Étalonnage de robots industriels à l’aide d’un système portable de photogrammétrie

Dans certains domaines de l’industrie, la précision nécessaire pour réaliser certaines tâches peut parfois dépasser les capacités des robots manipulateurs. Le phénomène est surtout présent dans le domaine de l’aérospatiale où les tolérances sont peu permissives. L’étalonnage robotique est une technique qui a démontré son efficacité pour augmenter la précision des robots dans ce type d’application. Néanmoins, les équipements nécessaires à la réalisation du processus d’étalonnage engendrent des coûts parfois faramineux. L’un des appareils utilisés fréquemment est le laser de poursuite Laser Tracker ION de FARO (Figure 1.1) dont le coût dépasse facilement les 100 000 $ CA. L’une des alternatives peu couteuses à cet appareil est le MaxSHOT 3D de Creaform (Figure 1.2) dont l’acquisition nécessite un budget plus raisonnable d’environ 27 000 $ CA. Ce dernier est un système de photogrammétrie portable dont la précision est de 0.025 mm/m (0.049 mm à 10 m pour le Laser Tracker ION). Ce mémoire présente un travail qui fait la comparaison des performances des appareils Laser Tracker ION de FARO et MaxSHOT 3D de Creaform dans un processus d’étalonnage non géométrique effectué sur un robot de petite taille, le FANUC LR Mate 200iC (Figure 1.3).

Intérêt de l’étalonnage

Les robots sériels, appelés aussi manipulateurs, sont très présents dans le domaine industriel. Leur flexibilité et leur répétabilité font de ces machines des outils indispensables pour exécuter des tâches telles que la palettisation, la soudure, la peinture ou tout simplement de la manipulation. L’avantage principal de l’utilisation de ces manipulateurs est leur faculté à pouvoir retourner dans des configurations connues avec très grande précision, qu’on appelle la répétabilité. La répétabilité de ces manipulateurs est assurée entre autres par la précision des différents encodeurs qui leur permet de replacer avec précision chacun des articulations qui le composent et ainsi obtenir la configuration précédemment enseignée. Ces configurations sont la représentation physique d’un ensemble de position des moteurs des articulations d’un robot. À chaque configuration est associé la position et l’orientation de l’effecteur du robot qu’on appelle la pose de l’effecteur. Le travail d’un robot sériel s’effectuant généralement à partir de son effecteur ; la précision de cette pose est importante.

Il existe deux méthodes de programmation de robot industriel. La première est nommée la programmation par enseignement. Lorsqu’un robot est programmé par cette méthode, les configurations sont enregistrées par lecture des encodeurs directement à partir du contrôleur physique du robot. Il est donc nécessaire de placer ce dernier dans chaque configuration avant de procéder à l’enregistrement. L’un des avantages associés à ce type de programmation est que la précision de la pose est principalement due à la répétabilité du robot, qui est généralement très bonne. Par contre, l’un des désavantages est que durant la phase d’enseignement, qui peut s’avérer très longue, le robot est indisponible à la production. Dans la majorité des applications, la deuxième méthode de programmation est utilisée : la programmation hors-ligne. Comme l’évoque le nom de la méthode, elle ne nécessite pas d’être en ligne avec le contrôleur du robot. Les valeurs des encodeurs sont acquises par une méthode alternative ; elles sont calculées à partir de la physionomie du robot que l’on appelle le modèle robotique. Il permet de trouver les valeurs des encodeurs nécessaires pour obtenir une pose souhaitée. Comme principal avantage, cette méthode permet de minimiser le temps de non-production d’un manipulateur. De plus, la programmation est généralement plus rapide, car l’enseignement est fait avec un modèle tridimensionnel de l’espace de travail de la cellule robotisée. Néanmoins, l’un des inconvénients majeurs de ce type de programmation est l’augmentation de l’imprécision dans les poses. Cette augmentation est causée par les erreurs qui peuvent exister entre le modèle robotique et le robot physique. Les erreurs qui existent dans le modèle robotique sont associées à trois catégories d’erreurs. La première catégorie concerne la résolution et le déphasage qui peut exister dans les encodeurs. Les erreurs de ce type sont appelées les erreurs articulaires. La deuxième catégorie concerne les erreurs dites géométriques telles que les distances entre les axes des articulations et l’orientation de ceux-ci. La dernière catégorie est composée des erreurs causées par la dilatation thermique, les jeux dans les engrenages et la rigidité des composantes mécaniques. Ce sont des erreurs non géométriques. Chacune de ces catégories d’erreur peut être compensée dans le modèle. Pour compenser les erreurs des deux premières catégories, un processus d’identification des variations de ces paramètres appelés étalonnage est utilisé. Lorsque les erreurs non géométriques doivent être aussi compensées, il est nécessaire de modifier le modèle en y ajoutant des relations supplémentaires. L’étalonnage permet ensuite de trouver les paramètres du modèle qui représente le mieux le robot physique.

L’étalonnage robotique est un service proposé par les fabricants (FANUC, ABB, Kuka). Ce service est généralement onéreux. Leur procédure d’étalonnage est généralement composée d’une procédure fixe où les configurations à mesurer nécessitent que le robot n’ait pas d’obstacle dans sa zone de travail. Pour cette raison, l’étalonnage par le fabricant d’un robot déjà installé est rarement possible ; il est généralement nécessaire de transporter le robot chez celui-ci. En plus d’arrêter la production, les coûts de transport rendent le service encore plus couteux. Comme l’étalonnage est requis périodiquement, ces procédures deviennent rapidement une dépense considérable. Pour ces raisons, l’étalonnage de robots industriels sur un robot installé est un besoin justifié. Une procédure où les configurations peuvent être modifiées en fonction de l’encombrement de la zone de travail est requise. Ensuite, dans la majorité des applications, on désire améliorer la précision absolue de l’effecteur du robot. Pour être conséquentes, les mesures qui sont prises doivent être effectuées sur celui-ci et dans son espace de travail. Une fois les mesures terminées, l’identification des paramètres est faite à partir d’une linéarisation du modèle robotique.

La procédure nécessite des appareils de mesure dont la précision est suffisante. Le choix de l’appareil utilisé pour faire le relevé des positions tridimensionnel de l’effecteur est important. Ainsi, les mesures sont généralement prises à partir d’un appareil dont la précision dépasse largement celle visée par robot étalonné et par le fait même, onéreux. Un exemple de ces appareils est le Laser Tracker ION de FARO (Figure 1.1). En plus de leur prix élevé, ces appareils ont des conditions d’utilisation spécifiques, ce qui rend leur rentabilité incertaine. De plus, leur précision est affectée par plusieurs facteurs, dont les courants d’air, les vibrations, les changements de température. Pour s’assurer d’obtenir la précision prescrite, l’environnement doit être contrôlé et il n’est pas toujours possible d’obtenir de bons paramètres dans le voisinage d’un robot industriel. Comme autre possibilité, il existe des appareils de photogrammétrie peu couteux dont la précision est similaire. Les appareils de photogrammétrie peuvent être utilisés pour plusieurs applications de métrologie, telles que la modélisation et l’inspection de pièce complexe. Dans ce mémoire, il sera présenté la première utilisation du MaxSHOT 3D de Creaform (Figure 1.2), un système portable de photogrammétrie, pour faire l’étalonnage d’un robot sériel 6 axes, le LR Mate 200iC de FANUC (Figure 1.3). Cet appareil est un produit dont l’utilisation a nécessité une adaptation au problème de l’étalonnage. Ces considérations seront présentées dans le corps de ce travail.

Précision absolue

Il a été spécifié que l’objectif de l’étalonnage est d’augmenter la précision absolue des poses d’un robot. Cette valeur représente une évaluation de la capacité de s’arrêter avec exactitude dans une pose commandée, peu importe la trajectoire d’approche. Rappelons que la pose est la combinaison de la position et l’orientation de l’effecteur. La mesure de la précision absolue de pose telle que définie dans la norme ISO9283 (ISO, 1998) contient deux valeurs : la précision de position et la précision d’orientation. La précision de position (AP) est la distance entre la position commandée (xc, yc, zc) et la position moyenne (ou barycentre) des positions atteintes (¯x, y, ¯ z¯) après des mouvements répétitifs de l’effecteur à cette position.

Photogrammétrie

Les systèmes de photogrammétrie exploitent l’information contenue dans plusieurs images d’une même scène pour en faire la modélisation. Ils fonctionnent par triangulation de manière similaire à la stéréoscopie. Ce principe est utilisé, entre autres, par l’humain pour reproduire la perception des profondeurs en utilisant deux images légèrement décalées. Les caméras utilisées dans ces systèmes sont adaptées pour dissocier des cibles disposées dans la scène. La modélisation qui résulte de l’acquisition de la scène est présentée sous la forme d’un nuage de point représentant les positions de ces cibles. Ces cibles peuvent être actives ou passives. Une cible active est munie d’une alimentation, ce qui lui permet d’émettre une forte luminosité qui sera captée par les caméras de l’appareil de photogrammétrie. L’activation des cibles peut-être fait dans une séquence déterminée qui permet d’identifier chaque cible de manière individuelle.

À l’inverse, les cibles passives sont composées d’une surface réfléchissante inerte. Pour que celles-ci soient détectables, l’appareil de photogrammétrie émet une forte quantité de lumière qui sera réfléchie par les cibles. Comme toutes les cibles sont détectées en même temps, il est nécessaire d’avoir un modèle prédéfini de la position des cibles pour les identifier. Généralement, l’utilisation de cibles passives permet l’acquisition de manière plus rapide, ce qui donne la capacité au système de faire du suivi de trajectoire. Les appareils de la compagnie Creaform utilisent tous la technologie à cible passive. De plus, dans le domaine de la photogrammétrie, deux grandes familles existent : les systèmes à multiples points de vue (MPV) et des  systèmes à point de vue unique (SPV). Les systèmes MPV possèdent plusieurs capteurs. Leur position et orientation sont connue avec précision, ce qui leur permet de positionner les objets dans l’espace tridimensionnel. Les systèmes de ce type sont capables de prendre des lectures très rapidement, ce qui leur permet généralement de faire des lectures de déplacement (Tracking). Par contre, les angles de vue de ces appareils sont limités par la position de leurs capteurs. Des exemples d’appareils MPV sont le C-Track de Creaform (Figure 1.4) ou encore OPTOTRAK de Northern Digital. Les systèmes SPV possèdent un seul capteur. La complexité du capteur étant réduit considérablement comparé au système MPV, leur coût est généralement plus faible. Leur utilisation se fait en captant plusieurs images d’une même scène en déplacement le capteur. La possibilité de déplacer ce dernier permet généralement l’obtention de mesures plus précises que les systèmes MPV. De plus, il possède l’avantage de pouvoir prendre la scène sous des points de vue très éloignés. Ainsi, ils sont souvent utilisés avec de grandes pièces ou pour modéliser des objets qui comportent des éléments qui ne peuvent être observés d’un seul point de vue. Par contre, ces manipulations rendent le processus d’acquisition plus lent. Cela empêche de faire des lecteurs de déplacement (Tracking). De plus, la scène doit rester immobile durant le temps d’acquisition. L’appareil utilisé pour la prise de mesure dans ce travail, le MaxSHOT 3D de Creaform (Figure 1.2), est de ce type. D’autres appareils tels que le TRITOP de Capture3D et le Protogrammetry System de Linearis3D en font aussi parti.

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1 PROBLÉMATIQUE GÉNÉRALE
1.1 Introduction
1.2 Intérêt de l’étalonnage
1.3 Précision absolue
1.4 Photogrammétrie
1.5 Conclusion
CHAPITRE 2 REVUE DE LITTÉRATURE
2.1 Introduction
2.2 Les types de robots
2.3 Types d’erreurs
2.3.1 Niveau 1 : Erreurs articulaires
2.3.2 Niveau 2 : Erreurs géométriques
2.3.3 Niveau 3 : Erreurs non géométriques
2.4 Catégories d’étalonnage
2.4.1 Catégorie 1
2.4.2 Catégorie 2
2.4.3 Catégorie 3
2.4.4 Étalonnage combiné
2.5 Méthodes d’étalonnage
2.6 Processus d’étalonnage
2.6.1 Modélisation
2.6.2 Choix des configurations d’étalonnage
2.6.3 Appareils de mesure
2.6.4 Identification des paramètres
2.6.5 Compensation
2.7 Conclusion
CHAPITRE 3 MODÉLISATION DU ROBOT : LR Mate 200iC DE FANUC
3.1 Introduction
3.2 Description du robot expérimental
3.3 Modélisation géométrique directe
3.3.1 Attribution des référentiels
3.3.2 Modélisation géométrique directe
3.4 Modélisation géométrique inverse
3.4.1 Articulation 1
3.4.2 Articulations 2 et 3
3.4.3 Articulations 4, 5 et 6
3.4.4 Conversion vers le vrai robot
3.5 Modélisation non géométrique
3.5.1 Élasticité des composantes mécaniques
3.5.2 Algorithme dynamique par itération de Newton-Euler
3.6 Modélisation cinématique nominale
3.7 Modélisation cinématique d’étalonnage
3.8 Conclusion
CHAPITRE 4 SYSTÈMES DE MESURE ET CHOIX DES CONFIGURATIONS
4.1 Introduction
4.2 Système de photogrammétrie portable
4.2.1 Méthode d’acquisition de données
4.2.2 Analyse des mesures du système de photogrammétrie
4.3 Système de mesure par le laser de poursuite
4.3.1 Méthode d’acquisition
4.3.2 Analyse des mesures sur laser de poursuite
4.4 Sélection des configurations
4.4.1 Détermination des configurations candidates
4.4.2 Analyse d’observabilité
4.5 Processus d’acquisition des données
4.5.1 Algorithme de transposition
4.5.1.1 Analyse de transposition des appareils de mesures
4.6 Conclusion
CHAPITRE 5 IDENTIFICATION DES PARAMÈTRES
5.1 Introduction
5.2 Méthode des moindres carrés
5.2.1 Définition du problème à résoudre
5.2.2 Considérations pratiques
5.3 Expérimentations pratiques
5.3.1 Méthode d’évaluation de la précision absolue
5.3.2 Résultats des expérimentations
5.3.2.1 Analyse et comparaison des modèles identifiés
5.4 Conclusion
CONCLUSION GÉNÉRALE

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