Estimation des flux de gaz à effet de serre à partir de mesures atmosphériques

Principe de la chromatographie en phase gazeuse

                La chromatographie en phase gazeuse est une technique analytique pour l’analyse de gaz traces contenus dans un échantillon d’air. En effet, le chromatographe en phase gazeuse (CPG) permet de séparer les différents constituants recherchés de l’échantillon gazeux, et d’éliminer les composés qui gêneraient leur analyse. L’échantillon est injecté dans une colonne remplie avec de la silice et dans laquelle les molécules sont alternativement adsorbées et désorbées. L’air est ensuite distribué entre les phases stationnaire et mobile. Le débit de gaz vecteur étant constant, l’équilibre entre les phases est donc déplacé et les molécules adsorbées sur la phase stationnaire passent dans la phase mobile. Le mélange est ainsi séparé selon la volatilité et la polarité des composés qui entrent dans le détecteur à des temps différents. Le CPG développé pour le projet CHIOTTO possède deux détecteurs: un détecteur à capture d’électrons (µECD) pour l’analyse du N2O et du SF6, et un détecteur à ionisation de flamme (FID) pour l’analyse du CH4, du CO et du CO2. Pour ces deux dernières espèces, on utilise un catalyseur en Nickel pour les convertir d’abord en CH4 avant de les envoyer vers le FID. Le principe de fonctionnement de ces détecteurs sera détaillé par la suite. La concentration des échantillons analysés est déterminée en comparant le signal produit par le détecteur à ceux produits par des mélanges gazeux de concentrations connues (gaz de calibration). J’ai mis au point deux méthodes d’analyse : la première permet l’analyse simultanée du CH4, CO, N2O et SF6, et l’autre celle du CH4, CO2, N2O et SF6. Pour passer de la première à la deuxième, il suffit de changer le type de colonne utilisée, de court-circuiter une vanne (#2 sur la figure I.2) et de modifier les paramètres d’analyse et d’intégration.

Automatisation de l’analyse

                    L’analyse est automatisée, et entièrement gérée par un ordinateur dédié. Cet ordinateur permet de piloter l’instrument, de faire l’acquisition et le traitement du signal. Les actions de l’opérateur pour faire fonctionner le système sont limitées: programmer les séquences d’analyse et de calibration, et faire les opérations de maintenance usuelles (veiller à avoir un niveau suffisant pour les différents fluides, changer le piège cryogénique et les filtres lorsque c’est nécessaire, cf. tableau I.4). L’instrument est connecté à l’ordinateur par un câble RJ45 via une carte ethernet. La connectique entre le CPG et le système d’injection a dû être modifiée pour l’adapter à nos besoins et pouvoir ainsi contrôler six vannes en temps réel. Le module de contrôle de la vanne multi-position #7 est relié au CPG par les entrées « external event » et « BCD » du CPG. Les vannes 1 à 4 (pilotées par des relais) sont connectées au système de vannes internes du CPG que j’ai externalisé via un connecteur DB9. J’utilise le planificateur de tache de Windows et le logiciel Agilent CHEMSTATION® (revision A.09.03) pour programmer chaque séquence d’analyse. L’intégration des pics est automatisée et pour chaque injection, les résultats sont archivés dans un fichier report.txt (cf. annexe 1). J’ai pu déterminer les paramètres d’intégration optimaux par une série de tests et d’essais. En faisant varier les paramètres un à un (début et fin de l’intégration, niveau de base, pente minimum), j’ai d’abord contrôlé visuellement l’intégration du chromatogramme (en vérifiant que tout le pic est intégré, sans intégrer d’autres pics ou du bruit). J’ai sélectionné ensuite les valeurs des paramètres qui maximisent la reproductibilité. Les paramètres d’intégration ainsi qu’un exemple de chromatogrammes intégrés sont donnés dans les annexes 2 et 3. Les données de la journée sont sauvegardées sur un disque distant et l’ordinateur est automatiquement re-synchronisé de façon quotidienne par rapport au temps atomique international. Le déroulement de chaque méthode d’analyse dure moins de 5 minutes et est détaillé respectivement dans les tableaux I.2 et I.3 pour l’analyse du CO, CH4, N2O, SF6 et du CO2, CH4, N2O, SF6. Avec les paramètres de la première méthode (analyse du CO), les temps de rétention moyens sont respectivement de 3.6, 3.7, 4.2 et 4.3 minutes pour le CH4, N2O, SF6 et le CO. Avec les paramètres de la deuxième méthode (analyse du CO2), on a 2.6 min pour le CH4 et 3.3 min pour le CO2 et les mêmes temps de rétention pour le N2O et SF6 (figure I.3). Ceux-ci peuvent varier en fonction de l’usure de la colonne. Même si cette variation est très faible (inférieure à 1% sur une période de six mois), elle peut perturber les résultats de l’intégration et donc modifier les concentrations calculées. Il suffira d’ajuster régulièrement les paramètres d’intégration pour tenir compte de cette dérive (tableau I.4).

Bruit de l’instrument et sensibilité aux variations de température et de pression

                   Le bruit est un terme générique permettant de définir des variations aléatoires ou indésirables d’une grandeur; par exemple, les parasites sur une mesure de tension. Pour estimer le bruit de mon instrument, j’ai calculé l’écart type du signal des détecteurs entre 0 et 1 min (ce qui correspond au niveau de fond du détecteur, figure I.8). J’obtiens respectivement pour le µECD et le FID, une valeur inférieure à 0.5 Hz et 0.006 pA. Ces valeurs sont inférieures de plusieurs ordres de grandeurs aux hauteurs des pics habituellement trouvées lors d’analyses d’air ambiant (figure I.9). L’influence de ces variations haute fréquence au niveau des concentrations est donc négligeable. Pour essayer de mieux sentir à quoi cela correspond, on peut ramener ces quantités en terme de concentration. La limite de quantification est généralement prise égale à un rapport signal sur bruit de 10 et correspond à la quantité minimale quantifiable par l’instrument. Avec cette définition, elle correspond donc à un signal de 5 Hz pour le µECD et 0.06 pA pour le FID, ce qui correspond à un ordre de grandeur de 1 ppb pour le N2O et 1 ppt pour le SF6, et 5 ppb pour le CH4 et le CO2. La température et la pression sont deux paramètres clés de l’optimisation de méthode en chromatographie gazeuse. En effet, l’efficacité, la résolution, la vitesse de la séparation, y sont directement liées [Robards et al., 1994; Tranchant, 1995]. Comme le montrent les figures I.9 et I.10, la réponse des détecteurs est fortement dépendante de ces deux grandeurs. Les variations de température et de pression ambiantes sont responsables d’une grande partie des fluctuations des signaux observés. La température est responsable des variations rapides, alors que la pression est responsable de la dérive lente observée sur plusieurs jours (figure I.9). Dans le cas du système que j’ai mis au point, la pression atmosphérique est a priori déterminante puisqu’on équilibre la pression de l’échantillon avec la pression ambiante avant de l’injecter. Le nombre de molécules injectées est donc fonction de la pression atmosphérique. Ainsi, pour garantir un nombre de molécules identique à chaque injection, je devrais contrôler la pression de l’échantillon. Cependant, il est difficile de contrôler la pression de l’échantillon avec mon système d’injection. De plus, on peut négliger cette variation entre deux points de calibration (la variation de pression atmosphérique est inférieure à 0.1 hPa en moyenne sur une période de 30 minutes). La température de la pièce est régulée par un module de climatisation. Cependant, les variations sont importantes (une amplitude de l’ordre de ± 3 °C avec un période de 20 minutes correspondant aux cycles de refroidissement/chauffage du module de climatisation, figure I.9). Ceci peut poser un problème par rapport à la qualité des mesures effectuées. En effet, la température des éléments du CPG dépend de la température de la pièce et, on le sait, la température est un paramètre critique de la séparation chromatographique. Le système d’injection se trouve dansune baie, ce qui a pour effet de filtrer les fluctuations hautes fréquences. Toutefois, on observe toujours des variations de ± 0.5 °C à l’intérieur de la baie au cours de la journée. Un moyen d’améliorer la précision des mesures serait de disposer d’une climatisation plus précise (mais cela coûte cher) ou de réguler de façon précise la température à l’intérieur de la baie ainsi que sur les lignes de transfert entre le système d’injection et le CPG.

Comparaison au Loflo

                    A la fin des années 90, l’équipe australienne du CSIRO de Melbourne, Division of Atmospheric Research, a développé une nouvelle génération d’analyseurs de CO2 par spectroscopie infrarouge non dispersifs (NDIR) baptisée « Loflo » [Van der Schoot et al., 2005]. Sur la base d’un instrument commercial de type Licor, les ingénieurs australiens ont mis en place un contrôle très pointu de la pression, de la température et des débits de gaz aux niveaux des cellules de mesure. Ils ont ainsi réussi à améliorer significativement la stabilité de l’analyseur, mais également ses performances en termes de précision, de reproductibilité et de consommation de gaz. Par ailleurs, la nouvelle stabilité de l’analyseur a permis de diminuer significativement la fréquence des calibrations (de l’ordre du mois) et de simplifier les procédures de calibration avec une échelle primaire connectée directement et en permanence au système. En 2003, le LSCE a acheté un Loflo. Celui-ci est dédié à une utilisation interne au laboratoire avec pour principal objectif la calibration de tous les standards secondaires utilisés par les différents instruments de l’équipe RAMCES pour la mesure du CO2 [Schmidt et al., 2005]. J’ai comparé les résultats de mon instrument à ceux du Loflo, lors de l’analyse de trois standards gazeux et d’air ambiant. La figure I.14 présente une comparaison entre l’instrument que j’ai développé et le Loflo au cours d’une analyse de trois jours de l’air ambiant à Gif-sur-Yvette (GIF). Globalement, l’accord entre les deux instruments est assez bon. La différence moyenne entre les deux instruments sur trois jours est relativement faible (0.1 ± 0.4 ppm). Cette différence est plus faible au moment des maximums/minimums journaliers (la nuit et l’après-midi). La différence ne devient importante que lorsque la variabilité augmente (entre la nuit et l’après-midi). Ceci est dû à la différence de fréquence d’échantillonnage des deux instruments. En effet, le Loflo a une fréquence d’analyse de un point par minute alors que le chromatographe n’a que deux points par heure.

Déroulement de l’installation

                     La mise au point de l’instrumentation et l’installation d’une station de mesures ne sont pas faciles à mettre en œuvre. Elles impliquent un investissement en temps important pour le développement instrumental déjà, mais aussi pour répondre aux problèmes matériels ou de logistique. Pour y arriver avant la fin de ma thèse, j’ai du investir beaucoup de temps et d’énergie afin de trouver des solutions technologiques réalisables. Le projet initial prévoyait une installation de l’instrumentation à Trainou au printemps 2004, ce qui n’a pas pu être le cas. L’obstacle principal à l’installation a été que le propriétaire de la tour, la société TDF, a décidé d’augmenter considérablement le prix de la location qui avait été négocié initialement en 2002 (avant la privatisation de TDF par France Télécom). Ce prix de location annuel ne pouvant pas être supporté financièrement par une structure comme la nôtre, nous n’avons pas pu nous installer comme prévu. Le problème est que TDF possède 95% des pylônes de plus de 100 mètres sur l’ensemble du territoire français. A l’époque, nous avons dû réfléchir à une solution alternative et en mars 2004, j’ai donc réalisé une mission de prospection à travers la France (cf. annexe 4). J’ai visité douze sites potentiels en région centre et pris contact avec les différents propriétaires pour leur expliquer notre projet, mais sans succès. Heureusement, après des mois de tractations, nous avons finalement pu obtenir une réduction du coût de location du site de Trainou (après la réduction du nombre de nos équipements installés, la renégociation du contrat, et avec l’aide du ministère de l’environnement). Entre septembre 2003 et septembre 2006, j’ai participé à la mise au point du cahier des charges techniques de la station, aux réunions de présentation et de travail avec TDF, les autres sous-traitants et les fournisseurs du projet. J’ai aussi pris en charge la logistique et l’organisation de l’installation de la station. J’ai pris part à l’installation proprement dite Préparation et mise en place d’une station automatique de mesure de gaz à effet de serre à Trainou (fixation des capteurs météorologiques, des têtes de lignes, des lignes, installation du module Algeco, des paillasses, des instruments).

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Table des matières

Introduction
Chapitre I: Développement d’un système de mesure du CH4, CO, CO2, N2O & SF6
1. Description de l’instrument
1.1. Principe de la chromatographie en phase gazeuse
1.2. Système d’injection
1.3. Séparation et analyse
1.4. Automatisation de l’analyse
1.5. Calcul des concentrations de l’échantillon et stratégie de calibration
2. Caractérisation de l’instrument
2.1. Précision et fréquence de calibration
2.2. Bruit de l’instrument et sensibilité aux variations de température et de pression
2.3. Non-linéarité et influence du CO2 sur la mesure du N2O par ECD
2.3.1. Coélution du CO2 avec le N2O
2.3.2. Non linéarité du détecteur ECD
2. Comparaison à d’autres instruments
2.1. Comparaison au Loflo
2.2. Comparaison au CPG « MULTI »
2.3. Comparaison à l’institut Max Planck
3. Conclusion
CHAPITRE II: Préparation et mise en place d’une station automatique de mesure de gaz à effet de serre à Trainou (Loiret, France)
1. Description de la station
1.1. Choix du site
1.2. Déroulement de l’installation
1.3. Organisation de la station
1.4. Description de l’environnement de la station, des sources locales et des régimes de vents
2. Instrumentation
2.1. CARIBOU: l’analyseur CO2
2.2. La mesure du Radon-222
3. Analyse des données à Trainou
3.1. Variabilités observées
3.2. Comparaison aux mesures aéroportées
4. Conclusion
CHAPITRE III: Estimation des émissions de CO2, CH4, N2O, SF6 en Ile de France à partir des mesures atmosphériques de Gif-sur-Yvette
Introduction
1. Description du site et de l’instrumentation
2. Présentation des données
2.1. Variabilités observées
2.2. Variabilité synoptique en hiver et en été
2.3. Cycles diurnes moyens
3. Estimations des flux dans la région de Gif-sur-Yvette
3.1. Méthode radon
3.2. Méthode dite du bilan de la couche limite
3.3. Résultats: flux de GES influençant Gif-sur-Yvette
3.3.1. Flux de CH4
3.3.2. Flux de N2O
3.3.3. Flux de SF6
3.3.4. Flux de CO2
Conclusion
CHAPITRE IV: Estimation des flux à l’échelle régionale à partir des mesures continues à Mace Head, Irlande
1. Introduction
2. Article
Ten years of CO2, CH4, N2O and CO regional fluxes inferred from atmospheric measurements at Mace Head, Ireland
Introduction
The Mace Head observations and measurement techniques
Data selection
Typical Irish & European events: case study
An event influenced by remote emissions (i.e. European)
An event influenced by Ireland+UK emissions (i.e. local)
Fluxes estimation method
Results and discussion
CH4
N2O
CO2
CO
Fossil & Natural CO2
Conclusions
Conclusion
Bibliographie
Annexes

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