ESTIMATION DU MICROCLIMAT DANS DIFFERENTS SYSTEMES AGROFORESTIERS
Contexte et objectifs de l’étude
Depuis 2012, la caféiculture en Amérique Centrale est affectée par des épidémies particulièrement sévères de rouille orangée du caféier, une maladie foliaire causée par le champignon Hemileia vastatrix. Cette maladie peut provoquer de fortes défoliations et entraîner la mort de nombreux plants comme ce fût le cas au cours de l’épidémie de 2012 (Cressey 2013). Cette épidémie ayant provoqué une perte d’environ 20% de la production dans toute la région, le Honduras, le Guatemala et le Costa Rica ont déclaré l’état d’urgence face à la maladie. De plus, le café étant une culture pérenne, la mort de rameaux et même de plants ont entraîné des pertes secondaires de production les années suivantes (Cerda, Avelino, et al. 2017) parfois plus importantes comme dans le cas du Salvador. Bien que le café ne soit pas une culture alimentaire, l’Amérique Centrale a dû affronter une crise sociale importante étant donné que la caféiculture est en majorité réalisée par des producteurs possédant de petites plantations (Fernandez 1984 ; Bertrand et Rapidel 1999) représentant leur principale source de revenu et que la récolte du café, réalisée à la main, offre de nombreux emplois.
En réponse à cette crise, l’IICA (Instituto Interamericano de Cooperacón para la Agricultura) et le réseau PROMECAFE (Programa Cooperativo Regional para el Desarrollo Tecnológico y Modernización de la Caficultura) ont élaboré, conjointement avec les institutions travaillant dans le secteur de la caféiculture, un plan d’action pour lutter contre la rouille, avec des mesures immédiates en 2013. Après avoir estimé les impacts provoqués par la rouille dans chacun des pays, il a été décidé d’intensifier la recherche de solutions pour prévenir et lutter contre la maladie, de réhabiliter les plantations endommagées, de poursuivre l’amélioration génétique du matériel présent en Amérique Centrale et de renforcer la capacité de réponse des instituts de la région. En réponse à l’appel en février 2013 des Etats membres du SICA (Sistema de Integración Centro Americana), un second programme, le PROCAGICA (Programa Centroamericano para la Gestión de la Roya del Café) a été initié en 2016 et est coordonné par l’IICA jusqu’en 2021 grâce à un financement de l’Union Européenne. Ce programme a pour objectif le renforcement de la capacité des Etats membres du SICA à concevoir et mettre en oeuvre des politiques, programmes et mesures visant à améliorer la résilience des petits et moyens producteurs de café face au changement climatique et à des menaces comme les épidémies de la rouille orangée du caféier. Afin de prévenir les futures épidémies, le programme vise à mettre en place des mesures parmi lesquelles figure la création d’un système d’avertissement incluant une composante de pronostic des épidémies basé sur des variables météorologiques.
Plantes hôtes et distribution de la maladie de la rouille orangée
Le caféier est une plante pérenne de la famille des Rubiaceae dont la production commerciale repose principalement sur deux espèces : Coffea arabica et Coffea canephora qui représentent respectivement 61% et 39% de la production mondiale en 2018 (International Coffee Organization). L’espèce C. arabica est la plus implantée en raison de sa qualité gustative qui offre un meilleur prix de vente, mais c’est aussi la plus sensible à la maladie de la rouille orangée qui affecte les feuilles et peut provoquer de sévères défoliations des plants (Waller 1982). Détectée pour la première fois en 1861 par un explorateur anglais dans la région du lac Victoria en Afrique de l’Est, cette maladie a réussi à s’installer dans la majorité des zones productrices de café d’Asie et d’Afrique en l’espace d’une centaine d’années. L’Amérique latine, avec à sa tête le Brésil, était devenue la première région productrice de café arabica (McCook 2006) et l’est encore à l’heure actuelle, certainement en raison de l’arrivée plus tardive de la maladie sur le continent américain. La spécialisation du continent américain dans la culture de l’espèce C. arabica sensible à cette maladie explique probablement qu’après la détection de la rouille sur la côte Est du Brésil en 1970, la maladie a réussi à se propager dans tous les pays américains producteurs de café en seulement une quinzaine d’années (Avelino et Rivas 2013).
Effets de l’environnement et de la phénologie du caféier sur la phase de dissémination La libération des urédospores nécessite la présence d’eau (Nutman et al. 1960) pour gélifier la cloison qui les maintient aux cellules sporogènes. Dans les premières études réalisées sur l’étape de dispersion de la rouille orangée, les éclaboussures provoquées par la pluie ressortaient comme le principal facteur de dispersion des urédospores une fois libérées avec une intensité minimale de pluie de 5 mm quand l’inoculum de la parcelle est abondant (Nutman et al. 1960 ; Rayner 1961b ; Bock 1962a). D’autres hypothèses, comme l’existence d’une dispersion mécanique vers les strates inférieures du caféier par chute des feuilles malades ont été proposées (Bock 1962a). Mais les études qui ont suivi soutenaient davantage l’hypothèse d’une dispersion majoritairement réalisée par le vent, à plus ou moins longue distance, et à moindre mesure par l’eau, les hommes ou même les insectes (Bowden et al. 1971 ; Becker 1977 ; Becker et Kranz 1977). Enfin, l’étude la plus récente réalisée sur l’effet du microclimat sur la dispersion à sec des urédospores de rouille a montré que la pluie et le vent agissent en interaction (Boudrot et al. 2016).
En effet, les rafales de vents sont plus efficaces sur la dispersion à sec après plusieurs jours sans pluie. En présence de pluie, l’effet du vent devient négligeable. Etant donné que cette étude a mesuré la dispersion à sec, l’effet de la pluie observé n’était pas causé par les éclaboussures mais par une action mécanique d’impact des gouttes de pluie sur les feuilles (Rayner 1961b). Quand la dispersion se fait à partir d’une lésion comprenant beaucoup d’urédospores, beaucoup vont en réalité rester sur la même feuille et se déposer sur le trajet de la goutte d’eau (Bock 1962a). Dans les cas où les urédospores quittent la feuille, la probabilité de se déposer sur une nouvelle feuille à infecter ne dépend plus seulement de l’effet du microclimat sur la rouille mais aussi de l’hôte, par la densité de feuillage de la plante (Ward 1882 ; Bock 1962b ; Kushalappa 1981) et la densité de plantation (Avelino et al. 2004 ; Ehrenbergerová et al. 2017). Etant donné que la croissance végétative du caféier dépend en partie du microclimat (DaMatta et al. 2007), celui-ci influencera aussi indirectement la probabilité d’atteindre une nouvelle feuille via la dynamique de l’hôte (Ferrandino 2008 ; Calonnec et al. 2013). Une fois déposées sur une nouvelle feuille, les urédospores doivent encore passer sur la face dorsale de la feuille où se trouvent les stomates. Là encore, la pluie a une forte influence (Bock 1962a) mais des pluies trop intenses peuvent entraîner le lessivage des urédospores vers les strates inférieures du caféier et vers le sol (Savary et al. 2004 ; Boudrot et al. 2016).
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Table des matières
REMERCIEMENTS
CHAPITRE 1 : INTRODUCTION GENERALE
1.1. Contexte et objectifs de l’étude
1.2. Description du pathosystème Coffea arabica – Hemileia vastatrix
1.2.1. Plantes hôtes et distribution de la maladie de la rouille orangée
1.2.2. Taxonomie, cycle de développement et symptômes de la maladie
1.2.3. Influence de l’environnement et de la phénologie du caféier sur le cycle de développement de la rouille orangée
1.2.4. Influence de l’environnement et de la rouille orangée sur la phénologie du caféier
1.3. La régulation du pathosystème par les pratiques culturales
1.3.1. Principales méthodes de lutte contre la rouille orangée
1.3.2. Pratique de l’agroforesterie à base de caféiers en Amérique Centrale
1.3.3. L’agroforesterie, un apport de complexité
1.4. Modéliser pour comprendre et prédire le développement des pathologies
végétales
1.4.1. De modèles descriptifs simples aux approches systémiques pour décrire le comportement d’un pathosystème
1.4.2. Des modèles prédictifs pour la construction de systèmes d’avertissement
1.4.3. De la compréhension à la prédiction du développement de la rouille orangée du caféier
1.4.4. Objectifs spécifiques de la thèse et démarche suivie
CHAPITRE 2 : DECRYPTER LE COMPORTEMENT DE LA ROUILLE ORANGEE DU CAFEIER EN SYSTEMES AGROFORESTIERS A BASE DE CAFEIERS ARABICA
2.1. Abstract
2.2. Introduction
2.3. Material and methods
2.4. Results
2.5. Discussion
2.6. Literature cited
3.Merle 2019
CHAPITRE 3 : MODELES PREDICTIFS DE L’APPARITION DES SYMPTOMES DE LA ROUILLE ORANGEE DU CAFEIER BASES SUR DES COMBINAISONS MICROCLIMATIQUES IDENTIFIEES DANS LES SYSTEMES AGROFORESTIERS A BASE DE CAFE AU COSTA RICA
3.1. Abstract
3.2. Introduction
3.3. Material and methods
3.4. Results
3.5. Discussion
3.6. Conclusion
3.7. Literature cited
CHAPITRE 4 : ESTIMATION DU MICROCLIMAT DANS DIFFERENTS SYSTEMES AGROFORESTIERS A BASE DE CAFE A L’AIDE DES CARACTERISTIQUES DES ARBRES D’OMBRAGE ET DE DONNEES DE STATIONS METEOROLOGIQUES PLACEES EN PLEIN SOLEIL
4.1. Abstract
4.2. Introduction
4.3. Material and methods
4.4. Results
4.5. Discussion
4.6. Conclusion
4.7. Literature cited
CHAPITRE 5 : DISCUSSION GENERALE
5.1. Caractériser les maladies foliaires sur plantes pérennes : le choix entre des indicateurs et le suivi des symptômes
5.2. Des modèles de prédiction simples, basés sur des variables microclimatiques précises
5.3. Estimation du microclimat en systèmes agroforestier
Conclusion et perspectives
LISTE DES TABLEAUX ET FIGURES
BIBLIOGRAPHIE
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