Estimation du type d’aérosols dans un panache industriel : la méthode EARTH 

Physique des aérosols

Les aérosols jouent un rôle important dans le processus de formation des nuages et dans le bilan radiatif de la Terre. Ils ont donc un rôle important dans les changements climatiques et, à ce titre, sont très largement étudiés, notamment à partir de données satellites. Pour comprendre comment fonctionnent les méthodes permettant leur étude par télédétection, il est nécessaire de décrire leur impact radiatif, c’est-à-dire la manière dont ils interagissent avec le rayonnement. Pour ce faire, nous présentons, dans cette section, une description générale des aérosols, puis nous examinons leurs propriétés microphysiques puis optiques. Ensuite, la méthode, reposant sur la théorie de Mie, qui sera utilisée dans cette thèse pour passer des propriétés microphysiques aux propriétés optiques, est décrite. Enfin, nous examinons les spécificités des aérosols industriels.

Généralités

Les aérosols sont des particules fines, solides ou liquides, en suspension dans un milieu gazeux ou
liquide. Dans la suite du document, le terme “aérosols” désignera en fait les aérosols atmosphériques.
Ceux-ci sont présents principalement dans les basses couches de l’atmosphère (la troposphère) et même essentiellement dans la couche dite limite (entre 0 et 2km). Ils peuvent provenir de sources naturelles (des poussières soulevées par le vent, des embruns océaniques et des particules provenant de feux de biomasse ou d’émissions volcaniques) ou être émis par l’activité humaine (émissions de véhicules, rejets industriels, chauffage au bois). Ces derniers sont appelés aérosols anthropiques et influent fortement sur la qualité de l’air.
On distingue également les aérosols primaires des aérosols secondaires. Les premiers sont des particules directement émises dans l’atmosphère, alors que les seconds sont des produits d’interactions physico-chimiques. En effet, les particules peuvent être produites à partir de composés gazeux (nucléation), s’agglomérer entre elles (coagulation) ou subir des modifications de leurs propriétés physiques (phénomènes de dilution et de condensation) [2, 3].

Propriétés microphysiques

Les aérosols sont définis par leur composition chimique ou minéralogique, leur taille et leur forme.
C’est ce que l’on appelle les propriétés microphysiques d’une particule.
Dans le cadre de notre étude, portant sur l’interaction des aérosols avec le rayonnement, c’est l’indice de réfraction (grandeur complexe dépendant de la longueur d’onde) qui porte l’information sur la composition des aérosols. Pour les grandes familles d’aérosols, ces indices de réfraction sont disponibles dans des bases de données. Celle que nous avons utilisée est la base GEISA-aérosols (Gestion et Études des Informations Spectroscopiques Atmosphériques) [4]. Elle contient notammentles sous-bases OPAC (Optical Properties of Aerosols and Clouds) [5] et LITMS (Laboratory for Information Technologies and Mathematical Simulations ) mais également une base propre, regroupant des mesures effectuées en laboratoire par diverses équipes, et qui se veut la plus exhaustive possible. Parmi les types d’aérosols référencés, on peut citer les suies, les sulfates, les particules minérales (mélange d’argile et de quartz) les matières organiques et les sels marins. Ces différents types de particules permettent de constituer des mélanges dits standard (rural, urbain, maritime, désertique) utilisés notamment dans les codes de transfert radiatif pour représenter les aérosols. Pour décrire la distribution en taille des aérosols (on parle aussi de granulométrie), nous adopterons une modélisation par une loi lognormale, ce qui est l’approche la plus classique car en bon accord avec les observations. Cela consiste à considérer que le nombre de particules par unité de volume N (r) dont le rayon est compris entre r et r + dr est donné par.

Propriétés optiques

Comme nous nous intéressons à l’impact des aérosols sur le rayonnement, ce ne sont pas directement leurs propriétés microphysiques mais leurs propriétés optiques qui influeront sur les signaux que nous observerons. Trois d’entre elles suffisent à décrire complètement l’impact radiatif d’une particule : l’épaisseur optique τ , l’albédo de diffusion simple ω0 et la fonction de phase P (Θ). Dans ce paragraphe, toutes les quantités dépendent de la longueur d’onde λ. Pour alléger les notations, nous omettrons cependant cette dépendance.
Lorsqu’un photon rencontre un nuage d’aérosols, il peut être soit diffusé (c’est-à-dire qu’il change de direction), soit absorbé. La proportion d’énergie perdue dans la direction d’incidence (absorbée ou diffusée) par une onde lors de la traversée d’un milieu est, par unité de longueur, définie par lecoefficient d’extinction.

La théorie de Mie et les lois de mélange

Les propriétés optiques sont bien entendu reliées aux propriétés microphysiques. Dans le cas d’une particule sphérique homogène, le passage des premières aux secondes est décrite par la théorie de Mie. Celle-ci consiste à trouver une solution aux équations électromagnétiques de Maxwell à partir de la résolution de l’équation scalaire de propagation des ondes, satisfaite par les champs électriques et magnétiques de l’onde diffusée [7]. En utilisant cette théorie, il est donc possible de calculer l’épaisseur optique, l’albédo de simple diffusion et le facteur d’asymétrie d’un panache d’aérosols à partir des paramètres granulométriques et de l’indice de réfraction des particules.
Pour tenir compte des mélanges entre différents types d’aérosols au sein du panache, deux approches sont possibles. Tout d’abord, on peut considérer que chaque particule reste séparée des autres sans aucune interaction avec son environnement. Il s’agira alors d’un mélange dit externe.
Les coefficients d’extinction totaux k T ext , d’absorption k T abs et de diffusion k T difdu mélange sont alors les sommes des coefficients de chaque type i de particules.

Les aérosols industriels

Si les bases de données citées dans le paragraphe 2.2.2 permettent de modéliser convenablement les aérosols naturels, les aérosols anthropiques sont en revanche beaucoup moins bien connus. En particulier, très peu de données sont disponibles concernant les particules émises par les industries.
Le principal projet qui a porté sur l’étude des aérosols anthropiques est TARFOX, pour Tropospheric Aerosol Radiative Forcing Observational eXperiment [9]. Il s’est déroulé du 10 au 31 juillet 1996 et a mobilisé quatre satellites (GOES-8, NOAR-14, ERS-2 et Landsat) ainsi que quatre avionséquipés de lidar, d’imageurs multispectraux, de radiomètres et de photomètres. L’objectif consistait à mesurer et à analyser les propriétés optiques des aérosols urbains et industriels sur la côte Est des États-Unis. Les tailles des particules en suspension ont été mesurées, ainsi que leurs coefficients d’absorption et de rétrodiffusion, leurs compositions chimiques et les luminances montantes et descendantes. Ce projet fait l’objet d’un numéro spécial du Journal of Geophysical Research de janvier 1999. On peut également citer la campagne SCAR-A (Sulfate Cloud and Radiation – Atlantic) qui s’est déroulée en juillet 1993, également sur la côte Est des États-Unis [10]. Plus récemment, à Fos-sur-Mer, lors de la campagne ESCOMPTE (Expérience sur Site pour COntraindre les Modèles de Pollution atmosphérique et de Transport d’Emissions), Mallet et al. [11] ont effectué des mesures in situ de distributions verticale et horizontale de propriétés optiques d’aérosols pendant de fortes pollutions. La diffusion et l’absorption ont été mesurées à trois longueurs d’onde du visible, pendant deux jours de suite. Il est apparu que les propriétés optiques de ces aérosols industriels avaient varié de façon importante pendant la durée de l’étude. A titre d’illustration, nous présentons dans le tableau 2.1 les paramètres des distributions de taille utilisés pour représenter les aérosols industriels du 23 juin 2001.
Bien que ces projets aient fourni des renseignements précieux sur les propriétés des aérosols industriels, ils ne permettent pas d’aboutir à un modèle physique permettant de décrire, de manière générale, les particules émises par les industries. En effet, celles-ci sont de nature très variable, d’une part parce que leur composition dépend très fortement du type d’industrie dont elles proviennent, d’autre part parce que leurs propriétés varient sensiblement avec la distance du point d’émission,  du fait des nombreuses interactions avec les gaz atmosphériques.

Phénomènes de couplage

Dans les équations précédentes, les termes atmosphériques L atm (λ), T atm (λ) et S atm (λ) dépendent évidemment de l’absorption et de la diffusion des photons induites par les aérosols et les molécules de gaz présents dans l’atmosphère. Il est extrêmement difficile de séparer ces deux contributions à cause de ce que l’on appelle les phénomènes de couplage. On peut distinguer deux types de couplage dus à la présence simultanée de gaz et d’aérosols : le couplage diffusion/diffusion et le couplage diffusion/absorption.

Diffusion particulaire et diffusion de Rayleigh

Dans une atmosphère contenant à la fois des gaz et des aérosols, deux types de diffusion interviennent : la diffusion particulaire et la diffusion de Rayleigh. Pour les faibles longueurs d’onde (typiquement entre 400 et 600nm) pour lesquelles ces deux diffusions sont importantes, distinguer ces deux types de diffusion est notamment indispensable pour corriger atmosphériquement une image (c’est-à-dire passer d’un signal de luminance à un signal de réflectance du sol).
Dans l’équation du transfert radiatif, la diffusion de l’atmosphère s’exprime principalement à travers le terme de luminance atmosphérique L atm et c’est ce terme qui sera examiné ici. La difficulté réside dans le fait que la présence de molécules de gaz modifie la diffusion des aérosols (par rapport à une atmosphère qui ne contiendrait pas de gaz) et inversement.
Plusieurs études ont été menées pour proposer un formalisme permettant de séparer, dans l’expression de la luminance atmosphérique, ces deux diffusions qui ne sont pas additives [15]. Par ailleurs, une étude visant à estimer l’importance relative de chacun de ces termes a été menée à partir de simulations effectuées avec Monte Carlo [16].
Dans les simulations présentées dans ce document, ce couplage diffusion particulaire/diffusion de Rayleigh est pris en compte par le code de transfert radiatif utilisé (voir paragraphe 2.4.4).

Diffusion particulaire et absorption moléculaire

Le deuxième phénomène de couplage qui intervient relie l’absorption moléculaire et la diffusion des aérosols. En effet, dans les bandes d’absorption d’un gaz, les aérosols peuvent avoir un effetdiffusantnon négligeable, particulièrement dans la partie réflective du spectre électromagnétique.
Ainsi, pour une même concentration de gaz, le pic d’absorption de ce dernier est moins profond si la concentration de particules est plus forte. Ce phénomène d’interaction peut être à l’origine d’erreurs significatives dans l’estimation des gaz à partir de données hyperspectrales. En effet, si la diffusion des aérosols est sous-estimée, les algorithmes qui estiment les concentrations de gaz à partir de la profondeur de leurs pics d’absorption vont avoir tendance à sous-estimer les concentrations des molécules. C’est pourquoi nous avons développé une méthode permettant l’estimation conjointe du CO2 et des aérosols. Ceci fait l’objet du chapitre 4.

Outils de simulation développés

Pour ces travaux, une chaîne complète de modélisation a été développée pour simuler l’impact, sur un pixel hyperspectral, d’un panache constitué de gaz et d’aérosols. Les propriétés de ce panache (composition, altitude, température) sont complètement paramétrables par l’utilisateur. Les paragraphes suivants décrivent le fonctionnement de cette chaîne.

État de l’art des méthodes d’estimation des aérosols

Comme nous l’avons déjà mentionné, les particules d’aérosols ont un impact radiatif particulièrement marqué pour les faibles longueurs d’ondes. C’est donc sur le domaine réflectif ([0,4-2,5µm]) que portent la majorité des méthodes visant à caractériser les aérosols. Divers outils de télédétection, passifs (spectromètres ou photomètres) ou actifs (lidars), sont depuis des années utilisés pour observer l’atmosphère, et en particulier les aérosols. Ils peuvent être utilisés depuis des stations au sol ou embarqués dans des avions ou sur des satellites.
Sur Terre, de nombreuses stations scientifiques d’observation sont dédiées à l’étude des aérosols.
Elles sont regroupées au sein de réseaux dont les plus connus sont AERONET (Europen Aerosol Research LIdar NETwork ) pour celles qui utilisent des lidars. Des algorithmes d’inversion ont ainsi été développés pour permettre de déterminer quels types d’aérosols composent l’air quientoure les stations, à partir des données enregistrées par celles-ci [43, 44].
Les observations à l’échelle d’une région, d’un continent ou du globe sont réalisées par des satellites. Citons notamment AVHRR (Advanced Very High Resolution Radiometer ), GOME (Global Ozone MonitorinG Experiment ), TOMS (Total Ozone Monitoring Spectrometer ), MODIS (MODerate resolution Imaging Spectrometer ) ou MISR (Multi-angle Imaging SpectroRadiometer ), qui permettent d’obtenir des informations plus ou moins précises sur l’épaisseur optique. L’utilisation de la polarisation de la lumière par les satellites POLDER (POLarization and Directionnaly of theEarth’s Reflectance) et EOSP (Earth Observing Scanning Polarimeter ) a également permis de remonter à des informations plus précises comme la taille ou l’indice de réfraction des particules. Pour plus d’informations concernant l’observation des aérosols depuis l’espace, nous renvoyons le lecteur à l’article très complet de King et al. : Remote Sensing of Tropospheric Aerosols from Space : Past, Present and Future [45].
Cependant, l’étude des aérosols primaires, avant vieillissement photochimique, nécessite des observations au plus près de leurs sources, donc à l’échelle d’un site et non d’une région ou d’un continent. L’utilisation de spectro-imageurs (ou capteurs hyperspectraux) embarqués à bord d’un avion permet d’obtenir à la fois une bonne résolution spatiale et spectrale, et donc de caractériser des aérosols issus d’une source déterminée avant qu’ils ne se mélangent à ceux naturellement présents dans l’atmosphère (les aérosols dits de fond).

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Table des matières

1 Introduction 
2 Physique et télédétection d’un panache 
2.1 Introduction
2.2 Physique des aérosols
2.2.1 Généralités
2.2.2 Propriétés microphysiques
2.2.3 Propriétés optiques
2.2.4 La théorie de Mie et les lois de mélange
2.2.5 Les aérosols industriels
2.3 Physique des gaz
2.3.1 Propriétés optiques
2.3.2 Les gaz industriels
2.4 Transfert radiatif dans l’atmosphère
2.4.1 Principes physiques
2.4.2 Équation du transfert radiatif dans le domaine réflectif
2.4.3 Phénomènes de couplage
2.4.4 Outils de simulation développés
2.5 Télédétection des panaches
2.5.1 Estimation des gaz à partir de données satellites
2.5.2 Estimation des gaz à partir de données terrain ou aéroportées
2.5.3 État de l’art des méthodes d’estimation des aérosols
2.5.4 Démarche adoptée
2.6 Conclusion
3 Propriétés radiatives d’aérosols émis par une industrie métallurgique 
3.1 Introduction
3.2 État de l’art des études portant sur les aérosols industriels
3.3 Site d’étude et échantillons collectés
3.4 Matériels et méthodes
3.4.1 Analyse physico-chimique
3.4.2 Mesure des propriétés optiques
3.4.3 Simulation de l’impact radiatif
3.5 Analyse physico-chimique des particules prélevées dans les filtres
3.6 Propriétés optiques des aérosols
3.7 Impact radiatif du panache
3.7.1 Établissement de modèles de mélange des aérosols
3.7.2 Simulations des propriétés radiatives et discussion
3.8 Conclusion
4 Estimation conjointe du CO2 et des aérosols dans un panache optiquement dense 
4.1 Introduction
4.2 Motivations et objectif
4.2.1 Les phénomènes d’interaction gaz-aérosols dans le SWIR
4.2.2 Le cas des feux de biomasse
4.2.3 Objectif
4.3 Description de la méthode développée
4.3.1 Principe général
4.3.2 Estimation des propriétés des aérosols
4.3.3 Estimation de la teneur en CO2
4.3.4 Création des Look-Up Tables
4.4 Étude de sensibilité
4.4.1 Méthode d’analyse
4.4.2 Erreur due à l’interpolation de la réflectance du sol
4.4.3 Influence des aérosols
4.4.4 Influence d’autres paramètres
4.4.5 Bilan
4.5 Application sur des images AVIRIS
4.5.1 Image du feu de Quinault
4.5.2 Image du feu d’Aberdeen
4.6 Conclusion
5 Estimation du type d’aérosols dans un panache industriel : la méthode EARTH 
5.1 Introduction
5.2 Principe de la méthode
5.2.1 Démarche globale
5.2.2 Modèle de transfert radiatif utilisé
5.2.3 Correction atmosphérique et estimation de la réflectance du sol sous le panache
5.2.4 Estimation des propriétés optiques des aérosols
5.2.5 Calcul des scores de dissimilarité et détermination du type d’aérosols
5.3 Génération de la Look-Up Table
5.3.1 Modèles d’aérosols choisis
5.3.2 Analyse des propriétés optiques des aérosols
5.4 Étude de sensibilité
5.4.1 Les principales sources d’erreurs
5.4.2 Méthode d’analyse
5.4.3 Erreur de modélisation
5.4.4 Erreur algorithmique
5.4.5 Erreur due au bruit instrumental
5.4.6 Erreur due à la réflectance du sol
5.4.7 Erreur due à l’atmosphère hors panache
5.4.8 Bilan des différents postes d’erreurs
5.4.9 Influence de l’erreur totale dans l’estimation du type
5.5 Application sur une image CASI
5.5.1 Présentation des données
5.5.2 Prétraitements
5.5.3 Estimation des propriétés optiques
5.5.4 Estimation du type d’aérosols
5.5.5 Discussions
5.6 Conclusion
6 Conclusion et perspectives 
A Acronymes
B Principaux codes de transfert radiatif dans l’atmosphère
C COMPAS : COde de Modélisation d’un Panache d’AéroSols
D Études complémentaires menées sur la détection de gaz
D.1 Détection de CO2 et CH4 dans le domaine réflectif
D.2 Détection de SO2 dans le domaine émissif
Table des figures 
Liste des tableaux 
Bibliographie 

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