PHÉNOMÈNE PHYSIQUE DE LA FLUORESCENCE
Pour une meilleure compréhension du phénomène physique de la fluorescence, il est utile de regarder les processus ayant lieu au niveau de la mécanique quantique. Ils mettent en évidence que les caractéristiques de la fluorescence dépendent du milieu chimique et physique de la molécule fluorescente ainsi que des interactions avec les molécules environnantes. Cette forte sensibilité est à l’origine du rôle de sonde que peut jouer la fluorescence apportant ainsi des informations sur le microenvironnement de la molécule émissive et la dynamique moléculaire. Quelques applications seront présentées pour illustrer la polyvalence de la fluorescence. Pour des notions approfondies sur la fluorescence et ses diverses applications nous renvoyons aux ouvrages de Valeur (2002, 2004) et de Lakowicz (1999).
Composés fluorescents :Tout composé capable d’émettre de photons de fluorescence est un fluorophore. On distingue les fluorophores intrinsèques naturellement présents, comme le tryptophane, la quinine et la tyrosine, et les fluorophores extrinsèques utilisés pour marquer des molécules non fluorescentes. Pour l’étude des processus moléculaires, les fluorophores intrinsèques sont idéaux, mais malheureusement très rares. Pourtant, il est possible d’attacher des fluorophores extrinsèques, comme la fluorecéine , la rhodamine ou l’érythrosine, à des molécules non fluorescentes par une simple réaction chimique.
Le marquage par fluorophores est extrêmement utile. Il permet, par exemple, de tracer des molécules dans un organisme vivant, ce qui est essentiel pour la compréhension du métabolisme. Autrefois, l’utilisation d’étiquettes radioactives était courante. Mais en raison des coûts prohibitifs et de l’obligation du maniement délicat de substances radioactives, les fluorophores les ont rapidement supplantés. La détection de molécules étiquetées par des fluorophores est très précise et quantifiable. De plus, la fluorescence est beaucoup moins nuisible pour l’organisme que la radioactivité.
Le fluorophore le plus célèbre est certainement la protéine fluorescente verte (souvent abrégé GFP, de l’anglais Green Fluorescent Protein). En 2008 Osamu Shimomura, Martin Chalfie et Roger Tsien ont été couronnés du prix Nobel de chimie pour la découverte et les applications de la GFP. La GFP est un marqueur versatile beaucoup utilisé en biologie cellulaire, car offrant la facilité de liaison aux protéines spécifiques ou du transport à l’intérieur de cellules. Il est même possible de stimuler directement la production de GFP par les cellules mêmes. Grâce à la microscopie de fluorescence, la GFP apporte des informations spatiales et temporelles sur la localisation des protéines dans les cellules. La connaissance de l’évolution temporelle et spatiale des protéines étiquetées a redéfini la compréhension de beaucoup de processus biologiques, dont le repliement et le transport de protéines et la dynamique de l’acide ribonucléique (ARN). Par ailleurs, classée inoffensive pour les eucaryotes, la GFP est appropriée pour l’utilisation in vivo, c’est-à-dire sur l’organisme vivant.
SPECTROSCOPIE DE FLUORESCENCE
La spectroscopie de fluorescence, ou la fluorimétrie, fait référence à toute technique mesurant des caractéristiques de fluorescence en utilisant une source lumineuse pour exciter l’échantillon. Des appareils qui mesurent la fluorescence sont appelés des fluorimètres, et on distingue deux types de méthode de mesure. La spectrofluorimétrie stationnaire se fonde sur une source lumineuse constante pour mesurer l’intensité de la fluorescence et des longueurs d’onde d’émission (Royer, 1995). A l’opposé, la fluorimétrie résolue en temps, quant à elle, vise à déterminer les durées de vie de fluorescence en mesurant la dépendance temporelle de l’émission de fluorescence d’un échantillon par rapport à l’excitation lumineuse (Valeur, 2002). En général, des techniques résolues en temps fournissent beaucoup plus d’informations sur des processus intra- et intermoléculaires que la spectrofluorimétrie stationnaire. Il est, par exemple, possible que deux fluorophores aient le même spectre d’émission, alors que leurs durées de vie de fluorescence sont différentes. Puisque la fluorimétrie résolue en temps est généralement plus puissante, nous ne considérerons que ce type de technique dans la suite.
L’échelle de temps très courte de la fluorescence nécessite des dispositifs optiques et électroniques très performants afin de mesurer l’émission de fluorescence résolue en temps. En effet, c’est un défi technique de déterminer avec précision des temps aussi courts que quelques nanosecondes (1ns = 10−9s), voire quelques picosecondes (1 ps = 10−12s). En fluorescence résolue en temps, il y a deux approches très répandues pour déterminer des durées de vie : la fluorimétrie de phase, fondée sur des mesures dans l’espace des fréquences, et la fluorimétrie impulsionnelle où les mesures sont dans l’espace des temps. Les deux techniques sont basées sur l’observation de la relation entre l’excitation et la réponse de fluorescence de l’échantillon afin d’en déduire les durées de vie de fluorescence. Outre ces deux méthodes, il existe d’autres techniques de mesure comme des cameras à balayage de fente, des méthodes basées sur le phénomène de l’up-conversion, ou des techniques stroboscopiques.
PRINCIPES DES DURÉES DE VIES DE FLUORESCENCE
La fluorescence moléculaire est l’émission d’un photon lorsqu’une molécule excitée retourne à son état fondamental. Ce phénomène physique est connu depuis bien longtemps avant les travaux de Stokes. En effet, le terme fluorescence a été introduit par Stokes en 1852 dans une description du minéral fluorine qui émet de la lumière visible à la suite de l’éclairement avec des rayons ultraviolets invisibles (Stokes, 1852). La fluorescence est un phénomène très répandu comme en témoignent de nombreux composés naturels ou synthétiques qui émettent des photons de fluorescence sous des conditions convenables.
Outre l’intensité de fluorescence, la longueur d’onde d’émission et le rendement quantique, une des caractéristiques les plus importantes de la fluorescence est la durée de vie de fluorescence. Elle est définie comme le temps entre l’excitation de la molécule et l’émission d’un photon de fluorescence. Les durées de vie de fluorescence dépendant non seulement de la molécule émissive, mais aussi de son milieu physique environnant et des interactions avec d’autres molécules, sont une source riche d’information sur les processus moléculaires. De ce fait, elles sont devenues un outil d’étude précieux de systèmes chimiques et biologiques. Les durées de vie peuvent, par exemple, servir à étudier les interactions de deux protéines, à mesurer des distances intramoléculaires ou à analyser le changement conformationnel d’une molécule. D’ailleurs, le nombre d’applications des durées de vie de fluorescence dans des domaines de la biologie, chimie et médecine ne cesse de croître (Raicu & Popescu, 2008; Jiskoot et al., 2005; Bruns et al., 2007). En raison de la très courte échelle temporelle de la fluorescence, la détermination de durées de vie de fluorescence est un challenge technique. Plusieurs méthodes de mesure existent en pratique. Nous présenterons les principes de deux des plus répandues : la fluorimétrie de phase et la fluorimétrie impulsionnelle, encore appelé le TCSPC. Mais avant présentons le phénomène physique rattaché à la fluorescence.
ANALYSE EN ABSENCE D’EFFET D’EMPILEMENT
Lors des premières années qui ont suivi l’apparition de la technique de mesure TCSPC, un grand nombre de méthodes statistiques classiques ont été appliquées aux mesures TCSPC obtenues avec une intensité très basse, c’est-à-dire pour lesquelles l’effet d’empilement est négligeable. Sans être exhaustif, on peut citer la méthode des moments (Isenberg & Dyson, 1969), l’utilisation des transformées de Laplace (Gafni et al., 1975) ou des transformées de Fourier (Hunt, 1971), une méthode basée sur des modulation functions (Valeur, 1978), la méthode des moindres carrés pondérés (Grinvald & Steinberg, 1974) ou encore la méthode des moindres carrés pour ajuster un mélange exponentiel fini avec un très grand nombre de composantes exponentielles (Ware et al., 1973). La performance de ces méthodes est examinée dans le contexte de l’application aux mesures TCSPC dans les travaux de McKinnon et al. (1977) et O’Connor et al. (1979). Ces auteurs font le même constat : la méthode des moindres carrés pondérés semble la mieux adaptée aux mesures TCSPC.
Ce qui justifie le fait que cette méthode se soit rapidement imposée dans la pratique au point que de nos jours elle reste la plus utilisée dans l’analyse des mesures TCSPC.
En dépit de la popularité de cette méthode des moindres carrés, plusieurs autres méthodes ont vu le jour un peu plus tard. Tout d’abord, Hall & Selinger (1981) proposent un estimateur de maximum de vraisemblance. Ce dernier présente l’avantage d’être performant sur des petits échantillons. Contrairement à la méthode des moindres carrés, qui nécessite un plus grand nombre d’observations, l’application de l’estimateur de maximum de vraisemblance peut permettre de réduire le temps d’acquisition. Une méthode alternative proposée par Livesey & Brochon (1987) et Brochon (1994) est la méthode du maximum d’entropie. Elle fournit un estimateur de la densité mélangeante d’un mélange exponentiel infini. Bien que ces deux approches soient très intéressantes, elles n’ont pas reçu beaucoup d’attention et aucune d’elles n’a pu supplanter la méthode des moindres carrés pondérés qui demeure la méthode la plus répandue pour analyser des mesures TCSPC.
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Table des matières
1 Introduction
1.1 Principes des durées de vies de fluorescence
1.1.1 Phénomène physique de la fluorescence
1.1.2 Spectroscopie de fluorescence
1.2 Définition du modèle d’empilement
1.3 Quelques méthodes d’analyse des mesures TCSPC
1.3.1 Analyse en absence d’effet d’empilement
1.3.2 Analyse en présence de l’effet d’empilement
1.4 Inégalités d’information sur les paramètres du modèle
1.5 Modèles de mélange de distributions
1.5.1 Identifiabilité des modèles de mélange
1.5.2 Estimation dans des modèles de mélange fini
1.5.3 Estimation dans des modèles de mélange infini
1.6 Principaux résultats de la thèse
1.6.1 Etude de l’information dans le modèle d’empilement
1.6.2 Estimation paramétrique basée sur la vraisemblance
1.6.3 Estimation non paramétrique par des séries orthogonales
1.6.4 Publications
2 Information Bounds for the Pile-up Model and an Efficient Gibbs Sampler
2.1 Regularity of the Pile-up Model
2.2 The Effect of Pile-up on Information Bounds
2.2.1 Fisher Information of λ
2.2.2 Asymptotic Behavior for Small λ in the Poisson Case
2.2.3 Scale Family
2.2.4 Exponential Case
2.2.5 Multi-Exponential Case
2.3 Gibbs Sampler for the Multi-Exponential Pile-up Model
2.3.1 Gibbs Sampling Algorithm
2.3.2 Convergence Control Tool
2.4 Experimental Results of the Gibbs Sampler
2.4.1 Comparison with the Cramér-Rao Bound
2.4.2 Variance Reduction
2.4.3 Comparison to the Coates Method
2.5 Discussion
2.6 Proofs
3 Corrected Maximum Likelihood Estimator
3.1 General Setting and Notation
3.2 Estimation Method
3.2.1 Corrected Likelihood
3.2.2 Maximization by the EM Algorithm
3.3 Asymptotic Behavior
3.3.1 Consistency
3.3.2 Limit Distribution
3.4 Evaluation of the Performance of the Corrected MLE
3.4.1 EM Algorithm in the TCSPC Context
3.4.2 Application to Fluorescence Measurements
3.4.3 Reduction of the Acquisition Time
3.4.4 Technical Constraints of TCSPC
3.4.5 Comparison to the Coates Correction
3.4.6 Nonparametric Maximum Likelihood Estimator
3.5 Discussion
3.6 Proofs
4 Minimax Estimation of the Mixing Density of an Infinite Mixture
4.1 Estimation Method
4.1.1 Orthogonal Series Estimator
4.1.2 Examples
4.2 Analysis of the Orthogonal Series Estimator
4.2.1 Bias, Variance and MISE
4.2.2 Upper Bound of the MISE
4.2.3 Lower Bounds of the Minimax Risk
4.2.4 Minimax Rate for Exponential Mixtures
4.3 Numerical study
4.4 Orthogonal Series Estimator in the Pile-up Model
4.4.1 Adaption to the Pile-up Model
4.4.2 Numerical Study
4.5 Discussion
4.6 Proofs
A Proof of the Information Bound
B Central Limit Theorem for L-Statistics
B.1 Introduction
B.2 General Central Limit Theorem for L-statistics
B.3 Central Limit Theorem in the Pile-up Model
C Brevet d’invention
C.1 Abrégé descriptif
C.2 Description de l’invention
C.3 Revendications du brevet
Bibliography
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