela nécessiterait d’avoir des composants idéaux : de par leur omniprésence dans les systèmes électriques, l’optimisation de leur rendement donc est une nécessité. Pour cela, il faut améliorer les éléments qui composent ces convertisseurs : les éléments actifs qui permettent la transformation et la mise en forme de la tension et du courant, et les éléments passifs qui ont pour rôle de filtrer les harmoniques et les parasites. Les premiers sont des interrupteurs de puissance. Leur fonctionnement passe par deux états : soit l’interrupteur est fermé (ou passant) et laisse passer le courant, soit l’interrupteur est ouvert (ou bloqué) et empêche le passage du courant. Dans le premier état, l’interrupteur se comporte comme une résistance qui doit être la plus faible possible pour limiter les pertes en conduction. Dans le second état, il se comporte comme une résistance suffisamment grande pour empêcher le passage du courant et doit être capable de garder ce comportement malgré les tensions imposées à ses bornes.
Il existe des interrupteurs naturels et des interrupteurs commandés. Les interrupteurs naturels peuvent passer d’un état à l’autre sans commande extérieure : ils possèdent un sens de polarisation et une tension de seuil qui va définir le changement d’état. Les interrupteurs commandés nécessitent une action extérieure pour pouvoir changer d’état, par exemple, par l’application d’un courant sur une borne. Ces derniers sont les plus sollicités car ils permettent des conversions et des possibilités de mise en forme que les premiers ne seront pas capables de faire.
Une autre classification des interrupteurs peut être faite en analysant leur réversibilité. En effet, selon les systèmes où l’on souhaite convertir de l’énergie électrique, il est nécessaire que les composants soient réversibles en courant, en tension ou les deux. Par exemple, dans le cas d’une voiture tout électrique où l’autonomie est une des limites du système, la récupération d’énergie issue du freinage est implantée. Lors du freinage, la récupération de l’énergie cinétique est convertie en énergie électrique et mise en forme pour être stockée dans la batterie. Le même module est alors utilisé pour fournir et récupérer l’énergie électrique. Il existe trois catégories selon cette classification. La première comprend les composants « unidirectionnels » en courant et en tension. Ils ne permettent le passage du courant que dans un sens et uniquement pour une tension appliquée dans un sens. C’est le cas notamment des diodes, des transistors MOS (dans leur mode de fonctionnement conventionnel) et des IGBTs. La deuxième catégorie est celle des interrupteurs « bidirectionnels » soit en courant soit en tension. Un composant bidirectionnel en tension ne permet le passage du courant que dans un seul sens quelle que soit la tension appliquée : c’est le cas notamment de la plupart des thyristors. Il est également possible de remplir cette fonction en faisant une association de différents composants unidirectionnels. La dernière catégorie comprend la fonction bidirectionnelle en courant et en tension. Le seul composant capable de réaliser cette fonction est le triac. Néanmoins, il est également possible de réaliser cette fonction en associant plusieurs composants.
Les interrupteurs de puissance sont caractérisés par trois paramètres en fonction de l’application où l’on souhaite les utiliser et donc de l’état dans lequel ils se trouvent :
– à l’état bloqué, l’interrupteur doit être capable de supporter des tensions élevées à ses bornes. C’est le cas des applications pour le transport et la distribution d’énergie. On s’intéresse alors à « la tenue en tension » qui doit être la plus élevée possible ;
– à l’état passant, l’interrupteur est considéré comme une résistance, ce qui entraîne des pertes en conduction et diminue fortement le rendement de la chaîne de conversion. Afin d’optimiser ce rendement, il est nécessaire d’utiliser des composants présentant une résistance à l’état passant la plus faible possible ;
– à la commutation, à savoir le passage d’un état à l’autre, les pertes en commutation deviennent majoritaires à mesure que la gamme de tension augmente et que la fréquence des commutations croît .
Aucun composant ne domine les autres pour toutes les gammes de tension et de fréquence. Par exemple, l’IGBT, de par sa structure bipolaire, présente de faibles pertes en conduction ; cependant, il pêche par ses pertes en commutation. A l’inverse de l’IGBT, le transistor MOS ne présente que très peu de pertes en commutation mais il est limité par ses pertes en conduction.
Les interrupteurs de puissance
L’utilisation de matériaux semi-conducteurs est la base pour la fabrication des interrupteurs de puissance. Le silicium en est le précurseur et a été longtemps le seul matériau utilisé. Cependant, de nouvelles structures à base d’autres matériaux tels que le nitrure de galium GaN et le carbure de silicium SiC ont fait leur apparition et viennent concurrencer les structures à base de silicium.
Composants silicium à grille isolée (MOS/IGBT)
Description
Les deux composants silicium prédominants dans l’électronique de puissance sont le transistor MOS et l’IGBT. La structure de ces composants est assez similaire. En effet, ils disposent tous les deux d’une jonction P+N- et d’une grille isolée. La différence se fait sur le substrat, dopé N+ pour le transistor MOS alors qu’il est dopé P+ pour l’IGBT . Ce substrat P+ permet l’injection de porteurs minoritaires dans la zone N- , ce qui permet de diminuer la résistivité par rapport au transistor MOS.
Lorsque l’on applique une tension inférieure à la tension de seuil VTH entre la grille et le drain (ou anode pour l’IGBT), le composant est à l’état bloqué. Un dépeuplement des porteurs appelé « Zone de Charge d’Espace » (ZCE) apparaît dans la couche N- et empêche le passage du courant entre la source et le drain (cathode et anode pour l’IGBT). C’est également cette ZCE qui permet d’assurer la tenue en tension. Lorsque l’on applique une tension supérieure à VTH entre la grille et le drain/anode (et une tension VAK d’environ 0,7 V pour l’IGBT), le composant est alors passant.
Interrupteur à l’état OFF : tenue en tension
L’appellation « tenue en tension » est attribuée à la valeur de tension maximale que peut supporter le composant à l’état bloqué (OFF) avant le claquage. Il existe quatre zones dans le composant susceptibles de claquer . La zone (1) est susceptible de claquer à cause des phénomènes de courbure qui induisent un resserrement des lignes de potentiel. Les zones (3) et (4) subissent des phénomènes de surface, induisant un claquage sous la grille ou dans l’oxyde même. Pour finir, la zone (2) peut claquer si la tension excède les capacités de la ZCE.
La tenue en tension dépend donc de la plus petite tenue en tension de ces quatre zones. C’est le cas de la zone (1). Afin de contrer ce phénomène en périphérie et d’améliorer la tenue en tension globale du composant, de nombreuses techniques de garde ont été proposées . Une autre zone sensible est située en zone (2). La tension de claquage dans cette zone est liée à la profondeur WN de la ZCE dans la couche épitaxie N- et à la valeur du dopage ND de la zone N- comme le suggèrent de nombreux auteurs.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre I . Etat de l’art des interrupteurs de puissance
I.1 Introduction
I.2 La fonction « interrupteur »
I.3 Les interrupteurs de puissance
I.3.1 Composants silicium à grille isolée (MOS/IGBT)
I.3.1.1 Description
I.3.1.2 Interrupteur à l’état OFF : tenue en tension
I.3.1.3 Interrupteur à l’état ON : résistance à l’état passant
I.3.1.4 Le fonctionnement dynamique
I.3.1.5 Nouvelles structures
I.3.2 Composants à large bande interdite
I.3.2.1 Composants SiC
I.3.2.2 Composants GaN
I.3.3 Choix du composant
I.4 Les techniques de garde
I.4.1 La plaque de champ
I.4.2 Anneaux de garde
I.4.2.1 Anneau de garde diffusé
I.4.2.2 Anneaux de garde diviseurs de champ
I.4.3 L’extension de jonction
I.4.4 Terminaison à tranchée profonde
I.5 Conclusion
Chapitre II . Conception de composants à superjonction et à tranchées profondes
II.1 Introduction
II.2 Théorie de la superjonction
II.2.1 Principe physique
II.2.2 Compromis tenue en tension / résistance à l’état passant
II.2.3 Véhicule test
II.3 Etude de la DT-SJDiode
II.3.1 Influence de la profondeur des tranchées
II.3.2 Influence de la largeur des bandes N
II.3.3 Influence de la Dose de bore diffusée dB
II.3.4 Optimisation de la DT-SJDiode
II.4 Etude de la terminaison
II.4.2 Influence de la profondeur de la terminaison
II.4.3 Influence de la largeur de la terminaison
II.4.4 Influence de la longueur de la plaque de champ
II.4.5 Optimisation de la terminaison DT²
II.4.5.1 Optimisation pour des composants 600 V
II.4.5.2 Optimisation pour des composants 1200 V
II.4.6 Amélioration de la terminaison
II.5 Conclusion
Chapitre III . Optimisation du procédé de fabrication des diodes à superjonction et à tranchées profondes
III.1 Introduction
III.2 Description des structures de test
III.3 Développement des briques technologiques de fabrication d’une diode à superjonction et à tranchées profondes
III.3.1 Gravure des tranchées
III.3.1.1 Choix de la résine photosensible
III.3.1.2 Verticalité des tranchées
III.3.1.3 Elimination du « scalloping »
III.3.1.4 Réduction de l’effet ARDE
III.3.2 Implantation P+ autour des tranchées
III.3.3 Remplissage des tranchées par un diélectrique
III.3.3.1 Dépôt du BCB par « spin-coating »
III.3.3.2 Dépôt du BCB par sérigraphie
III.3.3.3 Planarisation du BCB par nano-impression
III.3.4 Retrait du surplus de BCB
III.3.4.1 Amincissement par polissage mécano-chimique
III.3.4.2 Amincissement par gravure plasma
III.4 Conclusion
Chapitre IV . Réalisation et caractérisation électrique des DT-SJDiodes
IV.1 Introduction
IV.2 Description du procédé technologique complet
IV.2.2 Mires d’alignement
IV.2.3 Oxyde de masquage pour la gravure profonde
IV.2.4 Implantation du caisson P+
IV.2.5 Gravure des tranchées
IV.2.6 Implantation par immersion plasma
IV.2.7 Remplissage des tranchées avec du BCB et planarisation
IV.2.8 Gravure du BCB
IV.2.9 Métallisation des contacts électriques
IV.3 Réalisation des DT-SJDiodes
IV.4 Caractérisations électriques des DT-SJDiodes
IV.5 Optimisation des diodes à superjonction
IV.5.1 Optimisation des étapes technologiques
IV.5.2 Optimisation du design
IV.6 Conclusion
Conclusion générale