Saisonnalité de la Demande d’Electricité
Les données de séries temporelles de consommation d’électricité représentent trois cycles saisonniers: journalier, hebdomadaire et annuel. Le cycle journalier reflète des pics (les heures de forte demande) et des creux (les heures de faible demande) de la consommation au cours de la journée. Le cycle hebdomadaire reflète la variation de la consommation entre jours ouvrés et week-end. Le cycle annuel est étroitement lié aux cycles des saisons et aux périodes de vacances [6]. Les données des historiques de la consommation d’électricité française montrent l’évolution cyclique de la demande d’électricité. Le profil de la consommation française sur une journée est caractérisé par quatre périodes: le creux de nuit qui correspond au minimum de la consommation sur les 24 heures de la journée, la pointe du matin, le creux d’après-midi et la pointe du soir. Le maximum de consommation est atteint à la pointe vers 13h en été (Figure 2.1a) et à la pointe du soir vers 19h en hiver (Figure 2.1b).
Le cycle annuel connaît des variations saisonnières avec une pointe de consommation pendant l’hiver et un creux en été. L’évolution des conditions climatiques tout au long de l’année est à l’origine des variations cycliques annuelles de la consommation [8]. L’ampleur de la variation saisonnière de la consommation d’électricité est liée à la forte pénétration du chauffage électrique dans les secteurs résidentiel et tertiaire qui rend la consommation d’électricité française très sensible aux conditions climatiques. Cette sensibilité mène à une forte augmentation de la consommation en électricité l’hiver, creusant ainsi un écart entre les pointes de consommation d’hiver et les consommations d’été [9]. La saisonnalité de la demande d’électricité du secteur industriel est relativement plate, car une petite partie de sa consommation d’électricité seulement est utilisée pour le chauffage et la climatisation. Les variables économiques jouent un rôle plus important que les facteurs liés aux conditions météorologiques. L’impact de l’activité économique sur la courbe de charge nationale est observable (creux de consommation au moment des vacances d’été) et hebdomadaire (consommation moindre le week-end). Ainsi, les jours fériés modifient fortement le profil de la consommation (Figure 2.3).
Tous ces cycles reflètent l’influence de l’activité économique et humaine, les effets calendaires et les conditions météorologiques. Ce sont les principaux facteurs à prendre en considération afin de construire un modèle de prévision de consommation efficace [11].
Il est important de décomposer la charge en deux composantes :
➤ Une partie « régulière » qui reflète la tendance et la saisonnalité indépendante de la météo.
➤ Une partie « thermosensible » qui dépend de la météo (principalement de la température).
La partie dite régulière représente la consommation qui ne dépend pas de l’aléa climatique mais qui peut présenter des cycles annuels très marqués comme la consommation du secteur industriel ainsi que les usages comme l’éclairage, la cuisson, les produits bruns… Ces variations sont liées au rythme imposé par les saisons ou encore par des activités économiques et sociales [12]. Cette composante est une fluctuation de la demande au-dessus et en-dessous de la tendance et qui se répète à intervalles réguliers (semaine, mois, trimestre ou selon d’autres intervalles). Selon Bruhns et al. [11], la saisonnalité de la consommation électrique est assez similaire à celle des activités économiques, avec un effet supplémentaire créé par le changement d’heure en été et en hiver. De nombreuses techniques de modélisation ont été adoptées dans la littérature pour répondre à la complexité de la saisonnalité. Les choix de modélisation de la saisonnalité dépendent de l’horizon temporel de prévision. Munoz et al. (2010) [13] ont présenté une étude de synthèse sur les méthodes de prévisions à court terme. Ils ont reporté que la plupart des modèles de prévision à court terme ignore le cycle annuel, en se concentrant sur les cycles hebdomadaires et journaliers (comme les travaux de Weron (2006) [14] et Taylor (2008) [15]). Par ailleurs, ils ont mentionné que certains auteurs ont récemment proposé la modélisation explicite de la tendance et de la saisonnalité annuelle. Par exemple, Soares et Medeiros (2008) [16] ont modélisé l’évolution de la charge comme une fonction déterministe du produit intérieur brut, alors que Dordonnat et al. (2008) [17] ont estimé les tendances locales pour chaque heure de la journée. En ce qui concerne le cycle annuel, Dordonnat et al. (2008) [17] et Soares et Medeiros (2008) [16] l’ont modélisé comme une combinaison de sinus et cosinus, comme dans une décomposition de Fourier.
La saisonnalité annuelle a été abordée dans la littérature par la décomposition de Fourier [14, 16, 18, 19]. En général, un seul modèle avec des variables muettes et des fonctions trigonométriques est utilisé pour modéliser les effets saisonniers [11]. En dehors de la décomposition de Fourier, la saisonnalité annuelle peut être traitée par des variables muettes mensuelles [20]. Lors de la modélisation de la charge horaire, la forme de la courbe de charge pour chaque jour dans le cycle hebdomadaire doit être modélisée de manière appropriée. Selon Munoz et al. (2010) [13], il existe deux approches principales pour traiter les profils intra-journaliers: un modèle à équation unique pour toutes les heures et un modèle à plusieurs équations pour les différentes heures de la journée. La première approche permet de modéliser la dynamique intra-journalière et hebdomadaire, comme le modèle ARIMA saisonnier ou la méthode de lissage exponentiel (voir, par exemple Taylor (2003) [21]). Une autre approche plus étendue consiste à traiter chaque heure comme une série temporelle séparée. La version la plus simple de cette approche utilise 24 modèles indépendants sur une échelle de temps journalier. Les versions plus sophistiquées comprennent des modèles de vecteurs où les équations pour chaque heure sont liées. Cette stratégie a été adoptée par plusieurs chercheurs [16, 17, 18, 20]. Le modèle utilisé par RTE pour la prévision de consommation utilise une décomposition des séries temporelles et une série de Fourier pour tenir compte de la saisonnalité annuelle [22].
Thermosensibilité de la Demande d’Electricité
Les conditions météorologiques ont une influence significative sur la demande d’électricité. Les facteurs météorologiques tels que la température, le rayonnement solaire, l’humidité, la vitesse du vent, la nébulosité et la précipitation ont été utilisés comme des variables exogènes pour améliorer les prévisions de consommation d’électricité [13]. Une enquête sur la prévision de consommation électrique [23] a indiqué que sur 22 rapports de recherche examinés, 19 études ont utilisé la température comme variable exogène, seulement six d’entre eux ont utilisé d’autres paramètres météorologiques supplémentaires. Les documents plus récents confirment que la majorité des auteurs supposent que la température est la variable météorologique principale qui influence la demande d’électricité [24-31].
Selon Henley et Peirson (1997) [30], cette réponse provient des différences entre la température extérieure et la température de consigne intérieure. Lorsque la différence entre la température extérieure et intérieure augmente, le démarrage du chauffage ou de la climatisation cause une augmentation de la demande d’électricité. Par ailleurs, cette réponse de la demande est asymétrique, c’est-à-dire 1°C en plus lorsqu’il fait chaud et 1°C en moins lorsqu’il fait froid n’a pas le même impact sur la charge [26]. La courbe de la demande dépend particulièrement des caractéristiques climatiques de la zone géographique qui conditionnent le type d’équipements installés, et des conditions dans lesquelles ils fonctionnent. Cancelo et al. (2008) [29] soulignent que selon l’étude de Smith (2000) [30], la relation entre la température et la consommation d’électricité est différente pour les jours ouvrés et les jours nonouvrés à cause de la différence de l’utilisation de systèmes de chauffage et de climatisation entre le secteur tertiaire et le secteur résidentiel. De plus, il existe un effet dynamique en raison de l’inertie thermique des bâtiments ; la charge à l’instant t ne dépend pas uniquement de la température à l’instant t, mais aussi des températures des jours précédents [32]. Il peut y avoir aussi l’effet de saturation à cause de la capacité limitée des appareils de chauffage et de climatisation installés. Dans ce cas, il n’y aura aucune augmentation de la consommation d’électricité lorsque la température dépasse un certain niveau de saturation [30]. Les données publiques (RTE) de la consommation d’électricité à 19h de la période 2006-2010 permettent d’illustrer la relation entre la consommation et l’indice de température France (Figure 2.5). On observe qu’en dessous d’une température seuil autour de 15⁰C, la variation de consommation est proportionnelle à la variation de température. La température seuil correspond à la température au-dessus ou en dessous de laquelle on considère qu’une variation de la température entraine une variation de la consommation [33]. Schématiquement elle renvoie à la température à partir de laquelle les chauffages ou la climatisation sont activés.
Selon RTE [33], la sensibilité de la consommation à la température se définit comme le lien qui existe en-dessous (pour l’hiver) ou au-dessus (pour l’été) d’une certaine température, entre les consommations d’électricité et la température. La thermosensibilité représente la réponse rapide de la consommation à une variation de températures et est donc à distinguer de la composante cyclique/saisonnière de la courbe de consommation.
Selon le modèle de consommation développé à RTE [22], la sensibilité de la consommation d’électricité à la température est quantifiée pour une année donnée par plusieurs paramètres utilisés par exemple pour le lissage des températures qui intègre les effets d’inertie et les apports gratuits par ensoleillement, l’identification des seuils ou encore des gradients. Selon le Bilan Prévision publié par RTE en 2012 [34]:
• pour l’hiver 2012, 1°C en moins induit, vers 19h, une augmentation de la consommation électrique nationale d’environ 2300 MW. Sur la Figure 2.6 la droite rouge de pente équivalente à 2 300 MW/ C correspond à ce qu’il est convenu d’appeler le « gradient d’hiver ».
• pour l’été 2012, 1°C en plus induit, vers 13h, une augmentation de la consommation électrique d’environ 500 MW. Cette pente équivalente à 500 MW/ C est appelé le « gradient d’été ».
Ces gradients sont des paramètres intrinsèques au modèle de correction climatique qui représentent le lien entre la puissance et la température lissée pour une année donnée. Chaque année RTE ré-estime l’ensemble des paramètres de son modèle sur la base des mesures de consommation collectées. Dans le bilan prévisionnel publié en 2012 [34], RTE observe que sur les dix dernières années, la pointe électrique a augmenté 2,5 fois plus vite que l’énergie consommée. La thermosensibilité de la consommation française représente près de la moitié de celle de l’ensemble des pays européens (Figure 2.7).
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Table des matières
1. INTRODUCTION
1.1 Contexte et Problématique
1.2 Objectifs et Méthodologie
2. ESTIMATION DE LA THERMOSENSIBILITE DE LA DEMANDE ELECTRIQUE
2.1 Saisonnalité de la Demande d’Electricité
2.2 Thermosensibilité de la Demande d’Electricité
2.3 Estimation de la Thermosensibilité de la Demande Electrique par des Approches Conventionnelles
2.3.1 Modèles Top-Down pour Analyser la Thermosensibilité
2.3.1.1 Revue sur les modèles existants
2.3.1.2 Modèle RTE : METEHORE
2.3.2 Modèles Bottom-Up pour analyser la Thermosensibilité
2.3.2.1 Modèles bottom-up statistiques
2.3.2.2 Modèles bottom-up physiques
2.3.3 Modèles Hybrides
2.3.4 Conclusion
2.4 Classification et Sélection Des Usages Thermosensibles
2.4.1 Quels sont les Usages Thermosensibles?
2.4.2 Echelle de l’Analyse des Usages Thermosensibles
2.4.3 Sélection des Usages Thermosensibles pour l’Analyse à l’Echelle Régionale
2.4.3.1 Usages directement thermosensibles
2.4.3.2 Usages indirectement thermosensibles
3. MODELISATION DE LA THERMOSENSIBILITE DE LA PERFORMANCE DES POMPES A CHALEUR A UNE ECHELLE REGIONALE
3.1 Principe de fonctionnement des pompes à chaleur
3.2 Installation des pompes à chaleur
3.3 Performances des pompes à chaleur
3.3.1 Coefficient de performance (COP)
3.3.2 Performances à charge partielle
3.4 Influence de la température extérieure sur la performance de différents types de pompes à chaleur
3.4.1 Influence de la température extérieure sur la performance des PAC aérothermiques
3.4.2 Influence de la température extérieure sur la performance des PAC géothermiques
3.5 Etat du marché
3.6 Modélisation des Pompes à Chaleur Air-Eau
3.6.1 Calcul du besoin de chauffage pour différents types de bâtiments
3.6.2 Loi d’eau choisie
3.6.3 Choix des PAC pour le scénario « Min » et le scénario « Max »
3.6.4 Modèle de puissance calorifique et de puissance électrique à puissance maximale
3.6.5 Modèle de dégradation de la puissance calorifique due au dégivrage
3.6.6 Modèle de dégradation des performances à charge partielle
3.6.7 Modèle de l’appoint électrique
3.6.8 Résultats des modèles de PAC air/eau
3.7 Modélisation des PAC air/air
3.7.1 Résultats PAC air/air
3.8 Détermination d’un COP régional
3.9 Conclusion
4. ANALYSE BAYESIENNE DE LA PART THERMOSENSIBLE DE LA CONSOMMATION ELECTRIQUE REGIONALE
4.1 Pourquoi adopter une approche statistique Bayésienne ?
4.2 Approche Bayésienne en Modélisation
4.2.1 Théorème de Bayes
4.2.2 Fonction de vraisemblance
4.2.3 Distribution a priori
4.2.4 Estimation des paramètres
4.2.4.1 Méthodes de Monte Carlo par Chaînes de Markov
4.2.4.2 Échantillonneur de Gibbs
4.2.5 Contrôle de la convergence
4.3 Application de l’Approche Bayésienne
4.3.1 Analyse de thermosensibilité actuelle sans chauffage non-linéaire
4.3.1.1 Modèles
4.3.1.2 Choix des distributions a priori
4.3.1.3 Analyse des résultats : distributions a posteriori
4.3.1.4 Vérification de l’ajustement des modèles
4.3.1.5 Discussion des résultats des modèles sans chauffage non-linéaire
4.3.1.6 Comparaison des résultats avec les modèles de régression
4.3.2 Analyse de la thermosensibilité avec détermination de la part thermosensible non-linéaire
4.3.2.1 Modèle
4.3.2.2 Choix des distributions a priori
4.3.2.3 Analyse des résultats : distributions a posteriori
4.3.2.4 Vérification de l’ajustement du modèle
4.3.2.5 Discussion des résultats
4.4 Sensibilité des Inférences
4.4.1 Sensibilité des inférences aux distributions a priori
4.4.1.1 Sensibilité des inférences aux distributions a priori du paramètre K
4.4.1.2 Sensibilité des inférences aux distributions a priori du paramètre H
4.4.1.3 Sensibilité des inférences aux distributions a priori du paramètre Ti
4.4.1.4 Sensibilité des inférences aux distributions a priori du paramètre β
4.4.2 Sensibilité des inférences aux valeurs des constantes du modèle de COP
4.5 Test du modèle sur des courbes de charge déformées
4.6 Validation des Modèles
4.7 Conclusion
5. CONCLUSION
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