La diversitรฉ des trajectoires รฉconomiques prises par les pays du Tiers-Monde, compte tenu des prรฉconisations avancรฉes par les thรฉoriciens qui sont le mรชmes pour tous ce pays, ouvre un dรฉbat sur les vรฉritables facteurs menant au dรฉcollage รฉconomique. Depuis lโapparition de la branche dโรฉtude qui est lโรฉconomie du sous-dรฉveloppement, la principale interrogation qui stimule les recherches est : Quels sont les vรฉritables facteurs du dรฉveloppement ? La pertinence thรฉorique du thรจme que nous avons ร traiter, intitulรฉ : ยซ Rationalitรฉ et trajectoire รฉconomique : essai de comprรฉhension du phรฉnomรจne de sousdรฉveloppement ยป sโinspire des divers conceptualisations du sous-dรฉveloppement ร lโintรฉrieur de la pensรฉe รฉconomique. La pertinence sociale vient alors en second ordre.
ETAT DE CONNAISSANCE SUR LA RATIONALITE ECONOMIQUE
Le terme ยซ rationalitรฉ ยป est compris ร travers la littรฉrature รฉconomique orthodoxe comme lโattribut principal de lโhomo economicus. Des divergences de points de vue ont cependant contribuรฉ ร enrichir le sens de la rationalitรฉ, ce qui fait lโobjet de la prรฉsente analyse.
Lโhomo economicus
Dรฉfinitions et fondements
Le terme homo economicus est utilisรฉ pour la premiรจre fois par Carl Menger, est dรฉfini comme lโindividu rationnel qui opรจre des choix microรฉconomiques dans le modรจle nรฉoclassique, rรฉpondant ร trois critรจres fondamentaux :
โค Il tient compte dโune relation de prรฉfรฉrence entre les paniers de biens disponibles et rรฉalisables, en supposant quโil se trouve dans un environnement dโinformation parfaite. Ce mรฉcanisme se formule comme suit :
โ ยซ Complรฉtude : lโagent est capable de classer tous les paniers de biens les uns par rapport aux autres. Cela signifie que pour toute paire de paniers x et xโ, lโagent est capable de dire sโil prรฉfรจre x ร xโ ou xโ ร x, ou sโil est indiffรฉrent entre les deux
โ Transitivitรฉ : si lโagent prรฉfรจre le panier x au panier xโ et le panier xโ au panier xโโ, alors il prรฉfรจre le panier x au panier xโโ. Un consommateur est rationnel si sa relation de prรฉfรฉrence est complรจte et transitive. ยป .
โค Son choix est dictรฉ par la recherche de la satisfaction maximale : ยซ (โฆ) son seul objet est la dรฉtermination de l’action pour atteindre le rรฉsultat le meilleur possible ; elle est fondรฉe sur une axiomatique de l’intรฉrรชt individuel : les individus sont des sujets รฉgoรฏstes, informรฉs et calculateurs ยป.
โค Il tient compte des contraintes qui lui sont imposรฉes, notamment la raretรฉ des ressources dont il dispose : ยซ(โฆ) nous devons toujours nous efforcer de produire avec le moins de travail possible car le travail est un exercice pรฉnible et nous dรฉsirons subir le moins de peine et de dรฉrangement que nous pouvons (โฆ) Le but auquel nous tendons est dโobtenir le plus de richesse possible, avec le moins de travail possible ยป .
Pourquoi ces trois critรจres sont ceux qui gouvernent lโรฉlaboration dโun choix รฉconomique chez lโhomo economicus? La rรฉponse renvoie ร une conception subjective des biens vis-ร -vis de celui qui le conรงoit, ainsi que de la satisfaction que procure la consommation de ce bien : dโoรน le concept de la valeur utilitรฉ. Outre lโidรฉe smithienne qui stipule que lโรฉchange des biens est stimulรฉ par la recherche du profit individuel, ce qui rejoint รฉgalement la rationalitรฉ maximisatrice de lโhomo economicus, lโutilitรฉ est ร lโorigine de la hiรฉrarchisation des besoins tandis que la valeur rejoint se rattache au concept de contrainte et de raretรฉ.
En effet, Stanley Jevons avance trois arguments pour expliquer les dรฉterminants de lโutilitรฉ chez lโhomme, ร savoir :
โคย les besoins de lโhomme sont variรฉs,
โคย ces besoins sont illimitรฉs en nature ;
โค รฉtant la consรฉquence des deux premiers, les besoins de lโhomme pour un bien donnรฉ ne peuvent pas รชtre en quantitรฉ illimitรฉ.
Il prรฉcise quโยซ (โฆ) il ne peut jamais y avoir, chez les nations civilisรฉes, assez des richesses pour que le peuple cesse dโen dรฉsirer davantage. Quelque nombreuses qui soient les choses que nous nous procurions, il en est encore beaucoup dโautres que nous souhaitons acquรฉrir. ยป Cela signifie que si lโutilitรฉ dรฉcoule de la nature humaine, elle a besoin, pour se concrรฉtiser, dโun objet qui ait de la valeur : les biens doivent รชtre en quantitรฉ limitรฉ pour pouvoir susciter du dรฉsir chez lโhomme. Dโoรน le concept de richesse qui est le substrat de la valeur utilitรฉ chez les nรฉoclassiques : ยซ Jโappelle richesse sociale lโensemble des choses matรฉrielles ou immatรฉrielles (car la matรฉrialitรฉ ou lโimmatรฉrialitรฉ des choses nโimporte ici en aucune maniรจre) qui sont rares, cโest-ร -dire qui, dโune part, nous sont utiles, et qui, dโautre part, nโexistent ร notre disposition quโen quantitรฉ limitรฉ. ยป .
Pour Simon, le modรจle de lโhomo economicus est conforme ร la rationalitรฉ parfaite, mais avec une nuance prรจs oรน ยซ l’objectif รฉtant donnรฉ, le comportement individuel ne dรฉpend plus que des contraintes qui conditionnent l’application d’un raisonnement dรฉductif ยป. Lโaccent est mis sur la nature de ces contraintes, dont les informations y affรฉrent sont parfaites, et sur la capacitรฉ de lโindividu ร anticiper les consรฉquences de ses choix, dโoรน lโusage du terme ยซ rationalitรฉ substantielle ยป.
La principale critique adressรฉe ร lโhypothรจse de lโhomo economicus est la question sur le rรฉalisme de celui-ci. Lucas dรฉtourne le problรจme en sรฉparant lโรฉconomie rรฉelle de lโรฉconomie modรฉlisรฉe : ยซ (โฆ) en tant qu’il reprรฉsente une รฉconomie artificielle abstraite, un modรจle est nรฉcessairement irrรฉaliste. Le critรจre de validitรฉ d’un modรจle est ร chercher dans sa capacitรฉ ร reproduire, ร imiter, des faits รฉconomiques quantitatifs et dans sa capacitรฉ ร rรฉpondre ร des questions des politiques รฉconomiques ยป . Or, lโhomo economicus est le fondement mรชme de la modรฉlisation รฉconomique, notamment en microรฉconomie.
Les concepts rattachรฉs
Nรฉanmoins, les dรฉbats engendrรฉs par la centralitรฉ de ce concept proviennent de la rรฉfutation, au sein de la science รฉconomique ou รฉmanant des autres disciplines, de cette vision instrumentaliste. Le constat dโune divergence entre le comportement rรฉel et celui dรฉcrit par le modรจle soulรจve une interrogation sur la possibilitรฉ dโune irrationalitรฉ en รฉconomie.
Lโirrationalitรฉ telle quโelle est observรฉe dans les sociรฉtรฉs africaines consiste en des comportements รฉconomiques atypiques. Elles rรฉpondent plutรดt ร des logiques basรฉes sur des rรจgles et des normes sociales et non pas aux incitations par la variation des prix. ยซ Lโirrationalitรฉ รฉconomique expliquerait ainsi lโabsence de prioritรฉ donnรฉe ร lโacte รฉconomique par rapport aux activitรฉs ludiques ou symboliques, ร la valorisation des hommes et aux relations interpersonnelles. ยป Le rationnement des biens de consommation sโexpliquerait alors par lโobรฉissance ร la reprรฉsentation du monde intรฉriorisรฉe par lโindividu. Toutefois, pour rรฉaliser lโacte รฉconomique proprement dit, les investissements en capital humain sont รฉtablis de telle sorte que le rรฉsultat nโatteint pas lโefficacitรฉ. Les anticipations qui visent des espรฉrances de gains futurs ne sont pas cadrรฉes dans la comprรฉhension de lโenvironnement รฉconomique.
|
Table des matiรจres
INTRODUCTION
PARTIE 1 : APPROCHE THEORIQUE DES CONCEPTS CLES
CHAPITRE PREMIER : ETAT DE CONNAISSANCE SUR LA RATIONALITE ECONOMIQUE
Section 1 : Lโhomo economicus
Section 2 : Le comportement rationnel
CHAPITRE 2 : LE SOUS DEVELOPPEMENT
Section 1 : Genรจses
Section 2 : Conceptualisation
PARTIE 2 : ANALYSE EMPIRIQUE DES REALITES DU TIERS MONDE
CHAPITRE 3 : CONFRONTATION DES DONNEES
Section 1 : Le sous-dรฉveloppement observรฉ ร travers les flux financiers et commerciaux
Section 2 : Le sous-dรฉveloppement observรฉ ร travers le bien รชtre
CHAPITRE 4 : INTERPRETATION DES DONNEES
Section 1 : Rationalitรฉ et trajectoire รฉconomique
Section 2 : Synthรจse sur lโanalyse du sous-dรฉveloppement
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE