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De la Révolution au XXe siècle : La loi
Contexte
Dans le mouvement de la philosophie des lumières, Jean Jacques Rousseau écrit dans son ouvrage Du contrat social : « il faut des conventions et des lois au droit pour unir les droits aux devoirs ». Le droit du plus fort doit être substitué par des lois qui protègent les citoyens, et décident de l’intérêt commun. La révolution française de 1789 reconnaît les droits des individus et protège leur vie privée vis-à-vis de la collectivité. Le secret médical ne peut donc se passer d’un encadrement juridique. L’enseignement de la médecine est dans un premier temps supprimé par le pouvoir révolutionnaire, pour lutter contre le corporatisme. L’exercice de la médecine devient même libre par un décret de 1791. Puis rapidement, en 1794, les écoles de santés sont recréées sous l’impulsion de Fourcroy et Guillotin. A l’université de Montpellier, pendant cette période trouble, le serment d’Hippocrate est resté une tradition. Le doyen Lallemant en a fait une adaptation qui est toujours en vigueur aujourd’hui. Un décret du Consulat de 1803 précise les conditions requises pour le droit d’exercer et définit le délit d’exercice illégal de la médecine [35].
Article 378 du code pénal
En 1810 paraît le Code pénal. Ce Code fait l’objet d’une longue préparation depuis 1800, sous la surveillance de Napoléon. L’article 378 donne un fondement légal au secret médical, dont la violation est devenue un délit pénal : « Les médecins, chirurgiens et autres officiers de santé, ainsi que les pharmaciens, les sages-femmes et toutes autres personnes dépositaires, par état ou par profession, ou par fonctions temporaires ou permanentes, des secrets qu’on leur confie, qui, hors le cas où la loi les oblige (ou les autorise) à se porter dénonciateurs, auront révélé ces secrets seront punis d’un emprisonnement d’un mois à six mois et d’une amende de 100 à 500 francs CFA. »
Ce texte est manifestement rédigé avant tout pour le secret médical. Il évoque aussi le secret professionnel qui s’applique aux avocats, notaires, confesseurs… mais le détail de tous ces « états ou professions » n’est pas précisé. On ne devrait plus parler que de secret professionnel et non de secret médical.
L’expression « des secrets qu’on leur confie » peut prêter à discussion. S’agit-il seulement des confidences que le malade fait sciemment à son médecin ou de tout ce que le médecin a vu, entendu ou surpris ? C’est cette dernière proposition que la jurisprudence a retenue. A l’époque de la rédaction du Code pénal, l’expression « hors le cas où la loi les oblige » fait surtout référence à l’article 103 du même code, traitant des complots et des crimes contre la sûreté de l’Etat. On voit que dans le prolongement des siècles précédents, le secret médical doit s’incliner devant l’intérêt supérieur de la nation. L’article 103 sera supprimé en 1832 après les émeutes de juin. A cette occasion le préfet de police de Paris incite les médecins à lui signaler les blessés. Aucun ne s’exécute et Dupuytren répond avec panache : « Je ne connais pas d’insurgés dans mes salles, je n’y vois que des blessés ». Il faut aussi noter ce que l’article 378 ne dit pas [12] :
– il ne dit pas qu’une plainte, un préjudice ou une intention de nuire soit nécessaire pour poursuivre le médecin. Le ministère public peut intenter l’action de son propre chef ;
– il ne dit pas que le malade puisse autoriser le médecin à divulguer le secret qu’il lui a transmis. Il ne dit pas que le secret disparaisse après la mort du patient ;
– et surtout il ne définit pas ce qu’est le secret. L’article 378 est véritablement une innovation car le secret médical acquiert un fondement légal. Mais il est surprenant que cette reconnaissance par le droit positif s’effectue de manière négative, au détour d’une sanction, sans que rien ne soit précisé sur le principe qu’il entend défendre.
Ainsi on voit que le législateur veut, avec ce texte, considérer la violation du secret comme un délit grave. L’article 378 a un intérêt privé : l’intimité de chaque malade doit être respectée. Il a aussi un intérêt public : il importe que tous les médecins, de par leur état, soient totalement discrets, pour que nul n’hésite à recevoir des soins par peur d’être trahi.
Cas des autres pays
Il est intéressant de jeter un regard sur le droit en la matière des autres pays européens et africains. Mais notons que la plupart des pays africains notamment les pays de l’Afrique de l’Ouest ont hérité des textes de la France. De manière générale en un premier survol, nous pouvons dire que dans la plupart des pays européens comme en France, les règles procèdent du Code de déontologie et de la loi pénale avec des exceptions : une absence de loi pénale en Grande-Bretagne notamment ou même de toute disposition nationale comme en Espagne.
En ce qui concerne la déontologie, les dispositions sont quasiment identiques partout. La Conférence internationale des ordres et des organismes similaires a posé des principes d’éthique médicale européenne pour pratiquement tous les pays membres de l’Union européenne.
Ils indiquent : « Le médecin est le confident nécessaire au patient. II doit lui garantir le secret total de toutes les informations qu’il aura recueillies et des constatations qu’il aura opérées lors de ses contacts avec lui. Le secret médical n‘est pas aboli par la mort des patients. Le médecin doit respecter la vie privée des patients et prendre toute mesure nécessaire pour rendre impossible la révélation de ce qu’il aura appris à l’occasion de l’exercice de sa profession. Lorsque le droit national prévoit des exceptions à l’obligation du secret médical, le médecin pourra recueillir l’avis préalable de son Ordre ou de l’organisme professionnel de compétence similaire ».
Quant au droit pénal, les pays européens se divisent en deux groupes selon les termes de rédaction des règles.
En Italie et aux Pays-Bas, comme aujourd’hui en France, les règles sur les secrets professionnels sont générales et ne mentionnent pas spécialement les professions de santé. Au contraire, le secret médical est spécialement visé en Allemagne, en Belgique, au Luxembourg, en Suisse ou en Grèce particulièrement. Certaines législations étendent explicitement le devoir de secret aux étudiants, aux collaborateurs aux héritiers des médecins, et comme en Suisse – ce qui n’est pas stupide mais amusant aux illégaux. Le Royaume-Uni ne connait que des actions civiles limitées au cas de dommage par une jurisprudence générale aux différentes professions « dépositaires » de secrets.
Dans la plupart de ces pays qui connaissent des dispositions pénales en cas de violation, le Ministre public peut, comme en France, agir d’office sans plainte de la victime. Des législations, considérant que la protection est seulement d’intérêt privé, exigent une plainte préalable du patient. (Nous connaissons en France une telle exigence en matière de diffamation). Il en est ainsi en Allemagne, Italie, Suisse, Grèce et aux Pays-Bas.
Les possibilités ou les obligations de révélation de maladies contagieuses ainsi que les procédures à adopter, nominatives ou anonymes, destinées à limiter les épidémies ou transmissions, sont un peu partout semblables.
Bien entendu, on retrouve partout la notion de « secret partagé » particulièrement vis-à-vis des contrôles sociaux ; ou pour le médecin poursuivi en responsabilité le droit de se défendre librement. L’étendue du domaine secret est bien loin d’être identique. L’ampleur française « on pourrait la résumer ainsi : se taire toujours sauf rares permissions de la loi » est retrouvée à Monaco, en Roumanie, et même en Belgique et au Luxembourg. Ailleurs, le droit est beaucoup plus souple. Si, en l’absence de textes, l’usage, la tradition et le serment ramènent l’Espagne au droit commun européen, il ne surprendra pas que le droit soviétique du régime communiste disposait que « le médecin est obligé avant tout de protéger les intérêts de l’Etat et de la Société ». Dans le bouleversement des législations, on ne sait où en sont les républiques éclatées. Le droit de parler est souvent livré à l’appréciation des tribunaux. En Turquie, les révélations sont possibles pour « un juste motif ». L’Italie dit la même chose négativement. La révélation ne doit pas être faite « sans motif ». Il en est ainsi pour « les exigences supérieures » de caractère social, voire individuel. Deux illustrations : les troubles psychiatriques peuvent être dénoncés. En cas de consommation de drogues, l’entourage doit être informé. La Pologne connait aussi ce flou en soumettant la légalité de la révélation à l’accord du patient. En Suisse, il est surprenant d’apprendre que sont autorisées des possibilités de révélations à la demande des « autorités supérieures ou des autorités de surveillance ».
La Grèce va loin. « La révélation médicale doit permettre de préserver un intérêt justifié comme la protection de la vie ou de la mort, la protection de l’intégrité physique ou pour éviter le crime d’un psychopathe ». En Suède, les assassinats, les délits graves, les menaces contre l’Etat doivent être obligatoirement dénoncés. Elle distingue ce qui est confié « secret absolu » de ce qui est constaté « secret relatif ». La Cour Suprême a obligé un médecin à livrer ce qu’il avait constaté pour un avortement dans le cadre d’un procès de divorce pour adultère. Les juristes débattent encore de la portée de cet arrêt.
L’Allemagne tolère aussi les révélations avec le consentement exprès « rejeté chez nous » ou présumé du patient et notamment si la divulgation ou la confirmation d’un Etat est dans l’intérêt du malade. Un texte de 1988 est plus libéral encore : il autorise les révélations si elles sont nécessaires pour protéger un intérêt plus élevé. Le cercle est bouclé par la formulation de ce qui était le Code yougoslave « Ne sera pas punissable (celui) qui a révélé Le secret dans l’intérêt général ou bien au profit d’une autre personne dont l’intérêt est supérieur à l’intérêt qu’il y aurait à garder le secret ». La situation au Royaume-Uni mérite un développement particulier. On a pu dire que pour le juge anglais, le secret n’est protégé que pour les informations dont il est raisonnable de penser qu’il ne fallait pas les révéler à des tiers. La violation du secret n’est pas un délit mais la violation d’un devoir déontologique dont on peut d’abord se plaindre auprès des autorités professionnelles. L’action civile en réparation n’est possible qu’en cas de dommage et se fonde sur une violation du devoir de soin « duty of care ». Les juridictions sont indulgentes pour des révélations concernant un comportement dangereux : un médecin a été « absous » en 1989 pour avoir délibérément transmis des renseignements sur la psychopathie d’un détenu dont il voulait prévenir les agissements.
Les révélations obligatoires sous peine de sanction pénale en cas de manquement relatives aux maladies infectieuses ou contagieuses concernent le choléra, la peste, la fièvre chronique, la variole, le typhus et si L’intérêt public l’exige les maladies vénériennes. Le débat a été ouvert : le sida est-il une maladie vénérienne ? On sait qu’en France, il figure sur la liste des maladies à déclaration obligatoire depuis le décret du 10 juin 1986. Le texte britannique datant de 1974 donc avant le problème du virus HIV, peut susciter différentes interrogations. On peut penser qu’il autoriserait la révélation aux partenaires sexuels du patient. La différence la plus notable avec notre droit positif tient dans la possibilité pour une juridiction pénale ou civile d’obtenir des renseignements provenant du médecin et de ses dossiers par exemple pour retrouver des analyses de tissu ou de sang ou pour révéler un état antérieur. Un médecin fut même contraint de confirmer des aveux reçus d’une mère sur un infanticide. Cette situation entretient un conflit entre les pouvoirs judiciaires qui agitent la menace du délit « d’offense au Tribunal » pour refus de collaborer et les organisations professionnelles qui essayent de limiter les révélations.
Le Pr Glorion, Président de l’Ordre national des médecins, a déclaré qu’en matière médicale, le droit anglais privilégie la collectivité contre l’individu. En ce qui concerne l’attitude à tenir devant la justice, nous avons une palette de règles. Au Pays-Bas, le silence s’impose. En Belgique, au Luxembourg, en Italie, en Hongrie, on s’en réfère à la conscience du praticien. La Confédération helvétique laisse chaque canton poser ses règles. En Pologne, la situation est incertaine pour les délits, l’obligation de parler l’emporte lorsqu’il y a décès ; dans les procédures civiles, le médecin peut se taire mais le Tribunal peut insister et ordonner un huis clos. En Suède, le médecin a droit au silence sauf pour les délits graves.
ETAT ACTUEL DU SECRET MEDICAL (XXE- XXIE SIECLE)
Contenu du secret médical
Le contenu du secret médical, et la place qu’on lui accorde, dépendent de l’époque envisagée. A l’heure actuelle de la prise en charge multidisciplinaire des patients, le respect du secret médical est crucial. Cette thématique médicolégale intéresse autant les spécialistes du droit que les professionnels de santé.
Dans le système juridique contemporain, le secret médical n’est plus l’apanage de l’éthique mais bien l’affaire du droit et concerne tous les professionnels de santé.
Légalisation actuelle
Le secret médical est la seule règle professionnelle directement définie par la loi pénale, ce qui montre toute son importance. Mais la loi est très brève. La jurisprudence joue par conséquent un rôle fondamental en la matière.
Le Secret Médical est actuellement très discuté et une législation est nécessaire afin d’inciter les partenaires de la santé à rester fermes non plus sur les principes du secret médical mais sur les obligations, les droits et les devoirs dus au secret professionnel.
Enoncé des codes
Déclaration universelle des droits de l’homme
Article 12 : « Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée… »
Code pénal
Les médecins, chirurgiens, ainsi que les pharmaciens, les sages-femmes et toutes autres personnes dépositaires, par état ou par profession ou par fonctions temporaires ou permanentes, des secrets qu’on leur confie, qui, hors le cas où la loi les oblige ou les autorise à se porter dénonciateurs, auront révélé ces secrets, seront punis d’un emprisonnement d’un à six mois et d’une amende de 50.000 à 300.000 francs.
Le secret professionnel n’est jamais opposable au juge qui, pour les nécessités des investigations qu’il accomplit ou ordonne, peut en délier ceux qui y sont astreints.
Il est également inopposable aux officiers de police judiciaire et aux agents de la Direction générale des Impôts et des Domaines agissant dans le cadre des enquêtes préliminaires diligentes sur instructions écrites du Procureur spécial près la Cour de Répression de l’Enrichissement illicite, pour la recherche et la constatation des infractions prévues par l’article 163 bis alinéas 2 et 3 ci-dessus ont été institués par la loi n’ 81 53 du 10 juillet 1981 relative à l’enrichissement illicite [49].
Code de déontologie
Article 2 : Le respect de la vie et de la personne humaine constitue en toute circonstance le devoir primordial du médecin [41].
Article 7 : Tout médecin est astreint au secret professionnel, il peut en être délié dans les cas prévus par la loi.
Violation du secret médical
Il est difficile de garder un secret, même d’ordre médical, et il faut rappeler les propos de Socrate : « il y a plus de peine à garder un secret qu’à tenir un charbon ardent dans sa bouche ». Néanmoins le secret médical est un vieux principe que les médecins évoluant dans les systèmes de tradition romano-germanique suivent depuis le serment hippocratique qui remonte à environ plus de 25 siècles. Le droit canonique voyait dans la violation du secret médical, un pêché grave qui entraînait l’application de peines sévères. Au Sénégal, l’article 363 alinéa premier du code pénal, s’inspirant de l’article 378 de l’ancien code pénal français, réprime la violation du secret médical. Le code de déontologie médicale également fait du respect du secret médical une obligation professionnelle [47].
En matière pénale, l’article 363 alinéa 1er du code pénal sénégalais dispose que : « Les médecins, chirurgiens, ainsi que les pharmaciens, les sages-femmes et toutes autres personnes dépositaires, par état ou par profession ou par fonctions temporaires ou permanentes, des secrets qu’on leur confie, qui, hors le cas où la loi les oblige ou les autorise à se porter dénonciateurs, auront révélé ces secrets, seront punis d’un emprisonnement d’un à six mois et d’une amende de 50.000 à 300.000 francs » [49].
L’interprétation de l’article 363 du code pénal sénégalais, n’est pas aisée. Cependant en s’inspirant des commentaires à propos de l’article 378 de l’ancien code pénal français qui est le pendant de l’article 363 du code pénal sénégalais, on peut relever l’existence de quatre éléments constitutifs de l’infraction : l’appartenance du coupable à une certaine catégorie de professions, le fait que le professionnel ait recueilli le secret dans l’exercice de ses fonctions, la révélation du secret et enfin l’intention délictueuse.
Sur le premier élément, à savoir l’appartenance du coupable à une certaine catégorie de professions, il faut observer que les professions médicales et paramédicales sont nommément soumises à l’obligation au secret par l’article 363 du code pénal sénégalais. Sont visés de façon expresse les médecins, les chirurgiens, les pharmaciens, les sages-femmes.
Le second élément constitutif de la violation du secret professionnel et spécialement du secret médical à savoir le fait pour le coupable de recueillir le secret dans l’exercice de ses fonctions, implique qu’un fait confidentiel donc non destiné à être divulgué a été porté à la connaissance d’autrui, même si la révélation ne cause aucun préjudice. Cette confidence doit avoir été connue dans l’exercice des fonctions, par exemple lors de l’examen du malade par le médecin.
La révélation de la confidence, troisième élément constitutif de la violation du secret est constitué par tout acte ayant pour conséquence directe ou indirecte de porter à la connaissance des tiers tout ou partie du fait confidentiel. Il peut s’agir d’écrit, de communication verbale. En revanche, il n’y a pas de délit de révélation lorsque le médecin fait connaître au malade son diagnostic, même si, très souvent le médecin cache au malade l’issue fatale de sa maladie, par souci d’humanisme. Il n’y a pas non plus de faute lorsque le médecin donne des renseignements à la famille proche du malade pour recommander des soins à ce dernier. Dans ce cas, il est supposé que le patient consent à une telle révélation. Il en est de même lorsque le médecin remet un certificat médical au patient qui peut alors en faire l’usage souhaité. La question peut être posée de savoir si le médecin peut remettre aux héritiers d’un malade décédé son certificat médical à des fins notamment judiciaires. En droit français la jurisprudence n’a pas apporté de solutions concordantes sur cette question. Certaines décisions sont hostiles à la remise du certificat médical aux héritiers. D’autres admettent le contraire. Quant à la doctrine française, elle est favorable à cette dernière conception lorsque l’héritier justifie avoir un intérêt personnel à la révélation et que celle-ci ne porte pas atteinte à la mémoire du défunt. La jurisprudence française a décidé que la révélation est punissable lorsqu’elle a été faite sans le consentement de l’intéressé, à des tiers, même s’il s’agit de proches. Cette dernière solution peut être parfois abusive si l’on considère que le secret ne peut être toujours absolu.
Le quatrième élément constitutif de l’infraction de violation du secret médical est l’élément intentionnel. La violation du secret est un délit intentionnel qui n’est pas suffisamment caractérisé par une simple faute de négligence ou d’imprudence. Elle suppose chez son auteur, la claire conscience qu’étant tenu au secret, il a néanmoins révélé un fait confidentiel. Cette conscience ne doit pas être confondue avec les mobiles ou les motifs de la révélation qui, sauf cas exceptionnels, importent peu. Cette conscience ne saurait non plus être confondue avec la malveillance ou l’intention de nuire qui n’est pas requise, car le préjudice même éventuel pour la victime n’est pas un élément constitutif du délit. L’élément intentionnel fait défaut lorsque l’auteur de la révélation bénéficie de justifications [42].
Sanction en cas de violation du secret médical
La violation du secret médical est punie d’un emprisonnement d’un à six mois et d’une amende de 50.000 à 300.000 francs. L’article 363 alinéa 2 du code pénal sénégalais ajoute dans son alinéa 2 que le secret professionnel n’est jamais opposable au juge qui, pour les nécessités des investigations qu’il accomplit ou ordonne, peut en délier ceux qui y sont astreints. Cette limite est apportée par la loi pour les besoins d’une bonne administration de la justice. Quant au code de déontologie médicale, il met à la charge du médecin l’obligation de respecter le secret médical à travers son article 7 selon lequel « tout médecin est astreint au secret professionnel ; il peut en être délié dans les cas prévus par la loi ». Cette règle déontologique médicale appelle un certain nombre de remarques. D’abord elle est une règle de droit. Ensuite, cette règle de droit ne s’applique qu’aux personnels de santé. Il s’agit en troisième lieu, d’une règle qui intéresse l’ordre public donc applicable par le juge de droit commun. C’est parce qu’elle est d’ordre public qu’elle est du reste énoncée également dans le code pénal. Enfin, il faut signaler que la règle déontologique du secret médical est une règle indépendante qui s’ajoute au droit commun. Cela signifie qu’étant en même temps une faute pénale, la violation du secret médical peut être sanctionnée à la fois aux plans disciplinaire et pénal.
Personnes concernées par le secret médical
Le secret médical concerne tous les médecins, quels que soient leur mode d’exercice. Il s’étend ainsi non seulement aux médecins exerçant leur activité de façon libérale, mais également aux médecins salariés et à ceux travaillant au sein ou auprès d’administrations.
Le principe du secret professionnel s’étend aux collaborateurs du médecin, sous sa responsabilité. Ainsi tout le personnel de la santé en plus des médecins : pharmaciens, biologistes, techniciens supérieurs de santé, infirmiers, sages-femmes, Aides- soignants, Aides-laborantins, filles et garçons de salle ; tout le personnel administratif de l’hôpital, tout le personnel d’entretien, les stagiaires de tous bords (tous les niveaux).
Ce qu’apporte la loi du 4 mars 2002 en France
Le 4 mars 2002 paraît la Loi n° 2002-303, publiée au Journal Officiel le 5 mars 2002. Cette loi, qui restera sans doute dans les esprits sous l’appellation de « Loi Kouchner », constitue un dispositif législatif considérable dans le domaine du droit médical. Elle est aussi ambitieuse qu’imposante par sa longueur (126 articles sur 42 pages) et par la multiplicité de ses règles dans des matières très variées [16;17;19;24;25;38;39].
Elle formule les droits de l’usager du système de santé, alors qu’il n’y avait auparavant que des devoirs pour les professionnels de santé, ainsi du devoir on est passé au droit.
De plus, la loi propose un nouveau concept juridique : le tiers de confiance. Véritable dérogation au secret médical, cette évolution fondamentale relativise la discrétion du colloque singulier entre le médecin et le malade. Dorénavant le médecin ne peut plus s’abriter derrière le secret médical pour taire une information au tiers de confiance désigné par le patient. Le malade peut donc, comme dans beaucoup d’autres législations, délivrer le médecin de son secret, au profit d’un tiers.
Le patient a maintenant la possibilité de contrôler les informations le concernant, soit en en interdisant l’accès à certains professionnels (hormis le cas de l’hôpital), soit en y accédant directement. Le patient devient un acteur mûr et responsable de sa guérison. Il décide de sa prise en charge avec le médecin et gère ce que des tiers peuvent savoir de son état. C’est ainsi que la loi du 4 mars 2002 l’entend.
Cette loi du 4 mars 2002 apporte de réelles innovations parmi lesquelles nous pouvons citer :
– Formulation du droit au secret ;
– Le droit d’information et au consentement ;
– Le secret partagé ;
– Le secret et tiers de confiance ;
– Le secret post mortem ;
– Accès au dossier médical ;
– Dérogation sur le consentement du malade.
Dérogations du secret médical
Le secret médical, institué dans l’intérêt du patient, a depuis très longtemps été relativisé par des impératifs supérieurs. Les dérogations au secret médical sont apparues rapidement dans l’histoire et depuis, les intérêts supérieurs se sont modifiées. On insiste moins, dans notre législation actuelle, sur la sûreté de l’état et plus sur la surveillance épidémiologique et la protection des malades.
Dérogations obligatoires
– Etat civil
Déclaration de naissance, Déclaration de décès.
– Etat sanitaire
Déclaration des maladies contagieuses y compris le VIH / SIDA depuis la loi 30/2010 du 9 avril 2010 au Sénégal.
Déclaration des maladies vénériennes en période contagieuse.
– Autres dérogations
Déclaration des accidents de travail et des maladies professionnelles. Certificat médical de constatation de coups et blessures.
Certificat d’internement des malades mentaux. Certificat pour obtention de pensions militaire. Certificat prénuptial.
Certificat attestant de l’existence d’une grossesse.
Dérogations facultatives
Il existe de plus de nombreuses dérogations facultatives au secret médical. Nous pouvons citer :
Avortement criminel
Violence sexuelle (mais avec l’accord de la victime)
Maltraitance d’enfant
Dérogations jurisprudentielles
Le médecin inculpé en justice, peut dans le cas exclusif de sa défense devant un tribunal ou une cour, déroger à la règle du secret médical. De même, la règle du secret professionnel ne saurait faire obstacle à la saisie par le juge d’instruction d’un dossier médical. Ainsi, les médecins convoqués par la justice sont bien évidemment tenus de comparaître sous peine de sanction mais ils peuvent toujours se retrancher derrière le secret professionnel lorsque les questions qui leur sont posées concernent l’état d’un patient ou d’un inculpé.
La jurisprudence est contre la révélation de la cause de la mort et en aucun cas la mort n’abolit le secret médical : le médecin ne doit pas délivrer de certificat post-mortem comportant des diagnostics en dehors des certificats de décès [37].
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE
I. HISTOIRE DU SECRET MEDICAL
I.1. Antiquité, le miracle grec
I.1.1. Contexte
I.1.2. Hippocrate
I.1.3. Le serment
I.1.4. Ce qui n’a jamais besoin d’être divulgué
I.1.5. Suite de l’antiquité
I.2. Le moyen âge : le secret médical oublié ?
I.2.1. Contexte
I.2.2. Persistance du secret ?
I.2.3. Conflit avec les autorités politiques
I.3. Du moyen âge a la renaissance : renaissance et affirmation du secret médical
I.3.1. Contexte
I.3.2. Traces du secret médical dans les textes
I.3.3. Vers un aspect plus la religion que du secret médical
I.3.4. Fondement de la déontologie
I.3.5. Entorses légales au secret médical
I.3.6. Secret médical et tribunaux
I.4. De la renaissance à la période révolutionnaire
I.5. De la Révolution au XXe siècle : La loi
I.5.1. Contexte
I.5.2. Article 378 du code pénal
I.5.3. Cas des autres pays
I.5.4. Le secret absolu
I.5.5. Le secret controversé
II. ETAT ACTUEL DU SECRET MEDICAL (XXE- XXIE SIECLE)
II.1. Contenu du secret médical
II.1.1. Légalisation actuelle
II.1.1.1. Enoncé des codes
II.1.1.1.1. Déclaration universelle des droits de l’homme
II.1.1.1.2. Code pénal
II.1.1.1.3. Code de déontologie
II.1.1.2. Violation du secret médical
II.1.1.3. Sanction en cas de violation du secret médical
II.1.2. Personnes concernées par le secret médical
II.1.3. Ce qu’apporte la loi du 4 mars 2002 en France
II.2. Dérogations du secret médical
II.2.1. Dérogations obligatoires
II.2.2. Dérogations facultatives
II.2.3. Dérogations jurisprudentielles
DEUXIEME PARTIE
I. METHODOLOGIE
I.1. Cadre d’étude
I.2. Type d’étude
I.3. Duré d’étude
I.4. Critères d’inclusion
I.5. Critères de non inclusion
I.6. Méthode de recueil des donnés
I.7. Méthode d’analyse des résultats
I.8. Difficultés rencontrées
II. RESULTATS
II.1. Caractéristiques sociodémographiques
II.1.1. Age
II.1.2. Sexe
II.1.3. Profession
II.1.4. Statut matrimonial
II.1.5. Origine ethnique
II.1.6. Religion
II.1.7. Durée d’exercice de la médecine
II.2. Connaissance du secret médical chez le personnel de la santé
II.2.1. Notion sur le secret médical
II.2.2. Point de vue du personnel de santé sur le secret médical
II.2.3. Connaissance générale sur les dérogations au secret médical
II.2.4. Personnes dépositaires d’une information à caractère secret dans le domaine médical
II.2.5. Dans quels cas peut-on parler d’un patient avec un collègue de travail ?
II.2.6. Sans possibilité directe de reconnaissance d’un patient (pas de nom, pas de numéro, pas vu son visage), peut-on évoquer son cas avec des collègues pour raconter une anecdote ?
II.2.7. Connaissance sur la différence entre le secret partagé et le secret professionnel
II.2.8. Vous êtes convoqués par la police qui vous questionne sur l’état de santé ainsi que la situation sociale d’un patient que vous avez examiné. D’après vous, dans quels cas de figure êtes-vous tenu de répondre ?
II.2.9. Un patient vous avoue avoir subi des violences physiques, psychiques ou sexuelles. Connaissez-vous les cas pour lesquels vous pouvez dénoncer ces sévices sans l’accord du patient ?
II.2.10. Respect total du secret médical
II.2.11. Connaissez-vous la ou les sanction(s) pénale(s) encourue(s) pour violation au secret professionnel ? Si oui citer la ou les.
II.2.12. Connaissance des textes légaux
II.2.13. Lecture de la charte du patient hospitalisé par le personnel de santé
II.2.14. Charte du patient hospitalisé affichée dans les services, vu ou non par le personnel de santé
II.2.15. Connaissez-vous quelqu’un ayant subi une sanction due à une violation du secret médical ? Si oui, connaissez- vous la raison et la sanction ?
II.2.16. La loi n’autorise pas le médecin à révéler au partenaire du patient séropositif le danger que lui fait courir le comportement de ce dernier si celui-ci s’oppose obstinément à toute révélation. Vrai ou Faux
II.2.17. Les dossiers médicaux des patients de votre service sont-ils accessibles à toute personne membre du service ?
II.2.18. Les dossiers médicaux des patients de votre service sont-ils accessibles à toute personne étrangère du service ?
II.2.19. Avez-vous reçu un enseignement spécifique en matière de secret professionnel ?
II.2.20. Besoin d’une formation continue en matière du secret professionnel
III. DISCUSSION
III.1. Limite de l’enquête
III.2. Caractéristiques sociodémographiques
III.3. Connaissance du secret médical chez le personnel de santé
III.3.1. Notion sur le secret médical
III.3.2. Point de vue du personnel médical sur le secret médical
III.3.3. Les dérogations du secret médical
III.3.4. Textes légaux imposant le secret médical au personnel de la santé
III.3.5. Le secret partagé
III.3.6. Violation du secret médical
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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