Remaillage et transport des variables
Au cours de l’opération de forgeage, le matériau subit des grandes déformations plastiques sous l’action des outils afin d’aboutir à la forme finale de la pièce généralement très complexe. Le but de la simulation numérique est de décrire avec la meilleure précision possible ces transformations géométriques subies par le matériau. Pour une formulation de type Lagrangienne, cas du logiciel Forge3®, le maillage suit la matière et se déforme à sa suite tout le long du chemin de déformation. Le maillage initial, relatif à la forme simple du lopin, a donc toutes les chances de dégénérer et la construction d’un nouveau maillage s’impose. Ceci nous amène au problème de remaillage. Cette opération indispensable à la continuité des calculs et de la simulation du procédé doit être totalement prise en charge par l’outil numérique afin de rendre la simulation numérique la plus systématique possible. On parle ainsi d’une procédure de remaillage adaptatif automatique. Suite à ce besoin, un générateur automatique de maillage a été développé [Coupez 91]. Il s’agit d’un mailleur topologique qui fonctionne par amélioration itérative de la topologie du maillage (cf. § 3.2.4). Afin d’assurer la continuité des calculs après remaillage, des méthodes de transport des variables d’histoire de l’ancien au nouveau maillage ont été développées. En effet, on distingue deux types de variables d’histoires :
variables nodales P1 : elles sont calculées et stockées aux nœuds du maillage comme la vitesse, la pression et la température.
variables élémentaires P0 : elles sont calculées et stockées aux éléments du maillage (aux points de Gauss), généralement ce sont les variables d’état à savoir les vitesses de déformations, les contraintes, etc.
Deux types de transport sont donc nécessaires : un transport P1 pour les variables nodales et un transport P0 pour les variables élémentaires
Définition de l’erreur
Au cours de la simulation numérique d’un problème physique on peut distinguer plusieurs origines à l’erreur qui font que la solution obtenue est différente de la solution exacte du problème étudié. Les principales sources d’erreurs sont :
la modélisation mathématique du problème physique (les équations d’équilibres, les lois rhéologiques, les lois de frottement, les modèles des échanges thermiques, etc.). La qualité de la solution dépend du choix du modèle qui peut négliger des phénomènes physiques particuliers.
entrée des données : erreurs utilisateur.
la discrétisation spatiale du problème : c’est une source d’erreur intrinsèque à la méthode des éléments finis. Chaque discrétisation spatiale (maillage) du domaine considéré est associée à un niveau d’erreur qui dépend du pas de celle-ci (la taille h des éléments du maillage).
la résolution numérique : erreurs d’intégration numérique liées au choix du schéma d’intégration, les erreurs d’arrondi, les erreurs de convergence, etc.
la discrétisation temporelle (choix du pas de temps) : c’est une erreur qui s’apparente à l’erreur de discrétisation spatiale et à l’erreur d’intégration numérique.
Dans la suite de cette étude, on ne s’intéressera qu’à l’erreur de discrétisation spatiale, qu’on appellera erreur éléments finis, et qu’on notera eh. Celle-ci est définie comme la différence entre la solution exacte et la solution éléments finis du problème discret.
Choix d’un estimateur pour la mise en forme
Le choix d’un estimateur d’erreur pour les problèmes de mise en forme des matériaux repose sur les deux spécificités principales de ceux-ci, à savoir la non linéarité des lois de comportement et l’incompressibilité du matériau. Bien que l’approche de l’estimateur résiduel proposée par Babuška et Rheinbold [Babuška 78] soit mathématiquement rigoureuse, son extension aux problèmes non linéaires 3D est confrontée à quelques difficultés majeures. En effet l’efficacité de cet estimateur dépend de la qualité du maillage et de la régularité de la solution, ce qui le rend moins adapté aux problèmes de grandes déformations. D’autre part la méthode du résidu équilibré développée par Ainsworth et Oden [Ainsworth 92] risque d’être très lourde à généraliser. Dans la littérature, la majorité des applications sont présentées dans le cadre des problèmes académiques 1D et 2D. Celles dédiées aux problèmes non linéaires et des matériaux incompressibles sont peu nombreuses. Dans ce contexte on peut citer les travaux de Huerta et al. [Huerta 00] qui ont étendu l’estimateur résiduel aux problèmes 2D non linéaires, ainsi que Baranger et El Amri [Baranger 91] qui ont développé un estimateur d’erreur de type résiduel pour des écoulements de fluides quasi-Newtonien incompressibles. L’erreur totale est décomposée d’un terme de résidu, un terme de saut de contraintes et un terme lié à l’incompressibilité. L’approche peut être généralisée sur d’autre loi de comportement. L’estimateur proposé par Ladevèze et al. [Ladevèze 86] et appelé estimateur d’erreur en relation de comportement semble très attractif. Le principe de construction des champs admissibles ne dépend pas de la loi de comportement du matériau. L’estimateur d’erreur ainsi construit a été étendu à plusieurs types de problèmes 2D d’élasticité compressible [Coorevits 53 – 95] et incompressible [Marin 91], de plasticité [Ladevèze 99-a], [Gallimard 00], d’élastoplasticité [Ladevèze 86], [Coffignal 87], [Gallimard 94], [Gallimard 96], de viscoplasticité [Ladevèze 99-b] et pour des problèmes d’élasticité 3D compressibles [Florentin 02] et incompressibles [Marin 91]. Cependant, dans le cadre de matériaux incompressibles, le traitement de la condition d’incompressibilité rend l’approche plus délicate. En effet le champ de déplacement cinématiquement admissible doit vérifier la condition d’incompressibilité. Dans ce contexte Marin [Marin 91] a développé une méthode de construction d’une solution cinématiquement admissible dans le cas de problème 2D et 3D d’élasticité. Il utilise une formulation mixte de type Hermann [Hermann 65] (uh,Hh) où H est la variable d’Hermann qui peut être interprétée comme une pression hydrostatique. La démarche pour définir une erreur en relation de comportement est la même que celle décrite précédemment mais la condition d’incompressibilité est considérée comme une condition d’admissibilité cinématique. La technique proposée par l’auteur est à la fois compliquée et coûteuse en terme de temps de calculs. De plus elle dépend du type de l’interpolation. Pour le problème d’élasticité 3D, l’auteur présente une technique pour des tétraèdres (P2,P1). Dans le cas d’un problème à 15000 ddl, le coût du calcul d’erreur est de l’ordre de 25% de celui des calculs éléments finis, ce qui est relativement important. Initialement développés dans le cadre de problèmes d’élasticité linéaire 2D [Zienkiewicz 87] [Zienkiewicz 92(II)], les estimateur d’erreur de type Z², ont été étendus aux différents types de problèmes 2D non linéaires de viscoplasticité [Zienkiewicz 88], [Fourment 92], [Dyduch 96], d’élastoplasticité [Booromand 99] ainsi qu’aux problèmes 3D d’élasticité linéaire [Dufeu 97], [Lee 97], [Lee 99], [Boussetta 03] et plus récemment pour les problèmes 3D de viscoplasticité incompressible [Boussetta 04]. Hétu et Pelletier [Hétu 92] ont étudié l’efficacité des estimateurs de type Z² pour l’adaptation des maillages dans le cadre des fluides visqueux incompressibles. L’étude est basée sur des problèmes analytiques de type Navier Stokes ainsi que des comparaisons à des résultats expérimentaux. Les auteurs ont montré que l’estimateur est très sensible aux zones de fortes déformations et peut capter différents phénomènes importants tels que les gradients et les couches de cisaillement. L’extension de l’estimateur Z² à différents types de problèmes non linéaires est faite sans qu’aucun résultat théorique ne soit établi dans ce contexte. L’approche repose seulement sur le fait que la contrainte h~σ est plus précise que la solution éléments finis et assure une meilleure approximation de la solution exacte . Cette propriété est souvent vérifiée, ainsi qu’on le montrera au chapitre 5. Dans la littérature c’est l’estimateur le plus répandu dans le contexte de problèmes non linéaires. Il allie à la fois efficacité et simplicité de mise en œuvre avec de très faibles coûts de calcul. Son intégration dans un code industriel existant se fait aisément et sans contraintes particulières. C’est l’estimateur d’erreur que nous adoptons dans le cadre de ce travail. Il sera intégré dans le logiciel Forge3® pour le pilotage de la procédure d’adaptation du maillage.
Méthode de type Octree
Cette méthode repose sur des techniques de décomposition spatiale. Le domaine Ω est initialement inclus dans une boite contenant des cellules cubiques disjointes et qui constituent une partition de celui-ci. Ces cellules, de tailles variables, sont récursivement subdivisées afin de capturer la frontière de Ω ou satisfaire des consignes sur la taille des éléments. Plusieurs critères d’arrêt de ce processus de subdivision sont possibles. Un exemple de critère est celui que le raffinement d’une cellule cesse dès qu’elle contient au plus un noeud. L’ensemble des cellules forme l’arbre (structure de l’arbre) associé à la décomposition spatiale. La boite englobante constitue la racine de cet arbre. Une fois l’arbre construit (Ω est décomposé en plusieurs cellules) l’algorithme consiste à appliquer, de manière itérative, les étapes suivantes :
1. supprimer les cellules extérieures au domaine à mailler ;
2. décomposer les cellules restantes en tétraèdres. La réunion de ces tétraèdres formera le maillage du domaine ;
3. éliminer, dans ces cellules, les tétraèdres qui sont extérieurs au domaine ;
4. régulariser le maillage en déplaçant les nœuds frontières sur la surface du domaine à mailler ;
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre 1 Problème mécanique: formulation et méthode de résolution
1.1 Modélisation mécanique du forgeage
1.1.1 Équation de l’équilibre dynamique
1.1.2 Équation de l’incompressibilité
1.1.3 Les conditions aux limites
1.1.4 Les lois de comportement
1.1.4.1 Lois rhéologiques
1.1.4.2 Lois de frottement
1.1.5 Le problème mécanique à résoudre
1.2 Discrétisation du problème mécanique
1.2.1 Formulation faible
1.2.2 Discrétisation spatiale
1.2.3 Discrétisation temporelle
1.2.4 Traitement du contact
1.3 Résolution numérique du problème discret
1.4 Remaillage et transport des variables
1.4.1 Transport P1
1.4.2 Transport P0
Chapitre 2 Estimation d’erreur
2.1 Introduction
2.1.1 Définition de l’erreur
2.1.2 Mesure de l’erreur
2.2 Méthodes d’estimation d’erreur
2.2.1 Estimation d’erreur a priori
2.2.2 Estimation d’erreur a posteriori
2.2.2.1 Problème d’élasticité linéaire
2.2.2.2 Efficacité d’un estimateur d’erreur
2.2.2.3 Estimateurs d’erreur basés sur le calcul des résidus des équations d’équilibre et les sauts des contraintes aux frontières des éléments
2.2.2.4 Estimateurs d’erreur basés sur le concept de l’erreur en relation de comportement
2.2.2.5 Estimateurs d’erreur basés sur la comparaison à une contrainte continue
2.2.2.6 Choix d’un estimateur pour la mise en forme
Chapitre 3 Maillage et adaptation
3.1 Introduction
3.2 Méthodes de génération de maillage d’un domaine à partir du maillage de sa frontière
3.2.1 Méthode frontale
3.2.2 Méthode de type Octree
3.2.3 Méthode de type Delaunay
3.2.3.1 Définitions
3.2.3.2 Méthode de maillage de Delaunay
3.2.4 Méthode de maillage par optimisation topologique
3.2.4.1 Topologie de maillage
3.2.4.2 Critère de volume minimal
3.2.4.3 Génération de maillage par le mailleur topologique
3.2.4.4 Remaillage de la surface et couplage avec le volume
3.2.4.5 Adaptation de maillage : carte de taille
3.3 Techniques d’adaptation de maillage
3.3.1 h- adaptation
3.3.2 r-adaptation
3.3.3 p-adaptation
3.3.4 hp-adaptation
3.4 Stratégies d’optimisation du maillage
3.4.1 Stratégie d’optimisation pour une précision imposée
3.4.2 Stratégie d’optimisation pour un nombre d’éléments maximal imposé
3.5 Traitement de la singularité du problème
3.5.1 Identification des singularités et calcul des taux de convergence réels
3.5.2 Atténuation de l’effet de la singularité par itérations de maillages adaptatifs
Chapitre 4 Techniques de recouvrement
4.1 Introduction
4.2 Technique SPR (Superconvergent Patch Recovery)
4.2.1 Principe de la technique
4.2.2 Recouvrement des contraintes par la technique SPR
4.2.3 Recouvrement SPR sur la frontière du domaine
4.2.4 Technique SPR améliorée
4.2.5 Synthèse
4.3 Technique des différences finies locales
4.3.1 Principe de la technique
4.3.2 Définition du voisinage différences finies
4.3.3 Synthèse
4.4 Technique MPR (Minimal Patch Recovery)
4.4.1 Principe de la technique
4.4.2 Recouvrement MPR sur la frontière du domaine
4.4.3 Synthèse
4.5 Technique REP (Recovery by Equilibrium in Patches)
4.5.1 Principe de la technique
4.5.2 Recouvrement REP sur la frontière du domaine
4.5.3 Technique REP modifiée
4.5.4 Technique REP améliorée : REP2
4.5.5 Synthèse
4.6 Conclusions
Chapitre 5 Estimateurs d’erreur de type Z² : évaluation et étude d’efficacité
5.1 Introduction
5.2 Efficacité des estimateurs d’erreur en élasticité
5.2.1 Présentation du problème d’élasticité étudié
5.2.2 Étude numérique
5.2.2.1 Tests de convergence de la méthode des éléments finis
5.2.2.2 Choix du nombre de voisins pour le recouvrement LO
5.2.2.3 Etude locale
5.2.2.4 Etude globale
5.2.2.5 Application à l’adaptation de maillage et comparaison des estimateurs
5.2.2.6 Synthèse
5.3 Efficacité des estimateurs d’erreur en viscoplasticité
5.3.1 Présentation des problèmes de viscoplasticité étudiés
5.3.1.1 Problème 1 : écrasement d’un lopin cubique entre tas plats
5.3.1.2 Problème 2 : filage d’une barre
5.3.2 Étude numérique
5.3.2.1 Étude locale
5.3.2.2 Étude globale
5.3.2.3 Application à l’adaptation de maillage et comparaison des estimateurs
5.3.2.4 Synthèse
Chapitre 6 Remaillage adaptatif : applications
6.1 Introduction
6.2 Vers une stratégie d’optimisation fiable pour la mise en forme des matériaux
6.3 Applications
6.3.1 Forgeage d’un triaxe
6.3.1.1 Remaillage adaptatif dans la pièce à forger
6.3.1.2 Remaillage adaptatif dans la pièce et les outils
6.3.2 Forgeage d’un engrenage
6.3.3 Filage à travers une filière ellipsoïdale
6.3.4 Forgeage du panneau de commande d’ouverture du train avant d’un avion (A 320)
6.3.5 Problème de poinçonnement d’une tôle
Conclusions et perspectives
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