Établissement de la méthode Lattice Boltzmann

Théorie cinétique : les niveaux de description

On peut distinguer plusieurs niveaux dans les méthodes actuelles de description d’un système. Les termes micro-, méso- et macroscopique sont fréquemment utilisés avec comme concept sous-jacent l’échelle d’étude du système considéré et des hétérogénéités à traiter. Une définition brève valable dans le cadre de notre étude est que le niveau microscopique est l’échelle à laquelle la matière est considérée discontinue alors que le niveau macroscopique est l’échelle à laquelle la matière est considérée continue. On notera que le terme microscopique est un abus de langage car il concerne des grandeurs allant du nanomètre à l’angström. Le niveau mésoscopique est une échelle intermédiaire, grande devant le microscopique et petite devant le macroscopique. On parle respectivement de dynamique moléculaire (« Molecular Dynamics »), d’automates cellulaires ou méthodes sur gaz réseau (« Lattice Gas Hydrodynamics ») et d’équation de conservation (d’énergie, d’espèce) ou dynamique des fluides (« Fluid Dynamics ») lorsqu’on étudie les comportements micro, méso et macroscopique d’un fluide .

Une autre façon d’appréhender le concept de méthode lattice est de séparer les méthodes de modélisation en simulation du transport scalaire ou en mécanique des fluides : on différencie celles qui sont « descendantes » et celles qui sont « ascendantes » [Wolf-Gladrow, 2000,Obrecht, 2012] comme indiqué en italique sur la figure 1.1. Les premières partent du comportement macroscopique du fluide (e.g. les équations de Navier-Stokes) pour arriver à une formulation discrétisée « microscopique » sur laquelle on sait résoudre le problème en vérifiant la conservation des quantités usuelles, à savoir la masse, la quantité de mouvement et l’énergie. Les méthodes « ascendantes » quant à elles sont des alternatives permettant grâce à l’outil mathématique d’obtenir une extrapolation consistante du comportement particulaire vers le celui d’un volume d’intérêt. Afin d’éclairer le lecteur sur le chemin de la compréhension de la méthode Lattice Boltzmann, nous allons expliciter brièvement les différentes descriptions de l’échelle particulaire vers le comportement fluide considéré dans le cas de la méthode Lattice Boltzmann.

Description microscopique 

Au niveau microscopique, on peut étudier le comportement d’une molécule i (aussi appelé « dynamique moléculaire ») grâce à la loi de Newton bien connue :

miγi = Fi (1.1)

Où γi est l’accélération de la particule i, mi sa masse et Fi la somme des forces auxquelles elle peut être soumise, par exemple les potentiels intermoléculaires de type Van der Waals ou les forces extérieures telle la gravité, le champ magnétique etc. Sachant que le nombre d’Avogadro est de l’ordre de 1023, simuler l’évolution ne seraitce que d’un centimètre cube de fluide pendant quelques secondes avec les équations de la dynamique moléculaire est numériquement trop coûteux. Il faudrait en effet calculer pour chaque particule la totalité des interactions avec les autres particules présentes dans le volume d’intérêt, ce qui, au vu du nombre d’Avogadro représente de manière évidente une quantité faramineuse de calculs et d’espace mémoire (à ce sujet voir en exemple le chapitre 1 de [Cercignani, 1988]). [Guo et Shu, 2003] limitent même l’étude avec de tels modèles aux systèmes ayant des tailles inférieures au micromètre afin de rester dans le domaine de la calculabilité. La simulation directe du comportement macroscopique d’un fluide à partir des lois régissant les particules qui le composent étant de ce fait difficilement réalisable, on s’intéresse à des populations réduites de ces molécules évoluant sur une grille régulière et connue (un « lattice »), d’où la dénomination des méthodes homonymes.

Description mésoscopique

Le niveau mésoscopique, est l’échelle intermédiaire entre matière continue et discontinue, entre physique classique et quantique. Il représente un volume  » […] intermédiaire entre microscopique et macroscopique, qui donne son sens à la notion de point matériel : volume de matière infinitésimal mais suffisamment grand pour qu’on puisse lui appliquer les lois de la thermodynamique et admettre qu’il satisfait aux conditions d’un équilibre local. » [Manneville, 2004]. La définition du dictionnaire des termes scientifiques [McGraw-Hill, 2003] indique : « Appartenant à une taille intermédiaire entre le microscopique et le macroscopique, caractéristique d’une région où un grand nombre de particules peut interagir en obéissant aux lois de la mécanique quantique. » Pour réduire le nombre d’informations à traiter, on part du point de vue statistique en supposant que la population de particules considérée est suffisamment grande pour être représentative du comportement global. Prenons donc un espace fermé contenant N particules identiques. Celles-ci se déplacent à vitesse constante entre les collisions élastiques∗ et rebonds sur les parois du domaine, ce qui veut dire que lorsque deux particules de vitesses ua et ub s’entrechoquent (l’exposant ’prime’ indiquant l’état postcollision), la somme des vecteurs résultants ainsi que de leur norme sont égales :

ua + ub = u′ a + u′ b (1.2)
|ua|2 + |ub|2 = |u′a|2 + |u′b|2 (1.3)

À partir des équations (1.2) et (1.3) on arrive à la conclusion que la masse et la quantité de mouvement sont inchangés durant la collision : ce sont des invariants collisionnels, propriété qui sera détaillée au paragraphe 2.2 de la section suivante. On appelle ensuite f la fonction de densité qui régit la probabilité d’existence dans l’espace en un point et à un temps définis. La question qui se pose alors est la suivante : quelle est la probabilité f de trouver une particule autour de la position r ayant une vitesse u à l’instant t ? (voir l’illustration de ce problème sur la figure 1.2). Grâce à la fonction f, le nombre de particules à l’instant t, dans l’espace dr autour du point r et ayant une vitesse u à du près peut alors être écrit :

dN = f(r, u, t).dr.du (1.4)

Soient F une force extérieure mettant en mouvement les particules et m la masse de chaque particule. En divisant F par m on suppose que localement la force se répartit de manière équitable entre les différentes particules (qui sont de masses égales).

Description macroscopique

Plus classiquement, les équations (1.10) à (1.12) rappelées ci-après permet de représenter le comportement macroscopique d’un fluide en pression, vitesse et température. Les solutions analytiques en mécanique des fluides étant peu nombreuses et très spécifiques, on résout généralement les problèmes de mécanique des fluides par des méthodes « descendantes » de type différences finies, éléments finis, méthodes spectrales ou volumes finis en discrétisant ces équations (voir au sujet des différences et volumes finis l’ouvrage très complet de [Patankar, 1980]).

Origines de la méthode

Les paragraphes qui suivent présentent les origines de la méthode Lattice Boltzmann ainsi que du modèle de collision BGK. Un exposé pas-à-pas des liens entre physique statistique et modèle mésoscopique est également proposé. Plus précisément, la signification de notion de « pseudo-vitesse du son » est détaillée et on montre la détermination des fonctions d’équilibre.

De l’équation de Boltzmann au monde macroscopique

Dans cette section, nous abordons dans un premier temps la discrétisation nécessaire pour résoudre l’équation de Boltzmann, puis on explique le principe de la détermination des fonctions d’équilibre.

Projection sur une grille ou « lattice »

La LBM ou méthode Boltzmann sur gaz réseau est une approche mésoscopique des problèmes aux dérivées partielles. Elle consiste à considérer une population représentative de particules pour représenter le comportement macroscopique d’un fluide ou d’un solide. À l’inverse des équations de Navier-Stokes qui décrivent un comportement macroscopique puis qu’on discrétise vers le microscopique, il s’agit d’une approche « ascendante », où l’agitation particulaire définie par la distribution de Maxwell permet une extrapolation consistante vers le comportement macroscopique. Nous avons jusqu’ici évoqué l’équation de Boltzmann (1.9) sous sa forme dimensionnelle dans l’espace continu. On introduit désormais la formulation discrète suivante :

fk(x + ∆x, t + ∆t) (1.26)

Où fk représente la fraction de la fonction de distribution dans la direction k et ∆x [L] représente une distance égale à un pas d’espace et ∆t [T] un pas de temps.

On considère donc des distributions de particules se déplaçant dans des directions privilégiées, c’est-à-dire entre les points du maillage. Afin de faciliter le calcul, les échelles de temps et d’espace sont liées de sorte que les particules du maillage se déplacent de proche en proche à la vitesse c sur les nœuds du maillage et échangent leur énergie par collision à chaque pas de temps (voir l’encadré qui suit sur la notion de vitesse du son). L’espace est ainsi discrétisé en un certain nombre de directions de propagation : on parle de schémas DnQm où n représente le nombre de dimensions d’espace et m le nombre de directions de propagation possible des particules, aussi appelé nombre de vitesses. La complexité du problème physique à résoudre (écoulement, conduction pure, autre) définit le nombre de vitesses requises pour modéliser le comportement macroscopique.

Avant de poursuivre, il nous paraît important d’expliciter la signification de « vitesse du son » en LBM, qui est un des points-clés du passage de l’espace continu à la grille discrète.

Notion de vitesse du son – Pour clarifier les notations, on introduit la pseudovitesse du son LBM Cs ≡ √rT. Il faut cependant souligner [Nourgaliev et al., 2003] que cette vitesse n’a rien de physique.

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Table des matières

Introduction
1 Établissement de la méthode Lattice Boltzmann
1 Théorie cinétique : les niveaux de description
1.1 Description microscopique
1.2 Description mésoscopique
1.3 Description macroscopique
2 Origines de la méthode
2.1 Fondements en mécanique statistique et théorie cinétique
2.2 Notion d’équilibre local
3 De l’équation de Boltzmann au monde macroscopique
3.1 Projection sur une grille ou « lattice »
3.2 Calcul des fonctions d’équilibre
4 Mise en œuvre de la méthode Lattice Boltzmann
4.1 Différentes familles de méthodes Boltzmann
4.2 Une approche de l’opérateur de collision : le modèle BGK
4.3 Écoulements anisothermes – Population scalaire passive
5 Lien entre réalité et espace LBM
5.1 Cas de l’écoulement
5.2 Cas de la diffusion pure
5.3 Cas de l’advection-diffusion
5.4 Cas des écoulements anisothermes
5.5 Cas du couplage écoulement anisotherme & conduction dans un solide
5.6 Note sur le choix de ∆t et ∆x
6 Conclusion du chapitre
2 Définition des conditions limites et Validation
1 Introduction
2 Définitions préalables
2.1 Types de conditions aux limites
2.2 Position de la frontière et distributions inconnues
3 Conditions aux limites en LBM
3.1 Condition limite de Dirichlet
3.2 Condition limite de von Neumann
3.3 Cas des nœuds « coins » pour schémas on grid
4 Validation du code
4.1 Diffusion pure
4.2 Advection-diffusion
4.3 Diffusion 2D en milieu hétérogène
4.4 Écoulement de Poiseuille
4.5 Écoulement de Poiseuille thermique
5 Comparaison avec les différences finies
5.1 Rapidité et précision de la LBM versus FDM en diffusion pure
5.2 LBM versus FDM pour l’advection-diffusion
5.3 Traitement des hétérogénéités
6 Précautions particulières
6.1 Oscillations transitoires
6.2 Problème de l’incrément de la masse du système
6.3 Les conditions limites « intuitives »
7 Conclusion du chapitre
3 Analyse du comportement oscillatoire de la méthode pour la diffusion
1 Introduction
2 Oscillations de l’erreur pour la diffusion 1D
2.1 Allure de l’erreur spatiale
2.2 Allure de l’erreur temporelle
3 Oscillations numériques en 2D
3.1 Modèle LBM pour la diffusion pure en milieu hétérogène
3.2 Présentation du problème
3.3 Définition et limites de l’étude
4 Campagne d’étude du phénomène oscillatoire en 2D
4.1 Cas homogène
4.2 Cas hétérogène
5 Une approche alternative
5.1 Modèle diffusif à vitesse d’advection fictive
5.2 Limites de stabilité de ce modèle
6 Conclusion du chapitre
4 Une application microscopique : Diffusion en milieu cimentaire à structure évolutive
1 Présentation du problème
2 Description de la morphologie
2.1 Champs corrélés et méthodes level-set
2.2 L’hydratation des pâtes de ciment : un modèle simplifié
3 Calcul des propriétés effectives par homogénéisation numérique
3.1 Modèle de transport diffusif
3.2 Méthode d’homogénéisation numérique
3.3 Validation du volume élémentaire représentatif
3.4 Calcul intensif pour l’obtention de la diffusivité effective
4 Conclusion du chapitre
Conclusion

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