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Critères de sélection pour l’imagerie médicale
Les détecteurs à base de semi-conducteurs sont susceptibles d’être utilisés pour plusieurs types de rayonnements. En fonction de leur nature (rayons X ou, particules chargées de haute énergie ouet de leur gamme d’énergie (de quelques centaines d’eV à plusieurs MeV, voire supérieure au GeV), plusieurs semi-conducteurs peuvent servir de matériaux de détection. L’étude de l’application permet alors de dégager un certain nombre de critères à satisfaire. Certains convergent et peuvent être satisfaits pour un même détecteur, tandis que d’autres sont antagonistes et nécessitent un compromis.
Dans notre cas, nous nous intéressons à l’étude des rayons X pour une énergie comprise entre 20 et 60 keV et appliquée à l’imagerie médicale. Nous allons maintenant détailler les critères propres à cette application.
En premier critère, nous pouvons citer celui du numéro atomique Z (voire de la densité) du composé semi-conducteur. Le Z doit être supérieure à 30, voire 40 afin d’avoir une bonne efficacité d’absorption des photons incidents. En effet, le détecteur ne doit pas perdre une partie des photons incidents envoyés sur le patient, qui serait alors une dose inutile. De plus, comme nous l’avons vu dans le chapitre I, avoir un grand Z permet de privilégier des interactions photons / matière de type photoélectrique, ce qui est l’objectif recherché. Les courbes de la figure II-1 représentent l’épaisseur nécessaire de quelques matériaux semi-conducteurs pour stopper 90% des photons incidents en fonction de leur énergie en keV. Ces épaisseurs ont été obtenues à partir des sections efficaces d’absorption des matériaux calculées à l’aide de la base de données du NIST [Internet @ 6].
L’épaisseur de matériau entraîne deux limites contraignantes sur le choix du matériau. Tout d’abord, une limitation technique liée à la croissance du matériau. Il faut être capable de produire l’épaisseur nécessaire avec une bonne pureté cristalline et de la transformer (découpe, polissage, traitement de surface,…). Par exemple, pour le silicium, une épaisseur maximale de 2 mm est atteignable (fournisseur SINTEF [Internet @ 7]). Enfin, en fonction de l’architecture du détecteur et des propriétés de transport des charges du matériau, une trop grande épaisseur peut réduire les performances du détecteur.
La résistivité intrinsèque du semi-conducteur constitue un second critère de sélection. Une forte résistivité permet de limiter le courant d’obscurité, et par conséquent, le bruit du détecteur. De préférence, elle doit être supérieure à 108 Ω.cm.
L’environnement dans lequel le détecteur devra fonctionner est également un critère. En particulier, pour l’imagerie médicale, le détecteur doit fonctionner à température ambiante car il se situera près du patient. C’est alors une condition à satisfaire pour la largeur de la bande interdite du semi-conducteur. Eg doit généralement être supérieure à 1,4 eV. Ce qui élimine l’utilisation du Ge par exemple, qui obtient pourtant une excellente résolution en énergie mais en étant refroidi à 70 K.
Les propriétés de transport (mobilité µ et durée de vie τ) des électrons et des trous sont aussi soumises à des restrictions. La présence de pièges dans le matériau rajoute du bruit sur la mesure. La perte des porteurs se traduit également par une détérioration de la résolution en énergie et une diminution du contraste. Une collecte convenable des porteurs ne peut s’effectuer que dans le cas où la distance parcourue par ces derniers pour atteindre l’électrode collectante est très inférieure à celle qu’ils peuvent parcourir avant piégeage. Cette valeur, appelée libre parcours moyen des charges, se calcule de la façon suivante :
E avec E : champ électrique appliqué (II-1) La valeur du paramètredépend directement des caractéristiques physiques du matériau (mobilité, résistivité qui impose un champ électrique maximal à appliquer), de la qualité cristalline du matériau (durée de vie avant piégeage) et du dispositif en lui-même (tension, et donc champ, appliqué). Quelques ordres de grandeurs des valeurs de sont donnés dans le tableau II-2 [Owens, 2004].
Dans notre contexte d’étude, la toxicité du composé semi-conducteur par rapport à la norme RoHS est également un critère de sélection. En plus du CdTe et CdZnTe, nous pouvons alors éliminer le HgI2 et le PbI2 comme matériaux possibles.
Un dernier critère sur la maîtrise technologique du matériau peut être enfin évoqué. Dans le cadre de la radiographie X, la surface du détecteur doit pouvoir atteindre 43×43 cm² (dimension moyenne du thorax). Il faut donc être capable de produire un matériau en grande surface, selon une certaine épaisseur et avec une grande pureté cristalline. Une maîtrise des différents traitements appliqués au matériau, tels que la découpe, le traitement de surface, le dépôt d’électrodes métalliques, est également nécessaire. Tout cela en plus avec un prix raisonnable.
Quelques propriétés essentielles de semi-conducteurs classiques utilisés en détection de radiations sont présentées dans le tableau II-3 [Owens, 2004].
De manière générale, du fait de son faible numéro atomique, le Si ne serait utilisable que pour une application basse énergie telle que la mammographie. Le GaAs et l’InP possèdent tous deux de bons produitsmais aussi une résistivité moyenne. Au contraire, le TlBr bénéficie d’une très forte résistivité, qui permettra de pouvoir lui appliquer un fort champ électrique.
Méthodes de croissance cristalline
Les semi-conducteurs se trouvent sous deux formes principales : en lingot monocristallin que l’on découpe ensuite en wafer (ou galettes), ou en couches minces obtenues par épitaxie. L’objectif de cette section est de faire un rappel succinct des procédés de croissance les plus utilisés.
Pour obtenir un monocristal, plusieurs méthodes de croissance existent. Cette variabilité dépend de la nature du semi-conducteur, de sa température de fusion, de la résistivité attendue et de l’épaisseur et du volume souhaités. Malgré tout, les principes physiques mis en jeu demeurent à peu près les mêmes pour toutes ces techniques.
Nous avons vu dans le chapitre I qu’il y a une relation directe entre les performances du détecteur et les caractéristiques du matériau de base (perfection cristalline et pureté chimique). La purification des semi-conducteurs, la croissance de monocristaux sans défauts physiques et, dans certains cas, la synthèse de composés stœchiométriques sont donc des impératifs à satisfaire.
Une première méthode très utilisée, notamment pour la fabrication du silicium, est appelée Czochralski, dont on peut voir le schéma de principe en figure II-2 [Internet @ 8].
Figure II-2: Principe de la méthode de tirage de Czochralski [Internet @ 8]
Dans cette technique, des morceaux de matériaux à cristalliser sont chauffés dans un creuset jusqu’à atteindre une température au dessus du point de fusion. Après homogénéisation de la masse fondue, un germe monocristallin orienté du cristal à obtenir est plongé dans le haut du bain. Le bain se solidifie alors sur le germe légèrement plus froid et le cristal ainsi formé est extrait en tirant graduellement le germe vers le haut. Une deuxième technique, dérivée de la Czochralski, s’appelle la Liquid Encapsulated Czochralski (LEC). Elle reprend le même principe, mais cette fois en encapsulant le bain fondu dans un liquide qui possède une température d’évaporation plus haute pour éviter la propagation des vapeurs. Cette méthode permet de mieux contrôler la pureté du matériau, surtout dans le cas de composés semi-conducteurs. De grandes épaisseurs de cristal et des diamètres conséquents (jusqu’à 12 pouces) peuvent être obtenus avec la méthode Czochralski et ses dérivées.
La méthode de Bridgman-Stockbarger verticale Czochralski est aussi fréquemment utilisée. Son principe est , autre dérivée de la technique montré en figure II-3.
Figure II-3 : Principe de la technique de Bridgman-Stockbarger
Le composé est fondu dans un creuset scellé. L’ampoule se déplace ensuite dans un four dans lequel un gradient de température a été établi au préalable. Le composé passe ainsi progressivement d’une zone chaude, au dessus de son point de fusion, à une zone plus froide, en dessous de son point de fusion. La cristallisation s’enclenche dans la zone froide et l’interface solide / liquide se déplace vers la partie supérieure du cristal lorsque l’ampoule descend dans le four. La méthode de Bridgman-Stockbarger horizontale utilise le même procédé. Ces techniques sont couramment utilisées pour faire croître le CdTe. La croissance peut également se faire sous haute pression d’un gaz inerte. Dans certains cas, on n’utilise pas de germe monocristallin pour initier la cristallisation, ce qui ne permet pas de contrôler l’orientation des cristaux formés. Le lingot final est alors constitué de plusieurs régions présentant des orientations différentes. Enfin, l’utilisation d’une ampoule permet d’éviter l’évaporation de matériaux, qui peut causer une modification de la composition du mélange, mais limite par contre le diamètre du cristal.
La technique appelée Vertical Gradient Freeze (VGF) reprend le même principe avec une ampoule et un gradient de température. Dans ce cas, l’ampoule est fixe et c’est le gradient qui se déplace. Le refroidissement du composé fondu permet sa solidification et l’obtention du cristal. Le schéma de principe de la méthode VGF est présenté en figure II-4.
La méthode de la zone flottante est préférée pour fabriquer le silicium cristallin. Elle consiste en la fusion locale d’un germe monocristallin fixé à l’extrémité d’un lingot de matériau polycristallin. Le monocristal est ainsi obtenu en déplaçant la zone fondue (l’élément chauffant restant fixe). Son schéma de principe se trouve en figure II-5. Cette technique permet d’éviter la contamination du matériau par l’utilisation d’un creuset.
Figure II-5 : Principe de la croissance par zone flottante
Basée sur le même principe, la fusion de zone est la méthode la plus utilisée pour la purification. Ce procédé utilise le fait que la solubilité des impuretés est en général plus forte en phase liquide qu’en phase solide et les accumule donc dans la région fondue. La répétition de l’opération permet de nettoyer le matériau. Cependant, cette technique est inefficace pour éliminer certaines impuretés résiduelles. Dans ce cas, une compensation des défauts est obtenue via un dopage convenable du semi-conducteur pendant la croissance.
Toutes les méthodes décrites permettent d’obtenir des matériaux épais. L’épitaxie, quand à elle, donne lieu à la production de matériaux en couche mince (quelques nanomètres
à quelques micromètres d’épaisseur). Ce procédé consiste en un dépôt d’une couche monocristalline qui croît sur un substrat. On distingue l’homo-épitaxie (même nature pour le substrat et le cristal) de l’hétéro-épitaxie (substrat de nature différente du cristal). Plusieurs voies de croissance sont utilisées : épitaxie en phase solide, liquide, vapeur (dont l’épitaxie à jet moléculaire). De manière générale, l’épitaxie permet d’obtenir des matériaux de bonne qualité, notamment en termes d’homogénéité, de défauts cristallins et d’impuretés.
Afin de satisfaire le critère d’absorption des photons incidents par le semi-conducteur en imagerie médicale, nous nous sommes particulièrement intéressés aux matériaux fabriqués sous forme de lingots monocristallins. Mais dans un souci de réaliser un état de l’art assez exhaustif, nous avons aussi regardé les performances obtenues par des détecteurs basés sur un semi-conducteur obtenu par épitaxie.
Les matériaux semi-conducteurs utilisés pour la détection de rayons X
Les paragraphes suivants ont pour objectif d’établir un état de l’art des semi-conducteurs, alternatifs au CdTe, utilisés comme détecteurs de rayons X. De part les nombreux progrès au niveau de la croissance cristalline, nous présenterons essentiellement les résultats obtenus depuis les dix dernières années, des matériaux les plus matures aux plus récents techniquement.
Le Silicium
Le silicium (Si) possède un petit numéro atomique (Z=14). Comme nous avons pu le voir dans la section 1.1., il faut 25 mm de Si pour stopper 90% des photons d’énergie 50 keV. Le Si, généralement produit par la méthode Czochralski ou par zone flottante, se trouve sous forme de wafers d’épaisseur 300-400 µm. Des machines ont été développées pour transformer les wafers avec ces épaisseurs. Le Si n’est donc pas utilisable pour des applications radiographiques supérieures à 20 keV.
Le Department of Microsystem and Nanotechnology du groupe de recherche SINTEF Electronics and Cybernetic (Norvège) [Internet @ 7] propose des détecteurs avec un contact diode PIN en Si jusqu’à 2 mm d’épaisseur. Cette épaisseur étant suffisante pour arrêter 90% des photons d’énergie 20 keV, le Si est donc un candidat potentiel pour la mammographie. Le Si de SINTEF est de très haute pureté et donc hautement résistif (30 000.cm). Plusieurs centaines de volts (entre 650 et 800 V) sont nécessaires pour dépléter entièrement le détecteur, ce qui impose l’utilisation de multiples anneaux de garde sur les bords (un anneau intérieur connecté à la masse ou à la tension de polarisation et plusieurs anneaux flottants). La largeur totale des anneaux devant être aussi grande que l’épaisseur du matériau. Nous avons commandé un de leur motif de test afin de vérifier les performances du matériau. Ce détecteur mesure 15,5×15,5×2 mm3, avec huit bandes de 1 mm de large au pas de 1,4 mm de part et d’autre du matériau. La figure II-6 présente des photos de la face avant et de la face arrière de ce motif vendu par SINTEF.
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Table des matières
Introduction
Chapitre I Détecteurs à base de semi-conducteurs pour la radiographie X
1. Etat de l’art de la détection de rayonnement X pour l’imagerie médicale
1.1. Formation de l’image radiologique
1.2. Les dispositifs de détection en imagerie médicale X
1.3. Les semi-conducteurs pour l’imagerie de rayonnement X
2. Principe de fonctionnement des détecteurs à base de semi-conducteur pour la détection de rayonnement X
2.1. Les interactions rayonnement / matière
2.2. La collecte des porteurs de charges
2.3. Les modes de fonctionnement d’un détecteur semi-conducteur
2.4. Intérêt du passage en mode comptage
3. Contexte du travail de thèse
Conclusion
Chapitre II Matériaux semi-conducteurs et architectures de détecteur pour la détection de rayonnement X
1. Etat de l’art des matériaux semi-conducteurs pour la détection de rayons X
1.1. Critères de sélection pour l’imagerie médicale
1.2. Méthodes de croissance cristalline
1.3. Les matériaux semi-conducteurs utilisés pour la détection de rayons X
2. Etat de l’art des architectures de détecteurs pour la détection de radiations
2.1. La géométrie 3D et semi-3D pour le silicium
2.2. La géométrie 3D pour d’autres matériaux
2.3. Les nanofils
2.4. Les micro-bolomètres
2.5. Synthèse
Conclusion
Chapitre III Etude du GaAs semi-isolant en structure planaire : évaluation du matériau et des électrodes
1. Généralités
1.1. Fournisseurs et croissances
1.2. Interface métal / semi-conducteur
1.3. Techniques de dépôt de couches métalliques
2. Caractéristiques courant-tension
2.1. Dispositif expérimental
2.2. Analyse des résultats
3. Mesures en intégration
3.1. Dispositif expérimental
3.2. Analyse des résultats
4. Tests sous irradiation gamma
Conclusion
Chapitre IV Caractérisations de l’usinage par laser nanoseconde des électrodes pour les détecteurs 3D
1. Etat de l’art des techniques de micro-usinage des semi-conducteurs
2. Description du banc d’usinage laser
3. Démonstration de la faisabilité de l’usinage par laser nanoseconde
3.1. Usinage d’un grand rapport d’aspect et d’un grand nombre de trous
3.2. Usinage du GaAs
4. Recherche d’une zone affectée thermiquement dans le GaAs après usinage laser
4.1. Analyse topographique et chimique
4.2. Analyse cristallographique
5. Essai pour réduire la conicité
5.1. Variation de la forme des trous en fonction de la puissance laser et du nombre d’impulsions laser
5.2. Influence d’une gravure chimique
6. Connexion du détecteur 3D au circuit électronique
6.1. Connexion via l’insertion de fils métalliques
6.2. Connexion via le remplissage des trous par un métal liquide
Conclusion
Chapitre V Réalisations et caractérisations de détecteurs 3D à base de CdTe et de GaAs semi-isolant
1. Développement d’un détecteur 3D à base de CdTe:Cl
1.1. Description de l’échantillon
1.2. Caractéristiques courant-tension
1.3. Mesures spectrométriques sous irradiation de photons
1.4. Mesures spectrométriques sous irradiation de rayons X synchrotron
1.5. Synthèse
2. Réalisation d’un détecteur 3D à base de GaAs semi-isolant
2.1. Description de l’échantillon
2.2. Caractéristiques courant – tension
2.3. Mesures spectrométriques sous irradiation de photons
2.4. Synthèse
Conclusion
Conclusion et Perspectives
Références bibliographiques
Références internet
Publication et communications
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