ESTIMATION DE L’HUMIDITÉ DU SOL À L’AIDE D’IMAGES RADAR
Modélisation hydrologique
Plusieurs études d’assimilation de données en hydrologie ont d’abord été faites à l’aide de modèles d’écoulement de l’eau dans le sol à une dimension (Entekhabi et al., 1994; Hoeben et Troch, 2000). Ces recherches ont conclu que l’assimilation de données d’humidité du sol en surface améliore la simulation des profils d’humidité du sol. Ces études ont été suivies par d’autres où des auteurs ont assimilé des données d’humidité du sol à des schémas de transfert sol-végétation-atmosphère, SVAT (Houser et al., 1998;Reichle et al., 2001; Reichle et al., 2002a; Pauwels et al., 2002;Pauwels et al., 2006). Ces modèles sont souvent utilisés en recherche atmosphérique. Des bilans thermiques et hydrologiques sont réalisés afin de simuler les flux de chaleur et l’évaporation provenant de la surface. L’assimilation de l’humidité du sol ou de la température du sol a permis d’améliorer les simulations de ces modèles. Ils ne simulent habituellement pas l’écoulement de l’eau dans les rivières et ne permettent donc pas l’estimation des débits en rivière.
Certain schémas de surface ont été couplés avec des modèles hydrologiques simulant l’écoulement en rivière. Crow et Van Loon (2006) ont assimilés des données d’humidité du sol avec ce type de modèle. L’objectif premier des modèles hydrologiques est l’estimation des débits en rivières. Ces modèles peuvent être empiriques, conceptuels ou à base physique. Plusieurs modèles conceptuels modélisent les interactions entre les processus du cycle de l’eau à l’aide de réservoirs. Ils simplifient ainsi les équations physiques plus complexes en émettant certaines hypothèses. Ces modèles peuvent être utilisés sur différents bassin versant et peuvent simuler plusieurs états du bassin (débits à l’exutoire, débits en amont, humidité du sol). Quelques auteurs ont assimilé des données de débits en rivière dans des modèles conceptuels (Aubert et al., 2003; Vrugt et al., 2006) afin d’améliorer les simulations de débits.
Les modèles à base physique tentent de décrire les processus du cycle de l’eau à l’aide d’équations physiques. Plusieurs états du bassin versant peuvent être simulés à l’aide de ces modèles (humidité du sol, débits, hauteur de la nappe, neige au sol). Un modèle entièrement physique et qui simule tous les processus hydrologiques du bassin, devrait, théoriquement, présenter peu d’écarts avec les observations. L’assimilation des données d’observation aurait alors peu d’impact. Toutefois, ces modèles demandent un grand nombre d’information sur le bassin (caractéristique du sol et de la végétation) ainsi que sur les conditions atmosphériques et initiales, souvent difficiles à obtenir. De plus, aucun modèle n’est parfaitement physique. Ces modèles peuvent donc également bénéficier de l’assimilation de données. Schuurmans et al. (2003) ont assimilé des données de flux de chaleur dans un modèle d’évapotranspiration à base physique. Clark et al. (2008) ont assimilé des observations de débit au modèle à base physique TopNet. Enfin, Camporese et al. (2009) ont implanté un schéma d’assimilation de donnée dans le modèle CATHY (CATchment Hydrology) permettant d’assimiler la hauteur de charge, l’humidité du sol (en surface et en profondeur) ainsi que les débits. Les modèles conceptuels et à base physique peuvent décrire le bassin versant de manière globale ou distribuée. L’assimilation de données présente un grand potentiel pour les modèles hydrologiques distribués puisqu’elle permet, en principe, d’améliorer les prévisions de débits à l’exutoire par l’assimilation des données sur les états internes (débits en amont, humidité du sol) du bassin versant.
Plusieurs considérations entre en ligne de compte dans le choix du modèle hydrologique.
D’abord, un modèle hydrologique distribué est préconisé afin d’assimiler des observations autant à l’exutoire qu’à l’intérieur du bassin. Ensuite, l’objectif étant d’assimiler des données d’humidité du sol et de débits en rivière, un modèle simulant ces deux états du bassin versant est nécessaire. Aussi, la disponibilité du code source afin de pouvoir faire des modifications aux modèles si nécessaire est essentielle. Enfin, l’implantation d’un schéma d’assimilation requière d’abord de valider ce schéma à l’aide de données synthétiques avant d’assimiler des observations. Le modèle CATHY, un modèle à base physique, répond à ces différents 8 critères et a déjà montré son potentiel lors d’assimilation de données synthétiques. Ce modèle est donc choisi afin d’assimiler différents type d’observations. Il est important de noter que les résultats d’assimilation dépendent du modèle utilisé et que l’utilisation d’un autre modèle hydrologique pourrait donner des résultats différents.
Technique d’assimilation de données
Il existe plusieurs méthodes d’assimilation de données. L’insertion directe d’observations dans un modèle est sans contredit la plus simple des techniques d’assimilation, mais ne permet pas de tenir compte des erreurs sur les observations ou le modèle. Cette approche a fait l’objet de recherche en hydrologie (Heathman et al., 2003; Walker et al., 2001). L’erreur est définie comme étant la différence entre un résultat et la valeur vraie. Une des premières méthodes d’analyse tenant compte de l’erreur sur le modèle et sur les observations est basée sur une approche empirique appelée SCM (Successive corrections method) ou analyse objective, développée, entre autres, par Cressman (1959) pour le service de météorologie américain. Par la suite, la relaxation de Newton ou « Nudging », une autre approche empirique, a été développée (Hoke et Anthes, 1976; Stauffer et Seaman, 1990). Cette méthode consiste à ajouter un terme aux équations d’évolution qui pousse les solutions vers les observations. Ce terme est proportionnel à la différence entre les observations et l’état du modèle. La méthode de « Nudging » a été utilisé par plusieurs auteurs en hydrologie, particulièrement avec des modèles hydrologiques plus complexes (Houser et al., 1998; Paniconi et al., 2003; Hurkmans et al., 2006). Houser et al. (1998) ont conclu que la méthode de « Nudging » donnait de meilleurs résultats que l’insertion directe d’observation d’humidité du sol.
La méthode de l’interpolation statistique (Daley, 1991) fut une prémisse aux techniques d’assimilation de données statistiques. Le principe est de chercher une combinaison linéaire optimale entre les observations et les états du modèle aux mêmes instants. Les méthodes variationnelles (Le Dimet et Talagrand, 1986), comme la méthode 4D-var, sont basées sur la théorie du contrôle optimal (minimisation d’une fonction coût), alors que les méthodes séquentielles (Kalnay, 2003), comme le filtre de Kalman, reposent sur la théorie baysienne. Pour des fonctions purement linéaires, les techniques séquentielles et variationnelles sont équivalentes (Kalnay, 2003). La technique variationnelle a été utilisée par quelques auteurs pour l’assimilation de données d’humidité du sol (Reichle et al., 2001; van Loon et Troch, 2001 ; Seo et al., 2003). Par contre, elle demande le calcul du modèle adjoint des équations qui est parfois difficile à obtenir et nécessite plusieurs modifications au code original (Moran et al., 2004). Le filtre de Kalman étendu (EKF) ainsi que le filtre d’ensemble de Kalman (EnKF) ont été introduits pour l’assimilation de données dans des modèles non-linéaires.
Le EKF, utilisé pour quelques recherche en assimilation de données en hydrologie (Entekhabi et al., 1994;Hoeben et Troch, 2000; Walker et al., 2001; Aubert et al., 2003) est par contre instable pour de fortes non-linéarités (Miller et al., 1994). Reichle et al., (2002b) ont conclu en comparant le EKF et le EnKF que le EKF est difficilement applicable pour des problèmes où le vecteur d’état est de grande dimension, comme les modèles hydrologiques distribués. Dans le filtre d’ensemble de Kalman, les paramètres du modèle sont perturbés aléatoirement à l’aide d’une méthode de Monte Carlo afin de créer un ensemble de membres (Evensen, 2007). Le modèle est exécuté pour chaque membre de l’ensemble. L’EnKF permet ainsi de tenir compte des non-linéarités du modèle. Le filtre d’ensemble de Kalman est la méthode la plus répandue pour l’assimilation de données en modélisation hydrologique puisqu’elle est facile à implanter et ne demande pas de modifications au modèle (Margulis et al., 2002; Reichle et al., 2002a; Pauwels et al., 2006; Vrugt et al., 2006; Clark et al., 2008 ; Camporese et al., 2009). Cette méthode sera donc utilisée pour cette recherche.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 MISE EN CONTEXTE
1.1_ Problématique et états des connaissances
1.1.1_ Modélisation hydrologique
1.1.2_ Technique d’assimilation de données
1.1.3_ Observations
1.1.4_ Télédétection radar
1.1.5_ Site à l’étude
1.2_ Objectifs et hypothèses
1.3_ Aspects novateurs
CHAPITRE 2 SITE D’ÉTUDE ET DONNÉES EXPÉRIMENTALES
2.1_ Site d’étude
2.2_ Données sur le bassin versant de la rivière des Anglais
2.2.1_ Données physiographiques
2.2.2_ Données météorologiques
2.2.3_ Données hydrométriques
2.2.4_ Données hydrométéorologiques
2.3_ Données de télédétection
2.3.1_ Satellites RADAR
2.3.2_ Dates d’acquisition
2.3.3_ Données auxiliaires
2.4_ Campagnes de mesures sur le terrain
2.4.1_ Automne 2007
2.4.2_ Printemps 2008
CHAPITRE 3 MODÉLISATION HYDROLOGIQUE : CATHY
3.1_ Description du modèle
3.2_ Conditions atmosphériques
3.3_ Caractérisation du bassin versant
3.4_ Calage et validation du modèle
3.5_ Analyse de sensibilité
3.6_ Conclusion
CHAPITRE 4 ESTIMATION DE L’HUMIDITÉ DU SOL À L’AIDE D’IMAGES RADAR
4.1_ Concepts de base
4.1.1_ Rugosité
4.1.2_ Propriétés diélectriques
4.1.3_ Effet de la végétation
4.1.4_ Modèle de rétrodiffusion
4.2_ Traitement des images
4.3_ Méthodologie
4.3.1_ Caractérisation de la végétation
4.3.2_ Rééchantillonnage
4.3.3_ Estimation de l’humidité du sol
4.4_ Résultats et discussion
4.4.1_ Estimation de l’humidité du sol pour des sols nus et de faible végétation
4.4.2_ Effet de la végétation sur l’estimation de l’humidité du sol
4.4.3_ Incertitude sur l’humidité du sol
4.5_ Conclusion
CHAPITRE 5 ASSIMILATION DES DONNÉES HYDROLOGIQUES
5.1_ Concepts de base en assimilation de données
5.1.1_ Notation
5.1.2_ Interpolation statistique
5.1.3_ Assimilation séquentielle et filtre d’ensemble de Kalman
5.1.4_ Outils de diagnostique après assimilation
5.2_ Assimilation de données dans CATHY
5.3_ Protocole expérimental
5.3.1_ Estimation des statistiques d’erreur
5.3.2_ Nombre de membres de l’ensemble
5.4_ Résultats et discussion
5.4.1_ Assimilation des observations de débits
5.4.2_ Assimilation des observations d’humidité du sol
5.4.3_ Assimilation des observations de débit et d’humidité du sol
5.5_ Conclusion
CONCLUSION
ANNEXE I CAMPAGNE DE MESURES SUR LE TERRAIN, OBSERVATIONS D’HUMIDTITÉ DU SOL
ANNEXE II DÉBITS SIMULÉS ET OBSERVÉS LORS DU CALAGE ET LA VALIDATION
LISTE DE RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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