Première définition de la WONCA (1991)
La WONCA : World Organization of National Colleges, Academies and Academic Associations of General Practionners/Family Physicians est l’organisation mondiale des médecins généralistes/médecins de famille qui regroupe plus de 200 000 médecins dans 80 pays. En 1991, la WONCA dans sa déclaration sur le rôle du médecin généraliste – médecin de famille au sein des systèmes de santé a produit une définition du rôle du médecin généraliste en s’appuyant sur les travaux du groupe de travail de Leeuwenhorst : «Le médecin généraliste/médecin de famille est responsable de fournir des soins complets à toute personne qui en fait la demande, et d’organiser l’accès aux services d’autres professionnels si nécessaire. Le médecin généraliste/médecin de famille accepte tous ceux qui cherchent à obtenir des soins, alors que d’autres fournisseurs de soins limitent l’accès à leurs services en fonction de l’âge, du sexe ou du diagnostic. Le médecin généraliste/médecin de famille prend en charge la personne dans le contexte de sa famille, la famille dans le contexte de sa communauté, indépendamment de la race, de la religion, de la culture, ou de la classe sociale. Il possède les compétences cliniques pour fournir la majorité des soins requis, prenant en compte les facteurs culturels, socio-économiques et psychologiques. En plus de cela, il assume personnellement la responsabilité de la continuité et de la globalité des soins à ses patients. Le médecin généraliste/médecin de famille exerce sa profession en fournissant des soins lui-même, ou au travers des services de tierces personnes, selon les besoins du patient et des ressources disponibles au sein de la communauté qu’il sert. » Cette définition introduit la notion de discipline avec des caractéristiques propres,définissant des compétences médicales de soins propres au médecin généraliste
L’approche de l’OMS Europe (1998)
La branche européenne de l’Organisation Mondiale de la Santé, l’OMS Europe a publié un document cadre pour le développement de la médecine générale [12], avec une approche similaire à celle du CNGE. Elle décrit des principes fondamentaux et des tâches déterminées par le système de soins dans lequel le médecin généraliste travaille et par les besoins changeants des patients. Ce document développe ainsi sept caractéristiques qui croisent beaucoup les principes définis par B.Gay :
a. Générale Les soins administrés par les médecins de famille ne sont pas limités à certaines catégories de la population: ils s’adressent à tout le monde, sans restriction d’âge, de sexe, de milieu social, d’ethnie ni de religion. En médecine de famille aucune catégorie de plaintes ni de problèmes liés à la santé n’est exclue. Elle doit être accessible dans un délai bref. L’accès n’est pas limité par des barrières géographiques, culturelles, administratives ou financières.
b. Continue La médecine générale est d’abord centrée sur la personne, avant d’être centrée sur la maladie. Elle est basée sur des relations personnelles durables entre le patient et le médecin, elle englobe la santé des individus de manière longitudinale et s’étend sur des périodes importantes de leur vie, sans se limiter à un épisode de recours aux soins.
c. Globale La médecine générale comprend les soins préventifs, curatifs, de réhabilitation et palliatifs, ainsi que l’éducation pour la santé, en intégrant les domaines bio-médical, psychologique et social. Elle traite des liens entre la souffrance et la maladie et intègre dans les décisions, les aspects humains et éthiques de la relation médecin/patient.
d. Coordonnée La grande majorité des problèmes dont souffrent les individus peuvent être résolus lors de la première entrevue avec le médecin de famille. Lorsque cela s’avère nécessaire le médecin de famille dirige le patient vers un spécialiste ou vers un autre professionnel de santé. Les médecins de famille informent les patients sur les services proposés et les meilleurs moyens de les utiliser. Les médecins de famille apparaissent comme les conseillers de leurs patients et leurs apportent ou procurent le soutien moral approprié. Ils sont aussi responsables de la coordination des soins et des prises en charge sociales.
e. Collaboratrice Les médecins de famille devraient être préparés à travailler avec les autres professionnels de santé et les acteurs sociaux. Pour atteindre tous ces objectifs, il est souhaitable que le médecin de famille fasse partie d’une équipe multidisciplinaire dont il pourrait assurer la direction.
f. Orientée vers la famille En médecine générale, les problèmes individuels sont traités dans leur contexte familial, social et culturel, et ce en fonction des circonstances sociales et d’emploi.
g. Orientée vers la communauté Les problèmes du patient doivent être examinés en tenant compte du contexte communautaire local. Le médecin de famille devrait identifier les besoins de la communauté concernée en matière de santé en collaborant avec les autres professionnels, avec les institutions médicosociales et avec des associations d’usagers afin d’améliorer les problèmes sanitaires locaux.» La médecine générale est donc vue comme la cohorte des médecins généralistes d’un pays, avec leur spécificité d’exercice efficient au service d’un système de soins performant.
Définition de Olesen, Dickinson et Hjortdahl (2000)
Olesen et al. [13] ont publié en 2000 un projet de révision de la définition du rôle du médecin de famille, qui s’enracine dans la définition de Leeuwenhorst mais considère celle-ci dépassée. Selon eux certains systèmes de santé ne permettent pas aux médecins généralistes de se conformer à toutes les caractéristiques définies par la WONCA en 1991, notamment en ce qui concerne la prise en compte du cadre communautaire et la continuité des soins dans la durée. Ils s’appuient sur l’exemple des médecins généralistes qui travaillent dans les services d’urgence. La définition qu’ils proposent est la suivante : « Le médecin généraliste – médecin de famille est un spécialiste formé pour le travail de soins primaires d’un système de santé et formé à prendre les mesures initiales pour fournir des soins aux patients indépendamment du type de problème(s) de santé présenté(s). Le médecin généraliste – médecin de famille prend soin des personnes au sein d’une société, indépendamment du type de maladie ou d’autres caractéristiques personnelles ou sociales. Il organise les ressources disponibles du système de santé à l’avantage de ses patients. Le médecin généraliste s’engage avec des individus autonomes dans les domaines de la prévention, du diagnostic, des soins, y compris palliatifs, de l’accompagnement et de la guérison, en utilisant et en intégrant les sciences biomédicales, la psychologie et la sociologie médicale. » Cette définition introduit la notion de spécialiste qui fait référence à un mode d’exercice spécifique qui est le premier recours, et à une formation spécifique nécessaire pour exercer. Cette définition n’a pas obtenu de consensus international. Le travail d’Olesen et al. A été perçu comme l’expression d’un mécontentement. Cependant l’existence de ce contre courant traduit la complexité de l’élaboration d’une définition et de caractéristiques universelles. Il montre que l’universalité des caractéristiques est limitée par les contraintes de chaque système de santé. Ces contraintes peuvent créer un décalage entre le contenu de la discipline et sa mise en pratique.
L’importance de la médecine générale dans le système de santé
L’expérience internationale démontre que les systèmes de santé basés sur des soins de santé primaire avec des médecins généralistes, fournissent des soins plus rentables et plus efficaces au niveau clinique. Une étude faite aux Etats-Unis a démontré que la mortalité a diminué de 14,4 morts pour 100.000 habitants pendant une période de 11 ans quand le nombre de généralistes a augmenté de un médecin pour chaque 100.000 habitants . Cette étude apporte la preuve que les ressources en soins primaires sont liées à la santé de la population et peuvent aider à réduire les disparités socioéconomiques. Ces résultats sont importants car ils apportent une preuve plus solide de la relation entre le médecin généraliste et la diminution de la mortalité. Les chercheurs affirment aussi que la qualité de soins primaires peut entrainer une meilleure efficacité des soins secondaires et tertiaires. Nous retenons aussi de cette étude qu’une médecine générale caractérisée par des soins de santé de base centrés sur la personne dans sa globalité peut aussi servir à renverser les effets négatifs des inégalités sociales sur la santé, donc on peut déduire que la promotion de la médecine générale peut être une stratégie plus facile et moins onéreuse pour lutter contre la mortalité et pour réduire les disparités socioéconomiques en matière de santé. Une autre étude menée avec un groupe de cardiologues de Casablanca montre que presque35% des douleurs thoracique vue en consultation cardiologique ne sont pas d’origine cardiaque,donc un premier passage de ses patients chez le médecin généraliste pouvait conduire à une réduction de plus de 35% des dépenses.De même une étude européenne menée chez des médecins généralistes ayant des cabinets recevant 150 patients par semaine a démontré que le premier passage chez le médecin généraliste a permis une réduction de la consommation des médicaments de presque 34%, et la réduction des dépenses des examens complémentaires de presque 21%. Donc un investissement en médecine générale est nécessaire pour la recherche et la qualité de prise en charge des dépenses de soins de santé de base [4].
Satisfaction vis-à-vis de la formation médicale initiale :
L’évaluation de la formation médicale initiale a fait l’objet de nombreuses études. Aux états- unis, une évaluation faite par Abraham Flexner avait compris toutes les facultés de médecine du pays, et c’était même étendu aux facultés de médecine canadiennes qui avaient suivi l’exemple [21,22]. Dans les pays francophones, au début des années 90, quelques facultés de médecine (faculté de Tunis, Beyrouth et Louvain) membres de la conférence internationale des doyens des facultés de médecine d’expression française (CIDMEF), se sont volontairement prêtées à un exercice d’évaluation [23,24]. Dans notre étude, nous avons essayé d’évaluer la formation médicale initiale au niveau des facultés marocaines du point de vue des médecins généralistes. Plus des deux tiers de nos répondants ont estimé que la formation médicale initiale qu’ils ont reçue était insuffisante pour acquérir les compétences nécessaires pour exercer en tant que médecins généralistes, mais globalement ils étaient satisfaits de cette formation initiale. Ils ont donc proposé de se concentrer durant la formation initiale sur les aspects pratique (travaux pratiques, travaux dirigés, cas cliniques, simulations) et de réduire le temps consacré au cours théoriques, de permettre aux étudiants de passer par tous les services avec un bon encadrement, des objectifs bien précis et l’apprentissage des gestes médicaux. Ils ont également souligné l’importance de certaines spécialités comme la radiologie et la gynécologie ainsi que l’importance d’apprendre la gestion et les aspects juridiques de la profession. Et enfin ils ont proposé des stages au niveau des cabinets privé et des programmes de formation continue au sein de leur faculté de formation initiale.
Les pathologies les plus rencontrées
L’enquête que nous avons menée a montré que les pathologies aigues les plus rencontrées durant la pratique quotidienne étaient les infections ORL ( angines, otites, rinopharyngites) , les infections respiratoires aigues et les pathologies digestives ( diarrhées, gastrite, gastro-entérite, douleur abdominales aigues, colopathies). Les pathologies chroniques les plus rencontrées étaient le diabète, l’HTA, les arthralgies chroniques et l’asthme ainsi que les pneumopathies chroniques.
Importance de la formation médicale continue
La médecine est une science qui change constamment. Chaque jour on assiste à de nouvelles découvertes, de nouvelles recommandations qui peuvent modifier les données existantes ou les remplacer complètement. Donc les médecins, quelques soit leur mode d’exercice, ont le devoir déontologique de se former et d’évaluer leur pratique, pour être toujours au courant des nouvelles données de la science [37]. Cette formation a pour objectif d’améliorer la qualité des soins et donc d’améliorer la pratique médicale quotidienne [38]. Ainsi, la totalité de nos répondants ont confirmé l’importance de la formation médicale continue dans leur pratique quotidienne. Cette conscience s’est reflétée sur la fréquence de leurparticipation à des activités formatrices qui est d’une moyenne de 7 fois par an, ce qui concorde avec les recommandations françaises qui sont de 4 jours par an ou un effort équivalent [37]. Au Maroc, la FMC, bien qu’elle soit non obligatoire sur le plan légal, connaît un développement rapide sur le plan quantitatif [39]. Les initiatives sont multiples, provenant essentiellement du Ministère de la Santé, des facultés de médecine, mais l’absence d’une coordination préalable et d’une évaluation à postériori, rendent nécessaire une démarche qualité pour la FMC, garante de pertinence, de succès et d’efficience. Les données de la littérature, consacrée à l’impact de la formation continue montre que celle-ci, dès lors qu’elle empreinte des formes pédagogiques didactiques traditionnelles à peu d’effet direct sur les pratiques, et que les modes de formation plus interactifs, plus ancrés dans la pratique effective auraient un impact plus prononcé [37].
Moyens utilisés pour la formation médicale continue :
Les moyens de formation continue des médecins sont très diversifiés, diversification correspondant à la multiplicité des modes d’exercice, des conditions d’exercice, des besoins, des possibilités et des personnalités des médecins. Dans notre échantillon, le moyen le plus utilisé était les congrès scientifiques (utilisés par 40 médecins), suivi de la presse médicale et les revues scientifiques ( 29 médecins), puis les manuels de médecine (23 médecins), la formation médicale associative (17 médecins), les groupes d’échanges de pratiques entre pairs (9 médecins) et enfin l’internet, les programmes du ministère de la santé et les formations payantes ( DU et DIU) qui viennent en dernier. Ces données concordent avec les résultats d’une enquête effectuée dans notre faculté auprès des médecins généralistes de Marrakech pour évaluer leur formation initiale en gynécologie obstétrique, et où 25% des répondants utilisaient les congrès comme principale modalité de FMC, suivi des revues scientifiques (20%), des ateliers pratiques (20%) puis internet (18%) et enfin les séminaires (16%) [40]. Une deuxième enquête auprès des médecins généralistes des régions de Tinghir, Ouarzazate et Er-rachidia a montré l’utilisation l’internet par la majorité des médecins interrogés, suivie de l’achat des livres médicaux, la participation à des séminaires et enfin l’abonnement à des revues médicales [41]. Nous avons donc constaté que les médecins généralistes préféraient les méthodes interactives (congrès scientifiques, FMC associative, atelier pratique, groupes d’échange de pratique entre pairs) pour se procurer leur formation continue. En effet, ses moyens permettent une séparation entre la pratique médicale quotidienne et l’apprentissage qui devient d’autant plus efficace que l’ambiance est détendue et que les échanges d’idées entre confrères et superviseurs se font de façon informelle et conviviale [42]. Cette constatation est appuyée par la littérature internationale. Une étude britannique concernant les médecins généralistes a montréla supériorité des combinaisons entre présentation des cas et ateliers de travail en petits groupes [43]. On note également l’utilisation des groupes d’échanges de pratique entre pairs (GEPP) dans plusieurs pays : en Allemagne où 50% des généralistes allemands sont membres d’un groups de pairs [44,45], dans les pays d’Europe du nord [46] et en France où les médecins se déclaraient très satisfaits de leur participation à un groupe qui améliorait la qualité des soins (meilleure application des recommandations) et avait changé leur méthode de travail [47]. Un GEPP est composé de médecins de même spécialité, qui organisent des séances de travail régulières où ils présentent à tour de rôle des dossiers de leurs patients afin de porter un regard critique sur la prise en charge [48].
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Table des matières
INTRODUCTION
MATÉRIELS & MÉTHODES
I. TYPE DE L’ÉTUDE
II. POPULATION CIBLE ET ÉCHANTILLONNAGE
III. Variables étudiées
IV. Collecte de Données
V. Analyse statistique
VI. Considérations éthiques
VII. Aspects réglementaires
VIII. Difficultés rencontrées
RÉSULTATS
I. Caractéristiques générales des répondants
1. Caractéristiques générales des répondants
2. informations sur la formation initiale
3. Secteur d’exercice
II. Formation médicale
1. Formation initiale
2. Formations complémentaires
3. Choix de la médecine générale
4. La spécialisation
III. Pratique médicale
1. Consultation médicale
2. Pathologies les plus rencontrées
3. Activités de prévention et de sensibilisation
4. Communication avec le milieu extérieur
IV. Formation continue
1. Importance de la formation médicale continue
2. Nombre de formation médicale continue par an
3. Moyens utilisés pour la FMC
4. Thématiques recherchées pour la FMC
V. Satisfaction professionnelle
1. Comparaison entre médecins du secteur public et médecins du secteur privé
2. Satisfaction professionnelle selon le genre
DISCUSSION
I. Cadre conceptuel : la médecine générale
1. Définitions de la médecine générale
2. Définition de la médecine générale selon la WONCA Europe
3. Le médecin cinq étoiles
4. L’importance de la médecine générale dans le système de santé
II. La formation médicale
1. État des lieux de la formation médicale au Maroc
2. La formation médicale initiale
III. La pratique médicale
1. La consultation médicale
2. Les pathologies les plus rencontrées
3. Les activités de prévention et de sensibilisation
4. La communication avec le milieu extérieur
5. L’accès aux soins des patients
IV. La formation médicale continue
1. Importance de la formation médicale continue
2. Moyens utilisés pour la formation médicale continue
3. Thèmes recherchés pour la formation médicale continue
V. La satisfaction professionnelle
VI. Avantages et limites de l’étude
VII. Recommandations
CONCLUSION
ANNEXES
RÉSUMÉS
BIBLIOGRAPHIE
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