Architectures de récepteurs
Cette section présente les architectures radio-fréquence (RF) les plus utilisées de nos jours. L’étude de ces architectures permettra de déterminer les fonctions électroniques envisageables avec les résonateurs et notamment avec ceux utilisant les ondes acoustiques. De nos jours, la majorité des architectures comporte deux voix de communication, une pour émettre les données (émetteur), l’autre pour recevoir les données (récepeteur). Un contact (switch) commandé par l’électronique permet de choisir d’émettre ou de récevoir uniquement à un instant t (half-duplex). Dans le cas de l’émission, le signal issu de l’antenne est filtré pour garder les données en rapport avec la bande d’utilisation de l’application réalisée. Ce signal est en général très faible et doit être amplifié par un amplificateur faible bruit. La bande étant subdivisée en plusieurs gammes de fréquences (appéleés canaux) beaucoup moins larges que la bande principale, un deuxième filtrage est effectué pour récuperer les données des canaux d’utilisation. La subdivision de la bande principale en canaux permet, dans le cas de certaines techniques de modulation comme la modulation OFDM [XP09], à plusieurs appareils utilisant la même bande principale, de communiquer simultanément (multiplexage) sans risque d’interférences. Ou de transmettre des données plus efficacement par rapport aux perturbations volontaires ou involontaires du milieu de transmission comme dans le cas de la modulation DSSS (Direct-sequence Spread Spectrum). Dans le cas de certains types de modulation, comme la modulation OFDM, deux canaux peuvent être utilisés pour réaliser une communication full-duplex entre deux appareils (un canal par direction de communication). Pour faciliter la conception des filtres de canal, certaines architectures utilisent le décalage de la bande de fréquence vers les basses fréquences en utilisant des circuits mélangeurs (mixer en anglais). Dans les sous sections suivantes, nous allons détailler plusieurs architectures.
Récepteur superhétérodyne
Le principe du récepteur superhétérodyne est basé sur le changement de la fréquence porteuse du signal reçu de l’antenne (aussi désigné par signal RF) cf. Fig. 1.1. Ce signal est filtré par un filtre passe-bande, large bande, qui peut être un filtre à ondes acoustiques de surface SAW (Section 1.3.2.4) ou à ondes acoustiques de volume BAW (Section 1.3.2.5). Le signal est ensuite amplifié par un LNA (Low Noise Amplifier) puis envoyé vers un mélangeur. Le mélangeur effectue la multiplication du signal par un signal à fréquence déterminée, généré par un oscillateur local. Le produit de cette multiplication est le mélange (Fig. 1.2) :
– D’un signal à une fréquence porteuse égale à la somme des fréquences du signal RF et du signal de l’oscillateur. Ce signal est filtré par le filtre de canal. Ce filtre est aussi appelé filtre réjecteur d’image.
– D’un signal à une fréquence porteuse égale à la différence des fréquences des deux signaux. Ce signal est appelé signal fréquence intermédiaire (FI) et est fixe quelque soit la fréquence porteuse du signal RF centré sur la fréquence porteuse du canal désiré.
Ce signal est ensuite envoyé en bande de base pour le traitement des données. Il peut éventuellement être amplifié à l’aide d’un amplificateur à gain contrôlé afin de réduire la dynamique du signal imposée aux blocs suivants, avant d’être envoyé à la bande de base. Le choix de la fréquence intermédiaire résulte d’un compromis entre la réjection de la fréquence image, nécessitant une FI élevée et la sélectivité du canal, nécessitant une FI faible. Lorsque la FI est grande, la réjection de la fréquence image est aisée mais il est difficile d’obtenir une bonne sélectivité. Un meilleur compromis est de fixer la FI entre 5 et 10% de la fréquence RF. Dans certaines spécifications, comme celles concernant les récepteurs ondes courtes, de signaux radar ou de satellite, ou dans les applications de téléphonie professionnelle (Tetrapole) ou de télécommunication (réseaux de données), il arrive que le compromis entre la sélectivité et la réjection de la fréquence image, soit très fort. Dans ce cas on utilise deux ou plusieurs étages de changement de fréquence du signal. La raison principale est que les technologies existantes de nos jours permettent de réaliser des composants de filtrage à une bande passante étroite et des flancs très raides (voir la section sur les filtres : Section 1.2.1). La Fig. 1.1(b) représente l’architecture à double changement de fréquence.
La bande de base démodule le signal issu de la première chaîne de réception. La technique de démodulation la plus répandue de nos jours est la modulation en quadrature de phase (QAM Quadrature amplitude modulation). Cette technique de modulation impose la séparation du signal en deux composantes appelées I et Q (notée I/Q) (Fig. 1.3). Les systèmes de nos jours traitant des données numériques, un convertisseur analogique/numérique est utilisé. Selon que la conversion analogique s’effectue avant la séparation des voies I/Q ou après, l’architecture est qualifié de numérique (Fig. 1.4(a)) ou analogique (Fig. 1.4(b)).
Dans les architectures hétérodynes numériques (Fig. 1.4(a)), le signal RF est converti en signal numérique au plus proche de l’antenne. Le récepteur ne contient plus qu’un unique mélangeur diminuant la consommation globale du circuit et facilitant la conception du récepteur. Cependant plus la FI est élevée, plus la consommation du circuit augmente. Cette technique nécessite un processeur de traitement de signal (DSP pour Digital Signal Processor) et des convertisseurs analogiques vers numériques (A/N) et numériques vers analogiques (N/A) très puissants. L’utilisation de ce type d’architecture devient de plus en plus courant, d’une part parce que le traitement en numérique est beaucoup plus facile, aisé et flexible, d’autre part parce que les processeurs DSP sont de plus en plus puissants (très grands nombre d’opérations élementaires par séconde) et sont disponibles à bas coût. Les radio-logiciels dont le but est de minimiser le nombre de composants électroniques et de maximiser l’utilisation d’algorithmes (programmes informatiques) implementés dans le processeur DSP (exemple du filtre Kalman [Kal60]) pour le traitement du signal, intègrent ce type d’architecture.
Récepteur à conversion directe ou zéro-FI
Le récepteur à conversion directe, aussi appelé récepteur homodyne ou zéro-FI utilise un étage mélangeur comme dans le récepteur superhétérodyne décrit dans la Section 1.1.1. Mais la fréquence de la porteuse du signal FI est nulle. L’intérêt de cette méthode est de s’affranchir des problèmes liés à la fréquence image évoquée ci-dessus. Pour cela, la fréquence de l’OL est choisie égale à celle de la porteuse du signal RF. A la sortie du mélangeur et après atténuation de la composante du signal ayant la fréquence égale à deux fois celle des signaux issus de l’antenne, un signal à fréquence porteuse nulle est récupéré. L’image d’un tel signal est le signal lui-même. La séparation du signal désiré de son image est effectuée à l’aide de mélangeurs RF en quadrature (Fig. 1.3). La sélection du canal est donc réalisée en bande de base à l’aide de filtres passe-bas actifs intégrés. Cette architecture ne requiert pas de filtres passifs de réjection d’image en RF (placés en sortie du LNA) et de sélection du canal en FI. La simplicité de l’architecture facilite l’intégration monolithique et rend le récepteur à conversion directe particulièrement adapté aux applications faible coût [Des07]. Ce récepteur présente toutefois deux inconvénients majeurs :
– La sensibilité aux signaux parasites continus (DC) aussi appelés «offset» ou à basses fréquences, générés par une mauvaise isolation du mélangeur (due à des couplages capacitifs, des couplages par le substrat de silicium sur lequel le circuit est fabriqué et à des couplages électromagnétiques externes). Si la technique de modulation utilisée le permet un filtre passe-haut (ou une simple capacité de liaison) avec une faible fréquence de coupure en sortie du mélangeur peut être utilisé pour éliminer la composante continue ainsi qu’une partie des composantes basses fréquences [Raz97].
– Le défaut d’appariement est plus sensible dans ce type de récepteur à cause du fait que la séparation des voies est effectuée directement après le LNA, l’erreur d’appariement est propagée et est amplifiée à travers les étages suivants. Deux composants sont dits appariés si leurs caractéristiques physiques sont identiques du point de vue de leur fonction. Pour ces raisons, peu de systèmes très performants sont réalisés avec cette architecture.
Récepteur à faible fréquence intermédiaire
Pour éliminer le problème d’«offset» dans les architectures à conversion directe tout en préservant leurs avantages, le signal RF est translaté vers une fréquence intermédiaire faible mais non nulle de valeur égale à une ou deux fois la largeur du canal. Le signal est traité en quadrature directement après l’amplificateur (LNA) afin de séparer par la suite le signal souhaité de son image. La fréquence image est éliminée à l’aide de filtre complexe passe-bande centré autour de la FI ou à l’aide de technique de mélange et d’addition ou de soustraction lors d’une seconde conversion. Les erreurs d’appariement entres les deux voies limitent l’efficacité d’atténuation de la bande image lorsqu’un filtrage complexe est utilisé.
Récepteur multistandard
Dans les architectures multistandards, plusieurs chemins de réception du signal sont utilisés (un par standard) jusqu’au niveau de la première translation du signal dans le cas des standards assez proches (technique de modulation, …) comme le standard CDMA (Code Division Multiple Access) et TDMA (Time Division Multiple Acces). Le signal est alors translaté vers une même fréquence fixée indépendamment du standard utilisé. Le reste du traitement reste similaire aux architectures citées ci dessus. Ce type d’architecture requiert une grande variabilité de fréquence pour le premier oscillateur local LO (Fig. 1.5). Dans le cas où les standards sont très différents, on separe complètement les chemins de traitement, un commutateur électronique («switch») permettant d’activer un seul standard à la fois.
Fonctions et spécifications associées
Dans cette section, nous présentons les fonctions électroniques intervenant dans une chaîne de communication et quelques spécifications associées à ces fonctions. Cela permettra de dégager les besoins et les intérêts que pourrait apporter notre composant. Pour permettre une interopérabilité des appareils communiquants, plusieurs normes ont été développées. Parmi ces normes on peut citer celles de la famille IEEE 802.x (Fig. 1.6). Toutes ces normes contiennent une chaîne de réception ou d’émission radio implémentant l’une des architectures décrite dans la Section 1.1, dont les spécifications sont liées entre autres à la gamme de fréquence utilisée et au débit des données transférées. Pour une même norme, on peut avoir plusieurs standards différents suivant le type de modulation choisi. A titre d’exemple, l’application Wi-Fi est décrite par les standards 802.11a, 802.11b et 802.11g [INT04]. Le Tab. 1.1 montre les standards associés à la norme Wi-Fi [IS07]. En fonction des normes utilisées et donc généralement de l’architecture fixée par cette norme, plusieurs spécifications sont précisées pour les différentes fonctions électroniques qui sont les filtres, les mélangeurs, les oscillateurs, les amplificateurs de puissance, etc. L’un des buts de notre étude est de servir de base pour la conception des futurs composants répondant à ces spécifications.
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Table des matières
Introduction générale
I État de l’Art des Composants et des Architectures RF
1 État de l’art des résonateurs micro-mécaniques (MEMS) et acoustiques
1.1 Architectures de récepteurs
1.1.1 Récepteur superhétérodyne
1.1.2 Récepteur à conversion directe ou zéro-FI
1.1.3 Récepteur à faible fréquence intermédiaire
1.1.4 Récepteur multistandard
1.2 Fonctions et spécifications associées
1.2.1 Filtres
1.2.1.1 Filtrage large bande
1.2.1.2 Filtrage de canal direct
1.2.2 Oscillateurs
1.3 Études des composants réalisant les fonctions
1.3.1 Composants passifs discrets
1.3.2 Composants acoustiques
1.3.2.1 Motivation pour les composants à ondes acoustiques
1.3.2.2 Principe de base des résonateurs à ondes acoustiques
1.3.2.3 Les oscillateurs et les filtres à Quartz
1.3.2.4 Composants à ondes acoustiques de surface (SAW)
1.3.2.5 Résonateurs BAW (Bulk Acoustic Wave)
1.3.2.6 Résonateurs à ondes de Lamb et à ondes guidées
1.3.3 Résonateur MEMS
1.3.3.1 Résonateur électromécanique à actionnement électrostatique
1.3.3.2 Résonateurs électromécaniques à actionnement piézoélectrique
1.3.4 Résonateurs à ondes de Lamb et à ondes guidées
1.3.4.1 Résonateur à ondes de Lamb
1.3.4.2 Résonateur à ondes acoustiques guidées
1.4 Conclusion
II Étude Théorique
2 Ondes acoustiques guidées
2.1 Ondes de Lamb
2.1.1 Élasticité linéaire : Loi de Hooke
2.1.2 Élasticité dynamique : Propagation
2.1.3 Ondes de Lamb, relations de dispersion
2.1.4 Guide d’onde piézoélectrique : Problématiques
2.2 Ondes évanescentes dans le substrat
2.2.1 Condition d’obtention d’ondes évanescentes dans le substrat : loi de Snell-Descrates
2.2.2 Première méthode : Obtention d’évanescence par création d’ondes de Love ou d’ondes de Lamb généralisées
2.2.3 Deuxième méthode : Obtention d’évanescence en utilisant une structure guidante multi-couches
2.2.3.1 Courbe de dispersion et structure multi-couches
2.2.3.2 Simulation numérique
2.2.3.3 Choix des épaisseurs pour une évanescence des ondes acoustiques plus forte dans le substrat
2.2.3.4 Validation de l’isolement du substrat
2.2.3.5 Limites de la méthode de ralentissement des ondes
2.3 Utilisation d’un miroir de Bragg désaccordé
2.3.1 Introduction
2.3.2 Modélisation : méthode de la matrice de réflexion
2.3.3 Utilisation de la méthode de la matrice de réflexion : dimensionnement
2.3.4 Calcul de la réponse d’un résonateur utilisant des peignes interdigités
2.4 Conclusion
3 Dimensionnement des résonateurs à ondes guidées
3.1 Conception d’un miroir de Bragg désaccordé
3.1.1 Dimensionnement du miroir de Bragg
3.1.1.1 Définition d’un empilement périodique
3.1.1.2 Optimisation du coefficient de réflexion par variation indépendante de l’épaisseur de chaque couche
3.1.2 Influence de la dispersion des épaisseurs des couches du miroir de Bragg
3.2 Dimensionnement de la géométrie d’un résonateur
3.2.1 Paramètres géométriques clés d’un résonateur à ondes acoustiques guidées
3.2.2 Méthodes de calculs
3.2.3 Détermination de la période des peignes interdigités
3.2.4 Largeur des peignes
3.2.5 Détermination du nombre de peignes et de la longueur du résonateur
3.3 Calcul de l’épaisseur d’AlN
3.4 Réduction de l’effet des modes parasites par modification de la dernière couche du miroir de Bragg
3.5 Conception topologique de résonateurs et de filtres : Layout
3.5.1 Différents types de résonateurs fabriqués
3.5.2 Filtres à couplage électrique
3.5.3 Filtres à couplage acoustique
3.6 Conclusion
III Réalisation Technologique
4 Réalisation technologique et caractérisation des résonateurs
4.1 Développement du procédé de fabrication
4.1.1 Choix de l’empilement technologique
4.1.2 Description du procédé de fabrication
4.2 Caractérisation électrique des résonateurs et des filtres à ondes acoustiques guidées
4.2.1 Modèles de deembedding
4.2.2 Résultats électriques
4.2.3 Dispersion des mesures électriques
4.2.3.1 Dispersion des fréquences de résonance et d’antirésonance
4.2.3.2 Dispersion des facteurs de qualité série (Qs) et parallèle (Qp)
4.2.3.3 Dispersion du coefficient de couplage (k2 )
4.2.4 Autres dispositifs
4.2.5 Comparaison des solutions de réflecteurs latéraux
4.2.6 Co-intégration avec les résonateurs BAW
4.3 Conclusion
IV Conclusions
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