L’idée d’utiliser des atomes neutres piégés dans un réseau optique pour des applications de métrologie du temps date de l’année 2001, après une proposition d’utilisation d’un piège dipolaire dans une configuration capable d’annuler, au premier ordre du moins, le déplacement de fréquence induit par l’intensité du piège de confinement [17]. Ce qui a permis de combiner les avantages d’un confinement fort et un bon contrôle des effets de mouvement qu’offre les horloges à ions avec un plus grand nombre d’atomes. En effet le confinement de plusieurs milliers d’atomes neutres assure un rapport signal-à-bruit supérieur à celui des horloges à ions optique.
L’avenir des horloges atomiques réside actuellement dans les horloges dites optiques, qui utilisent une transition optique, et non plus micro-onde, comme transition atomique de référence. L’utilisation de ce type de transition est en effet le moyen le plus simple d’améliorer un certain nombre de caractéristiques des horloges. L’effet Doppler, qui est proportionnel à la fréquence du laser d’interrogation, n’est pas modifié en valeur relative dans le cas d’une transition optique, à moins de piéger les atomes. De plus, des bruits d’ordre technique quant à eux risquent de limiter la stabilité de l’horloge à un moins bon niveau que la limite quantique. Poussés par ces idées, les premiers projets d’horloges optiques ont commencé il y a plusieurs décennies, mais leurs développement a pendant longtemps pâti de l’absence de moyens simples et robustes de comparaison de ces horloges soit à d’autres horloges optiques, soit à des horloges micro-ondes. L’avènement à la fin des années 1990 des peignes de fréquence (dont les principaux contributeurs, Theodor W.Hänsch et John L.Hall ont reçu le prix Nobel en 2005 [23]) grâce au développement des lasers femtosecondes a complètement résolu ce problème et a considérablement accéléré le développement des horloges optiques.
Les premières horloges optiques ont été développées selon deux concepts différents. D’une part les horloges à atomes neutres, ayant un fonctionnement proche des horloges micro-onde, où la fréquence de la transition est mesurée sur un ensemble d’atomes lâchés dans le champ de gravité à l’aide d’une interrogation Ramsey. Ces horloges ont été essentiellement développées avec deux alcalino terreux (Ca, Mg) et ont atteint un niveau d’exactitude de 10−15 limité par l’effet Doppler. Ayant bénéficié des techniques permettant de piéger des ions, comme les pièges de Paul connus depuis les années 1950, les horloges à ions piégés ont le mérite d’être insensible à l’effet Doppler limitant l’exactitude des horloges à atomes neutres.
Les horloges à ions piégés
Pour surmonter le problème des effets de mouvement, on peut employer un confinement fort des atomes. Une façon de le faire est d’utiliser les ions qui sont facilement piégés dans un potentiel radio-fréquence. Comme il est impossible de réaliser un piège à l’aide d’un seul potentiel électrostatique, les pièges utilisés pour confiner des particules chargées sont de deux types : (i) un piège utilisant un potentiel électrostatique associé à un champ magnétique (piège de Penning [24]), (ii) le deuxième utilise un potentiel électrique oscillant (piège de Paul [25]). Pour des raisons d’exactitude, les pièges de type Penning ne sont pas utilisés vu qu’ils introduisent un effet Zeeman considérable qui peut être difficile à contrôler. Le piège de Paul est donc le type de piège choisi pour toutes les horloges optiques de ce type.
Les horloges à réseau optique
Comme on l’a mentionné plus tôt, la limitation intrinsèque des horloges à ions repose fondamentalement sur le fait que seulement quelques ions peuvent contribuer au signal et le rapport signal-à-bruit est limité à √ N ce qui affecte la limite quantique de la stabilité. La configuration idéale est de réaliser un régime de fort confinement, comme le régime Lamb-Dicke, comme dans les horloges à ions tout en travaillant avec un grand nombre d’atomes afin d’avoir un rapport signal à bruit important comme le cas des fontaines. Le but de cette manoeuvre serait d’obtenir des performances encore jamais atteintes au niveau de 10−16τ −1/2 en terme de stabilité et au niveau de 10−17 en terme d’exactitude. Un nombre élevé d’atomes neutres piégés permettra d’atteindre ces performances. Les pièges de type magnéto-optique ou magnétique ne sont pas adaptés pour des mesures de métrologie, ceci est dû principalement aux éventuels déplacements de fréquence de la transition associés aux forts gradients de puissance lumineuse et de champ magnétique utilisés. D’autre part, il n’est pas possible d’atteindre le régime de Lamb-Dicke avec de tel pièges. L’alternative serait d’utiliser un piège dipolaire en utilisant un laser de puissance focalisé fortement. Le faisceau laser rétro-réfléchi pour créer une onde stationnaire, et les atomes sont piégés dans les maxima d’intensité pour un piège désaccordé vers le rouge. Ce genre de piège permet de piéger 10⁴ atomes.
Température des atomes dans le piège
Il est possible de tirer des informations concernant la température des atomes piégés dans le réseau optique ainsi que sur la longueur d’onde du piège en regardant le spectre des bandes latérale de la transition horloge. Il est possible de modéliser le spectre des bandes latérales en supposant que la répartition des atomes sur différentes niveaux vibrationnels suit une distribution classique de Maxwell Botzmann. Pour cela on distingue deux températures Tz et Tr qui correspondent respectivement aux excitations longitudinale et transverse. Le spectre est obtenu en interrogeant les atomes selon l’axe longitudinal et on s’arrange pour faire apparaitre les bandes latérales rouge et bleue de fréquences respectives ν+ et ν− en balayant le désaccord sur plusieurs centaines de kHz de part et d’autre de la résonance porteuse.
Performances et limitations
Après la proposition de H. Katori, plusieurs projets d’horloges ont été développés dans le monde tel que : strontium, ytterbium et mercure. Ces trois éléments possèdent une longueur d’onde magique pour le confinement dans le piège dipolaire. Les horloges à réseau optique atteignent maintenant un niveau de performance dépassant les fontaines atomiques en exactitude et un ordre de grandeur meilleur en terme de stabilité. Ceci a été confirmé expérimentalement par des horloges à strontium et ytterbium avec diverses formes isotopiques : (171Yb, 173Yb, 174Yb) pour l’Ytterbium (University of Washington [56], et INRIM en Italie [57]) et (87Sr et 88Sr) pour le Strontium (PTB [58], au NIST[59]). Le rayonnement du corps noir sera plus vraisemblablement l’effet qui limitera en terme d’exactitude l’horloge à strontium et probablement à ytterbium. En attendant les résultats des premiers systèmes cryogéniques, la meilleure manière de ne pas être limité par cet effet est de choisir des atomes moins sensibles au rayonnement du corps noir comme le mercure.
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Table des matières
Introduction
1 Etat de l’art des horloges atomiques
1.1 Des horloges micro-ondes aux horloges optiques
1.2 Les horloges à ions piégés
1.2.1 Performances et limitations des horloges à ions
1.3 Les horloges à réseau optique
1.3.1 Piège dipolaire pour les atomes neutres
1.3.2 Solution pour le déplacement lumineux dans une horloge à réseau
optique : longueur d’onde magique
1.3.3 Réseau optique : confinement dans le régime Lamb-Dicke
1.3.4 Dynamique des atomes dans le piège
1.3.5 Performances et limitations
1.4 Intèrêts et motivations
1.4.1 Motivations et performances envisagées
1.5 Conclusion
2 Caractérisation du piège magnéto-optique et mise en évidence du refroidissement sub-Doppler des isotopes fermioniques du mercure
2.1 Refroidissement des atomes de mercure
2.1.1 Refroidissement Doppler
2.1.2 Refroidissement sub-Doppler
2.1.3 Structure du niveau 63P1de la raie de résonance 253.7nm
2.2 Piège magnéto-optique pour le mercure
2.2.1 Source laser à 253.7nm
2.2.2 Description de la chambre à vide
2.2.3 Performance du système à vide
2.2.4 Technique d’imagerie
2.3 Caractérisation du nuage atomique
2.3.1 Variation du nombre d’atomes en fonction du désaccord de fréquence
2.3.2 Evaluation de la température des différents isotopes de mercure
2.3.3 Dimensions du nuage atomique
2.4 Conclusion
3 Piège dipolaire pour les atomes de mercure
3.1 Réalisation d’une source à 724 nm
3.1.1 Mise en place du laser Ti-Saphir
3.1.2 Alignement et tunabilité du Ti-saphir
3.2 Doublage de fréquence
3.2.1 Choix du cristal et application au LBO
3.2.2 Efficacité de conversion
3.3 La cavité de surtension
3.3.1 Principe et choix de la cavité
3.3.2 Zone de stabilité
3.3.3 Compensation de l’astigmatisme
3.3.4 Adaptations de mode
3.3.5 Calcul de l’efficacité de la cavité de surtension
3.3.6 Adaptation d’impédance
3.4 Réalisation expérimentale et caractérisation de la source à 362 nm
3.4.1 Alignement pratique de la cavité
3.4.2 Asservissement de la cavité de doublage
3.5 Implementation du piège dipolaire à la longueur d’onde magique
3.6 Stabilité du piège dipolaire
3.6.1 Asservissement de la fréquence de la cavité de surtension
3.6.2 Asservissement de la puissance
3.6.3 Evaluation de la stabilité du piège
3.6.4 Fraction de chargement prévu dans le piège dipolaire
3.7 Refroidissement des atomes sur une raie étroite
3.7.1 Les lasers repompeurs
3.7.2 La référence optique pour les diodes lasers
4 Piégeage du mercure et détermination de la longueur d’onde magique
4.1 Introduction
4.2 Spectroscopie de la transition d’horloge dans le régime de chute libre (rappel)
4.2.1 Laser ultra-stable
4.2.2 Spectroscopie de la transition horloge
4.3 Piégeage des atomes de mercure dans le réseau optique
4.3.1 Détection des atomes dans le réseau
4.3.2 Premières indications du piégeage des atomes de mercure
4.4 Première mesure de la longueur d’onde magique pour 199Hg
4.4.1 Méthode de spectroscopie
4.4.2 Mesure de la fréquence absolue pour deux profondeurs du piège
4.4.3 Détermination de la longueur d’onde magique à partir de la forme
asymétrique de la raie
Conclusion
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